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Date : 20230717


Dossier : IMM-3624-22

Référence : 2023 CF 969

Ottawa (Ontario), le 17 juillet 2023

En présence de madame la juge St-Louis

ENTRE :

NADJE EPSE ZADI

OHILIBO MARIE CHANTAL

demanderesses

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] Mme Nadje Epse Zadi, la demanderesse, sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 4 avril 2022 par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] selon laquelle Mme Nadje Epse Zadi n’a ni la qualité de réfugiée au sens de la Convention ni celle de personne à protéger en vertu des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001 c 27 [la Loi sur l’immigration].

[2] Tant la SPR que la SAR ont rejeté la demande d’asile de Mme Nadje Epse Zadi au motif que cette dernière dispose d’une possibilité de refuge intérieur [PRI] viable à Yamoussoukro, San Pedro et Daloa en Côte d’Ivoire.

[3] Pour les motifs qui suivent, et tenant compte de la norme de contrôle applicable, je rejetterai la demande de contrôle judiciaire. La demanderesse n’a pas démontré que la décision de la SAR est déraisonnable.

II. Contexte

[4] Mme Nadje Epse Zadi est citoyenne de la Côte d’Ivoire. Le 5 juin 2019, elle arrive au Canada munie d’un visa de visiteur et elle demande ensuite l’asile alléguant risquer la mort si elle rentre en Côte d’Ivoire.

[5] Le 14 juin 2019, Mme Nadje Epse Zadi signe son formulaire de Fondement de la demande d’asile. En bref, elle allègue craindre d’être persécutée par un ancien camarade de classe en raison d’un désaccord survenu lors d’un débat étudiant qui aurait eu lieu entre 2007 et 2010. Selon ses allégations, cet ancien camarade de classe, Moussa, partisan du président Alassane Ouattara, voudrait s’en prendre à Mme Nadje Epse Zadi vu l’appartenance de cette dernière au même groupe ethnique que l’ex-président Laurent Gbagbo et vu ses opinions. En 2011, il aurait pillé la maison de Mme Nadje Epse Zadi et y aurait mis le feu; et le 15 décembre 2018, il serait entré dans son domicile avec trois individus pour la battre et l’agresser sexuellement. L’agent de persécution aurait aussi enlevé le conjoint de Mme Nadje Epse Zadi alors qu’elle se serait réfugiée chez une amie.

[6] Le 8 décembre 2021, la SPR conclut qu’il n’y a pas de possibilité sérieuse que la demanderesse soit persécutée, ou que, selon la prépondérance des probabilités, elle soit exposée au risque d’être soumise à la torture, à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités partout en Côte d'Ivoire. À la lumière du profil de la demanderesse et de la preuve documentaire objective au dossier, la SPR conclut, en premier lieu, que l’agent de persécution n’a pas la capacité et la motivation à retrouver la demanderesse afin de la persécuter dans les PRI proposées, qu’elle ne serait pas exposée à plus qu’une simple possibilité de persécution en raison de son appartenance ethnique, son statut de femme ou ses opinions politiques dans les PRI proposées et, en deuxième lieu, qu’il n’est pas objectivement déraisonnable pour la demanderesse de chercher refuge dans les PRI proposées, soit Daloa, San Pedro ou Yamoussoukro en Côte d’Ivoire. La SPR conclut que la demanderesse n’a pas qualité de réfugiée au sens de l’article 96 de la Loi sur l’immigration, ni celle de personne à protéger au sens de l’alinéa 97(1)(a) ou 97(1)(b) et la SPR rejette donc sa demande d’asile.

[7] Mme Nadje Epse Zadi interjette appel de la décision de la SPR devant la SAR. Elle présente alors des éléments de preuve – extraits de journaux et témoignages. Elle ne soulève aucun argument à l’encontre des conclusions de la SPR sur le deuxième volet du test de la PRI, soit qu’il est objectivement raisonnable pour elle de s’installer dans les PRI proposées, et ne conteste pas non plus les conclusions de la SPR rejetant ses allégations de crainte découlant des opinions politiques favorables à l’ex-président Gbagbo ni celles découlant de son appartenance au groupe social femme. Mme Nadje Epse Zadi ne conteste alors que la conclusion de la SPR sur le premier volet du test de la PRI sur la possibilité sérieuse de persécution dans les PRI proposées et allègue alors, essentiellement, que la SPR a erré en concluant que les « microbes », un groupe de criminel dirigé par son agent de persécutions, n’opéraient pas sur tout le territoire ivoirien. Le Dossier Certifié du Tribunal (à la page 46) révèle que Mme Nadje Epse Zadi plaide devant la SAR que :

Le tribunal estime qu'il n'y a pas de possibilité sérieuse que l'appelante soit persécutée ou au risque d'être soumise à la torture, à une menace à sa vie partout en cote d'ivoire. Le tribunal n'est pas aller en profondeur de ses investigations ~ Pour arriver à cette conclusion préjudiciable pour l'appelante. Car plusieurs journaux parlent de la mobilité du phénomène microbe en Côte d'Ivoire. En effet les microbes comme l'a dit l'appelante au cours de l'audience opèrent dans plusieurs villes de la Cote d'Ivoire. Ils ne sont pas seulement concentrés dans la capitale comme le prétend le tribunal. On peut les retrouver Gagnoa, Yamoussoukro Daloa et j’en passe. A quel endroit l'appelante peut elle être en sécurité si son agent persécuteur est dans un groupe des bandits qui sont présents sur toute l'étendue du territoire de son pays. Les microbes opèrent partout et dans les villes citées par le tribunal. Pour le tribunal l'agent persécuteur avec les capacités qu'il a aurait pu retrouver la famille de l'appelante. La question qui se pose est celle de savoir pourquoi retrouver la famille de l'appelante si l'agent persécuteur est informé que l'appelante est hors du pays? En plus l'agent persécuteur connait l'appelante et non sa famille? Comment peut-il chercher les gens qu'il ne connait pas ? Le tribunal estime que l'appelante ne peut recroiser l'agent de persécution dans les villes retenues par lui. Comme nous l'avons dit l'agent persécuteur est dans un groupe qui est présent dans toutes les villes du pays. il y a des fortes chances de recroiser l'appelante. La question que l'on peut se poser est celle de savoir s'il faut que l'appelante aille s'essayer pour voir si son agent de persécution peut le retrouver? Est ce que un tel risque est-il nécessaire ? Le tribunal déclare que la persécution n'est pas du à son groupe ethnique. Alors que si elle est persécutée c'est par rapport à son appartenance à l'ethnie du président Gbagbo et aux propos tenus lors de sa discussion avec Moussa son agent persécuteur.

[8] Dans sa décision du 4 avril 2019, la SAR rejette l’appel et confirme la décision de la SPR selon laquelle la demanderesse n’a ni la qualité de réfugiée au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger. La SAR est d’avis que la preuve n’a pas établi que l’agent de persécution aurait l’intérêt à trouver Mme Nadje Epse Zadi dans les PRI proposées, ni qu’il serait déraisonnable qu’elle s’y installe et la SAR juge qu’il y a une PRI dans ces villes. Selon la SAR, Mme Nadje Epse Zadi n’a pas établi la capacité et la motivation de l’agent de persécution à la retrouver dans les PRI proposées, et qu’elle a une crainte raisonnable de persécution comme membre du groupe social femme, son appartenance ethnique ou en raison de ses opinions politiques.

[9] La SAR examine les nouveaux éléments de preuve que Mme Nadje Epse Zadi entend déposer devant elle, ne les considère pas admissibles et elle les rejette donc. Mme Nadje Epse Zadi ne conteste pas cette conclusion devant la Cour. La SAR rejette conséquemment la demande d’audience de Mme Nadje Epse Zadi, conclusion qui n’est pas non plus contestée devant la Cour.

[10] La SAR fait une analyse indépendante de tous les éléments de preuve, incluant l’écoute de l’enregistrement de l’audience devant la SPR, prend en considération les Directives no 4 du président: Revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe et elle applique la norme de la décision correcte.

[11] Elle examine ensuite les deux volets de la PRI. Quant au premier volet, la SAR examine la demande sous l’angle de l’article 96 de la Loi sur l’immigration vu les opinions politiques imputées alléguées par Mme Nadje Epse Zadi et examine la capacité et la motivation de l’agent de persécution à retrouver cette dernière.

[12] En lien avec la capacité de l’agent de persécution à retrouver Mme Nadje Epse Zadi, la SAR examine la preuve documentaire objective quant à la présence du phénomène des « microbes » et conclut que les microbes peuvent mener des activités dans d’autres villes qu’Abidjan, mais qu’ils sont indéniablement concentrés dans cette ville, selon la preuve documentaire objective, et elle estime que cette preuve n’établit pas une possibilité sérieuse qu’ils auront la capacité de trouver la demanderesse dans les PRI proposées. La SAR ne retient pas non plus l’argument de Mme Nadje Epse Zadi voulant que l’agent de persécution ne connaissant pas les membres de sa famille, ne puisse chercher des gens qu’il ne connaît pas. Cet argument contredit, selon la SAR, celui même de Mme Nadje Epse Zadi selon lequel l’agent de persécution serait à la tête d’une organisation criminelle très puissante qui opère dans tout le pays. La SAR est d’avis que si c’était le cas, ce qu’elle ne juge pas avoir été établie, il aurait la capacité d’identifier les membres de la famille de Mme Nadje Epse Zadi et de les trouver. La SAR estime que la prétention de Mme Nadje Epse Zadi, voulant qu’il y ait de fortes chances que cette dernière recroise l’agent de persécution est fondée sur des suppositions et non sur des faits, et elle ne la retient pas. La SAR juge correcte la conclusion de la SPR selon laquelle il n’a pas été établi que l’agent de persécution a la capacité de trouver l’appelante dans les PRI proposées.

[13] En lien avec la motivation de l’agent de persécution à retrouver Mme Nadje Epse Zadi, la SAR prend en compte l’absence de contact de l’agent de persécution avec l’entourage de Mme Nadje Epse Zadi ou les membres de sa famille depuis près de trois ans, et elle estime que Mme Nadje Epse Zadi n’a pas établi qu’il existe plus qu’une simple possibilité que l’agent de persécution ait la motivation à la retrouver aujourd’hui dans les PRI proposées en raison de commentaires qu’elle aurait formulés lors d’un débat, organisé par l’association étudiante il y a plus d’une décennie. La SAR juge correcte la conclusion de la SPR suivant laquelle Mme Nadje Epse Zadi n’a pas établi la motivation de l’agent de persécution à la retrouver dans les PRI proposées.

[14] En lien avec la crainte liée au groupe ethnique de l’ex-président Gbagbo, la SAR note que Mme Nadje Epse Zadi ne souligne pas, devant elle, quelles erreurs la SPR aurait commises. La SAR partage le point de vue de la SPR selon lequel la preuve documentaire n’appuie pas une allégation de persécution fondée sur l’appartenance au groupe ethnique identifié, et elle juge correcte la conclusion de la SPR voulant que la possibilité sérieuse de persécution de Mme Nadje Epse Zadi en raison de son appartenance au même groupe ethnique que l’ex-président Gbagbo, n’a pas été établie.

[15] La SAR note que Mme Nadje Epse Zadi n’a pas contesté les conclusions de la SPR quant à sa crainte liée à des opinions politiques favorables à l’ex-président Gbagbo et quant à sa crainte en raison de l’appartenance au groupe social femme, et confirme les conclusions de la SPR comme correctes.

[16] Quant au deuxième volet du test de la PRI, la SAR note que Nadje Epse Zadi ne conteste pas la conclusion de la SPR selon laquelle il serait objectivement raisonnable pour elle de s’installer dans les PRI proposées à Yamoussoukro, San Pedro et Daloa et la SAR se déclare d’accord avec la SPR sur cette question.

III. Discussion

A. Norme de contrôle

[17] La demanderesse soumet deux arguments concernant le premier volet de la PRI, soit que (1) son témoignage crédible aurait dû suffire à démontrer qu’elle sera à risque dans les PRI suggérées; et (2) la SAR a erré en ne tenant pas compte de sa situation particulière.

[18] En ce qui concerne le deuxième volet de la PRI, la demanderesse prétend qu’il serait objectivement déraisonnable de s’installer dans les PRI proposées vu le taux de chômage en Côte D’Ivoire, ainsi que les difficultés à se trouver un emploi et à se payer une maison.

[19] Les parties conviennent avec justesse que la décision doit être revue selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, au para 23 [Vavilov]). Suivant la norme de contrôle de la décision raisonnable, « [l]a Cour de révision n’est plutôt appelée qu’à décider du caractère raisonnable de la décision rendue par le décideur administratif – ce qui inclut à la fois le raisonnement suivi et le résultat obtenu » (Vavilov, au para 83). Lorsqu’elle applique la norme de la décision raisonnable, la Cour n’interviendra que dans les cas où la décision n’est pas justifiée, transparente ou intelligible, ou si elle est entachée d’une erreur susceptible de contrôle.

[20] Tel que l’a souligné le juge Gascon au paragraphe 23 de la décision Singh c Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration 2020 CF 350 [Singh] : « Ce faisant, la cour de révision n’interviendra à l’égard des conclusions de fait du décideur administratif que dans des « circonstances exceptionnelles », soit lorsque ce décideur « s’est fondamentalement mépris sur la preuve qui lui a été soumise ou n’en a pas tenu compte » (Vavilov aux para 125-126).

B. Droit applicable à la Possibilité de Refuge Interne [PRI]

[21] Quant au droit applicable à la PRI, les parties s’entendent que c’est à la demanderesse que revient le fardeau de démontrer qu’elle ne peut pas bénéficier d’une PRI dans son pays, puisqu’il s’agit d’une condition au statut de réfugié. L’analyse de la PRI est à deux (2) volets : le demandeur d’asile bénéficie d’une PRI lorsque (1) il ne risque pas sérieusement d’être persécuté ou, selon la prépondérance des probabilités, il ne sera pas personnellement exposé à un risque de préjudice dans la PRI, et (2) il ne serait pas objectivement déraisonnable pour lui de trouver refuge à cet endroit (Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] ACF no 1172 (CAF) au para 12; Blancas Calderon c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 263 au para 10).

C. Décision de la SAR sur le premier volet de l’analyse de la PRI

[22] Mme Nadje Epse Zadi soutient d’abord que son témoignage, jugé crédible, aurait dû suffire à démontrer qu’elle sera à risque dans les PRI suggérées. Cet argument ne peut réussir.

[23] Tel que le souligne le Ministre, Mme Nadje Epse Zadi confond ici crédibilité et valeur probante. La SAR pouvait conclure que la preuve qu’elle a présentée était simplement insuffisante pour démontrer l’existence d’une possibilité sérieuse de persécution dans les PRI, bien que la SAR n’ait par ailleurs pas remis en question sa crédibilité. Je retiens les propos de mon collègue le juge Pamel à cet égard dans la décision Rahman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 138 aux paragraphes 68 et 69 :

[68] J’admets que, à moins de bonnes raisons indiquant le contraire, il convient d’accorder aux demandeurs le bénéfice du doute au sujet de la preuve. Il y a toutefois une différence entre une preuve qui repose sur les connaissances directes d’un demandeur et les inférences que ce dernier cherche à tirer de cette preuve. Il est présumé de façon générale que les allégations d’un demandeur d’asile sont véridiques, sauf s’il existe des raisons de douter de leur véracité (Maldonado c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1980] 2 CF 302 (CAF)).

[69] Cependant, cette présomption a trait à la crédibilité (c.‑à‑d., la véracité), et non à la valeur probante. Comme le juge Grammond l’explique dans la décision Magonza, les règles qui régissent la crédibilité et la valeur probante sont différentes. C’est pour cela que les tribunaux peuvent croire en la véracité des prétentions ou du témoignage d’un demandeur d’asile et décider quand même que ce dernier n’a pas fourni d’éléments suffisants à l’appui des inférences qu’il cherche à tirer de la preuve.

[24] Quant au deuxième argument soulevé, soit que la SAR a erré en ne tenant pas compte de sa situation particulière, Mme Nadje Epse Zadi n’identifie aucun élément que la SAR aurait ignoré du dossier devant elle. Les allégations et informations qui sont soulevées devant la Cour n’ont en outre pas été soulevées devant la SAR et ne sont pas non plus appuyées par la preuve.

[25] En fait, tout indique que Mme Nadje Epse Zadi exprime son désaccord sur l’appréciation de la preuve effectuée par la SAR et qu’elle demande à la Cour de choisir sa version plutôt que celle de la SAR. Or, tel que l’a souligné mon collègue le juge Gascon dans Singh, ce n’est pas le rôle de la Cour en matière de contrôle judiciaire (citant Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CAF 113 au para 99). Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, la Cour n’est pas autorisée à apprécier à nouveau la preuve ou à substituer sa propre évaluation à celle du décideur administratif. La déférence envers un décideur administratif inclut une déférence à l’égard de ses conclusions et de son appréciation de la preuve. La cour de révision doit en fait éviter « de soupeser et d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur » (Canada (Commission canadienne des droits de la personne c Canada (Procureur général), 2018 CSC 31 au para 55, citant Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 64 [Khosa]).

[26] Je déclinerai donc l’invitation de Mme Nadje Epse Zadi d’intervenir.

D. Décision de la SAR sur le deuxième volet

[27] Devant la SAR, Mme Nadje Epse Zadi n’a pas contesté la conclusion de la SPR sur le deuxième volet du test de la PRI.

[28] En règle générale, il est interdit aux demandeurs de soulever, devant la Cour, de nouvelles questions juridiques qui auraient pu être soulevées avant le contrôle judiciaire (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61 aux para 22‑26 [Alberta Teachers]; Forest Ethics Advocacy Association c Canada (Office national de l’énergie), 2014 CAF 245 aux para 42‑47; Erasmo c Canada (Procureur général), 2015 CAF 129 au para 33). Bien qu’il existe des exceptions à cette règle, la demanderesse n’a pu en identifier aucune susceptible de s’appliquer à la présente instance (Alberta Teachers aux para 22, 28).

[29] L’application de la règle générale est fondée sur le principe voulant que la SPR et la SAR – et non la Cour – sont les tribunaux désignés par le législateur pour tirer des conclusions de fait, déterminer les règles de droit applicables, examiner les questions d’orientation générale et tirer des conclusions fondées sur les faits au dossier (Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 au para 17). Dans le contexte du contrôle judiciaire, il ne revient pas à la cour de révision d’apprécier à nouveau la preuve examinée par le décideur administratif (Vavilov au para 125; Khosa au para 61).

[30] Il incombait à la demanderesse d’établir, devant la SAR, le caractère déraisonnable de la PRI. Toutefois, elle a choisi de ne présenter aucun argument à cet égard; il serait inapproprié pour la Cour de considérer de nouveaux arguments compte tenu de cette situation.

IV. Conclusion

[31] Mme Nadje Epse Zadi ne m’a pas convaincue que la décision de la SAR est déraisonnable. Au contraire, la décision est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle, et elle est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur administratif était assujetti et au regard de la preuve et des arguments qui lui ont été présentés. La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.


JUGEMENT dans IMM-3624-22

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

  2. Aucune question n’est certifiée;

  3. Aucun dépens n’est accordé.

« Martine St-Louis »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3624-22

INTITULÉ :

NADJE EPSE ZADI, OHILIBO MARIE CHANTAL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 juillet 2023

JUGEMENT ET motifs :

LA JUGE ST-LOUIS

DATE DES MOTIFS :

LE 17 juillet 2023

COMPARUTIONS :

Me Mweze, Murhula Jugauce

Pour les demanderesses

Me Boris Haganji

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Mweze, Murhula Jugauce

Montréal (Québec)

Pour les demanderesses

Procureure générale du Canada

Montréal (Québec)

Pour le défendeur

 

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