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Date : 20230727


Dossier : IMM‑8202‑21

Référence : 2023 CF 1026

[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 27 juillet 2023

En présence de madame la juge Fuhrer

ENTRE :

ZHUXIN LI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, Zhuxin Li, est citoyen de la République populaire de Chine [la Chine]. Il craint d’être persécuté par le gouvernement chinois, plus particulièrement par le Bureau de la sécurité publique [le BSP], en raison de sa foi chrétienne et parce qu’il a fréquenté une maison-église illégale et clandestinement distribué des dépliants.

[2] Après avoir été détenu par le BSP, puis s’être caché dans une autre ville, le demandeur a fait appel à un passeur afin d’entrer au Canada en se servant d’un faux passeport de Hong Kong. Le père du demandeur, qui n’est pas partie à la présente instance, est également venu au Canada, avec l’aide d’un autre agent, après avoir été détenu par le BSP à cause des activités de son fils et d’un différend foncier.

[3] En raison de préoccupations liées à la crédibilité et à la suffisance de la preuve, la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la CISR] a conclu que le demandeur n’était pas un véritable chrétien pratiquant au Canada et, en outre, que le BSP n’était pas intéressé par lui, et ne le serait pas non plus s’il retournait en Chine. La SPR a jugé que le demandeur n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger, et a donc rejeté sa demande d’asile.

[4] La Section d’appel des réfugiés [la SAR] de la CISR a rejeté l’appel du demandeur pour des motifs similaires, à savoir le manque d’éléments de preuve crédibles pour étayer son profil religieux en Chine, sa demande d’asile sur place au Canada et son allégation selon laquelle le BSP s’intéresse à lui [la décision].

[5] La seule question que la Cour doit trancher concerne le caractère raisonnable des conclusions de la SAR quant à la crédibilité.

[6] Nul ne conteste que la norme qui est présumée s’appliquer au contrôle de la décision par la Cour est celle de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] aux para 10, 25. Pour être à l’abri d’une intervention judiciaire, la décision contestée doit posséder les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité (Vavilov, au para 99). Une décision peut être déraisonnable si le décideur s’est mépris sur la preuve qui lui a été soumise (Vavilov, aux para 125-126). Il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable (Vavilov, au para 100).

[7] Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que le demandeur ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait. Je rejette donc sa demande de contrôle judiciaire.

II. Analyse

[8] Je ne suis pas convaincue que la SAR a commis une erreur, comme le prétend le demandeur, en ne procédant pas à une analyse indépendante du dossier. Par exemple, la preuve documentaire du demandeur comprend des reçus de paiement d’amendes infligées par le BSP de même qu’un document de mise en liberté, éléments de preuve que la SPR a jugés frauduleux. La SAR a elle aussi conclu que ces éléments de preuve documentaire étaient frauduleux, pour les motifs énoncés par la SPR, mais également pour d’autres motifs.

[9] Rappelant qu’il n’appartient pas à la cour de révision d’apprécier à nouveau la preuve, je ne suis pas convaincue que la SAR s’est fondamentalement méprise sur la preuve qui lui a été soumise : Vavilov, précité, aux para 125-126. Par exemple, je suis d’avis que la critique du demandeur concernant le fait que la SAR a renvoyé, dans sa décision, au code criminel chinois plutôt qu’à la détention et aux amendes de nature administrative qu’il affirme s’être vu infliger, n’est rien de plus qu’une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur ainsi qu’une invitation à apprécier à nouveau la preuve. Cela dit, nul ne conteste que la SAR a renvoyé à la disposition applicable, soit à l’article 91, mentionné au point 10.9 du cartable national de documentation, lequel constitue une réponse à la demande d’information CHN200226.E.

[10] Même si je suis sensible à l’argument du demandeur selon lequel aucune preuve technique ou scientifique ne démontre la présence d’une note manuscrite à l’encre bleue sur ou sous le timbre officiel censé attester l’authenticité des documents, un agrandissement de ceux-ci montre sans équivoque la présence d’encre bleue sur le timbre rouge. Vu le fardeau qui incombe au demandeur et l’absence de circonstances exceptionnelles – à mon avis, aucune circonstance exceptionnelle n’a été démontrée en l’espèce –, la cour de révision s’abstiendra de modifier les conclusions de fait du décideur : Vavilov, précité, au para 125.

[11] En outre, je conviens avec le défendeur que l’argument du demandeur selon lequel certaines amendes peuvent à l’occasion excéder 500 yuans, alors que la SAR a plutôt mentionné que les amendes infligées lors d’une détention ne peuvent pas excéder cette somme, équivaut lui aussi à une invitation à apprécier à nouveau la preuve, ou encore à un désaccord concernant la preuve sur laquelle s’est fondée la SAR. Le fait que la SAR a privilégié un élément de preuve concernant les conditions dans le pays ne signifie pas nécessairement qu’elle a fait abstraction de l’élément de preuve contradictoire. À mon avis, c’est particulièrement vrai en l’espèce, car, comme le fait valoir le défendeur, ces conclusions supplémentaires ne viennent que renforcer les préoccupations légitimes déjà exprimées par la SAR à l’égard de l’authenticité de la preuve documentaire.

[12] Je crois également que la SAR est arrivée à une conclusion logique lorsqu’elle a conclu que l’absence de documents délivrés par le BSP au demandeur ou à son père mine la crédibilité de l’allégation selon laquelle le BSP aurait continué de communiquer avec ce dernier au sujet de son fils. En l’espèce, la SAR a jugé que le demandeur et son témoignage n’étaient pas crédibles et que certains éléments de preuve documentaire qu’il a fournis étaient frauduleux : Yan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 781 aux para 37‑38; Huang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 148 [Huang 148] aux para 28-31.

[13] L’affaire dont la Cour est saisie, comme d’autres affaires telles que Huang 148, comporte une série de conclusions sur la crédibilité, dont celle relative à l’absence de citation à comparaître. À mon avis, les circonstances de l’espèce sont différentes de celles de l’affaire Huang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 358, où une conclusion défavorable quant à la crédibilité, fondée sur une absence de sommation, avait sous-tendu, et donc indûment miné, l’analyse de la SPR sur la demande d’asile sur place.

[14] Enfin, je suis convaincue que la SAR a raisonnablement conclu qu’il manquait d’éléments de preuve crédibles pour confirmer la pratique chrétienne véritable du demandeur en Chine et au Canada. La SAR a fait remarquer que les connaissances du demandeur ne concordaient pas avec la pratique véritable qu’il allègue avoir. En effet, le baptistaire et les photos témoignent simplement de la tenue de certains événements, et non d’une pratique véritable. Quant à la lettre du révérend, elle mentionne uniquement la fréquentation du demandeur et non son engagement véritable envers la pratique et l’apprentissage chrétiens. J’estime que ce raisonnement est intrinsèquement cohérent, qu’il relève de l’expertise de la SAR, et qu’il commande la retenue : Huang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 94 au para 23. Je ne suis donc pas convaincue que la SAR a commis une erreur à cet égard.

III. Conclusion

[15] Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la décision de la SAR n’est pas déraisonnable. Je rejette donc la demande de contrôle judiciaire du demandeur.

[16] Aucune des parties n’a proposé de question aux fins de certification, et je conviens que la présente affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑8202‑21

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande de contrôle judiciaire du demandeur est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Janet M. Fuhrer »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑8202‑21

 

INTITULÉ :

ZHUXIN LI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 20 FÉVRIER 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE FUHRER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 27 JUILLET 2023

 

COMPARUTIONS :

Michael Korman

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Alethea Song

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Elyse Korman

Korman and Korman LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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