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Date : 20230731

Dossier : IMM-7034-22

Référence : 2023 CF 1043

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 31 juillet 2023

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE:

SURINDER SINGH BANSAL

MANISHA PAUL

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Les demandeurs, M. Surinder Singh Bansal et Mme Manisha Paul, sont des citoyens de l’Inde qui se sont rencontrés au Canada et s’y sont mariés en 2019. M. Bansal est arrivé au Canada en 2015 au moyen d’un visa de visiteur. Il a par la suite présenté une demande d’asile, qui a été rejetée. Mme Paul est également arrivée en 2015, mais grâce à un permis d’études. Elle a obtenu un diplôme du Collège mohawk, puis a présenté une demande de résidence permanente. Sa demande a été annulée en 2021 parce que Mme Paul n’a pas été pas en mesure de fournir un passeport valide pour M. Bansal, le passeport de ce dernier ayant expiré en 2020.

[2] Les demandeurs ont ensuite présenté une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Un agent d’immigration [l’agent] a rejeté leur demande après avoir conclu qu’il n’y avait pas de motifs suffisants pour justifier l’octroi d’une dispense pour considérations d’ordre humanitaire.

[3] Les demandeurs soutiennent que la décision de l’agent est déraisonnable parce que ce dernier n’a pas tenu compte d’éléments de preuve importants qui leur étaient favorables, comme la demande de résidence permanente prometteuse de Mme Paul, les liens familiaux du couple au Canada et leur établissement au pays. Ils soutiennent également que l’agent a supposé à tort que leur fille née au Canada quitterait le pays avec eux plutôt que d’y rester avec d’autres membres de la famille, comme ils l’avaient proposé. De plus, ils font valoir que l’agent a seulement tenu compte des difficultés qu’ils rencontreraient à leur retour en Inde, et pas de celles liées à l’abandon de leur vie au Canada. Ils demandent à la Cour d’annuler la décision et de renvoyer l’affaire à un autre agent pour réexamen de leur demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

[4] Je souscris à l’argument des demandeurs portant que l’agent n’a pas examiné à fond les éléments de preuve à l’appui de leur demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire et qu’il a donc tiré une conclusion déraisonnable. Par conséquent, j’accueillerai la présente demande de contrôle judiciaire.

[5] La seule question à trancher est celle de savoir si la décision de l’agent est déraisonnable.

II. Décision de l’agent

[6] L’agent a reconnu que les demandeurs avaient déjà passé plusieurs années au Canada, qu’ils avaient noué de nombreuses relations significatives, qu’ils étaient des membres actifs de leur temple et qu’ils avaient atteint la sécurité financière. L’agent a ensuite conclu que les demandeurs pourraient probablement entretenir les liens qu’ils avaient tissés au Canada à partir de l’Inde, où ils n’auraient guère de difficulté à se rétablir.

[7] L’agent a jugé que le jeune enfant des demandeurs pourrait les accompagner en Inde sans subir de conséquences émotionnelles ou psychologiques importantes.

[8] L’agent a également conclu que les demandeurs ne rencontreraient pas de difficultés considérables s’ils devaient retourner en Inde; ils pourraient compter sur l’appui de nombreux membres de leur famille et seraient probablement en mesure de trouver un emploi compte tenu de leur scolarité, de leur expérience professionnelle et de leurs ressources financières.

III. Caractère raisonnable de la décision de l’agent

[9] Le ministre soutient que, avant d’en arriver à la décision de rejeter la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire des demandeurs, l’agent a dûment tenu compte de leur établissement, de l’intérêt supérieur de l’enfant et des difficultés auxquelles ils s’exposeraient.

[10] Je conviens que l’agent a tenu compte de ces facteurs. Cependant, j’estime que l’agent a fait fi d’éléments de preuve importants concernant chacun de ces facteurs.

[11] En ce qui a trait à l’établissement, l’agent n’a pas tenu compte de la demande de résidence permanente de Mme Paul qui avait failli être accueillie. N’eût été le passeport expiré de M. Bansal, elle aurait fort possiblement pu obtenir la résidence permanente sans devoir présenter une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

[12] Quant à l’intérêt supérieur de l’enfant, l’agent a seulement tenu compte des répercussions sur l’enfant d’un déménagement en Inde avec ses parents. Les demandeurs avaient cependant proposé que l’enfant reste au Canada avec des membres de la famille pendant qu’ils demanderaient leur résidence permanente depuis l’Inde. L’agent devait donc examiner les répercussions de cette situation sur l’intérêt supérieur de l’enfant. L’agent était conscient que l’enfant devrait être avec ses parents puisqu’il a affirmé que ceux‑ci [traduction] « jouent un rôle essentiel dans la saine croissance émotionnelle, physique et cognitive de l’enfant ». Or, il n’a pas examiné les répercussions au chapitre de l’intérêt supérieur de l’enfant de la séparation de l’enfant et des parents, qui retourneraient en Inde sans lui.

[13] En ce qui concerne les difficultés, l’agent ne s’est pas penché sur celles qu’affronteraient les demandeurs s’ils abandonnaient leur vie au Canada. L’agent s’est seulement demandé s’ils rencontreraient des difficultés à leur retour en Inde. S’ils devaient quitter le Canada, les demandeurs laisseraient derrière eux des amis, des membres de leur congrégation et des membres de la famille. Ils seraient également contraints de laisser tomber l’entreprise de rénovation domiciliaire que M. Bansal avait fondée.

[14] En somme, je conclus que l’agent a fait fi de plusieurs facteurs importants dans l’évaluation de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire et a ainsi tiré une conclusion déraisonnable qui n’est ni justifiable, ni intelligible, ni transparente.

IV. Conclusion et dispositif

[15] L’agent a omis de prendre en considération plusieurs facteurs pertinents dans l’évaluation de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, ce qui a donné lieu à une décision déraisonnable. Par conséquent, je dois accueillir la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune partie n’a proposé de question de portée générale à certifier, et aucune ne sera énoncée.

JUGEMENT dans le dossier IMM-7034-22

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre agent afin qu’il rende une nouvelle décision.

  2. Aucune question de portée générale n’est formulée.

Blanc

« James W. O’Reilly »

Blanc

Juge


 

COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-7034-22

 

INTITULÉ :

SURINDER SINGH BANSAL ET AL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 JUILLET 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 31 JUILLET 2023

 

COMPARUTIONS :

Khatidja Moloo‑Alam

POUR LES DEMANDEURS

 

Nicole Paduraru

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Green and Spiegel LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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