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Date : 20230809


Dossier : IMM-3825-22

Référence : 2023 CF 1090

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 9 août 2023

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

demandeur

et

DEMAINE ATHOL ASPHALL

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre) de la décision du 12 avril 2022 par laquelle la Section d’appel de l’immigration (la SAI) a accueilli l’appel interjeté par le défendeur et a annulé la mesure de renvoi prise contre lui.

[2] Pour les motifs qui suivent, j’accueillerai la demande.

II. Le contexte

[3] Le défendeur est un citoyen de la Jamaïque et est résident permanent du Canada depuis novembre 1993.

[4] Le 11 mars 2015, il a plaidé coupable à des accusations de possession d’une arme à feu à autorisation restreinte avec des munitions, de port d’une arme dissimulée et de violation d’une interdiction de possession d’armes. Il a été déclaré coupable et condamné à un emprisonnement de deux ans moins un jour pour l’accusation de possession, de 90 jours consécutifs pour celle de port d’une arme dissimulée et de 60 jours consécutifs pour celle de violation d’une interdiction de possession d’armes, pour une peine totalisant plus de deux ans d’emprisonnement.

[5] En octobre 2020, le défendeur a appris que l’Agence des services frontaliers du Canada avait établi un rapport en vertu du paragraphe 44(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR) dans lequel elle a allégué que M. Demaine Athol Asphall était interdit de territoire au Canada, puisqu’en mars 2015, il avait été déclaré coupable de possession d’une arme à feu à autorisation restreinte avec des munitions.

[6] Le défendeur a par la suite retenu les services d’un avocat pour interjeter appel de ses déclarations de culpabilité et de ses condamnations devant la Cour d’appel de l’Ontario au motif qu’en première instance, son avocat ne l’avait pas informé des conséquences indirectes que son plaidoyer de culpabilité pourrait avoir en matière d’immigration et de la gamme de peines que le juge pourrait lui infliger.

[7] Le défendeur a demandé que l’enquête le visant soit reportée en attendant l’issue de son appel en matière criminelle. La Section de l’immigration (la SI) a rejeté la demande du défendeur et, le 1er février 2021, elle a procédé à l’enquête demandée par le demandeur.

[8] À la fin de son enquête, la SI a pris une mesure d’expulsion après avoir conclu que le défendeur était interdit de territoire pour grande criminalité en application de l’alinéa 36(1)a) de la LIPR.

[9] En décembre 2021, le défendeur a présenté une demande d’appel en matière criminelle et le ministère public ne s’est pas opposé. Le 7 janvier 2022, la Cour d’appel de l’Ontario a rendu une ordonnance accompagnée de motifs par laquelle elle a accueilli l’appel et a annulé les déclarations de culpabilité du défendeur : R v Asphall, 2022 ONCA 1.

[10] Le 10 janvier 2022, le défendeur a déposé une demande de prorogation du délai auprès de la SAI pour interjeter appel de la mesure de renvoi prise contre lui. Advenant l’octroi de la prorogation, le défendeur a également demandé qu’il soit fait droit à l’appel en cabinet compte tenu de l’annulation des déclarations de culpabilité.

[11] Le ministre s’est opposé à la demande du défendeur et a fait valoir qu’en application du paragraphe 64(1) de la LIPR, ce dernier n’avait pas de droit d’appel.

[12] Le 1er mars 2022, concluant que l’intérêt de la justice le justifiait dans les circonstances, la SAI a accueilli la demande de prorogation de délai présentée par le défendeur pour interjeter appel.

[13] Par suite de la prorogation de délai accordée pour permettre le dépôt de l’appel, le demandeur et le défendeur ont présenté des observations à la SAI concernant la validité juridique de la mesure de renvoi prise contre le défendeur.

[14] Le 12 avril 2022, la SAI a accueilli l’appel du défendeur et a conclu que la mesure de renvoi n’était plus juridiquement valide au moment de l’appel devant la SAI compte tenu de l’ordonnance de la Cour d’appel de l’Ontario annulant les déclarations de culpabilité visées par le rapport.

[15] Dans cette affaire, la SAI a rendu deux décisions distinctes, une le 1er mars 2022 et l’autre le 12 avril 2022. Dans sa décision du 1er mars, la SAI a examiné la demande de prorogation de délai du défendeur ainsi que la question de sa compétence pour instruire l’appel.

[16] Le demandeur convient qu’une demande de prorogation de délai donne lieu à une décision interlocutoire qui ne peut généralement pas faire l’objet d’un contrôle judiciaire, et il a donc demandé que les deux décisions soient examinées conjointement dans le cadre du présent contrôle judiciaire. Le défendeur ne s’y oppose pas.

III. Les décisions faisant l’objet du contrôle

A. La demande de prorogation de délai

[17] La SAI a conclu qu’elle avait compétence pour instruire l’appel et examiner la demande de prorogation de délai. Pour tirer sa conclusion, elle a examiné plusieurs décisions antérieures de la SAI.

[18] La SAI s’est appuyée sur les décisions Singh c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CanLII 30626 (CA CISR) [Singh] et Campbell c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CanLII 145896 (CA CISR), pour conclure qu’elle avait compétence pour instruire l’appel, dans lesquelles la CISR s’était fondée sur la décision Nabiloo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 125 [Nabiloo], rendue par notre Cour. Elle a toutefois relevé des exemples de décisions où la conclusion contraire a été tirée, notamment dans la décision Rebelo c Canada (Sécurité publique et Protection civile), TC1-19697 [Rebelo]. Cependant, la SAI a préféré le raisonnement suivi dans les décisions Singh et Campbell à celui adopté dans la décision Rebelo.

[19] La SAI a examiné les prétentions de l’appelant fondées sur les commentaires de la juge Snider dans la décision Nabiloo, notamment le fait que Mme Nabiloo pourrait demander une prorogation de délai pour interjeter appel devant la SAI si elle obtenait gain de cause dans le cadre de son appel en matière criminelle.

[20] La SAI a fait remarquer que l’annulation de la déclaration de culpabilité avait pour effet d’annuler la peine. Une peine annulée est une peine qui n’a jamais existé, qui a été infirmée ou cassée : Grenon c Canada (Revenu national), 2017 CAF 167 [Grenon], renvoyant à Singer and Belzberg v JH Ashdown Hardware Co Ltd, [1953] 1 SCR 252, [1953] 2 DLR 625 [Singer].

[21] La SAI a énoncé les quatre facteurs à considérer au moment d’accorder ou non une prorogation de délai pour interjeter appel, lesquels sont indiqués dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Hennelly, 1999 CanLII 8190 (CAF) [Hennelly]. Après avoir conclu que le critère avait été respecté, la SAI a accordé la prorogation de délai.

B. La validité de la mesure de renvoi

[22] La SAI a conclu qu’il n’était pas pertinent pour le ministre de s’appuyer sur la jurisprudence et les guides d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC). Le guide portait sur la réhabilitation et l’acquittement d’accusations criminelles, ce qui n’était pas pertinent pour disposer de l’appel. De plus, le guide ne liait pas la SAI.

[23] La SAI a également conclu que la décision Canada (Citoyenneté et Immigration) c Smith, 2012 CF 582 [Smith] n’aidait pas le ministre. Dans cette affaire, la Cour a examiné la question de savoir si la décision de la SAI de rétablir le sursis à l’exécution de la mesure de renvoi prise contre M. Smith devait être infirmée après que la SAI, dans une décision antérieure, l’eut annulée à la suite de la condamnation de M. Smith pour agression armée. La Cour fédérale a conclu que la SAI n’avait pas compétence pour rétablir le sursis octroyé à M. Smith, car la SAI avait reconnu qu’aucun manquement à un principe de justice naturelle n’avait été commis. De plus, la Cour fédérale a conclu que la SAI avait commis une erreur en qualifiant la décision sous-jacente de nulle et sans effet.

[24] Le ministre s’est également appuyé sur l’affaire Almrei c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 554 [Almrei], dans laquelle il était question du rejet d’une demande de résidence permanente au motif que la preuve sous-jacente justifiant le rejet n’existait plus. La Cour fédérale a conclu que la mesure de renvoi était sans force exécutoire.

[25] Dans sa décision d’annuler le sursis, la SAI a conclu qu’il fallait établir une distinction entre l’affaire dont elle était saisie et l’affaire Smith, car dans l’affaire Smith, la SAI avait reconnu qu’elle n’était pas habilitée à rouvrir l’appel de M. Smith étant donné l’absence de manquement à un principe de justice naturelle. Contrairement à ce qu’elle avait conclu dans la décision Smith, la SAI a conclu en l’espèce qu’elle avait compétence pour instruire l’appel. La SAI a conclu qu’une distinction devait être établie entre la présente affaire et l’affaire Almrei, car cette dernière concernait la décision d’un agent d’immigration, et non la SI.

[26] La SAI a souligné que le demandeur avait un droit d’appel devant la SAI, laquelle tient des audiences de novo. De plus, elle a conclu que la question de la validité juridique de la mesure de renvoi au moment de l’appel était pertinente à l’égard de l’appel prévu au paragraphe 67(1) de la LIPR.

[27] La SAI s’est une fois de plus appuyée sur l’arrêt Singer pour affirmer qu’une décision annulée est une décision qui n’a jamais existé, et sur l’arrêt Grenon pour préciser que le terme « annuler » signifie « infirmer ou casser ».

[28] Selon la SAI, l’annulation de la décision en matière criminelle faisait en sorte qu’elle n’avait jamais existé. Puisque les mesures de renvoi prises au titre de l’alinéa 36(1)a) de la LIPR sont fondées sur des déclarations de culpabilité, et non sur des accusations, et que les personnes accusées bénéficient de la présomption d’innocence, le fait de permettre que la mesure de renvoi demeure valide priverait le demandeur de la présomption d’innocence.

[29] La SAI a fait remarquer qu’elle avait déjà adopté ce raisonnement dans le passé. Dans l’affaire Tshibola c Sécurité publique et Protection civile Canada, TC0-07537, une mesure d’expulsion a été annulée par la SAI à la demande du ministre parce qu’un nouveau procès a été ordonné concernant la déclaration de culpabilité de la personne visée par la mesure. Dans la décision Campbell, une mesure de renvoi a été infirmée par la SAI au motif que les déclarations de culpabilité avaient été infirmées et que la tenue d’un nouveau procès avait été ordonnée. Dans cette affaire, l’annulation de la mesure de renvoi a été motivée par le fait que le fondement sur lequel s’appuyait la mesure de renvoi n’existait plus.

[30] Ainsi, puisque le fondement de la mesure de renvoi prise contre le défendeur n’existait plus, la SAI l’a infirmée.

IV. Les questions en litige et la norme de contrôle

[31] Comme l’a indiqué la SAI, elle ne peut examiner de demandes interlocutoires si elle n’a pas compétence pour instruire l’appel. Je conviens avec le ministre que la seule question en litige en l’espèce est celle de savoir si la SAI est compétente pour entendre l’appel du défendeur.

[32] Le ministre soutient que le défendeur n’avait aucun droit d’appel prévu par la loi et que la SAI a commis une erreur en exerçant sa compétence dans la présente affaire.

[33] Cette question concerne l’interprétation par la SAI de sa loi constitutive. Les parties soutiennent, et j’en conviens, que cela justifie le contrôle de la décision selon la norme de la décision raisonnable. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], au para 25. Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, la Cour « doit s’assurer de bien comprendre le raisonnement suivi par le décideur afin de déterminer si la décision dans son ensemble est raisonnable. Elle doit donc se demander si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » : Vavilov, au para 99.

V. L’interprétation par la SAI de sa compétence pour entendre l’appel était-elle raisonnable?

A. Les observations du demandeur

[34] La possibilité d’interjeter appel d’une mesure de renvoi devant la SAI est limitée par l’article 64 de la LIPR, qui est libellé ainsi :

64 (1) L’appel ne peut être interjeté par le résident permanent ou l’étranger qui est interdit de territoire pour raison de sécurité, pour atteinte aux droits humains ou internationaux, pour sanctions ou pour grande criminalité ou criminalité organisée, ni, dans le cas de l’étranger, par son répondant.

(2) L’interdiction de territoire pour grande criminalité vise, d’une part, l’infraction punie au Canada par un emprisonnement d’au moins six mois et, d’autre part, les faits visés aux alinéas 36(1)b) et c).

64 (1) No appeal may be made to the Immigration Appeal Division by a foreign national or their sponsor or by a permanent resident if the foreign national or permanent resident has been found to be inadmissible on grounds of security, violating human or international rights, serious criminality or organized criminality.

(2) For the purpose of subsection (1), serious criminality must be with respect to a crime that was punished in Canada by a term of imprisonment of at least six months or that is described in paragraph 36(1)(b) or (c).

 

[35] Le ministre demandeur soutient que, par l’adoption de la LIPR, le législateur entendait notamment accorder davantage d’importance à la sécurité nationale et au renvoi sans délai des personnes faisant l’objet d’une mesure d’expulsion pour grande criminalité. Il s’agissait d’un changement par rapport à la loi précédente, qui accordait une plus grande priorité à l’intégration des demandeurs. Le ministre souligne, en outre, qu’une conclusion d’interdiction de territoire n’écarte pas la possibilité de présenter d’autres demandes sous le régime de la LIPR, comme une demande de dispense fondée sur des considérations d’ordre humanitaire au titre de l’article 25.

[36] Le ministre fait également valoir que la Cour d’appel fédérale a récemment précisé que les décideurs habilités par la loi n’ont pas le pouvoir d’annuler les conclusions d’interdiction de territoire : Tapambwa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CAF 34 aux para 47-49, et Subramaniam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CAF 202 aux para 23-25. Le législateur a confié ce pouvoir à la Cour fédérale. Par conséquent, le ministre fait valoir que l’interdiction de territoire du défendeur doit être maintenue.

[37] Le ministre renvoie également au guide d’exécution de la loi pertinent qui prévoit, notamment, ce qui suit :

Même si la personne n’est plus interdite de territoire, cela ne change rien au fait qu’elle était interdite de territoire au moment où la mesure de renvoi a été lancée. Par conséquent, le statut de résident permanent est perdu.

(ENF 10 Renvois, point 8.6)

[38] La SAI est une création de la loi. Par conséquent, le droit d’appel doit être prévu dans la loi habilitante. Le ministre soutient que la SAI s’est concentrée sur l’aspect de novo de l’appel, et non sur la question de savoir si l’appel avait été formé régulièrement, ce qui est, selon lui, déraisonnable. Le ministre compare la situation à ce qui se passe devant la Cour d’appel fédérale, où l’examen d’une question certifiée est un examen de novo, mais doit nécessairement découler d’une question certifiée valide : Kunkel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 347 au para 12.

[39] Le ministre souligne que le défendeur a été déclaré interdit de territoire et que le paragraphe 64(1) de la LIPR lui interdit expressément d’interjeter appel devant la SAI. L’annulation des déclarations de culpabilité dont il avait fait l’objet n’a pas modifié rétroactivement le fait qu’il était interdit de territoire.

[40] La juge Snider a expliqué ce qui suit au paragraphe 46 de la décision Almrei :

[L]a décision rendue, avant que ne survienne un changement fondamental de la preuve, n’était pas nulle et non avenue dès sa formation. Cependant, à l’avenir, de telles décisions ne pourront être exécutées, utilisées ni servir de fondement. En l’espèce, la décision de l’agent n’est pas nulle. Ce que je crois cependant, c’est que, en se fondant sur des décisions telles que Kalicharan, le ministre ne peut pas se servir de cette décision pour justifier la prise de mesures additionnelles visant à renvoyer le demandeur du Canada.

[41] Le ministre souligne que la décision Almrei a été rendue après la décision Nabiloo, d’où proviennent les remarques incidentes sur lesquelles la SAI s’est appuyée. En outre, la décision Almrei a été citée avec approbation, notamment au paragraphe 28 de la décision Smith.

[42] Le ministre s’appuie sur la décision Almrei pour soutenir que la conclusion d’interdiction de territoire est tout simplement sans force exécutoire. Elle n’est pas nulle, et il n’y a donc pas de droit d’appel devant la SAI.

[43] Le ministre critique également le fait que la SAI se soit appuyée sur l’arrêt Singer, qui était une affaire civile mettant en cause la responsabilité solidaire de différents défendeurs et qui semble n’avoir jamais été citée dans des décisions en matière criminelle ou d’immigration. De même, l’arrêt Grenon a été tranché dans le contexte législatif d’une « ordonnance conservatoire » rendue au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[44] Dans l’arrêt Therrien (Re), 2001 CSC 35, la Cour suprême a expliqué que le terme « vacate » [annuler] dans le contexte d’une réhabilitation aux termes de la Loi sur le casier judiciaire n’emporte pas nécessairement la rétroactivité de ses effets, précisant qu’il est « possible de rendre nul, de priver de tout effet ou autorité ou d’annuler une chose pour l’avenir seulement » : aux para 117, 121. En outre, lorsque l’intention du législateur est de rendre une procédure criminelle non avenue ab initio, il le précise : voir, par exemple, le paragraphe 579(2) du Code criminel, LRC 1985, c C-46.

[45] Bien que la question n’ait pas été tranchée de façon définitive, le ministre renvoie à un certain nombre de décisions dans lesquelles notre Cour a conclu que l’annulation d’une déclaration de culpabilité en appel n’invalide pas la conclusion d’interdiction de territoire tirée sous le régime de la LIPR : Johnson c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 2 aux para 19-29; Pascale c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 881 au para 46; Chen c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 13 au para 91; Strungmann c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1229 aux para 17-25.

B. Les observations du défendeur

[46] Le défendeur affirme que le ministre a confondu les deux décisions de la SAI dans ses observations.

[47] Le défendeur soutient que le ministre s’appuie sur le paragraphe 64(1) de la LIPR sans tenir compte de la restriction énoncée au paragraphe 64(2), à savoir que « [l]’interdiction de territoire pour grande criminalité vise, d’une part, l’infraction punie au Canada par un emprisonnement d’au moins six mois et, d’autre part, les faits visés aux alinéas 36(1)b) et c) » [souligné par le défendeur]. Le ministre n’a pas traité de cette disposition dans ses observations. Selon le défendeur, son interdiction de territoire pour grande criminalité ne visait plus une « infraction punie ».

[48] Le défendeur fait également référence à la décision Cartwright c Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2003 CFPI 792 au paragraphe 65 (Cartwright), qui définit « l’infraction punie » comme le fait de « condamner à une peine se rapportant au crime à l’égard duquel la déclaration de culpabilité a été prononcée », et qui a été récemment citée avec approbation par notre Cour dans Bouali c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 152 au paragraphe 35. Comme la déclaration de culpabilité du défendeur a été annulée, toute peine connexe est frappée de nullité.

[49] Le défendeur soutient que contrairement à l’affirmation du ministre, il n’a jamais fait valoir que l’annulation de sa déclaration de culpabilité par la Cour d’appel de l’Ontario rendait celle-ci non avenue ab initio. C’est parce que l’ordonnance de la Cour d’appel de l’Ontario n’a pas immédiatement invalidé la mesure de renvoi que le défendeur a présenté une demande de prorogation de délai à la SAI, en suivant la procédure et la logique établies dans la décision Nabiloo.

[50] De plus, le défendeur fait valoir que le ministre a tort de s’appuyer sur la décision Almrei, puisque cette affaire concerne le rejet d’une demande de résidence permanente sur le fondement d’une interdiction de territoire, et non d’un appel auprès de la SAI. La question centrale de la compétence de la SAI à l’égard d’une mesure de renvoi découlant d’une interdiction de territoire pour grande criminalité n’a pas été examinée dans la décision Almrei.

[51] Le défendeur fait valoir que la décision pertinente est Nabiloo, et non Almrei. Dans la décision Nabiloo, la Cour conclut que la SAI peut entendre une demande de prorogation de délai lorsque l’appel interjeté contre une déclaration de culpabilité se traduit par une réduction de la peine. Cette même logique s’applique lorsque la déclaration de culpabilité a été annulée. La SI s’est également appuyée sur la décision Nabiloo pour prendre la mesure de renvoi, puisque suivant la décision Nabiloo, la mesure ne causerait aucun préjudice au défendeur. En effet, ce dernier pourrait présenter une demande de prorogation de délai à la SAI dans l’éventualité où son appel en matière criminel serait accueilli.

[52] Le défendeur affirme qu’à l’origine, le ministre était d’accord avec le raisonnement suivi dans la décision Nabiloo, et qu’il est donc probable que son opposition initiale à la demande de prorogation de délai découlait d’une mauvaise compréhension de l’incidence de l’ordonnance de la Cour d’appel de l’Ontario au plan juridique. Cette mauvaise interprétation explique pourquoi le défendeur s’est contenté d’invoquer les arrêts Singer et Grenon contre le ministre. Le défendeur n’a jamais fait valoir que l’ordonnance de la Cour d’appel de l’Ontario annulait la mesure de renvoi. Selon lui, l’ordonnance de la Cour d’appel de l’Ontario a plutôt conféré compétence à la SAI pour examiner l’appel qu’il a interjeté à l’égard de la mesure de renvoi.

[53] Le défendeur soutient que le demandeur n’a cité aucune décision de jurisprudence, à l’exception de la décision Rebelo, suivant laquelle la SAI n’aurait pas compétence en l’espèce.

[54] Selon le défendeur, le fait que la SAI puisse tenir un appel de novo à l’égard de la mesure de renvoi signifie qu’une distinction doit être établie entre la présente affaire et les affaires Almrei, Tapambwa, et Subramaniam. Dans les affaires Tapambwa et Subramanian, les demandeurs ne disposaient d’aucun droit d’appel devant la SAI. Similairement, dans les affaires Johnson, Pascale, et Strungmann, le demandeur ne disposait d’aucun droit d’appel de novo. Dans la décision Smith, la SAI a conclu qu’elle n’était pas habilitée à rouvrir l’appel, mais cela diffère de l’octroi d’une prorogation de délai. La décision Chen concernait le contrôle judiciaire d’une mesure d’expulsion, la Cour d’appel de l’Ontario ayant rejeté l’appel du demandeur en matière criminelle. En outre, l’affirmation selon laquelle seule la Cour fédérale peut annuler les conclusions d’interdiction de territoire est manifestement erronée compte tenu de l’article 7 de la LIPR.

[55] La SAI a eu raison, selon le défendeur, de souligner qu’elle doit évaluer la validité juridique et factuelle de la mesure de renvoi au moment de l’appel. Cela est conforme à sa compétence de novo.

[56] En s’appuyant sur la priorité accordée à la sécurité pour interpréter la LIPR, le ministre passe à côté de l’essentiel; cela n’a aucune importance dans les cas où une déclaration de culpabilité a été annulée. Le regroupement familial et l’intégration des résidents permanents au Canada constituent aussi des objectifs importants de la LIPR. L’interprétation de la SAI est conforme à ces objectifs.

[57] Le défendeur s’est appuyé sur plusieurs autres décisions de jurisprudence qui, selon lui, confirment le raisonnement adopté par la SAI en l’espèce : Kalicharan c Canada (Le ministre de la Main-d’œuvre et de l’Immigration), [1976] 2 CF 123; Chammam c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CanLII 92800 (CA CISR); Tshibola; Nabiloo, aux paras 19-20. Le raisonnement de la SAI est conforme à ceux qu’elle a adoptés dans le passé, aux directives de notre Cour et au pouvoir que lui confèrent les articles 64 et 67 de la LIPR.

C. Analyse

(1) La compétence de la SAI

[58] Les parties mettent l’accent sur différents aspects du droit pour étayer leurs thèses. À mon avis, le différend découle principalement du fait que le ministre demandeur met l’accent sur la question du moment où une personne jugée interdite de territoire peut interjeter appel devant la SAI, alors que le défendeur insiste sur la nature de novo des appels interjetés devant la SAI, lesquels permettent de corriger des situations où le fondement rationnel sur lequel repose la décision n’existe plus. J’estime que le raisonnement du ministre est le plus conforme à la LIPR et à la jurisprudence de notre Cour.

[59] Il est erroné de mettre l’accent sur la nature de novo des appels devant la SAI, car cela présuppose qu’elle est habilitée à les entendre. La logique impose de se poser la question de l’existence de la compétence avant celle de son exercice.

[60] Selon le paragraphe 64(1) de la LIPR, un étranger interdit de territoire pour grande criminalité ne peut interjeter appel d’une mesure de renvoi devant la SAI. Le paragraphe 64(2) indique également que la « grande criminalité vise, d’une part, l’infraction punie au Canada par un emprisonnement d’au moins six mois et, d’autre part, les frais visés aux alinéas 36(1)b et c) ».

[61] En étudiant de près le libellé du paragraphe 64(1), on constate qu’il n’existe aucun droit d’appel lorsqu’un résident permanent « est interdit de territoire » [non souligné dans l’original]. Comme l’a conclu la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Tapambwa, cela « fait référence au fait qu’une fois que l’on a déterminé que le demandeur est interdit de territoire, celui[-]ci demeure interdit de territoire » : au paragraphe 46. L’interdiction de territoire n’est pas synonyme de grande criminalité. En l’occurrence, il s’agit d’un statut et d’une décision, ainsi que du résultat d’une enquête menée par la SI en tenant compte des faits et du droit pertinents. Dans la décision Kalicharan, une mesure d’expulsion a été prise le 5 février 1976 et le juge Mahoney de notre Cour a affirmé que, « [l]e 5 février 1976, le requérant était une personne décrite au paragraphe 18(1)e)(ii) et donc sujet à expulsion » [Non souligné dans l’original.] : Kalicharan, à la p 125.

[62] Comme la juge Heneghan de notre Cour l’a énoncé avec justesse dans la décision Cartwright au paragraphe 67, « “[p]unir” une personne pour une infraction consiste à lui infliger une sanction judiciaire; à la condamner à une peine se rapportant au crime à l’égard duquel la déclaration de culpabilité a été prononcée » (décision citée avec approbation dans l’arrêt Martin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 347 au para 5). En outre, elle a affirmé que « le paragraphe 64(2) renvoie à l’emprisonnement auquel le contrevenant a été condamné, c’est-à-dire la peine infligée, plutôt qu’à la période réellement passée en prison » (Cartwright,au para 71). Dans l’affaire Cartwright, cela signifiait que la libération conditionnelle du demandeur après avoir purgé 10 mois de sa peine ne changeait rien au fait qu’il avait été condamné à une peine de 4 ans, et que c’était ces 4 ans qui devaient être considérés aux fins du paragraphe 64(2). Cela vaut également en l’espèce. C’est-à-dire que la peine pertinente est celle qui a été imposée pour la déclaration de culpabilité et qui prévalait au moment où la décision d’interdiction de territoire a été rendue par la SI.

[63] Comme le souligne à juste titre le défendeur, la SAI tient des audiences de novo et doit analyser les questions de fait et de droit telles qu’elles se présentent au moment de l’audience. Toutefois, la SAI doit d’abord être habilitée à entendre l’appel. En mettant l’accent sur le fait que la déclaration de culpabilité et la peine connexe n’existent plus depuis qu’elles ont été annulées par la Cour d’appel de l’Ontario, le défendeur fait fi de la question de la compétence de la SAI à connaître des appels. Évidemment, dans l’éventualité où le défendeur aurait disposé d’un droit d’appel devant la SAI, l’annulation de la déclaration de culpabilité et de la peine aurait été d’une importance et d’une pertinence primordiales. Toutefois, il n’a pas ce droit. J’estime que la comparaison établie par le ministre avec les questions certifiées est pertinente. Avant de pouvoir tenir une audience de novo, la SAI doit être saisie d’un appel par le biais d’un mécanisme prévu par la loi, tout comme la Cour d’appel fédérale doit être saisie au titre de la LIPR.

[64] Le défendeur fait valoir que la décision Kalicharan appuie son point de vue.

[65] Je ne suis pas du même avis. Dans la décision Kalicharan, notre Cour a octroyé un bref de prohibition contre une mesure d’expulsion visant le demandeur après l’annulation de sa déclaration de culpabilité par la Cour d’appel de l’Ontario. « En appliquant la décision Kalicharan aux faits qui me sont présentés, elle semble soutenir l’argument qu’une mesure d’expulsion, ou autre mesure, visant à renvoyer le demandeur du Canada ne puisse être exécutée, rien de plus » : Almrei, au para 38; Smith, au para 29.

[66] Je ne suis pas convaincue, pour plusieurs raisons, que les remarques incidentes de la juge Snider dans la décision Nabiloo représentent l’état actuel du droit. Premièrement, comme je l’ai indiqué précédemment, elles sont contraires au sens ordinaire des paragraphes 64(1) et (2) de la LIPR, qui interdisent la tenue d’un appel devant la SAI lorsque la SI a conclu à l’interdiction de territoire pour grande criminalité. Ensuite, parce que la juge Snider a aussi rendu la décision Almrei, qui contredit la décision Nabiloo. Troisièmement, la SAI ne semble pas avoir une interprétation établie de la décision Nabiloo – par exemple, la SAI a retenu les remarques incidentes de la juge Snider dans Xu c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CanLII 142843 (CA CISR), mais pas dans Kidd c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CanLII 61870 (CA CISR). Quatrièmement, notre Cour semble ne jamais avoir cité la décision Nabiloo de manière approbatrice à l’égard de la thèse énoncée dans les remarques incidentes de la juge Snider, au paragraphe 20 de cette décision. Cinquièmement, les remarques incidentes de la juge Snider dans la décision Nabiloo ne font que renvoyer à la décision Rumpler c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (CF), 2006 CF 1485; mais dans la décision Rumpler, la Cour a examiné l’interdiction de territoire pour motif de criminalité, pour lequel il existe un droit d’appel auprès de la SAI, ce qui n’est pas le cas pour la grande criminalité.

[67] Par conséquent, quel sens faut-il donner à l’annulation de la déclaration de culpabilité du défendeur par la Cour d’appel de l’Ontario? La réponse se trouve à la fois dans la décision Almrei et dans la décision Kalicharan, plus ancienne. L’annulation constitue clairement un changement fondamental de la preuve, et elle doit être considérée comme la juge Snider l’a indiqué au paragraphe 46 de la décision Almrei :

[L]a décision rendue, avant que ne survienne un changement fondamental de la preuve, n’était pas nulle et non avenue dès sa formation. Cependant, à l’avenir, de telles décisions ne pourront être exécutées, utilisées ni servir de fondement. En l’espèce, la décision de l’agent n’est pas nulle. Ce que je crois cependant, c’est que, en se fondant sur des décisions telles que Kalicharan, le ministre ne peut pas se servir de cette décision pour justifier la prise de mesures additionnelles visant à renvoyer le demandeur du Canada.

[Non souligné dans l’original.]

[68] Par conséquent, comme l’affirme le ministre demandeur, la jurisprudence établit qu’une conclusion d’interdiction de territoire fondée sur une déclaration de culpabilité annulée, et pour laquelle il n’existe pas de droit d’appel devant la SAI, est sans force exécutoire.

[69] Le défendeur soutient que les affaires Almrei, Tapambwa, Subramaniam, Johnson, Pascaleet Strungmann ne sont pas pertinentes parce qu’aucune de ces affaires ne concernait une personne faisant l’objet d’une mesure de renvoi pour laquelle il existait un droit d’appel. Toutefois, comme je l’ai souligné précédemment, cela équivaut à placer la charrue devant les bœufs ou, plutôt, la compétence avant son exercice valide.

[70] En ce qui concerne les appels devant la SAI, une personne visée par une mesure de renvoi prise par la SI, mesure qui découle d’une interdiction de territoire pour grande criminalité, n’est pas différente d’une personne visée par une mesure de renvoi prise par un agent – ni l’une ni l’autre ne dispose d’un droit d’appel prévu par la loi.

[71] Les parties ne s’entendent pas sur le sens qu’il faut donner à l’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario qui annule la déclaration de culpabilité du défendeur et qui ordonne la tenue d’un nouveau procès. Je reprends à mon compte l’analyse de la juge Snider dans la décision Almrei à l’égard des répercussions d’une réhabilitation par rapport à un acquittement, selon ce qu’a énoncé le juge MacKay dans la décision Smith, et j’affirme ce qui suit : « que l’on eût eu affaire à un acquittement ou à une réhabilitation, la répercussion sur la décision d’immigration n’aurait pas été différente. La question [...] n’était pas de savoir si la réhabilitation avait pour effet d’infirmer dès sa formation une déclaration de culpabilité au criminel, mais la question, relevant du droit administratif, était plutôt de savoir si la décision d’immigration pouvait être infirmée » : Almrei, au para 44.

[72] Pour ces motifs, je conclus que la décision de la SAI selon laquelle elle avait compétence pour entendre l’appel du défendeur était déraisonnable. Les paragraphes 64(1) et (2) de la LIPR excluent les appels visant les conclusions d’interdiction de territoire pour grande criminalité. La question de la grande criminalité est du ressort de la SI et, une fois tranchée, la décision de la SI est définitive, à moins qu’elle ne soit visée par une demande de contrôle judiciaire et que cette dernière soit accueillie. Toutefois, lorsqu’une déclaration de culpabilité servant de justification à une mesure de renvoi pour grande criminalité est annulée, toute mesure de renvoi prise sur le fondement de cette déclaration de culpabilité est sans force exécutoire.

[73] Le contrôle d’une décision selon la norme de la décision raisonnable commande la déférence à l’égard des décideurs administratifs qui interprètent leur loi constitutive. Néanmoins, il n’est pas raisonnable qu’un décideur dont la compétence est prévue par la loi s’octroie des pouvoirs que cette dernière ne lui confère pas.

(2) La prorogation de délai

[74] Le défendeur convient que la prorogation de délai pour interjeter appel ne peut être octroyée lorsqu’il n’existe pas de droit d’appel. Par conséquent, la décision de la SAI d’octroyer une telle prorogation au défendeur était déraisonnable.

VI. Conclusion

[75] J’accueillerai la présente demande pour les motifs exposés ci-dessous.

[76] La SAI a interprété la LIPR de manière déraisonnable en considérant qu’elle lui donnait le pouvoir d’entendre des appels qu’elle n’avait explicitement pas le droit d’entendre.

[77] La décision de la SAI infirmant la mesure de renvoi est annulée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-3825-22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande est accueillie.

  2. La décision de la SAI infirmant la mesure de renvoi est annulée.

« E. Susan Elliott »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3825-22

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION c DEMAINE ATHOL ASPHALL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 1er JUIN 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS

LA JUGE ELLIOTT

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 9 AOÛT 2023

 

COMPARUTIONS :

Christopher Ezrin

POUR LE DEMANDEUR

 

Benjamin Liston

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Bureau du droit des réfugiés

Aide juridique Ontario

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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