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Date : 20060104

Dossier : T-430-05

Référence : 2006 CF 4

OTTAWA (Ontario), ce 4ième jour de janvier 2006

EN PRÉSENCE DE L'HONORABLE PAUL U.C. ROULEAU

ENTRE :

9058-3956 QUÉBEC INC.

ET 2970-7528 QUÉBEC INC.

ET 9005-0659 QUÉBEC INC.

Demanderesses

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE, À TITRE DE MINISTRE RESPONSABLE DE L'AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA ET LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL (À TITRE DE MINISTRE RESPONSABLE) DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

Défendeurs

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                 La présente est une demande de révision judiciaire présentée en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985) ch. F-7, à l'encontre d'une décision prise le 9 février 2005 par M. Yvan Bélanger, Agent des services des politiques commerciales (l'agent) à l'Agence des services frontaliers du Canada (l'ASFC), dans laquelle il rejette les demandes de drawback des trois demanderesses, celles-ci ayant été jugées incomplètes.

[2]                 Un drawback est un remboursement total ou partiel des droits ou taxes d'importation, lorsque les biens importés sont réexportés ou incorporés dans d'autres produits destinés à l'exportation. Les trois demandes de drawback ont été présentées à l'ASFC en vertu de l'article 113(1) du Tarif des douanes, L.C. 1997, ch. 36 (le Tarif).

[3]                 Les demanderesses exportent des véhicules, qu'elles ont achetés au Canada à l'état neuf et sans les avoir utilisés, en les confiant à des courtiers en douanes et à des transporteurs spécialisés. Ces véhicules ne sont toutefois pas importés par les demanderesses.

[4]                 Ces véhicules ont été importés au Canada par des manufacturiers automobiles qui les auraient ensuite vendus aux concessionnaires canadiens. Depuis quelques années, les manufacturiers interdisent aux concessionnaires de vendre ces véhicules pour fins d'exportation ou de revente (Voir notamment la lettre de GM No. 2002-050, pièce C de l'affidavit de M. Roger Boutin, Vol. 1 du dossier des demanderesses à la p. 97.2)

[5]                 Les demanderesses semble avoir acquis ces véhicules auprès de revendeurs qui eux, les auraient acquis des concessionnaires.

[6]                 Chaque demanderesse déposa, auprès de l'ASFC, une demande de drawback accompagnée de la liste des véhicules neufs exportés et d'une lettre exposant les motifs au soutien de sa demande :

-          Le 4 janvier 2005 par 9058-3956 Québec Inc. relativement à 99 voitures (Directeur général : Roger Boutin).

-          Le 12 janvier 2005 par 2970-7528 Québec Inc. relativement à 148 voitures (Directeur général : Sarkis Minassian).

-          Le 13 janvier 2005 par 9005-0659 Québec Inc. relativement à 31 voitures (Président : Dany Lamoureux).

[7]                 Dans leurs lettres explicatives accompagnant les demandes de drawback, les demanderesses expliquaient qu'elles ne possédaient pas certains renseignements douaniers concernant les véhicules exportés, à savoir :

-          Les dates d'importation des véhicules visés par les demandes de drawback;

-          Le lieu d'entrée au Canada desdits véhicules;

-          Le type de devise utilisé par l'importateur;

-          La valeur en douane exacte déclarée de chaque véhicule;

-          Les droits de douanes imposés et payés pour chaque véhicule;

-          Le numéro du port d'entrée où ces véhicules ont été importés au Canada;

-          Le numéro d'importateur et le numéro de transaction pour lesdits véhicules;

-          La date de mainlevée des véhicules suite à leur importation et dédouanement.

[8]                 Les demanderesses ont donc demandé à l'ASFC de leur fournir ces renseignements.

[9]                 Ceci étant dit, les demanderesses n'ont pas fourni d'avis de renonciation (le formulaire K32-A) au moment ou elles soumettaient leurs demandes de drawback, allant ainsi à l'encontre de l'article 119 du Tarif :

119. Les demandes présentées en vertu des articles 110 ou 113 comportent, en la forme prescrite par le ministre du Revenu national, la renonciation par laquelle toute autre personne admissible au drawback, au remboursement ou à la remise des droits y renonce.

119. An application under section 110 or 113 must be accompanied by a waiver, in the prescribed form, from every other person eligible to claim a drawback, refund or remission of the duties in respect of which the application is made, waiving that person's right to apply for the drawback, refund or remission.

[10]            Dans une décision datée du 9 février 2005 rendue par l'agent Yvan Bélanger de l'ASFC, les demandes de drawback des demanderesses ont été rejetées. Cette décision se lit ainsi :

Par la présente, j'accuse réception de vos demandes de drawback (M251077 - M251078 - M251079) datées du 27 janvier dernier. Les remboursements de taxes d'accise, que vos clients ont reçus, ne relèvent pas du mandat de l'ASFC mais de l'ARC (l'Agence du Revenu du Canada). En ce qui concerne l'ASFC, la loi sur les douanes et sur le Tarif des Douanes, nos exigences sont différentes.

Étant donné que les présentes demandes sont incomplètes (manque de documents exigibles, tel que les K32-A émis par les importateurs originaux cédant à vos clients le droit de réclamer les droits de douane payées sur les valeurs originales des véhicules au temps de l'importation ainsi que les numéros et les dates des documents d'importation des dits véhicules, le numéro d'importateur des différents clients) elles sont donc rejetées.

Étant donné qu'il n'y a pas de mécanisme formel d'appel dans le programme de drawback au niveau régional. Il vous sera possible uniquement de faire appel de cette décision au directeur des programmes de drawback de l'administration centrale à Ottawa, qui étudiera votre demande et les justificatifs présentés, afin de rendre une décision finale.

[11]            Le formulaire K32-A est le formulaire dans lequel les autres personnes admissibles au drawback renoncent à ce bénéfice. En l'espèce, les autres personnes admissibles au drawback sont les importateurs de ces véhicules.

[12]            Les demanderesses, en se fondant sur l'article 9 (1) du Règlement sur le remboursement et le drawback relatifs aux marchandises importées et exportées, DORS/96-42 (le Règlement), affirment qu'elles ont droit au drawback :

9. (1) Sous réserve du paragraphe (2), un drawback peut être demandé par toute personne qui est l'importateur ou l'exportateur des marchandises importées ou exportées ou qui en est le propriétaire, le transformateur ou le producteur entre le moment de leur expédition directe vers le Canada et celui de leur exportation ou exportation réputée.

9. (1) Subject to subsection (2), a drawback may be claimed by any person who is the importer or exporter of the imported or exported goods, or is the processor, owner or producer of those goods between the time of their direct shipment to Canada and their export or deemed export.

[13]            Les demanderesses allèguent que l'agent a commis une erreur de droit en exigeant que les demanderesses démontrent que les importateurs originaux ont renoncés au bénéfice du drawback. D'après elles, cette renonciation s'est effectuée automatiquement lorsque les importateurs originaux ont vendus aux concessionnaires les véhicules qu'ils avaient importés au Canada.

[14]            En achetant ces véhicules des revendeurs, qui eux les avaient auparavant acheté des concessionnaires, les demanderesses soumettent que les revendeurs ont garanti aux demanderesses que le bien était libre de droits et donc que les droits de douane, les taxes d'accise ou autre droits ou taxes imposés en amont par toute loi fédérale avaient été payés.

[15]            Les demanderesses affirment qu'elle ne pouvait pas se procurer l'avis de renonciation parce qu'elles font compétition aux manufacturiers pour la vente de véhicules neufs sur les marchés étrangers. Afin d'empêcher cette compétition, les concessionnaires canadiens d'automobiles n'ont pas le droit, sous peine de pénalité imposées par les manufacturiers, de vendre des véhicules neufs aux fins d'exportation et de revente. Les demanderesses prétendent qu'il leur était impossible de demander aux concessionnaires vendeurs ou aux importateurs originaux un avis de renonciation et les renseignements qu'il leur manquait sous peine de ne pas pouvoir acquérir de véhicules. Une telle demande aurait potentiellement pu donner aux manufacturiers un recours contre les concessionnaires vendeurs et, du même coup, contre les demanderesses.

[16]            Dans l'éventualité où la Cour reconnaît que les demanderesses ont droit au drawback, celles-ci soumettent, en s'appuyant sur l'article 107(5) de la Loi sur les douanes, que l'agent a le pouvoir de fournir un renseignement douanier, permettre qu'il soit fourni ou y donner accès lorsqu'une demande de drawback lui est présentée en vertu de l'article 113(1) du Tarif des douanes.

[17]            Comme la Loi sur les douanes permet à l'agent, notamment pour une demande de drawback, de communiquer les renseignements, ceux-ci pouvaient être transmis aux demanderesses en leur qualité d'exportateurs des véhicules. Les demanderesses avaient donc la qualité requise pour obtenir les renseignements douaniers.

[18]            D'après les demanderesses, la décision de l'agent de ne pas donner accès aux renseignements demandés est déraisonnable, celui-ci s'étant illégalement abstenu d'exercer son pouvoir discrétionnaire. L'agent a subordonné l'exercice de sa décision au bon vouloir d'un tiers : l'importateur original du véhicule. Ainsi, l'agent a refusé d'exercer sa juridiction suite à son interprétation erronée de l'étendue de sa compétence. Bref, le remède recherché est une demande en mandamus.

[19]            Afin de s'assurer que le drawback ne soit octroyé plus d'une fois par l'ASFC, les défendeurs avancent que les demanderesses avaient l'obligation de produire un avis de renonciation aux termes de l'article 5 du Règlement :

5. Une demande de drawback aux termes de la présente partie peut être présentée lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) les marchandises sont exportées ou réputées l'être avant la présentation de la demande;

b) le demandeur fournit une renonciation au bénéfice du drawback, d'un remboursement ou d'une remise des droits par toute personne ayant droit de réclamer ce bénéfice.

5. An application for a drawback under this Part may be made where

(a) the goods were exported or deemed to have been exported before the application for drawback is made; and

(b) the applicant provides a waiver from all other persons entitled to claim a drawback, refund or remission of the duties, waiving their right to do so.

[20]            Comme les demanderesses n'ont pu obtenir d'avis de renonciation de la part des importateurs, elles ne peuvent se faire octroyer le drawback. Les défendeurs soumettent donc que sans l'avis de renonciation, le décideur pouvait raisonnablement refuser l'octroi des drawbacks, les parties n'ayant pas pu démontrer qu'elles sont les seules titulaires du bénéfice au drawback.

[21]            Par ailleurs, les défendeurs soutiennent que même si la Cour jugeait que les demanderesses avaient droit au drawback, celle-ci ne saurait ordonner aux défendeurs de communiquer les renseignements douaniers recherchés. Les défendeurs avancent que l'article 107(5) de la Loi sur les douanes donne au fonctionnaire le pouvoir discrétionnaire de fournir un renseignement douanier, de permettre qu'il soit fourni ou d'y donner accès. D'après les défendeurs, l'exercice de ce pouvoir est totalement facultatif. De ce fait, et en s'appuyant sur les critères de l'arrêt Apotex Inc. c. Canada [1994] 1 C.F. 742, les défendeurs soumettent que la conclusion mandatoire recherchée par les demanderesses ne saurait être émise, les critères du mandamus n'étant pas remplis.

[22]            Par ailleurs, les défendeurs soutiennent que même si la Cour devait permettre le mandamus à l'encontre de la décision de l'agent, ce mandamus ne serait d'aucune utilité, du fait que certains des renseignements recherchés par les demanderesses ne soient pas détenus par les défendeurs. Par exemple, les défendeurs avancent qu'ils ne connaissent pas la valeur en douanes de chaque véhicule, à moins que ceux-ci soient importés individuellement. Quant au numéro d'importateur, les défendeurs prétendent que ceux-ci ne peuvent être obtenus que lors d'un exercice de conciliation avec les documents de l'importateur parce que les détails ont été soumis non pas en vertu de la Loi sur les douanes mais plutôt en vertu de la Loi sur la sécurité automobile. Au regard des critères de l'arrêt Apotex, les défendeurs soumettent qu'ils n'ont pas d'obligation légale à caractère publique d'opérer un tel exercice de conciliation.

[23]            Les questions en litige sont les suivantes :

1)      Quelle est la norme de contrôle applicable à la révision de la décision de l'office fédéral?

2)      L'office a-t-il commis une erreur de droit nécessitant l'intervention de la Cour lorsqu'il a rejeté les demandes de drawback des demanderesses, au motif que celles-ci n'étaient pas appuyées des avis de renonciation au bénéfice du drawback de la part des importateurs originaux?

3)      Dans l'éventualité où la réponse à cette question est favorable aux demanderesses, la question suivante consiste à se demander si l'agent avait le pouvoir discrétionnaire de fournir les renseignements douaniers aux demanderesses et, dans l'affirmative, s'il a commis une erreur dans l'exercice de son pouvoir.

ANALYSE

1)      Quelle est la norme de contrôle applicable à la révision de la décision de l'ASFC?

[24]            Les demanderesses n'ont pas abordé cette question dans leur mémoire des faits et du droit. Quant à eux, les défendeurs affirment que la norme de contrôle relative à la décision de l'ASFC est celle de la décision raisonnable simpliciter.

[25]            À la lumière des critères pragmatiques et fonctionnels tel que réitérés dans l'arrêt Dr. Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, il est possible de conclure que la norme applicable à la décision de l'ASFC est celle de la décision correcte.

[26]            D'abord, mentionnons que le Tarif des douanes ne contient pas de clause privative qui pourrait permettre de soustraire la décision de l'ASFC au pouvoir de contrôle judiciaire.

[27]            Ensuite, mentionnons que l'expertise de la Cour est semblable à celle de l'ASFC en ce qui a trait à l'interprétation législative des dispositions du Tarif des douanes et des Règlements connexes qui s'avèrent pertinents à la présente affaire.

[28]            Quant à la question de savoir si le Tarif des douanes est une loi à caractère polycentrique, le juge Shore établi ce qui suit dans l'arrêt A & R Dress Co. Inc. v. Canada (Minister of National Revenue), 2005 FC 681, [2005] F.C.J. No. 861 (QL) au para. 15:

The Customs Tariff provides for duties imposition and duties relief. Section 109 and following of the Customs Tariff provide for duties relief in respect of obsolete and surplus goods. This is not a polycentric issue, where competing rights are at stake. It is a question of whether these sections entitle an entity to a refund. This factor points to a low deferential standard of review.

[29]            Bien que la présente affaire traite d'une demande de drawback en vertu d'une autre disposition du Tarif des douanes, ce passage semble néanmoins s'appliquer aux présents faits.

[30]            Quant à la nature de la question dans la présente affaire, elle peut être qualifiée comme en étant une de faits et de droit.

2)      L'office a-t-il commis une erreur de droit nécessitant l'intervention de la Cour lorsqu'il a rejeté les demandes de drawback des demanderesses, au motif que celles-ci n'étaient pas appuyées des avis de renonciation au bénéfice du drawback de la part des importateurs originaux?

[31]            Les défendeurs acceptent d'emblée que les demanderesses font partie des personnes ayant droit au drawback. Elles avancent par contre que les demanderesses ne sont pas les seules à posséder ce droit.

[32]            Les défendeurs soumettent que le droit au drawback est cessible et que de ce fait, l'avis de renonciation est nécessaire afin que l'ASFC puisse s'assurer de ne pas octroyer plus d'une fois le drawback.

[33]            Normalement, la façon déterminée par le législateur pour que le demandeur se décharge du fardeau de démontrer qu'il est l'unique bénéficiaire du droit au drawback est de produire le document K32-A, un formulaire aux termes duquel toute autre personne ayant droit au bénéfice du drawback y renonce.

[34]            En l'espèce, en faisant auprès de l'ASFC une demande de drawback, le fardeau incombait aux demanderesses de démontrer que le droit au bénéfice du drawback leur a été cédé lors de la vente des véhicules énumérés aux affidavits.

[35]            Les défendeurs allèguent que l'ASFC ne saurait être forcée d'octroyer un drawback relatif à un véhicule parce qu'une personne demandant le drawback est dans l'impossibilité de démontrer qu'elle est l'unique bénéficiaire de ce droit.

[36]            Quant à elles, les demanderesses disent ne pas avoir besoin de démontrer la renonciation d'autres personnes car elles sont les seules à avoir le droit d'obtenir un drawback, étant les exportatrices de leurs propres véhicules.

[37]            Les demanderesses affirment aussi que l'office a erré dans son interprétation trop libérale des personnes qui sont admissibles au drawback.

L'historique législatif

a) le règlement de 1973

[38]            Dans le Règlement sur les drawbacks relatifs aux marchandises importées et exportées, DORS/73-97, le législateur semble, de par l'usage du conditionnel, vouloir requérir que la renonciation provienne de toute personne qui a la possibilité de demander le droit au drawback, sauf bien sûr le demandeur.

3. Sous réserve du présent règlement, le Ministre autorise le paiement à l'exportateur ou à l'importateur d'un drawback de quatre-vingt-dix-neuf pour cent des droits de douane et des taxes d'accise payés sur des marchandises importées (...)

5. Une demande de drawback doit

b) (être) accompagnée de

(i) renonciations émanant de toute personne, sauf le demandeur, qui, en vertu du présent règlement, aurait le droit de demander un drawback, et

(ii) (...)

3. Subject to these Regulations, the Minister shall authorize the payment to an exporter or importer of goods of a drawback of ninety-nine per cent of the Customs duty and excise taxes paid on imported goods that are exported (...)

5. A claim for drawback shall

b)be accompanied by

(i)waivers from any person, other than the claimant, who, pursuant to these Regulations, could be entitled to claim a drawback ,and

(ii) (...)

b) le Règlement de 1978

[39]            En 1978, certaines modifications au Règlement entrèrent en vigueur par l'entremise du Règlement sur les drawbacks relatifs aux marchandises importées et exportées, DORS/78-374. Le législateur avait ainsi voulu permettre à d'autres catégories de personnes de pouvoir bénéficier au drawback. Par contre, le législateur utilisa un vocabulaire différent lorsqu'il traite des personnes dont la renonciation est nécessaire afin de permettre au demandeur de bénéficier au drawback. Ceci étant dit, le sens du texte est clair et l'utilisation du conditionnel permet, encore une fois, de conclure que le législateur voulait ainsi requérir que la renonciation émane de toute personne qui a la possibilité de demander le drawback.

3. Sous réserve du présent règlement, le ministre doit autoriser le paiement à l'exportateur, au fabricant ou au producteur des marchandises exportées, d'un drawback des droits de douane et des taxes de vente et d'accise payés pour (...)

6. (1) Une demande de drawback doit être

b) accompagnée desrenonciations de toute autre personne qui, aux termes de ce règlement, serait fondée à demander un drawback (...)

3. Subject to these Regulations, the Minister shall authorize the payment to the exporter, manufacturer or producer of goods as exported of a drawback of the customs duty, sales and excise taxes paid on or in respect of (...)

6. (1) A claim for drawback shall

(b) be accompanied by waivers from any other person who, pursuant to these Regulations, would be entitled to claim a drawback (...)

c) le Règlement de 1986

[40]            En 1986, le Règlement sur le drawback relatif aux marchandises importées et exportées, DORS/86-795 modifia encore une fois les catégories de personnes qui pouvaient déposer une demande de drawback. On remarque aussi l'usage du pluriel dans la section traitant des personnes dont on requiert l'avis de renonciation. Bref, le demandeur devait fournir une demande de renonciation de la part de toutes les personnes ayant droit de demander le drawback.

3. Un drawback ne peut être demandé que par l'importateur ou l'exportateur des marchandises importées et ultérieurement exportées.

5. Un drawback ne peut être accordé que si :

(c) le demandeur fournit, en la forme déterminée, une déclaration de renonciation en vertu de laquelle toutes les personnes ayant le droit de demander un drawback, un remboursement ou une remise des droits renoncent à ce droit.

3. A drawback may only be claimed by an importer or exporter of the imported goods subsequently exported.

5. A drawback may only be granted if:

(c) the applicant provides a waiver, in the prescribed form, from all other persons entitled to claim a drawback, refund or remission of the duties, waiving their right to do so.

d) le Règlement de 1996

[41]            En 1996, le Règlement sur le remboursement et le drawback relatifs aux marchandises importées et exportées, DORS/96-42 stipule quant à lui que le demandeur doit fournir une renonciation par toute personne ayant droit de réclamer ce bénéfice. Le législateur laissa tomber l'usage du pluriel dans la portion de la disposition qui traite des personnes dont la renonciation au bénéfice du drawback est requise. C'est l'article 9(1) du Règlement qui stipule les catégories de personnes qui peuvent demander le drawback.

5. Une demande de drawback aux termes de la présente partie peut être présentée lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) les marchandises sont exportées ou réputées l'être avant la présentation de la demande;

b) le demandeur fournit une renonciation au bénéfice du drawback, d'un remboursement ou d'une remise des droits par toute personne ayant droit de réclamer ce bénéfice.

9. (1) Sous réserve du paragraphe (2), un drawback peut être demandé par toute personne qui est l'importateur ou l'exportateur des marchandises importées ou exportées ou qui en est le propriétaire, le transformateur ou le producteur entre le moment de leur expédition directe vers le Canada et celui de leur exportation ou exportation réputée.

5. An application for a drawback under this Part may be made where:

(a) the goods were exported or deemed to have been exported before the application for drawback is made; and

(b) the applicant provides a waiver from all other persons entitled to claim a drawback, refund or remission of the duties, waiving their right to do so.

9. (1) Subject to subsection (2), a drawback may be claimed by any person who is the importer or exporter of the imported or exported goods, or is the processor, owner or producer of those goods between the time of their direct shipment to Canada and their export or deemed export.

[42]            Les demanderesses allèguent qu'elles n'ont pas besoin de fournir un avis de renonciation de la part des importateurs car elles sont les seuls à bénéficier du droit au drawback.

[43]            Étant donné que le sens à donner à l'étendue du concept susmentionné ne ressort pas clairement du Tarif et du Règlement, l'intention du législateur peut être précisée au moyen de l'interprétation législative qui, en l'espèce, fait partie du contexte législatif. Le mémorandum D7-4-2 « Programme de Drawback » (31 janvier 1996) semble appuyer la conclusion voulant que l'avis de renonciation soit requis de la part de toute personne ayant droit au drawback, sans égard au droit de propriété du bien exporté.

Qui peut faire une demande

5. Vous pouvez présenter une demande de drawback, si vous êtes l'importateur, l'exportateur, le transformateur, le propriétaire ou le fabricant des marchandises qui ont été exportées hors du Canada et dont les droits ont été acquittés au moment de l'importation. Si vous êtes plus d'une personne à avoir le droit de présenter une demande, vous devez obtenir une lettre de renonciation de toutes les parties admissibles, renonçant leur droit à l'exonération. Si vous n'êtes pas certain d'avoir besoin d'une telle lettre, veuillez communiquer avec votre bureau des Services de l'administration des politiques commerciales (SAPC) de Revenu Canada, dont la liste est dressée à l'annexe C.

Documents à l'appui

7. Les documents suivants doivent être assortis à la demande :

a) une copie de toute facture de vente à l'exportation;

b) le document de connaissement ou tout autre document d'expédition;

c) une note de renonciation sur les documents commerciaux, ou l'original et une copie de tout

formulaire K 32A, Certificat à l'égard d'importation, de vente ou de transfert, lorsque le demandeur

n'est pas l'importateur des marchandises.

(...)

Who May Apply

5. If you are the importer, exporter, processor, owner, or producer of goods that were exported from Canada and for which duty was paid on importation, you may file a drawback claim. Where more than one person is eligible to file a claim, you must secure a waiver from all other eligible claimants waiving their rights to claim. If you are not sure you require a waiver, please contact your local Revenue Canada Trade

Administration Services (TAS) office listed in Appendix C.

Supporting Documentation

7. The following documents must accompany the claim:

(a) a copy of any export sales invoice;

(b) a bill of lading or other shipping document;

(c) a waiver on commercial documentation or the original and one copy of any Form K 32A,

Certificate of Importation, Sale or Transfer, when the claimant is not the importer.

(...)

[44]            À la lumière de cette interprétation administrative, les demanderesses semblent avoir tort de croire qu'elles sont les seules à avoir droit de faire la demande de drawback en alléguant qu'en ayant acheté les véhicules des mains des importateurs, celles-ci avaient renoncé aux droits des autres personnes admissibles au drawback. Le Règlement ne contient aucune disposition permettant d'accorder un drawback à l'acheteur qui ne peut obtenir l'avis de renonciation. Bref, c'est la qualité de la personne qui semble donner le droit à la demande de drawback, non pas le droit de propriété.

[45]            Ainsi, le sens donné au texte législatif permet de croire que le demandeur, qu'il soit exportateur, importateur, propriétaire, transformateur ou producteur, doit fournir une renonciation de la part de toute autre personne ayant droit de réclamer ce bénéfice, sans égard au droit de propriété du bien exporté.

[46]            Dans la présente affaire, les demanderesses n'ont pas su démontrer que la décision de l'ASFC était incorrecte compte tenu du droit applicable. De ce fait, la décision de l'ASFC est donc maintenue, la Cour n'ayant aucun motif de croire que son interprétation des dispositions ayant trait aux personnes admissibles au bénéfice du drawback est déraisonnable.

[47]            Compte tenu du fait que la réponse à la deuxième question n'est pas favorable aux demanderesses, il n'est pas nécessaire de répondre à la question qui consiste à se demander si l'agent avait le pouvoir discrétionnaire et de l'obligation de fournir les renseignements douaniers aux demanderesses.

[48]            Néanmoins, je tiens à souligner que les renseignements fournis par les importateurs l'étaient pour satisfaire aux exigences de la Loi sur la sécurité automobile et non pas en vertu de la Loi sur les douanes.

[49]            Il est tout à fait déraisonnable d'exiger que les officiers de douanes soient responsables d'avoir au dossier la description de tout article que le Canada importe et plus particulièrement tous les renseignements que les demanderesses requièrent afin de soumettre en détail leur demande de drawback. Comme je l'indiquais précédemment, les détails ont été soumis en vertu de la Loi sur la sécurité automobile et non pas sous les exigences de la Loi sur les douanes. Chaque ministère fédéral possède ses propres règlements et exigences en matière d'importation et le pouvoir du fonctionnaire est totalement discrétionnaire, tel que prévu à l'alinéa 107(5)(l) de la Loi sur les douanes qui stipule comme suit :

107(5) Le fonctionnaire peut fournir un renseignement douanier, permettre qu'il soit fourni ou y donner accès :

...

(l) à quiconque, uniquement en vue de déterminer sa réclamation, sa responsabilité ou ses obligations en vertu de la présente loi ou du Tarif des douanes, notamment sa réclamation relativement à un remboursement, un drawback ou un abattement en vertu de ces lois.

107(5) An official may provide, allow to be provided or provide access to customs information to the following persons :

...

(l) an person solely for the purpose of determining any entitlement, liability or obligation of the person under this Act or the Customs Tariff including the person's entitlement to any refund, relief, drawback or abatement under those Acts;

[50]            En ce qui a trait aux agissements du fonctionnaire, les articles 113 et 119 du Règlement traitent du remboursement des drawbacks. Ces articles prévoient comme suit :

113.(1) Sous réserve du paragraphe (2), de l'article 96 et des règlements d'application du paragraphe (4), est accordé une exonération ou un remboursement de tout ou partie des droits si, à la fois :

a) l'exonération ou le remboursement de tout ou partie des droits aurait pu être accordé en application des articles 89 ou 101, mais ne l'a pas été;

b) les droits ont été payés en tout ou en partie;

c) une demande est présentée en conformité avec le paragraphe (3) et l'article 119.

119. Les demandes présentées en vertu des articles 110 ou 113 comportent, en la forme prescrite par le ministre du Revenu national, la renonciation par laquelle toute autre personne admissible au drawback, au remboursement ou à la remise des droits y renonce.

113.(1) Subject to subsection (2), section 96 and any regulations made under subsection (4), a refund or drawback shall be granted of all or a portion of duties if

(a) relief or a refund of all or a portion of the duties could have been, but was not, granted under section 89 or 101;

(b) all or a portion of the duties was paid; and

(c) an application is made in accordance with subsection (3) and section 199.

119. An application under section 110 and 113 must be accompanied by a waiver, in the prescribed form, from every other person eligible to claim a drawback, refund or remission of the duties in respect of which the application is made, waiving that person's right to apply for the drawback, refund or remission.

[51]            Avant qu'un mandamus ne puisse être accordé, il doit exister une obligation légale d'agir à caractère public envers le requérant. Il est évident qu'en vertu des articles précités l'agent de douanes ne peut agir au-delà des exigences de la Loi ou des Règlements. Il ne peut exercer aucune autre fonction et n'a aucune obligation d'agir au delà des limites déjà établies dans la Loi et dans les Règlements. De plus, comme l'affirmait la Cour d'appel fédérale dans Apotex Inc. c. Canada [1994] 1 C.F. 742 :

Lorsque l'obligation dont on demande l'exécution forcée est discrétionnaire, les règles suivantes s'appliquent :

a) le décideur qui exerce un pouvoir discrétionnaire ne doit pas agir d'une manière qui puisse être qualifiée d' injuste, d'oppressive ou qui dénote une « irrégularité flagrante » ou la « mauvaise foi » ;

b) un mandamus ne peut être accordé si le pouvoir discrétionnaire du décideur est « illimité » , « absolu » ou « facultatif » ;

c) le décideur qui exerce un pouvoir discrétionnaire « limité » doit agir en se fondant sur des considérations « pertinentes » par opposition à des considérations « non pertinentes » ;

d) un mandamus ne peut être accordé pour orienter l'exercice d'un « pouvoir discrétionnaire limité » dans un sens donné;

e) un mandamus ne peut être accordé que lorsque le pouvoir discrétionnaire du décideur est « épuisé » , c'est-à-dire que le requérant a un droit acquis à l'exécution de l'obligation.

[52]            Le pouvoir discrétionnaire du fonctionnaire étant totalement facultatif, les défendeurs soutiennent, au regard du ratio cité ci-haut, que la conclusion mandatoire recherchée par les demanderesses ne saurait de fait être émise;

[53]            Comme le stipule l'article 119 des Règlements, on devait lui soumettre la formule prescrite par le ministère et la renonciation par toute autre personne admissible au drawback. Il ne peut excéder sa compétence.

JUGEMENT

            La demande de contrôle judiciaire des demanderesses est rejetée avec dépens.

« Paul U.C. Rouleau »

JUGE SUPPLÉANT


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        T-430-05

INTITULÉ :                                        9058-3956 QUÉBEC INC. ET AL c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE ET AL

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Montréal, Qc

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 14 novembre 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :             ROULEAU J.S.

DATE DES MOTIFS :                      Le 4 janvier 2006

COMPARUTIONS:

Me Denis Péloquin

POUR LES DEMANDERESSES

Me Jacques Savary

POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Me Denis Pélouqin

Montréal, Québec

POUR LES DEMANDERESSES

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LES DÉFENDEURS

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