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Date : 20050621

Dossier : T-1150-04

Référence : 2005 CF 879

Ottawa (Ontario), le 21 juin 2005

EN PRÉSENCE DE L'HONORABLE JUGE GAUTHIER

ENTRE :

                                                           PIERRE BERGERON

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                                            TÉLÉBEC LIMITÉE

et

ALAIN RIVARD

                                                                             

                                                                                                                                          défendeurs

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                M. Bergeron demande à la Cour de casser la décision du Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) qui rejette ses plaintes d'harcèlement et de discrimination fondées sur une déficience (sa dépression) contre son ancien employeur, Télébec Limitée et son ancien directeur des services techniques, M. Alain Rivard personnellement.


LES FAITS[1]

[2]                M. Bergeron a travaillé pour la compagnie Télébec à titre d'installateur-réparateur de 1988 à 1990, puis à titre d'épisseur de 1990 jusqu'au 6 décembre 1995, date à laquelle il a été mis à pied en même temps que plus de 100 autres employés de la compagnie.

[3]                N'ayant pu obtenir d'emploi stable par le biais d'une supplantation à cause de son manque d'ancienneté[2], son nom est mis sur une liste de rappel au travail pour les 24 mois suivant sa mise à pied.

[4]                En mai 1996, le demandeur qui habite La Sarre en Abitibi dépose une demande de mutation à un poste d'installateur-réparateur à Val-d'Or.

[5]                Les exigences techniques de ce nouveau poste sont différentes du poste d'installateur-réparateur tel qu'il existait dans la période de 1988-1990 (nombreux changements technologiques et de description de tâches qui inclut maintenant par exemple une composante contact avec la clientèle/vente; voir paragraphes 222 à 224 de la décision du Tribunal).

[6]                D'abord, sa candidature n'a pas été retenue. En effet, Télébec avait décidé d'aller à l'extérieur pour combler un des deux postes d'installateur-réparateur qui était disponible et d'offrir l'autre à un employé qu'il jugeait plus qualifié. Toutefois, ce candidat s'étant désisté après avoir reçu l'offre, Télébec décide d'offrir le poste à M. Bergeron.

[7]                Le 6 août 1996, M. Bergeron commence sa période d'essai (article 13.12 de la convention collective). Après quelques jours au travail, il est diagnostiqué comme souffrant d'une grave dépression. Il prend d'abord des vacances de deux semaines puis un congé de maladie à partir du 19 août 1996.

[8]                M. Bergeron allègue qu'il a été harcelé par son employeur lorsque son superviseur de l'époque, M. Mayrand, s'est présenté chez lui apparemment pour lui remettre une formule à faire remplir par son médecin. Ce même M. Mayrand aurait continué à le harceler en passant à plusieurs reprises devant sa résidence pour vérifier s'il était bien là.

[9]                Le 25 novembre 1996, son médecin traitant, le docteur Perrier, le déclare apte à un retour au travail dès le 2 décembre 1996. Le médecin de Télébec, le docteur Condé, confirme qu'il peut travailler sans restriction à partir de cette date mais sur une base progressive.

[10]            En décembre 1996, M. Rivard est son supérieur immédiat et M. Mayrand continue à remplir ce rôle lorsque M. Rivard est absent.


[11]            M. Bergeron travaille deux jours non consécutifs dans la semaine du 2 décembre et du 9 décembre 1996[3] et trois jours non-consécutifs la semaine du 16 décembre.

[12]            Le 16 décembre, il demande s'il peut prendre des vacances le 20 et le 23 décembre. Cette demande est refusée par M. Mayrand après vérification des effectifs et des besoins pour cette période.

[13]            Le 17 décembre 1996, M. Bergeron rencontre à nouveau le docteur Condé qui confirme qu'il n'a plus de symptômes de dépression et qu'il retournera au travail à plein temps en janvier 1997.

[14]            Le 20 décembre, il quitte tôt; il se sent fatigué. Il avise la secrétaire mais pas son superviseur. Il s'absente du travail le 23 décembre à cause d'une gastro-entérite (il a trop mangé ou festoyé). Télébec doit demander à d'autres employés de faire du temps supplémentaire.


[15]            En ce qui concerne le 23 décembre, il demande à la secrétaire que l'on inscrive cette absence comme une journée de vacances plutôt qu'un congé de maladie. En apprenant ces absences, M. Mayrand écrit un mémo à M. Rivard à ce sujet le 23 décembre 1996. Toutefois, aucune lettre de réprimande officielle n'est versée au dossier, ce qui sera reproché à messieurs Mayrand et Rivard lorsque leur propre supérieur, M. Faubert apprend la situation.

[16]            La semaine du 6 janvier, M. Bergeron travaille cinq jours. Il rencontre messieurs Rivard et Mayrand qui l'informe de leur mécontentement face à son « attitude » les 20 et 23 décembre et aux lacunes dans son travail.

[17]            Après une rencontre entre messieurs Rivard, Mayrand et Faubert, la décision est prise de remercier M. Bergeron. M. Mayrand lui remet le 10 janvier 1997, en présence d'un représentant syndical, une lettre l'avisant qu'il sera mis à pied le 24 janvier parce qu'il n'avait pas démontré sa capacité à remplir ses nouvelles tâches conformément aux normes exigées pour le poste d'installateur- réparateur. On l'informe aussi que conformément à la convention collective, son nom sera maintenu sur la liste de rappel pour une période de 24 mois à compter du 24 janvier 1997.

[18]            Dans ses plaintes et devant le Tribunal, M. Bergeron a soutenu que cette mise à pied est fondée uniquement ou principalement sur sa déficience, soit son état dépressif. Il allègue aussi qu'entre les 2 décembre et le 10 janvier, il a fait l'objet d'harcèlement de la part de Télébec et d'Alain Rivard, qui l'aurait engueulé continuellement et aurait déposé de fausses lettres de réprimande, le tout afin de le faire abandonner son poste.

[19]            M. Bergeron a par la suite été rappelé pour travailler sur une base temporaire comme épisseur en février, en août et en octobre 1997. Lors de ce dernier rappel, soit le 20 octobre 1997, M. Bergeron est embauché pour une période de quatre à six semaines. Toutefois, selon lui son contrat est prolongé pour une durée indéterminée, soit jusqu'à la fin du projet sur lequel il travaillait à Chibougamau.

[20]            Les défendeurs ont soumis par le biais du témoignage de Richard Leblanc, qui était alors le superviseur immédiat de M. Bergeron, qu'à la fin novembre 1997, ce contrat a été prolongé mais seulement jusqu'au 24 décembre 1997. Après cette date, aucun employé de Télébec n'a travaillé à Chibougamau. C'est le contracteur indépendant qui avait soumis un prix fixe au début du contrat qui complète le projet avec son employé et à ses frais.

[21]            Au début de décembre 1997, M. Bergeron consulte à nouveau parce qu'il se sent dépressif. Il fait une réaction allergique au médicament qu'on lui prescrit (Paxil). Le 9 décembre, il est hospitalisé pour quelques jours. Il avise immédiatement M. Leblanc qu'il est à l'hôpital mais ne l'informe pas pourquoi.


[22]            Le 10 décembre 1997, M. Rivard, qui ne sert alors que de messager parce qu'il passe par là, lui livre « sur son lit d'hôpital » une lettre confirmant sa « mise à pied » ou sa fin d'emploi le 24 décembre 1997, et qu'il sera à nouveau inclus dans la liste de rappel pour une période de deux ans. Lors de cette rencontre, M. Bergeron explique son état à M. Rivard après que celui-ci se soit informé de sa santé.

[23]            Selon M. Bergeron, cette nouvelle « mise à pied » est fondée sur sa déficience, soit son état dépressif (rechute).

[24]            M. Bergeron n'a pas été rappelé jusqu'en décembre 1999[4], date à laquelle son lien d'emploi avec Télébec s'est terminé.

[25]            Entre le 21 mai 1998 et le 10 septembre 1998, il dépose dix griefs. Après analyse, son syndicat en arrive à la conclusion que ces griefs, à l'exception d'un grief visant le paiement d'un montant forfaitaire, ne sont pas justifiés. Le 2 octobre 1998, M. Bergeron dépose une plainte auprès du Conseil canadien des relations industrielles à l'encontre de son syndicat, l'Union des Routiers, invoquant que celui-ci n'a pas respecté son devoir de représentation. Le Conseil rejette sa demande.

[26]            Le 10 octobre 2000, M. Bergeron dépose deux plaintes auprès de la Commission canadienne des droits de la personne invoquant que Télébec et M. Rivard ont agi de façon discriminatoire à son endroit contrairement aux articles 7 et 14 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985) ch. H-6 (la Loi).


[27]            Après avoir référé la plainte au Tribunal, la Commission a annoncé à l'audience que selon elle, les faits à l'origine des plaintes justifiaient leur examen par le Tribunal et que son rôle à l'audience se limiterait à une déclaration d'ouverture. Bien que M. Bergeron ait bénéficié des conseils d'un conseiller juridique jusqu'à l'audience, il s'est représenté lui-même lors de celle-ci.

[28]            Le Tribunal a tenu 15 jours d'audience. Le demandeur a témoigné longuement et a produit une soixantaine de pièces. Il a aussi contre-interrogé les sept témoins présentés par Télébec[5]. Lorsqu'on lui offre de déposer une contre-preuve, il indique qu'il n'a rien à ajouter[6].

[29]            Le 21 mai 2004, le Tribunal rejette les plaintes. Il rend une décision détaillée d'une soixantaine de pages dont le dernier paragraphe se lit comme suit :

VI.           CONCLUSION

[271]        J'estime que le plaignant n'a pas réussi à relever le fardeau de faire la preuve prima facie que :

.               Télébec a agi de façon discriminatoire à son endroit en le traitant de façon défavorable en emploi en raison de sa déficience contrairement à l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

.               Télébec Limitée a agi de façon discriminatoire à son endroit en refusant de lui offrir un milieu de travail exempt de harcèlement en raison de sa déficience, contrairement à l'article 14 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.


.               Alain Rivard a agi de façon discriminatoire à son endroit en le harcelant en cours d'emploi en raison de sa déficience, contrairement à l'article 14 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[30]            Avant d'en arriver à cette conclusion, le Tribunal analyse la preuve et il se prononce sur plusieurs questions. Par exemple, il dit :

a)         Actes discriminatoires en cours d'emploi

i)          Mise à pied du 6 décembre 1995

[217] [...] Toutefois, le plaignant n'a soumis aucune preuve démontrant que lors de sa mise à pied du 6 décembre 1995 il souffrait de quelque déficience que ce soit, excepté le fait qu'il ait subi une dépression 11 ans auparavant.

[218] Sans rejeter pour autant la prétention du plaignant voulant que les événements survenus soient à l'origine d'une dépression survenue en août 1996, il n'en demeure pas moins qu'aucune preuve ne permet de conclure que le plaignant a été mis à pied en raison d'une déficience.

ii)         Mise à pied du 24 janvier 1997

[243] Lors de son retour au travail le 2 décembre 1996, le plaignant jouissait déjà d'une expérience acquise antérieurement au poste d'installateur-réparateur. Pour aider le plaignant à se familiariser à son nouveau poste, l'intimée lui a confié un travail peu compliqué d'installation d'un système téléphonique pour le secteur affaires. Le travail n'a pas été complété dans le temps normalement prévu pour l'exécution de ce genre du travail. Le plaignant n'a pas été en mesure de réaliser la programmation et le contact avec le client a comporté des lacunes. L'intimée a confié au plaignant divers travaux de base pour un installateur-réparateur axés particulièrement au préfilage de câbles et les standards de productivité n'ont pas été rencontrés. Malgré la simplicité du travail confié, la productivité du plaignant ne s'est pas améliorée.


[244] L'obligation première du plaignant était de fournir, même à temps partiel, une prestation de travail satisfaisante pour l'intimée. Il m'apparaît que, malgré le fait que l'intimée lui ait confié un travail exigeant l'exécution de tâches de base pour un installateur-réparateur, le plaignant, qui avait postulé sur ce poste pour jouir d'un emploi stable et qui n'aimait pas, de son propre aveu, ce genre de travail, n'a pas été en mesure de démontrer qu'il pouvait accomplir les tâches d'un installateur-réparateur. L'intimée était bien fondé de mettre fin à la période d'essai du plaignant au poste d'installateur-réparateur et de le placer sur la liste de rappel à son poste d'épisseur.

[245] De plus, j'estime que la déficience, soit l'état dépressif du plaignant, n'a pas été l'un des facteurs qui ont joué un rôle déterminant dans la prise de décision de l'intimée. À cet égard, je retiens le témoignage non contesté du Dr. Condé à l'effet que le plaignant était apte à reprendre le travail de façon progressive et sans aucune restriction. De plus, lors de la prise de décision de l'intimée de mettre fin à la période d'essai du plaignant au poste d'installateur-réparateur, ce dernier ne ressentait aucun symptôme de dépression et celle-ci était complètement guérie. Par conséquent, j'en arrive à la conclusion, suite à la preuve entendue sur cet aspect de l'affaire, que le plaignant n'a pas réussi à démontrer qu'il a été mis à pied le 24 janvier 1997 en raison d'une déficience, soit la dépression.

iii)         Mises à pied en 1997

[252] Suite à la preuve soumise, je ne suis pas convaincu qu'à l'occasion des mises à pied et rappels au travail du plaignant pour des emplois temporaires, l'intimée ait voulu inciter ce dernier à quitter son emploi. Au contraire, l'intimée a rappelé le plaignant au travail en respectant les dispositions de la convention collective traitant du rappel au travail des employés en mise à pied. Si elle avait agi autrement, elle aurait brimé les droits du plaignant. De plus, comme les conditions particulières de travail visaient tous les employés sur la liste de rappel il n'a pas été victime d'un traitement différent puisqu'il était parmi les employés placés sur cette liste de rappel.

iv)        Mise à pied du 24 décembre 1997

[258] La preuve soumise sur ce point m'amène à conclure que l'état de santé du plaignant n'a pas été un facteur déterminant dans la prise de décision de l'intimée de mettre fin à l'emploi du plaignant à compter du 24 décembre 1997. Je retiens la version du superviseur immédiat du plaignant plutôt que celle du plaignant à l'effet que sa mise à pied était effective le 24 décembre 1997. De plus, il est évident qu'au moment où l'intimée a avisé le plaignant de sa mise à pied, soit le 10 décembre 1997, elle n'avait aucune connaissance de l'état dépressif du plaignant.

b)         Harcèlement en cours d'emploi

[265] Je ne puis accepter la position du plaignant. En effet, tout employé qui s'absente du travail pour maladie d'une durée prévisible de huit jours ou plus doit, par un formulaire médical rempli par son médecin traitant, informer son employeur de la nature de la maladie qui l'afflige et de la durée de son absence du travail. Je ne crois pas qu'une victime raisonnable ait conclu que le geste posé par le représentant de l'intimée s'apparente à du harcèlement.


[266] Le plaignant propose que les passages répétés, devant son domicile entre le 10 août 1996 et le 2 décembre 1996, du représentant de l'intimée au volant de son véhicule pour rendre visite à son père et sa soeur constituaient du harcèlement. Je ne crois pas que les agissements du représentant de l'intimée, même s'ils étaient répétitifs, puissent constituer des agissements vexatoires et méprisants permettant à une victime raisonnable de conclure qu'elle est harcelée.

[267] Plus particulièrement à l'endroit de Alain Rivard, le plaignant a soutenu que ce dernier a posé un acte de harcèlement à son endroit en écrivant de fausses lettres de réprimandes qu'il plaçait dans son dossier à son insu. À l'appui de cette allégation, le seul document produit fut un mémo transmis par Claude Mayrand à Alain Rivard dans lequel il relate les circonstances du départ du travail le 20 décembre 1996 et l'absence du travail du plaignant le 23 décembre 1996. Il a toutefois admis n'avoir jamais reçu officiellement de réprimande écrite de la part des intimés. J'en conclus que cette allégation de harcèlement est manifestement mal fondée.

[...]

[269] La prépondérance de la preuve est aussi à l'effet que les rencontres en question ne se sont pas terminées par des pleurs du plaignant comme il l'a affirmé. Si tel avait été le cas, il en aurait sûrement fait part lors de ses rencontres du 17 décembre 1996 et du 14 janvier 1997 avec le Dr Condé. Au contraire, le plaignant lui affirme, le 17 décembre 1996, qu'il a un excellent moral, sans pleurs, ni tristesse et, lors de la visite du 14 janvier 1997, il confie au Dr Condé avoir accepté l'annonce de sa mise à pied avec calme et n'avoir que peu pleuré.

[270] J'en tire donc la conclusion que les propos échangés par Claude Mayrand et Alain Rivard avec le plaignant au cours de la période du 2 décembre 1996 au 24 janvier 1997 ne constituaient pas du harcèlement à l'endroit du plaignant en raison d'une déficience.

QUESTIONS EN LITIGE

[31]            Le demandeur soumet que le Tribunal a commis plusieurs erreurs révisables, soit :

i)          le Tribunal a erré dans son application de la notion de preuve prima facie discrimination.

ii)         le Tribunal a appliqué le test du motif déterminant plutôt que celui d'un des motifs fondant la décision.

iii)         le Tribunal n'a pas considéré le principe de discrimination par effet préjudiciable.


iv)        le Tribunal a erré en concluant que Télébec était fondé à mettre fin à sa période d'essai non seulement en interprétant mal en droit la clause 13.12 de la convention collective mais aussi en concluant à son incapacité à rencontrer les normes du poste d'installateur-réparateur.

v)         le Tribunal a erré en concluant que Télébec ignorait l'état de santé du demandeur en décembre 1997.

DISPOSITIONS PERTINENTES

L'article 7 et l'alinéa 14(1)c) de la Loi canadienne sur les droits de la personne


7. Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

a) de refuser d'employer ou de continuer d'employer un individu;

b) de le défavoriser en cours d'emploi.

14. (1) Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait de harceler un individu :

[...]

c) en matière d'emploi.

7. It is a discriminatory practice, directly or indirectly,

(a) to refuse to employ or continue to employ any individual, or

(b) in the course of employment, to differentiate adversely in relation to an employee,

on a prohibited ground of discrimination.

14. (1) It is a discriminatory practice,

[...]

(c) in matters related to employment,

to harass an individual on a prohibited ground of discrimination.


L'article 13.12 de la Convention collective



13.12 Si un salarié n'a pas démontré sa capacité de remplir sa nouvelle tâche conformément aux normes de la Compagnie dans les cent vingt (120) jours qui suivent sa promotion ou sa mutation, il devra retourner à son poste et localité antérieurs. Dans les quatre-vingt dix (90) premiers jours, le salarié peut aussi décider, de lui-même, de retourner à son ancien poste mais à ses propres frais.


ANALYSE

[32]            Dans Quigley c. Ocean Construction Supplies Ltd., Marine Division, [2004] A.C.F. no 786 (1ère inst.) (QL), le juge Gibson procède à une analyse pragmatique et fonctionnelle (paragraphes 34 à 46), pour déterminer la norme de contrôle applicable aux décisions du Tribunal. Il conclut que la norme de la décision correcte s'applique aux questions de droit, que celle de la décision raisonnable simpliciter s'applique aux questions mixtes de fait et de droit et que l'appréciation des faits et les décisions dans un contexte de droits de la personne sont révisées selon la norme de la décision manifestement déraisonnable. Ces normes sont les mêmes que celles qu'il avait appliquées dans International Longshore & Warehouse Union (Section maritime), section locale 400 c. Oster, [2002] 2 C.F. 430 (1ère inst.) au paragraphe 22.

[33]            Je suis d'accord avec l'analyse de mon collègue dans Quigley, précité et j'adopterai les normes qu'il a identifiées aux questions soumises par le demandeur dans le présent dossier.

Le test de la preuve prima facie de discrimination

[34]            Dans Lincoln c. Bay Ferries Ltd., [2004] A.C.F. no 941 (C.A.F.) (QL), la Cour d'appel fédérale devait décider exactement de cette question. Le Tribunal et le juge de première instance avaient-ils mal compris le test? Elle applique la norme de la décision correcte à cette question de droit.

[35]            Comme l'indique la Cour d'appel fédérale dans cette affaire, ce test a été énoncé par la Cour suprême du Canada dans Ontario (Commission ontarienne des droits de la personne) c. Etobicoke (Municipalité), [1982] 1 R.C.S. 202 et dans Ontario (Commission ontarienne des droits de la personne et Theresa O'Halley) c. Simpsons-Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536 (ci-après O'Malley). Il s'agit simplement pour le Tribunal d'évaluer si le plaignant a fait une preuve suffisante jusqu'à preuve du contraire qu'il y a discrimination. Dans ce contexte, il est clair que l'on évalue la situation sans prendre en compte la réplique ou la preuve de l'employeur.

[36]            Ici, la conclusion du Tribunal sur cette question se trouve dans le dernier paragraphe de la décision, donc après l'analyse de la preuve des deux parties et après plusieurs conclusions fondées sur la prépondérance de la preuve soumise par celles-ci. Il semble donc que le Tribunal a commis une erreur en concluant comme il l'a fait au paragraphe 271 de sa décision.

[37]            Toutefois, comme l'indique la Cour d'appel fédérale dans Lincoln, précité, cette erreur n'est pas nécessairement fatale et la Cour doit s'interroger à savoir si les autres conclusions générales du Tribunal sont étayées par la preuve et si elles sont suffisantes pour supporter la décision de rejeter les plaintes.


[38]            Pour les motifs que j'énoncerai ci-après, je suis satisfaite que chacune des autres conclusions du Tribunal portant sur les allégations d'harcèlement et de discrimination sont raisonnables et supportées par la preuve. De plus, celles-ci sont suffisantes pour rejeter les plaintes. Donc, l'approche erronée adoptée par le Tribunal pour conclure au paragraphe 271 que le demandeur n'avait pas rempli son fardeau de preuve prima facie ne justifie pas que la Cour casse la décision.

[39]            Il convient de noter que M. Bergeron n'a présenté aucun argument visant à établir que le Tribunal a erré dans son appréciation de la preuve en concluant qu'il n'y avait pas eu harcèlement en cours d'emploi en raison de sa déficience. Cette conclusion au paragraphe 270 de la décision (reproduit au paragraphe 28 ci-dessus) est selon moi, après un examen assez poussé du dossier, bien étayée par la preuve et par le raisonnement du Tribunal aux paragraphes 259 à 269.

[40]            De la même façon, il n'est pas contesté que M. Bergeron n'a pas autrement été défavorisé en cours d'emploi en raison d'une déficience avant le mois de décembre 1996, soit après son retour de son congé de maladie. Le Tribunal note à bon droit à cet égard que M. Bergeron n'a soumis aucune preuve démontrant que lors de sa mise à pied le 6 décembre 1995, il souffrait de quelque déficience que ce soit, outre le fait qu'il ait subi une dépression 11 ans auparavant.


[41]            Quant aux rappels temporaires et les mises à pied qui s'en suivent entre le 24 janvier et le 20 octobre 1997, M. Bergeron n'a pas mis en doute la conclusion du Tribunal au paragraphe 252 de la décision à l'effet que M. Bergeron n'a tout simplement pas établi que l'intimée avait voulu l'inciter à quitter son emploi ou qu'il avait été victime d'un traitement différent des autres employés placés sur cette liste de rappel.

[42]            De plus, comme l'indique le Tribunal ailleurs dans la décision, il n'y a aucune preuve qu'entre le 24 janvier 1997 et le 20 octobre 1997, M. Bergeron souffrait d'une quelconque déficience. Le demandeur n'a par ailleurs pu référer la Cour à aucune preuve indiquant qu'il aurait été perçu comme souffrant d'une telle déficience par son employeur pendant cette période.

[43]            Il reste donc à examiner les conclusions du Tribunal quant à la mise à pied du 24 janvier 1997 et celle du 24 décembre 1997 puisqu'à l'égard de ces deux événements, M. Bergeron soumet que les conclusions du Tribunal sont viciées, soit par une erreur dans l'appréciation des faits (la connaissance de sa déficience lors de la mise à pied de décembre 1997), ou une erreur mixte de fait et de droit (droit de mettre fin à sa période d'essai le 24 janvier 1997) ou une erreur de droit (fardeau de preuve applicable quant à ces deux événements).

Mise à pied du 24 janvier 1997

[44]            Le demandeur conteste la validité de deux conclusions, soit celle au paragraphe 244 que Télébec était bien fondée de mettre fin à sa période d'essai et celle au paragraphe 245 qu'une déficience n'a pas été « l'un des facteurs qui ont joué un rôle déterminant dans la prise de décision de l'intimée » .

[45]            Les parties s'entendent que même si la période d'essai prévue peut aller jusqu'à 120 jours, l'article 13.12 ne crée pas d'obligation pour l'employeur d'attendre la fin de cette période pour mettre à pied un employé. Elles s'entendent aussi que l'employeur peut terminer la période d'essai s'il croit raisonnablement et honnêtement que l'employé ne peut répondre aux exigences et aux normes de l'emploi.

[46]            Pour M. Bergeron, Télébec devait toutefois être de bonne foi et lui donner une chance réelle ou une occasion raisonnable de démontrer ses capacités. Selon lui, une dizaine de jours de travail n'était simplement pas une période suffisante et le Tribunal ne pouvait raisonnablement ni rationnellement conclure que Télébec l'avait évalué de bonne foi.

[47]            M. Bergeron s'appuie sur une décision de la Cour d'appel du Québec dans Duffield c. Alubec Industries Inc., [2002] J.Q. 3121 (C.A.Q.). Dans cette affaire, le demandeur avait été engagé comme président de la compagnie défenderesse et il avait été congédié 11 jours après le début de son emploi alors qu'il avait été engagé pour une période d'essai de six mois. Il s'agissait pour la Cour de déterminer si dans les circonstances, l'employeur avait droit de mettre fin au contrat de travail sans payer une indemnité au demandeur.

[48]            Il est évident que chaque cas est un cas d'espèce. Le type d'emploi, la prestation de travail effectivement évaluée, l'expertise de l'évaluateur sont des facteurs à considérer.

[49]            Dans la présente affaire, le Tribunal s'est dit satisfait que l'employeur avait établi par une prépondérance de preuve que M. Bergeron n'aimait pas le travail d'installateur-réparateur, et que sa capacité à remplir ce poste comportait des lacunes (difficulté à réaliser la programmation, contact avec le client, et productivité).

[50]            Comme l'indique le défendeur, la preuve démontrait aussi que M. Rivard avait beaucoup d'expérience dans l'évaluation d'employés à cause des nombreuses supplantations effectuées chez Télébec depuis 1995. Dans ce cadre, il avait l'habitude d'évaluer les capacités de quelqu'un à l'intérieur d'une dizaine de jours.

[51]            Ce n'est pas parce qu'il avait plus de temps à sa disposition dans ce cas-ci qu'il ne pouvait pas raisonnablement en venir à une conclusion de bonne foi en 10 ou 12 jours, surtout lorsque l'on considère que rien n'indique dans la preuve que l'attitude de M. Bergeron aurait changé par rapport à ce genre de travail ou que son aptitude à transiger directement avec les clients, une composante essentielle de ce poste, se serait améliorée.

[52]            Après avoir révisé attentivement toute la transcription et les nombreuses pièces soumises par les deux parties, la Cour est satisfaite que la conclusion du Tribunal à cet égard est raisonnable et découle en grande partie de son appréciation de la preuve, y inclus la crédibilité des témoins entendus par le Tribunal.

[53]            Le défendeur soumet aussi que de toute façon, cette conclusion n'est pas la seule pertinente à celle plus générale du Tribunal que cette mise à pied ne constitue pas un acte discriminatoire. Donc, pour les défendeurs, une erreur quant à l'interprétation de la convention collective à cet égard ne changerait rien à la décision.

[54]            Le Tribunal a effectivement retenu le témoignage du docteur Condé, un témoin qu'il déclare être très crédible, à l'effet que le plaignant était apte à reprendre le travail de façon progressive et sans restriction à partir du 2 décembre 1996, que sa dépression était à toutes fins pratiques guérie et qu'il ne souffrait pas d'une déficience entre le 2 décembre et le 10 janvier 1997 (paragraphes 227, 245 et 268). Il a aussi accepté qu'Alain Rivard, lors de discussions avec M. Bergeron lui avait dit que « rien ne lui indiquait de restriction quant à sa capacité de faire le travail exigé » (paragraphe 231). C'est donc dire que le Tribunal était satisfait que le plaignant n'avait pas établi qu'une déficience existait durant cette période[7].

[55]            Cette conclusion de faits fondée sur l'appréciation de la preuve par le Tribunal est supportée par une preuve au dossier. Elle n'est pas manifestement déraisonnable. Le rôle de la Cour lors d'un contrôle judiciaire, comme je l'ai dit à l'audience, n'est pas de substituer sa propre évaluation de la preuve à celle du Tribunal.

[56]            Devant la Cour, M. Bergeron a argué que comme il prenait encore du Paxil, cela a pu affecter sa productivité. Il dit aussi qu'il avait encore des symptômes de dépression puisqu'il a pleuré lors des rencontres avec M. Simard et M. Mayrand. Pour ce qui est de l'effet du Paxil, il n'y a aucune preuve médicale ou autre supportant une telle allégation qui n'a d'ailleurs pas été plaidée devant le Tribunal. Ce nouvel argument mis de l'avant par le procureur de M. Bergeron à l'audience est purement spéculatif. Il n'y a pas non plus de preuve que Télébec[8] ou M. Rivard savaient qu'il prenait du Paxil ou qu'ils percevaient à tort ou à raison que la productivité de M. Bergeron était affectée par la prise de ce médicament.[9]

[57]            Quant aux pleurs de M. Bergeron, le Tribunal a clairement préféré le témoignage des représentants de Télébec, soit messieurs Mayrand et Rivard, corroboré par les notes du docteur Condé à l'effet qu'il n'y a eu aucun pleur lors de ces rencontres.


[58]            La Cour réfère à la perception d'une déficience par l'employeur car le demandeur a plaidé à l'audience que le Tribunal aurait dû considérer non seulement sa déficience réelle mais aussi tout acte discriminatoire découlant d'une perception de déficience même erronée par son employeur. Par exemple, il aurait dû analyser si Télébec croyait que la dépression de M. Bergeron, même si pratiquement guérie, l'empêchait d'être productif ou d'autrement répondre aux exigences du poste (Québec (Commission des droits de la jeunesse) c. Boisbriand), [2000] 1 R.C.S. 665).

[59]            Le demandeur n'a jamais argué devant le Tribunal et il n'a certes pas présenté de preuve la supportant. La Cour a spécifiquement demandé à l'audience qu'on lui indique où se trouvait la preuve qu'aurait dû analyser le Tribunal sur cette question spécifique M. Bergeron n'a pu en présenter un seul exemple. Il a référé vaguement à la preuve circonstancielle qu'il avait faite pour établir que Télébec savait qu'il souffrait d'une déficience et que c'estsa capacité physique non pas technique qui est à l'origine de sa mise à pied. Je note que cette preuve circonstancielle vise à établir une déficience réelle et ne traite pas d'une déficience perçue.

[60]            Je suis satisfaite que le Tribunal n'a pas commis d'erreur révisable en ne traitant pas expressément de ce concept de déficience perçue dans sa décision. Je note aussi à nouveau que le Tribunal a accepté le témoignage de M. Rivard quant à sa perception de la condition de M. Bergeron soit que pour lui M. Bergeron était de retour au travail sans restriction.

[61]            La même conclusion s'impose lorsque l'on considère un autre argument mis de l'avant par M. Bergeron, soit que le Tribunal n'a pas traité de la question de la discrimination par effet préjudiciable.

[62]            Dans l'arrêt O'Malley, précité, au paragraphe 18, la Cour suprême du Canada distingue entre la discrimination directe et la discrimination par effet préjudiciable (ou indirecte) comme lorsque par exemple, un employeur adopte une règle qui à première vue est neutre mais qui lorsqu'on l'applique à tous les employés, a un effet discriminatoire pour un motif prohibé vis-à-vis un ou plusieurs employés en ce qu'elle leur impose en raison d'une caractéristique spéciale qui leur est propre, des obligations ou des conditions restrictives non imposées à d'autres.

[63]            Comme je l'ai dit, M. Bergeron alléguait spécifiquement avoir fait l'objet d'une discrimination directe. Il n'a jamais soumis au Tribunal qu'il y avait eu une discrimination par effet préjudiciable. Il n'a pu identifier à l'audience ou dans son mémoire aucune preuve supportant l'existence d'une telle discrimination. L'examen du dossier n'en révèle aucune que le Tribunal aurait dû analyser dans sa décision. Le Tribunal n'avait donc pas à en traiter de façon distincte et il n'a commis aucune erreur révisable à cet égard.


[64]            Le dernier argument avancé par M. Bergeron est que le Tribunal lui a imposé un fardeau trop lourd, exigeant qu'il établisse que sa déficience était le motif déterminant de sa mise à pied. Il soumet que la Cour d'appel fédérale a annulé une autre décision du Tribunal pour cette raison dans Holden c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, [1990] A.C.F. no 419 (C.A.F.) (QL)[10] confirmant alors qu'il suffit que la discrimination constitue un fondement de la décision de l'employeur (souligné de la Cour d'appel fédérale).

[65]            Les défendeurs arguent quant à eux que la Cour doit lire la conclusion au paragraphe 245 dans son ensemble et en tenant compte des autres commentaires du Tribunal. Pour eux, il est évident que le Tribunal a conclu que la discrimination n'a pas du tout été un facteur ou un motif fondant la décision.

[66]            Il ne fait aucun doute que le demandeur n'avait pas à prouver que la discrimination était le motif déterminant de sa mise à pied pour établir une contravention à l'article 7 de la Loi. La Loi qualifie d'acte discriminatoire toute décision fondée sur un motif de distinction illicite en tout ou en partie. Donc, si un des facteurs fondant ou motivant la décision était une déficience de M. Bergeron, il importait peu que Télébec ait aussi eu d'autres bonnes raisons de mettre M. Bergeron à pied.

[67]            En l'espèce, je ne suis pas convaincue que le Tribunal a imposé au demandeur un fardeau plus lourd ou qu'il a rejeté les plaintes parce que la discrimination n'était pas le facteur déterminant au sens suggéré par le demandeur et appliqué par le Tribunal dont la décision faisait l'objet d'un examen par la Cour d'appel fédérale dans Holden, précité.


[68]            Il est clair que le Tribunal n'a pas exigé que la discrimination soit le seul motif puisqu'il réfère expressément à « un des facteurs » .

[69]            Certes, le langage utilisé[11] par le Tribunal est boiteux et c'est fâcheux. Mais comme je l'ai déjà mentionné, le Tribunal a conclu que le demandeur n'avait pas établi l'existence d'une déficience entre le 2 décembre et le 10 janvier 1997. On ne peut donc pas interpréter la phrase du paragraphe 245 comme voulant dire que l'existence d'une déficience aurait été l'un des motifs de la décision mais qu'il n'était pas déterminant et que c'est pour cette raison que le Tribunal a rejeté la plainte.

Mise à pied du 24 décembre 1997

[70]            M. Bergeron argue que le Tribunal a erré en concluant que Télébec n'avait pas connaissance de son état dépressif, le 10 décembre 1997 (paragraphe 258). Comme il s'agit d'une conclusion de faits découlant de l'appréciation de la preuve par le Tribunal, M. Bergeron devait établir que cette conclusion était manifestement déraisonnable c'est-à-dire irrationnelle et illogique ou qu'elle n'est supportée par aucune preuve au dossier.


[71]            M. Bergeron reconnaît que son superviseur immédiat, Richard Leblanc a effectivement témoigné qu'il ne connaissait pas l'état de M. Bergeron le ou avant le 10 décembre 1997. Il avait même demandé à ce dernier s'il était hospitalisé suite à un accident du travail. Le demandeur soumet que ce témoignage ne pouvait rationnellement être accepté si le Tribunal avait considéré la preuve circonstancielle qu'il avait faite : les circonstances particulières de son congédiement de décembre 1997 (remise de la lettre de fin d'emploi sur son lit d'hôpital), les circonstances bizarres entourant l'envoi du courriel déposé comme pièce I-12 où il est clair selon lui que M. Leblanc et Mme Doroftei tentaient de fabriquer de la preuve supportant leur position et sa preuve que Télébec et M. Rivard connaissaient son état en décembre 1996 puisqu'il les en avait informés lui-même.

[72]            Ma révision de la preuve au dossier me satisfait qu'il y avait une preuve suffisante pour supporter la conclusion du Tribunal. Selon le Dr Condé, la dépression de M. Bergeron était guérie. Sa rechute n'a été diagnostiquée qu'au début de décembre 1997. Richard Leblanc n'avait aucune raison de penser que M. Bergeron était dépressif avant le 10 décembre 1997, celui-ci ne l'ayant pas informé de cette rechute. Tous les rapports médicaux traitant de cette rechute et fournis à Télébec sont datés après le 10 décembre 1997. La décision ne contient pas d'erreur révisable sur ce point.


[73]            Dans ce contexte factuel où l'employeur ne savait pas que M. Bergeron souffrait d'une déficience entre novembre 1997 (date à laquelle le contrat a été prolongé seulement jusqu'au 24 décembre 1997) et le 10 décembre (date à laquelle la lettre de fin de contrat lui a été remise), le Tribunal pouvait à bon droit conclure que la mise à pied n'était pas fondée sur une distinction illicite[12].

[74]            Quant à l'argument de M. Bergeron qu'ici encore le Tribunal lui a imposé un fardeau trop lourd exigeant que la discrimination soit le facteur déterminant de la décision de mettre fin à son emploi (paragraphe 258), pour les raisons que j'ai déjà expliquées (voir paragraphes 64 à 69), je suis convaincue que tel n'est pas le cas et que même si le Tribunal avait en tête le mauvais test, sa conclusion quant à l'inexistence d'une déficience est suffisante pour établir qu'une telle erreur, s'il en est, n'a eu aucun impact sur la décision finale.

[75]            Je conclus que la décision du Tribunal de rejeter les plaintes est raisonnable et le Tribunal n'a pas commis d'erreur justifiant une intervention de la Cour. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée. Quant aux dépens, la Cour en décidera après avoir reçu un projet de mémoire de frais des défendeurs le ou avant le 28 juin 2005 et les observations de M. Bergeron, s'il en est (voir la règle 400 des Règles des Cours fédérales), le ou avant le 4 juillet 2005.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les dépens seront adjugés dans une ordonnance subséquente.

                                                     

Juge


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-1150-04

INTITULÉ :                                                    PIERRE BERGERON

                                      - et -

TÉLÉBEC LIMITÉE et

ALAIN RIVARD

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        le 16 mai 2005

MOTIFS de l'ordonnance

et ordonnance:                                               L'honorable juge Gauthier

DATE DES MOTIFS :                                               le 21 juin 2005

COMPARUTIONS :

Jocelyn Dubé                                                     POUR LE DEMANDEUR

Reno Vaillancourt                                              POUR LES DÉFENDEURS                

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jocelyn Dubé                                                     POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Legault & Associates                                         POUR LES DÉFENDEURS

Montréal (Québec)



[1] Les faits sont relatés en détail dans la décision. Il ne s'agit donc ici que de résumer quelques-uns des faits pertinents afin de situer le contexte.

[2] M. Bergeron argue toujours qu'il aurait dû obtenir un emploi par supplantation. Télébec soutient qu'il n'y avait pas de poste pour lui considérant ses compétences et son niveau peu élevé d'ancienneté. Toutefois, cet élément ne fait pas partie des plaintes devant le Tribunal et rien n'indique qu'il soit lié à la dépression de M. Bergeron autrement peut-être que comme une source de stress additionnel.

[3] Originalement, M. Bergeron devait travailler trois jours la semaine du 9 décembre mais comme il était fatigué après sa première semaine de travail, il a été entendu avec l'assistante du docteur Condé (infirmière) qu'il ne travaillerait que deux jours non consécutifs.

[4] La preuve indique que Télébec a tenté de communiquer avec lui à une occasion mais qu'on ne l'aurait pas rejoint. Il semble aussi qu'il y ait eu peu de rappels durant cette période.

[5] À cet égard, la Cour note que le Tribunal a remarqué à au moins deux reprises que M. Bergeron était très habile dans ses contre-interrogatoires.

[6] Page 2234 des notes sténographiques, ligne 25 jusqu'à la page 2235, ligne 20, onglet 15 du Dossier du défendeur.

[7] Je note aussi que M. Rivard avait lui-même fait une grave dépression quelques années auparavant.

[8] Selon la preuve, il appert que le dossier médical d'un employé est considéré et traité comme un document confidentiel. L'information qu'il contient n'a pas été communiquée à l'interne aux divers superviseurs de M. Bergeron. Messieurs Rivard et Mayrand ne connaissait que ce que M. Bergeron leur avait dit et rien n'indique qu'il leur avait spécifié qu'il prenait du Paxil.

[9] M. Bergeron a pris du Paxil jusqu'en mai 1997 et rien n'indique que sa productivité ou sa capacité à travailler comme épisseur lors de son rappel, le 27 janvier 1997 en a été affectée d'aucune façon.

[10] Les défendeurs ont cité la décision de la juge Michèle Rivet dans CDP c. Compagnie minière Québec Cartier, TDPQ du 14 juillet 1994 mais cette décision a été renversée en appel par la Cour d'appel du Québec ([1998] A.Q. 3657 (C.A.Q.)(QL)).

[11] Le mot « déterminant » au lieu de « fondant » .

[12] La Cour note qu'en octobre 1997, le travail de M. Bergeron à titre d'épisseur a été évalué par Télébec. C'est Alain Rivard qui fit cette évaluation et qui conclut que son travail était tout à fait satisfaisant.


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