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Date : 20230713


Dossier : T-1062-22

Référence : 2023 CF 955

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 13 juillet 2023

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

AISHA NADEEM

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision du 28 avril 2022 par laquelle l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) a rejeté la demande de prestation canadienne de relance économique (la PCRE) présentée par la demanderesse. L’ARC a conclu que la demanderesse n’était pas admissible à la PCRE, puisqu’elle n’avait pas touché des revenus d’au moins 5 000 $ pour l’année 2019 ou 2020 ou au cours des 12 mois précédant la date de sa demande.

II. Contexte

[2] La demanderesse, Aisha Nadeem, a demandé la PCRE pour 27 périodes de deux semaines, soit du 27 septembre 2020 au 9 octobre 2021.

[3] Le 7 décembre 2020, la demanderesse a transmis les documents suivants à l’ARC :

  1. une déclaration dans laquelle elle explique pourquoi elle estime être admissible à la PCRE;

  2. un bulletin de paie du Collège Humber pour la période du 15 au 28 mars 2020;

  3. un feuillet T4 du Collège Humber pour l’année d’imposition 2020;

  4. une lettre de l’ARC du 3 décembre 2020;

  5. un relevé de transactions bancaires du 1er janvier au 31 décembre 2019;

  6. un avis de cotisation pour l’année d’imposition 2020.

[4] L’agent de l’ARC a conclu que la demanderesse n’était pas admissible à la PCRE, puisque ses revenus d’emploi ou le revenu net qu’elle avait gagné dans le cadre d’un travail exécuté pour son compte pour l’année 2019 ou 2020 ou au cours des 12 mois précédant la date de sa première demande ne s’élevaient pas à au moins 5 000 $.

[5] L’ARC a informé la demanderesse qu’elle n’était pas admissible à la PCRE dans une lettre datée du 18 novembre 2021.

[6] Dans une lettre datée du 7 décembre 2021, la demanderesse a sollicité un nouvel examen de sa demande. C’est la seconde décision rendue par l’ARC qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

III. Décision faisant l’objet du contrôle

[7] L’agent de l’ARC qui a procédé au second examen de la demande n’avait pas participé au premier.

[8] Lorsqu’elle a sollicité un nouvel examen, la demanderesse a joint les documents suivants à sa demande :

  1. une lettre d’une personne qui affirme avoir payé la demanderesse 550 $ pour des services domestiques rendus à un aîné entre janvier et mars 2020;

  2. des feuillets T4;

  3. une lettre de la demanderesse qui affirme avoir reçu 550 $ en espèces en échange de services domestiques;

  4. des relevés bancaires pour la période du 7 novembre 2020 au 4 mai 2021;

  5. un avis de cotisation, daté du 4 mars 2021, pour l’année d’imposition 2020.

[9] Nul ne conteste que la demanderesse a touché un revenu d’emploi de 4 566,90 $. L’ARC s’est penchée sur la question de savoir si les 550 $ que la demanderesse aurait gagnés pour avoir rendu des services domestiques à titre de travailleuse indépendante auraient pour effet d’augmenter ses revenus au‑delà du seuil minimal de 5 000 $.

[10] L’ARC a conclu que ce n’était pas le cas. Dans le rapport du second examen, l’agent a inscrit le commentaire suivant : [traduction] « [La contribuable] ne remplit pas [la condition d’admissibilité relative au revenu minimal de 5 000 $] : les 500 $ qu’elle a gagnés en travaillant pour son oncle proviennent de menus travaux effectués à domicile et ne peuvent être considérés comme un revenu ».

[11] L’ARC a informé la demanderesse de sa décision de rejeter la demande de PCRE dans une lettre du 28 avril 2022.

IV. Questions en litige

  1. L’ARC a‑t‑elle manqué à son obligation d’équité procédurale?

  2. L’ARC a‑t‑elle commis une erreur en rejetant la demande de PCRE présentée par la demanderesse?

V. Norme de contrôle

[12] Les questions relatives à un manquement à l’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte ou une norme applicable à des questions de même importance (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 aux para 34‑35 et 54‑55, citant Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24 au para 79).

[13] La norme de contrôle applicable au fond d’une décision est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 25).

VI. Analyse

A. L’ARC a‑t‑elle manqué à son obligation d’équité procédurale?

[14] La demanderesse fait valoir que l’ARC a manqué à son obligation d’équité procédurale en ne justifiant pas sa décision.

[15] Je ne suis pas de cet avis. L’ARC a présenté des motifs qui permettent de comprendre le raisonnement ayant conduit à sa décision. Le rapport du second examen (pièce « J »), joint à l’affidavit de l’agent qui a rendu la décision, fournit une explication concise – reproduite précédemment – à la section [traduction] « Expliquez votre décision pour chaque condition d’admissibilité que le contribuable ne remplit pas ».

[16] Je conclus qu’il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale.

B. L’ARC a‑t‑elle commis une erreur en rejetant la demande de PCRE présentée par la demanderesse?

[17] Les conditions d’admissibilité à la PCRE sont énoncées à l’article 3 de la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique, LC 2020, c 12 (la Loi). Aux termes des alinéas 3(1)d) et 3(1)e) de la Loi, les revenus des demandeurs doivent s’élever à au moins 5 000 $ et provenir de sources prévues par la Loi au cours des périodes de référence : pour une période de deux semaines commençant en 2020, le demandeur doit avoir gagné un minimum de 5 000 $ en 2019 ou au cours des 12 mois précédant la date de sa demande de PCRE; pour une période de deux semaines commençant en 2021, le demandeur doit avoir gagné un minimum de 5 000 $ en 2019 ou en 2020 ou au cours des 12 mois précédant la date de sa demande de PCRE.

[18] Je conclus que la décision n’est pas raisonnable. L’agent de l’ARC a seulement indiqué que la demanderesse ne remplissait pas la condition d’admissibilité relative au revenu minimal de 5 000 $ parce qu’elle avait fait de [traduction] « menus travaux » et que, par conséquent, la rémunération reçue « ne p[ouvait] être considéré[e] comme un revenu ». La décision ne fait pas état d’une analyse rationnelle. Rien ne permettait d’affirmer qu’un revenu gagné par un contribuable ne peut être comptabilisé dans ses revenus aux fins de l’admissibilité à la PCRE parce qu’il provient de [traduction] « menus travaux ».

[19] Je fais remarquer que, dans son affidavit, l’agent de l’ARC tente de corriger ses motifs en affirmant que la demanderesse n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour montrer qu’elle a réellement gagné 550 $ en échange de services domestiques. Cette justification ne se retrouve toutefois pas dans les motifs de la décision, dans laquelle l’agent a reconnu que la demanderesse avait reçu une contrepartie d’au moins 500 $.

VII. Conclusion

[20] Pour les motifs exposés précédemment, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie et l’affaire sera renvoyée à un autre agent de l’ARC afin qu’il procède à un nouvel examen.


JUGEMENT dans le dossier T-1062-22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. Pour les motifs exposés dans la présente décision, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre agent de l’ARC afin qu’il procède à un nouvel examen.

  2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Michael D. Manson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1062-22

 

INTITULÉ :

AISHA NADEEM c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 28 juin 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 13 JUILLET 2023

 

COMPARUTIONS :

Aisha Nadeem

 

POUR LA DEMANDERESSE

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Amin Nur

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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