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Date : 20230628


Dossier : IMM-9168-21

Référence : 2023 CF 895

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Saint John’s (Terre-Neuve-et-Labrador), le 28 juin 2023

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

OLUWABUKONIA BEJIDE OMOSEHIN

OLUWATIMILEHIN OLUWAROMINIYI OMOSEHIN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

MOTIFS ET JUGEMENT

[1] Mme Oluwabukonia Bejide Omosehin (la demanderesse principale) et son fils, Oluwatunukehin Oluwarominiyi Omosehin, (collectivement, les demandeurs) sollicitent le contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Dans cette décision, la SPR avait fait droit à la demande du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le défendeur) visant à faire annuler le statut de réfugié au sens de la Convention que la SPR avait accordé aux demandeurs en avril 2019.

[2] Les demandeurs sont citoyens du Nigéria. La demanderesse principale est arrivée au Canada en 2018, accompagnée de son fils et de ses trois filles mineures. Les demandeurs ont demandé l’asile au motif qu’ils craignaient que les filles subissent des mutilations génitales forcées et qu’ils avaient reçu des menaces de violence de la part de la famille de l’époux de la demanderesse principale.

[3] La demanderesse principale a joint un exposé circonstancié modifié à sa demande, dans lequel elle alléguait qu’elle était bisexuelle et qu’elle était menacée par les autorités, car elle craignait de subir une mutilation génitale.

[4] En 2019, le défendeur a eu connaissance de la possibilité d’une fausse déclaration de la part de la demanderesse principale lorsque des similitudes ont été constatées entre l’exposé circonstancié modifié de cette dernière et les exposés circonstanciés à l’appui de deux autres demandes d’asile.

[5] À la suite de la demande présentée par le défendeur en application de l’article 109 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), la SPR a annulé le statut de réfugié au sens de la Convention qui avait été accordé aux demandeurs. Elle a conclu que la demanderesse principale avait fait des présentations erronées sur ses activités et son identité bisexuelles, et qu’elle n’était pas crédible.

[6] L’article 109 de la Loi est libellé ainsi :

Demande d’annulation

109 (1) La Section de la protection des réfugiés peut, sur demande du ministre, annuler la décision ayant accueilli la demande d’asile résultant, directement ou indirectement, de présentations erronées sur un fait important quant à un objet pertinent, ou de réticence sur ce fait.

Vacation of refugee protection

109 (1) The Refugee Protection Division may, on application by the Minister, vacate a decision to allow a claim for refugee protection, if it finds that the decision was obtained as a result of directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter.

Rejet de la demande

(2) Elle peut rejeter la demande si elle estime qu’il reste suffisamment d’éléments de preuve, parmi ceux pris en compte lors de la décision initiale, pour justifier l’asile.

Rejection of application

(2) The Refugee Protection Division may reject the application if it is satisfied that other sufficient evidence was considered at the time of the first determination to justify refugee protection.

Effet de la décision

(3) La décision portant annulation est assimilée au rejet de la demande d’asile, la décision initiale étant dès lors nulle.

Allowance of application

(3) If the application is allowed, the claim of the person is deemed to be rejected and the decision that led to the conferral of refugee protection is nullified.

[7] Les demandeurs font maintenant valoir que la SPR a porté atteinte à leur droit à l’équité procédurale lorsqu’elle a tiré une conclusion quant à la crédibilité fondée sur les en‑têtes d’apparence douteuse dans les documents à l’appui présentés par la demanderesse principale, sans leur donner l’occasion de répondre à ses préoccupations.

[8] En outre, les demandeurs font valoir que la conclusion relative aux fausses présentations est déraisonnable.

[9] Le défendeur soutient que la SPR n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle.

[10] Les questions d’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte; voir l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, [2009] 1 RCS 339.

[11] Le bien-fondé de la décision est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable, selon l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, [2019] 4 RCS 653, de la Cour suprême du Canada.

[12] Lorsqu’elle effectue le contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la Cour doit se demander si la décision « possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci »; voir l’arrêt Vavilov, précité, au paragraphe 99.

[13] Je ne suis pas convaincue que la manière dont la SPR a traité les irrégularités apparentes dans la lettre d’appui rédigée par le père de la demanderesse principale ait entraîné un manquement à l’équité procédurale.

[14] La SPR a établi des liens clairs entre ses conclusions sur ces documents et ses conclusions défavorables quant à la crédibilité de la demanderesse principale.

[15] La question de la crédibilité se pose toujours dans le cadre des demandes d’asile. Il est rare qu’un décideur doive informer un demandeur que certains éléments de preuve soulèvent des préoccupations en matière de crédibilité.

[16] J’estime que la SPR n’a commis aucun manquement à l’équité procédurale.

[17] S’agissant de la conclusion de fond relative aux fausses présentations, je suis d’avis que la preuve dans le dossier certifié du tribunal, notamment l’exposé circonstancié initial et l’exposé circonstancié modifié présentés par la demanderesse principale, appuie la conclusion de la SPR selon laquelle la demanderesse principale avait fait des présentations erronées sur sa situation et sur le fondement de sa demande d’asile.

[18] La SPR a tiré une conclusion claire quant aux fausses présentations de la demanderesse principale découlant du fait que cette dernière avait fourni un « exposé circonstancié très semblable à celui de deux autres demandeures d’asile étrangères à la présente affaire ».

[19] La demande d’asile du fils mineur était fondée sur celle de sa mère, la demanderesse principale. Cette dernière alléguait qu’elle-même et ses enfants étaient en danger, en raison de menaces de mutilations génitales qui pesaient sur elle et ses filles. La SPR a conclu que la demanderesse principale n’était pas exposée au risque de mutilation génitale.

[20] La SPR était en outre d’avis que la demanderesse principale avait omis de présenter des éléments de preuve permettant de corroborer le risque de subir un préjudice au Nigéria qu’elle‑même ou son fils mineur couraient.

[21] La SPR a conclu, compte tenu de la preuve présentée, que ni la demanderesse principale ni son fils mineur n’étaient exposés à un risque au sens des articles 96 et 97 de la Loi. À cet égard, la SPR a examiné les éléments du contenu du formulaire Fondement de la demande d’asile initial qui n’avaient pas été discrédités.

[22] J’estime que la SPR a raisonnablement pris en compte les « Directives numéro 3 du président : Les enfants qui revendiquent le statut de réfugié » et examiné la preuve à sa disposition. Rien ne justifie l’intervention de la Cour, et la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-9168-21

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant : la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.

« E. Henegan »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-9168-21

INTITULÉ :

OLUWABUKONIA BEJIDE OMOSEHIN ET AUTRES c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 6 AVRIL 2023

MOTIFS ET JUGEMENT :

LA JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

LE 28 JUIN 2023

COMPARUTIONS :

TOSIN FALAIYE

POUR LES DEMANDEURS

GREGORY GEORGE

RACHEL BEAUPRÉ

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Topmarke Attorneys LLP

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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