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Date : 20230628


Dossier : IMM-2930-22

Référence : 2023 CF 905

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 28 juin 2023

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE:

MARYAMALSADAT ZARGAR

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La Cour est saisie de la demande de contrôle judiciaire visant la décision du 17 mars 2022 par laquelle un agent des visas [l’agent] a rejeté la demande de permis de travail de la demanderesse en application de l’alinéa 205a) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le Règlement]. Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

I. Contexte

[2] La demanderesse est une citoyenne iranienne de 44 ans. Elle a demandé un permis de travail en tant que propriétaire indépendante d’une entreprise au titre de l’alinéa 205a) du Règlement. Ces permis de travail sont appelés visas C11. La demanderesse a sollicité un visa C11 pour mettre sur pied un centre de conditionnement physique à Vancouver.

A. Décision faisant l’objet du contrôle

[3] Dans sa décision, l’agent a rejeté la demande de permis de travail au motif qu’il n’était pas convaincu que la demanderesse quitterait le Canada à la fin de son séjour, en raison du but de sa visite.

[4] Les notes consignées dans le Système mondial de gestion des cas [le SMGC] indiquent ce qui suit :

[traduction]

J’ai examiné la demande.

L’emploi envisagé par la demanderesse au Canada ne semble pas raisonnable :

La demanderesse a présenté une demande à titre d’entrepreneure pour mettre sur pied un centre de conditionnement physique à Vancouver.

Dans son plan d’affaires, la demanderesse propose d’employer un réceptionniste, un entraîneur et un agent d’entretien. Tous les salaires projetés sont près du salaire minimum de la province. Malgré la taille très petite de l’organisation, les recettes projetées pour la première année sont supérieures à 380 000 $ et atteindront plus de 600 000 $ au cours de la cinquième année, sans augmentation du nombre d’entraîneurs.

Les coûts de démarrage projetés de 120 000 $ semblent peu élevés si l’on tient compte de l’important investissement requis pour l’espace physique nécessaire à son projet.

Le plan d’affaires inclut le coût de la location d’un espace, mais il semble que peu de recherches aient été effectuées pour évaluer les coûts réalistes d’un espace convenable dans la région métropolitaine de Vancouver.

Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincu que la demanderesse a présenté un plan d’affaires viable qui représenterait un avantage important pour le Canada.

Après avoir soupesé les facteurs pertinents dans le cadre de la présente demande, je ne suis pas convaincu que la demanderesse quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

Pour les motifs qui précèdent, je rejette la demande.

II. Questions en litige et norme de contrôle

[5] En l’espèce, la demanderesse soulève plusieurs questions d’équité procédurale et soutient également que la décision de l’agent est déraisonnable.

[6] Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, les questions d’équité procédurale sont assujetties à la norme de la décision correcte (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24 au para 79; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 aux para 37-56).

[7] La décision de l’agent sur le fond est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable, ainsi qu’il est décrit dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]. Comme il est établi dans l’arrêt Vavilov, pour être jugée raisonnable, la décision, tout comme le processus décisionnel suivi, doit posséder les trois caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité (aux para 86, 99). Les « lacunes ou insuffisances reprochées ne doivent pas être simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision », ni constituer une erreur mineure (Vavilov, au para 100).

[8] Dans le cadre d’un contrôle fondé sur la norme de la décision raisonnable, la Cour doit s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve examinée par le décideur et, à moins de circonstances exceptionnelles, elle ne doit pas modifier les conclusions de fait de celui‑ci (Vavilov, au para 125).

III. Analyse

A. Y a‑t‑il eu manquement à l’équité procédurale?

[9] La demanderesse soutient qu’elle avait droit à un degré élevé d’équité procédurale et qu’il y a eu en l’espèce plusieurs manquements à l’équité, que je résume ainsi :

a) L’agent a utilisé le programme Chinook;

b) L’agent n’a exposé ses motifs qu’après le dépôt de sa demande de contrôle judiciaire;

c) Le traitement de la demande de permis de travail a duré cinq mois, au lieu des deux semaines prévues, ce qui constitue une violation de son droit de s’attendre légitimement à ce que sa demande soit traitée dans un délai raisonnable;

d) L’agent a fait preuve de partialité et a tiré une conclusion déguisée sur la crédibilité en mettant en doute le but de sa visite, malgré la preuve de ses antécédents de voyage et de sa capacité à retourner en Iran à la fin de son séjour;

e) La demanderesse aurait dû avoir le droit d’être entendue pour dissiper les doutes de l’agent concernant sa demande.

[10] Bien qu’elle avance ces arguments généraux d’équité procédurale, la demanderesse ne renvoie à aucun élément de preuve ni document en particulier au dossier pour étayer ces allégations.

[11] Pour commencer, je suis d’accord avec le défendeur pour dire que le degré d’équité procédurale auquel peut s’attendre la personne qui demande un permis de travail se situe à l’extrémité inférieure de l’échelle (Wang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1002 [Wang] au para 34). Par conséquent, dans ce contexte, les allégations de manquement à l’équité doivent être étayées par des éléments de preuve solides.

[12] Tout d’abord, les allégations concernant a) l’utilisation du programme Chinook, b) le fait que les motifs aient été exposés seulement après le dépôt de la demande de contrôle judiciaire et c) le délai de traitement ont été examinées en détail dans les décisions Haghshenas c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 464 [Haghshenas] et Raja c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 719 [Raja]. En l’espèce, en l’absence d’une preuve précise à l’appui de ces allégations, j’adopte l’analyse effectuée dans ces décisions (Haghshenas, aux para 22‑25, 28; Raja, aux para 28‑38) et peux conclure pareillement que la demanderesse n’a établi aucun manquement à l’équité procédurale pour ces motifs.

[13] En ce qui concerne les allégations de conclusion déguisée sur la crédibilité, après avoir examiné la décision de l’agent et les notes du SMGC, je ne vois rien qui indique que l’agent doutait de l’authenticité de la demande de permis de travail de la demanderesse et des renseignements à l’appui. Le dossier indique plutôt que l’agent doutait de la suffisance et de l’exactitude de la preuve fournie. L’agent n’insinue pas que la demanderesse elle‑même demandait un permis de travail pour un tout autre motif. Je ne suis pas d’accord avec la demanderesse pour dire que la conclusion de l’agent selon laquelle elle ne quittera pas le Canada à la fin de son séjour est suffisante pour établir une conclusion déguisée sur la crédibilité. En fait, l’agent citait le texte législatif applicable.

[14] De plus, la conclusion selon laquelle le plan d’affaires n’était pas suffisant au regard de certains indicateurs clés relève du pouvoir discrétionnaire de l’agent. De même, l’agent n’était pas tenu d’informer la demanderesse que son plan d’affaires était insuffisant (Igbedion c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 275 au para 16).

[15] Enfin, l’allégation de partialité n’est pas fondée. Le critère pour établir qu’il y a partialité est élevé et les motifs doivent être sérieux (R c S (RD), [1997] 3 RCS 484 au para 34). Il n’y a tout simplement rien dans le dossier que la demanderesse puisse invoquer à l’appui de cette allégation (Raja, au para 42).

[16] Dans l’ensemble, la demanderesse ne m’a pas convaincue qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale.

B. La décision de l’agent est‑elle raisonnable?

[17] La demanderesse affirme que la décision de l’agent est déraisonnable parce qu’elle n’est pas suffisamment justifiée et que ce dernier ne tient pas suffisamment compte de ses observations et des éléments de preuve. Elle soutient que rien dans sa demande de permis de travail ne donne à penser qu’elle ne quitterait pas le Canada à la fin de son séjour autorisé. De plus, elle conteste les conclusions de l’agent sur les lacunes dans son plan d’affaires et fait valoir que les éléments de preuve présentés à l’appui de sa demande de permis de travail répondaient à chacune de ces préoccupations.

[18] Comme je le mentionne plus haut, l’agent a examiné la thèse de la demanderesse et les documents qu’elle a présentés à l’appui, mais doutait de la viabilité de l’entreprise proposée telle qu’elle était décrite dans le plan d’affaires. En particulier, l’agent a fait remarquer que l’espace prévu pour le centre sportif ainsi que le personnel limité semblaient inadéquats par rapport aux prévisions de recettes de la demanderesse. L’agent a également fait observer que les coûts de démarrage projetés pour le centre sportif n’étaient pas réalistes, car la demanderesse ne semblait pas tenir compte des rénovations qui pourraient être nécessaires à l’espace loué, comme les vestiaires, qui seraient nécessaires pour exploiter un centre sportif.

[19] Dans ces circonstances, l’agent a examiné les éléments de preuve et a expliqué pourquoi la demanderesse n’avait pas satisfait aux exigences de la loi. Cette analyse était suffisante et raisonnable et respecte les exigences législatives et réglementaires applicables (Wang). Les arguments de la demanderesse sur cette question équivalent à demander à la Cour d’apprécier à nouveau les éléments de preuve à l’appui de sa demande de permis de travail.

IV. Conclusion

[20] Pour les motifs exposés précédemment, je conclus que la demanderesse n’a pas démontré qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale. De plus, après avoir examiné la décision de l’agent, les éléments de preuve qui lui ont été présentés ainsi que le droit applicable, je conclus que la décision de l’agent est raisonnable. Par conséquent, la demande sera rejetée.

[21] Il n’y a aucune question à certifier.


 

JUGEMENT dans le dossier IMM-2930-22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Ann Marie McDonald »

Juge


 

COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

IMM-2930-22

INTITULÉ :

ZARGAR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 juin 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCDONALD

DATE DES MOTIFS :

LE 28 juin 2023

COMPARUTIONS :

Afshin Yazdani

POUR LA DEMANDERESSE

Brad Gotkin

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

YLG Professional Corporation

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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