Date : 20230713
Dossier : IMM-9962-22
Référence : 2023 CF 954
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 13 juillet 2023
En présence de monsieur le juge Favel
ENTRE : |
YANXIA YANG |
demanderesse |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
I. Aperçu
[1] Yanxia Yang [la demanderesse] sollicite le contrôle judiciaire de la décision datée du 9 septembre 2022 par laquelle l’agent [l’agent] d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [IRCC] a refusé sa demande de permis de travail [PT] dispensé d’une étude d’impact sur le marché du travail [EIMT]. L’agent n’était pas convaincu que la demanderesse quitterait le Canada à la fin de son séjour comme le prévoit l’alinéa 200(1)b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le RIPR]. L’agent a conclu que la demanderesse n’avait pas présenté une preuve suffisante pour démontrer que son admission au Canada en vue de démarrer et d’exploiter une entreprise pouvait générer des débouchés ou des avantages sociaux, culturels ou économiques pour les citoyens canadiens ou les résidents permanents, conformément à l’alinéa 205a) du RIPR.
[2] La présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. La décision était raisonnable.
II. Le contexte factuel
[3] La demanderesse est une citoyenne de la Chine, âgée de 35 ans, qui cherche à démarrer une entreprise d’exportation de produits alimentaires [l’entreprise] à l’Île‑du‑Prince‑Édouard [l’Î.‑P.‑É.]. La demanderesse possède une formation postsecondaire en commerce international ainsi que de l’expérience en gestion et en vente dans l’industrie de la salubrité des aliments en Chine.
[4] Le ou vers le 16 novembre 2020, la demanderesse a présenté une demande dans le cadre du Programme des candidats provincial de l’Î.‑P.‑É., un programme destiné aux étrangers qui souhaitent obtenir le statut de résident permanent au Canada. À l’appui de sa demande, la demanderesse a fourni une copie de son plan d’affaires préparé par Grant Thornton LLP et daté de juin 2021 [le plan d’affaires]. Le plan d’affaires contenait un aperçu de l’entreprise, une analyse de l’industrie, un plan opérationnel et des projections financières.
[5] Comme une condition d’acceptation du programme, la demanderesse a conclu une entente de rendement pour un permis de travail ayant un impact sur les affaires, dans laquelle elle s’est engagée, entre autres conditions, à demander un PT, à établir sa résidence à l’Î.‑P.‑É., à investir un montant minimum dans son entreprise et à mettre en œuvre le plan d’affaires. Si elle satisfaisait à ces critères, la demanderesse recevrait l’appui du Bureau de l’immigration de l’Î.‑P.‑É pour sa candidature en vue d’obtenir la résidence permanente.
[6] Le 1er juin 2022, le Bureau de l’immigration de l’Î.‑P.‑É. a approuvé la candidature de la demanderesse dans le cadre du Programme des candidats provincial. Le Bureau de l’immigration de l’Î.‑P.‑É. a fourni une lettre à l’appui de la demande de PT de la demanderesse.
[7] Dans une lettre datée du 1er août 2022, le représentant de la demanderesse a joint une demande de résidence temporaire au nom de celle‑ci, de son époux et de leurs deux enfants. La demande comprenait le plan d’affaires, la lettre d’appui de l’Î.‑P.‑É., une preuve de fonds suffisants, un certificat de constitution en société et trois ententes d’intention de coopération dans le cadre de projets entre la demanderesse et diverses sociétés chinoises concernant la vente de produits alimentaires canadiens exportés en Chine [les ententes]. Les modalités des ententes prévoyaient que les entreprises étaient responsables de la vente des produits alimentaires canadiens exportés par la demanderesse en Chine et que certains produits et leur prix seraient négociés une fois que la demanderesse aurait établi son entreprise. IRCC a reçu la demande de PT de la demanderesse le 12 août 2022.
III. La décision faisant l’objet du contrôle
[8] L’agent a rejeté la demande de PT de la demanderesse parce qu’il n’était pas convaincu que la demanderesse quitterait le Canada à la fin de son séjour, compte tenu des exigences énoncées à l’alinéa 205a) du RIPR.
[9] Les notes consignées par l’agent dans le Système mondial de gestion des cas [le SMGC], lesquelles font partie des motifs de la décision, sont reproduites intégralement ci-dessous :
[traduction]
Dossier examiné. Dossier C11. La cliente demande un PT avec une dispense de l’EIMT en tant qu’entrepreneure. La DP souhaite établir à l’Î.‑P.‑É. une entreprise spécialisée dans l’exportation des produits alimentaires. Je constate que la cliente a obtenu une lettre d’appui de l’Î.‑P.‑É., dans laquelle il est indiqué que la province souhaite la désigner comme candidate.
Cependant, je fais remarquer qu’elle a choisi de la présenter comme une candidate éventuelle plutôt que comme candidate retenue, car elle voulait savoir si elle va créer une entreprise sur son territoire et, si oui, comment.
J’ai examiné le plan d’affaires de la cliente. Je constate qu’il est daté de juin 2021; il semble que la cliente ne l’ait pas modifié depuis son premier refus de PT en 2021. La cliente aurait pu profiter de l’occasion pour fournir des renseignements supplémentaires.
Je souligne les points suivants du plan d’affaires et des autres documents au dossier :
- La cliente n’a pas l’intention d’embaucher des citoyens canadiens ou des RP.
- La cliente n’est jamais allée à l’Î.‑P.‑É. : elle a donc établi un plan d’affaires sans avoir une expérience directe du marché dans lequel elle souhaite démarrer une entreprise.
D’après les documents au dossier, il semble que la plupart des recherches ont été effectuées en ligne. Elle ne semble pas avoir de partenaires d’affaires ou de contacts professionnels au Canada qui pourraient faire des recherches pour elle. Bien que ce facteur ne soit pas obligatoire pour un entrepreneur, des voyages antérieurs au Canada ou une liste de contacts indiqueraient que certains partenariats ou liens ont déjà été établis.
- Je constate également que les compétences linguistiques en anglais de la cliente sont intermédiaires (B2).
Le plan d’affaires de la cliente indique ce qui suit : « Mme Yang fera face à une concurrence féroce de la part d’autres exportateurs canadiens, ainsi que d’autres exportateurs internationaux, qui se font tous concurrence pour approvisionner les marchés chinois en produits de haute qualité. Atlantic Canada Export répertorie plus de 100 entreprises qui exportent des produits de la mer du Canada atlantique vers l’Asie. Certains des exportateurs d’aliments locaux bien connus sont (LISTE DE NOMS) […] Les exploitants susmentionnés de l’Î.‑P.‑É. sont également des producteurs agricoles et des transformateurs. »
Les documents au dossier ne permettent pas de déterminer quelles compétences ou quels autres avantages la cliente possède pour se distinguer dans ce marché déjà bondé.
Compte tenu des renseignements à ma disposition, il est difficile de conclure que son plan d’affaires est viable et que la cliente est en bonne position pour réussir dans ce marché concurrentiel.
Bien que j’aie accordé un certain poids à l’évaluation provinciale selon laquelle son plan d’affaires est viable, je constate que la province n’a pas choisi de la désigner immédiatement comme candidate de la province, car elle veut d’abord voir comment elle mettrait sur pied son entreprise.
De plus, je dois déterminer si son entreprise au Canada procurerait des « avantages » au Canada. Tel que je l’ai mentionné précédemment, elle n’a pas l’intention d’employer des résidents du Canada, du moins dans un avenir prévisible. Elle souhaite également démarrer une entreprise dans un marché déjà bondé, avec des investissements limités à quelques millions de dollars canadiens.
Tout bien considéré, je ne suis pas convaincu que la cliente a démontré que son admission au Canada pour amorcer le démarrage et l’exploitation de son entreprise puisse générer des débouchés ou des avantages sociaux, culturels ou économiques pour les citoyens canadiens ou les résidents permanents, conformément à l’alinéa R205a).
La présente demande est rejetée. En conséquence, les demandes des membres de la famille qui l’accompagnent seront refusées.
IV. La question en litige et la norme de contrôle
[10] La seule question que la Cour est appelée à trancher est celle de savoir si la décision de l’agent était raisonnable.
[11] Je conviens avec les parties que le bien-fondé de la décision doit faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Aucune des exceptions énoncées dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] (aux para 16‑17), ne s’applique en l’espèce. Lorsqu’elle effectue un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la Cour doit tenir compte du résultat de la décision et du raisonnement sous-jacent afin d’évaluer si la décision dans son ensemble « possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci »
(Vavilov, aux para 87, 99). Lorsque les motifs du décideur permettent à la cour de révision de comprendre le raisonnement qui a mené à la décision et de déterminer si la décision appartient aux issues possibles acceptables, la décision sera raisonnable (Vavilov, aux para 85‑86).
V. Analyse
A. La position du demandeur
[12] La décision était déraisonnable. L’agent n’a pas communiqué de motifs qui justifient la décision de manière transparente et intelligible (Vavilov, au para 136).
[13] Premièrement, l’agent a tiré une conclusion défavorable à l’égard du statut de la demanderesse en tant que candidate de la province. La raison pour laquelle l’agent a tiré cette conclusion n’est pas claire, surtout à la lumière de l’explication contenue dans la lettre d’appui de l’Î.‑P.‑É.
[14] Deuxièmement, l’agent n’a pas tenu compte des éléments de preuve contredisant sa conclusion selon laquelle la demanderesse n’a pas de partenaires d’affaires ou de contacts professionnels au Canada qui pourraient faire des recherches pour elle (Cepeda‑Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 1 CF 53 au para 17, [1998] ACF no 1425 [Cepeda‑Gutierrez]). La demanderesse a fourni une copie de son plan d’affaires préparé par Grant Thornton LLP, qui est l’un de ses contacts au Canada.
[15] De même, l’agent n’a pas tenu compte des éléments de preuve contredisant sa conclusion selon laquelle la demanderesse n’a ni les compétences ni d’autres avantages pour se démarquer dans un marché bondé (Cepeda‑Gutierrez, au para 17). La demanderesse a présenté son plan d’affaires ainsi que trois ententes de coopération dans le cadre de projets concernant l’exportation de produits alimentaires de l’Î.‑P.‑É.
[16] Enfin, l’agent a commis une erreur dans sa décision globale quant à savoir si l’entreprise de la demanderesse procurerait des avantages au Canada. Rien n’explique comment ni pourquoi l’investissement de plusieurs millions de dollars canadiens de la demanderesse ne procurerait pas d’avantages. De plus, l’agent a indiqué un montant d’investissement très différent de celui indiqué dans le plan d’affaires et les autres documents. Le plan d’affaires expliquait également que la demanderesse avait l’intention d’embaucher deux employés à temps partiel, contrairement à la conclusion de l’agent selon laquelle elle n’avait pas l’intention d’employer de résidents canadiens.
B. La position du défendeur
[17] La décision de l’agent était raisonnable et les motifs étaient intelligibles. Selon la publication d’IRCC intitulée « Avantage important pour le Canada [R205a) – C10] – Intérêts canadiens – Programme de mobilité internationale »
, il faut établir que des avantages clairs et convaincants peuvent être tirés en délivrant des permis de travail sans EIMT pour un travail désigné aux termes de l’alinéa 205a) du RIPR. En l’espèce, l’agent a examiné la demande et s’est appuyé sur son expérience et son expertise pour conclure que la demanderesse n’avait pas démontré que son plan d’affaires était viable ou que son entreprise procurerait des avantages au Canada.
[18] Premièrement, l’agent n’a pas tiré de conclusion défavorable à l’égard du statut de la demanderesse en tant que candidate de la province. L’agent a plutôt évalué le poids qui devrait être accordé à la lettre d’appui de l’Î.‑P.‑É. et a conclu qu’il faut lui accorder un certain poids. L’agent n’était pas obligé de souscrire à l’évaluation de l’Î.‑P.‑É., et il a fourni suffisamment de motifs pour expliquer pourquoi la délivrance du PT ne procurerait pas un avantage au Canada (Sarfraz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1578 au para 22; Shang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 633 [Shang] aux para 62, 68‑69).
[19] Deuxièmement, l’agent a raisonnablement conclu que la demanderesse n’avait pas de partenaires d’affaires ni de contacts professionnels à l’Î.‑P.‑É. (Sen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 777 au para 16 [Sen]). Bien que la demanderesse ait retenu les services de Grant Thornton LLP pour élaborer son plan d’affaires, rien n’indique que ceux‑ci l’aideraient à établir son entreprise à son arrivée. L’agent a également souligné que la demanderesse n’était jamais allée à l’Î.‑P.‑É. et qu’elle n’avait aucune expérience personnelle du marché local.
[20] Troisièmement, l’agent a raisonnablement conclu que la demanderesse ne s’était pas démarquée dans un marché concurrentiel. Le propre plan d’affaires de la demanderesse reconnaissait la nature concurrentielle du marché chinois avec de nombreux exportateurs établis. Même si la demanderesse a expliqué dans son plan d’affaires qu’elle avait des chances de réussite si elle offrait des [traduction] « options de services de premier rang »
, elle n’a pas expliqué en quoi consistent ces options ni comment elles seront mises en œuvre. De même, les ententes, qui consistent en des contrats d’une page comportant peu de détails, ne constituent pas une preuve solide du succès qu’aurait l’entreprise. Par conséquent, l’agent n’était pas tenu de s’y référer compte tenu de la présence de concurrents bien établis sur le marché. Comme l’a souligné l’agent, le permis de travail initial de la demanderesse a été refusé en 2021 en raison de préoccupations concernant l’exploitation de l’entreprise. La demanderesse aurait pu modifier son plan d’affaires pour prouver sa viabilité lorsqu’elle a présenté une nouvelle demande, mais elle a choisi de ne pas le faire.
[21] Enfin, la déclaration de l’agent concernant l’investissement limité de la demanderesse est étayée par la preuve, notamment la lettre du représentant et le plan d’affaires. Cette déclaration doit être lue dans son intégralité. L’agent craignait clairement que l’investissement soit insuffisant pour rendre le plan d’affaires viable, compte tenu du marché bondé et concurrentiel. De plus, le plan d’affaires n’indique pas clairement que la demanderesse a l’intention d’embaucher des Canadiens ou des résidents permanents. La demanderesse aurait dû l’indiquer expressément au titre de l’alinéa 205a) du RIPR.
Conclusion
[22] La décision était raisonnable. La demanderesse n’a pas réussi à démontrer le contraire (Vavilov, au para 100).
[23] Selon l’alinéa 205a) du RIPR, un permis de travail peut être délivré à l’étranger si le travail pour lequel le permis est demandé « permet de créer ou de conserver des débouchés ou des avantages sociaux, culturels ou économiques pour les citoyens canadiens ou les résidents permanents »
.
[24] Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que l’agent n’a pas tiré de conclusion défavorable à l’égard du statut de la demanderesse en tant que candidate de la province. L’agent est tenu de prendre acte d’une lettre d’appui et d’en tenir compte, mais il n’a pas à souscrire à l’opinion qui y est exprimée (Shang) :
[68] […] L’agent des visas n’était pas obligé de souscrire aux opinions exprimées dans ces lettres ou de conclure que, vu ces lettres, la demanderesse avait satisfait aux exigences du Règlement, mais il devait en tenir compte et, à tout le moins, indiquer pourquoi il ne leur avait accordé que peu de poids, sinon aucun. Rien dans les motifs ne donne à penser que c’est ce que l’agent des visas a fait.
[Non souligné dans l’original.]
[25] En l’espèce, l’agent a évalué la lettre d’appui de l’Î.‑P.‑É., soulignant notamment que l’Î.‑P.‑É. avait désigné la demanderesse comme une candidate éventuelle, et a finalement accordé un certain poids à l’évaluation de l’Î.‑P.‑É. selon laquelle le plan d’affaires était économiquement viable. Cependant, l’agent n’a pas souscrit à l’opinion de l’Î.‑P.‑É. étant donné qu’il était d’avis que la demanderesse n’avait pas l’intention d’employer des résidents canadiens dans un avenir prévisible, n’était jamais allée à l’Î.‑P.‑É., avait l’intention de démarrer son entreprise dans un marché bondé et concurrentiel et avait des investissements limités. La conclusion de l’agent est conforme à la jurisprudence et commande la retenue.
[26] De plus, l’agent n’a pas omis de tenir compte d’éléments de preuve contradictoires lorsqu’il a conclu que la demanderesse n’a pas de partenaires d’affaires ni de contacts professionnels au Canada qui pourraient faire des recherches pour elle. Les agents sont présumés avoir considéré l’ensemble de la preuve à leur disposition (Solopova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 590 au para 28). Il se dégage clairement de la lecture des motifs de l’agent dans leur intégralité que l’agent a examiné l’ensemble de la preuve dont il disposait (Cepeda‑Gutierrez, au para 16). L’agent a noté ce qui suit :
[traduction]
Je souligne les points suivants du plan d’affaires et des autres documents au dossier :
[…]
- La cliente n’est jamais allée à l’Î.‑P.‑É. : elle a donc établi un plan d’affaires sans avoir une expérience directe du marché dans lequel elle souhaite démarrer une entreprise.
D’après les documents au dossier, il semble que la plupart des recherches ont été effectuées en ligne. Elle ne semble pas avoir de partenaires d’affaires ou de contacts professionnels au Canada qui pourraient faire des recherches pour elle. Bien que ce facteur ne soit pas obligatoire pour un entrepreneur, des voyages antérieurs au Canada ou des listes de contacts indiqueraient qu’il existe déjà des partenariats ou des liens établis.
[Non souligné dans l’original.]
[27] Après examen du dossier, je conclus qu’aucun élément de preuve contradictoire n’appuie une conclusion différente (Sen, au para 22). L’agent a examiné le plan d’affaires, dont les notes de bas de page renvoient uniquement à des sources en ligne. Le plan d’affaires et les autres documents présentés n’indiquent pas que Grant Thornton LLP est un partenaire d’affaires ou un contact professionnel établi qui pourrait faire des recherches autres que dans des sources en ligne et qui pourrait aider la demanderesse à établir son entreprise. De plus, rien n’indique que Grant Thornton LLP a continué à s’occuper du projet après avoir terminé le plan d’affaires en juin 2021. Quoi qu’il en soit, le facteur mentionné ci-dessus n’a pas été déterminant dans la décision de l’agent. Après l’avoir lu l’ensemble des motifs, je ne vois aucune raison de modifier ce raisonnement.
[28] Troisièmement, la loi n’oblige pas le demandeur à « se démarquer »
de ses concurrents. Toutefois, les observations du défendeur m’ont convaincu que les motifs de l’agent doivent être lus dans le contexte de l’exigence selon laquelle un demandeur doit démontrer qu’il procurera des avantages au Canada aux termes de l’alinéa 205a) du RIPR. Bien que le plan d’affaires de la demanderesse explique qu’elle possède [traduction] « une vaste expérience et des relations dans l’industrie alimentaire chinoise »
et qu’elle « a l’intention d’utiliser ses relations personnelles et professionnelles dans l’industrie alimentaire chinoise »
pour fournir des produits de haute qualité, la demanderesse n’a présenté aucune observation pour expliquer en quoi ces caractéristiques constituent des compétences ou des avantages distinctifs par rapport aux autres exportateurs établis. De même, la demanderesse n’explique pas en quoi les ententes elles‑mêmes constituent un avantage distinctif.
[29] Contrairement aux observations de la demanderesse, l’agent explique pourquoi il n’est pas convaincu que l’entreprise procurerait des avantages au Canada. L’agent n’affirme pas que l’investissement de la demanderesse ne procurerait pas en soi d’avantages. Il explique plutôt que la demanderesse [traduction] « veut démarrer une entreprise dans un marché déjà bondé, avec des investissements limités à quelques millions de dollars canadiens »
(non souligné dans l’original). Autrement dit, les préoccupations de l’agent portaient clairement sur le caractère suffisant de l’investissement de la demanderesse dans le contexte d’un marché bondé et concurrentiel.
[30] En ce qui concerne le montant de l’investissement indiqué par l’agent, la demanderesse n’a présenté aucun élément de preuve précis pour démontrer le caractère déraisonnable de la conclusion de l’agent. Le plan d’affaires de la demanderesse et d’autres documents établissent que la demanderesse avait l’intention de fournir un investissement initial de 150 000 dollars canadiens. La demanderesse a également expliqué que son époux et elle ont un avoir net conjoint d’environ 6,5 millions de dollars canadiens, dont environ un million de dollars auxquels elle a accès immédiatement. La demanderesse en a fourni la preuve, mais n’a présenté aucune preuve de l’existence de sources de financement externes.
[31] Enfin, le plan d’affaires n’indique pas expressément que la demanderesse a l’intention d’employer des résidents canadiens. Il indique plutôt qu’elle a l’intention d’embaucher un adjoint à la logistique et un directeur des ventes, tous deux à temps partiel, et énumère les exigences minimales propres à chaque poste. Au cours de l’audience, la Cour a demandé aux parties si le plan d’affaires devait indiquer expressément que des résidents canadiens seraient employés. La demanderesse a déclaré que cela allait de soi, tandis que le défendeur a répété ce qu’il avait écrit dans ses observations écrites, à savoir qu’il s’agit d’une exigence du RIPR et que cette précision doit donc figurer dans le plan d’affaires. Il incombe à la demanderesse de présenter sa demande sous son meilleur jour et, de toute évidence, le plan d’affaires ne mentionne pas l’embauche de résidents canadiens.
[32] Après examen global de la décision, je suis d’avis qu’elle était raisonnable.
VI. Conclusion
[33] Pour les motifs qui précèdent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.
[34] Les parties n’ont proposé aucune question à certifier, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.
JUGEMENT dans le dossier IMM-9962-22
LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :
La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Il n’y a pas de question à certifier.
« Paul Favel »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
IMM-9962-22 |
INTITULÉ :
|
YANXIA YANG c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
Vancouver (Colombie-Britannique)
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
Le 27 juin 2023
|
JUGEMENT ET MOTIFS : |
LE JUGE FAVEL
|
DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :
|
Le 13 juillet 2023
|
COMPARUTIONS :
RICHARD KURLAND |
Pour la demanderesse |
DEVI RAMACHANDRAN |
Pour le défendeur |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
KURLAND, TOBE VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE) |
Pour la demanderesse |
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE) |
Pour le défendeur |