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Date : 20230616


Dossier : IMM-6879-21

Référence : 2023 CF 852

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 16 juin 2023

En présence de monsieur le juge Favel

ENTRE :

TERRY RICARDO CHAMBERS

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Nature de l’affaire

[1] M. Terry Ricardo Chambers [le demandeur] sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue le 25 septembre 2021 par laquelle un agent d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [IRCC] a rejeté sa demande de résidence permanente présentée au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada [la demande de parrainage conjugal].

[2] La demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

II. Contexte

[3] Le demandeur est un citoyen de la Jamaïque âgé de 35 ans. La répondante et épouse du demandeur est une citoyenne canadienne âgée de 60 ans. Ils se sont rencontrés en 2015 lorsque le demandeur est venu au Canada en tant que travailleur étranger temporaire pour travailler à la ferme de son épouse. Ils ont commencé à se fréquenter à cette époque-là, puis se sont mariés en 2019.

[4] Aux environs du mois de février 2020, le demandeur a présenté sa demande de parrainage conjugal. Le 26 août 2021, il a reçu une lettre d’équité procédurale dans laquelle l’agent l’informait de ses doutes quant à savoir si la relation était authentique et si le couple vivait ensemble, conformément à l’alinéa 124a) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le RIPR]. L’agent a donné au demandeur un délai de sept jours à partir de la date de la lettre d’équité procédurale pour présenter des observations.

[5] Le demandeur n’a été en mesure d’ouvrir la lettre d’équité procédurale sur le portail en ligne que le 7 septembre 2021, après quoi il a immédiatement retenu les services d’un avocat. Le 8 septembre 2021, l’avocat du demandeur a demandé à l’agent une prorogation de délai de trente jours afin de lui permettre de présenter d’autres observations. Le même jour, le demandeur a reçu une lettre de rejet. Le 9 octobre 2021, l’avocat du demandeur a envoyé un autre courriel dans lequel il mentionnait la prorogation de délai précédemment demandée et les difficultés du demandeur à ouvrir la lettre d’équité procédurale. Le 14 septembre 2021, l’agent a accordé au demandeur une prorogation de sept jours pour lui permettre de répondre à la lettre d’équité procédurale. Le 15 septembre 2021, l’avocat du demandeur a envoyé une autre demande de prorogation de trente jours. Le 16 septembre 2021, l’agent a répondu que, puisque tous les documents pertinents devraient être facilement accessibles, le délai de sept jours serait maintenu.

[6] Le 20 septembre 2021, l’avocat a envoyé la réponse du demandeur à la lettre d’équité procédurale. La réponse comprenait une description de la relation du demandeur avec sa répondante, des pièces d’identité, des documents établissant le divorce antérieur de son épouse, des copies du permis de travail du demandeur, le certificat de mariage du couple, des relevés de comptes bancaires conjoints, une facture d’électricité commune, un avis de cotisation, la police d’assurance-vie de la répondante désignant le demandeur comme unique bénéficiaire, des photos du couple et de nombreuses lettres à l’appui de leur relation.

III. Décision contestée

[7] Le 25 septembre 2021, l’agent a rejeté la demande du demandeur, car il n’était pas convaincu que ce dernier satisfaisait aux exigences de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada.

[8] Les notes consignées par l’agent dans le Système mondial de gestion des cas [le SMGC], lesquelles font partie des motifs de la décision, sont reproduites intégralement ci-dessous :

[traduction]
La lettre d’équité procédurale a été envoyée aux clients le 26 août 2021. Elle les informait qu’ils devaient fournir des documents pour démontrer l’authenticité de leur relation. Les clients ont eu sept jours pour envoyer les documents par courriel (2 septembre 2021). Ce dossier a été examiné le 7 septembre 2021. Aucune réponse n’avait été reçue. La décision relative à l’admissibilité a été rendue ce jour-là. La lettre de rejet a été envoyée aux clients l’après-midi du 8 septembre 2021. Le matin du 8 septembre 2021, l’avocat a envoyé un courriel dans lequel il demandait un délai supplémentaire de 30 jours pour présenter des documents. L’agent n’a pas eu accès à ce courriel avant d’envoyer la lettre de rejet dans l’après-midi du 8 septembre 2021. Lorsque l’agent a eu connaissance du courriel de l’avocat, le dossier a été réouvert (14 septembre 2021) afin d’accorder aux clients sept jours supplémentaires pour fournir leurs documents à l’appui (21 septembre 2021). L’avocat a été informé que, puisqu’il s’agissait d’une relation de longue date, les clients devraient facilement avoir accès à ces documents et devraient pouvoir les envoyer à IRCC dans le délai accordé (7 jours). Aujourd’hui, le 25 septembre 2021, j’examine ces documents. Je constate que la majorité des documents déposés sont les mêmes que ceux qui accompagnaient la demande initiale. Voici les nouveaux documents reçus : 1) deux photos datées de septembre 2021; 2) l’avis de cotisation de la répondante pour l’année 2020; 3) une facture d’électricité de Hydro One datant du mois de septembre 2021 au nom des deux clients; 4) un relevé de compte bancaire de BMO daté de juillet 2020 au nom des deux clients; 5) un relevé bancaire de la Banque TD daté des mois de juillet et août 2021 au nom des deux clients; 6) un autre document de la Banque TD daté du 15 septembre 2021 au nom des deux clients (ce document ne semble pas avoir le format habituel d’un relevé de compte bancaire, d’un avis ou d’une lettre de la Banque TD); 7) une lettre de soutien de la part de Mme Elaine Chow (la fille de la répondante) datée de septembre 2021, aucune pièce d’identité à l’appui; et 8) une lettre de soutien de Mme Lottie Chan datée de septembre 2021. Des copies de pièces d’identité ont été déposées. À la suite d’un examen minutieux des nouveaux documents et de ceux envoyés précédemment, je constate qu’ils portent la même adresse, ce qui pourrait corroborer que le couple vit ensemble. Toutefois, les éléments de preuve fournis ne suffisent pas à démontrer le degré d’interdépendance qui caractérise une relation de cette nature et de cette durée, soit six ans. Malgré les nouveaux renseignements, mes doutes initiaux concernant l’authenticité de la relation n’ont toujours pas été dissipés. Les documents que ces clients ont déposés ne suffisent pas à établir que cette relation repose sur des motivations sincères. Par conséquent, le présent agent n’est pas convaincu que ce couple n’a pas été formé dans le but d’acquérir le statut d’immigrant.

IV. Questions en litige et norme de contrôle applicable

[9] Après avoir tenu compte des observations des parties, les questions en litige sont les suivantes :

  1. La décision est-elle équitable sur le plan procédural?

  2. La décision est-elle raisonnable?

[10] Je suis d’accord avec les parties pour dire que la norme de contrôle applicable à une décision administrative sur le fond est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] aux para 16-17). Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable exige que la Cour apprécie le résultat de la décision et son raisonnement sous-jacent afin de déterminer « si la décision [dans son ensemble] possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » (Vavilov, aux para 87, 99). La cour de révision doit s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur (Vavilov, au para 125). Lorsque les motifs du décideur permettent à la cour de révision de comprendre pourquoi la décision a été rendue et de déterminer si la décision appartient aux issues possibles acceptables, la décision sera jugée raisonnable (Vavilov, aux para 85-86). En revanche, une décision sera jugée déraisonnable si elle comporte des lacunes qui sont suffisamment capitales ou importantes (Vavilov, au para 100). Il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable (Vavilov, au para 100).

[11] La norme de contrôle applicable aux questions d’équité procédurale est essentiellement celle de la décision correcte (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24 au para 79; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 [Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée] aux para 49, 54). La Cour n’accorde au décideur aucune marge d’appréciation, ou déférence, sur les questions d’équité procédurale. Au contraire, lorsqu’elle détermine s’il y a eu manquement à l’équité procédurale, la cour de révision doit se demander si la procédure suivie par le décideur était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée, au para 54; Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 [Baker] aux p 837-841).

V. Analyse

A. La décision est-elle équitable sur le plan procédural?

(1) La position du demandeur

[12] Le délai de sept jours imposé par l’agent et le manque de précision de la lettre d’équité procédurale ont entraîné un manquement à l’équité procédurale. Le demandeur n’a pas eu de véritable possibilité de répondre à la lettre.

[13] Plus la décision est importante pour la vie des personnes concernées, plus le degré d’équité procédurale requis sera élevé (Angara c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 376 au para 32, renvoyant à Baker; Gakar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 661 [Gakar] au para 28). L’agent était tenu d’informer adéquatement le demandeur de ses doutes et de lui donner la possibilité d’y répondre. Les multiples demandes de prorogation de délai présentées par le demandeur démontraient qu’il avait grandement besoin de plus de temps pour rédiger des observations complètes. Les Instructions et lignes directrices opérationnelles d’IRCC indiquent également aux agents quels documents peuvent être présentés pour établir l’authenticité d’une relation, ce qui permet également d’assurer l’équité procédurale pour les demandeurs.

[14] L’obligation d’équité procédurale exige que l’agent informe le demandeur de la nature précise de tous ses doutes pertinents pour que le demandeur ait une véritable possibilité d’y répondre utilement et de dissiper les doutes de l’agent (Rukmangathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 284 [Rukmangathan] au para 22; AB c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 134 [AB] aux para 52-55; Sapru c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CAF 35 [Sapru] au para 31).

(2) La position du défendeur

[15] Il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale. Le devoir d’équité se situait au bas de l’échelle (Rezvani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 951 au para 19). En l’espèce, le demandeur a reçu une lettre d’équité procédurale et a eu la possibilité de présenter des observations.

[16] Dans la lettre d’équité procédurale, l’agent mentionne deux doutes, soit que le demandeur ne vit peut-être pas avec son épouse et que la relation n’est peut-être pas authentique. Il n’était pas tenu de fournir au demandeur une liste des éléments de preuve satisfaisants possibles.

[17] Dans les observations que le demandeur a présentées à l’agent, il déclare que [traduction] « la preuve est plus que suffisante pour établir l’authenticité de la relation », ce qui démontre que le demandeur était conscient des doutes de l’agent. L’équité procédurale n’exigeait rien de plus de l’agent dans les circonstances (Oladihinde c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1246 au para 12).

[18] Le demandeur a déposé devant la Cour des documents dont la date est ultérieure à la demande de prorogation de délai, notamment des lettres de recommandation personnelles et des photographies. Il est difficile de comprendre pourquoi le demandeur n’a pas pu fournir ces documents plus tôt. Ainsi, même si la prorogation de trente jours avait été accordée, l’agent n’aurait toujours pas eu accès à ces documents puisqu’ils n’existaient pas encore.

(3) Conclusion

[19] Je suis d’accord avec le défendeur que la décision est équitable sur le plan procédural. Puisque le demandeur n’a pas été en mesure de lire la lettre d’équité procédurale en temps opportun, l’agent lui a donné sept jours supplémentaires pour présenter des observations. Le demandeur n’a pas subi de préjudice puisqu’il a bénéficié du même délai que celui qui lui avait été accordé initialement.

[20] En ce qui concerne l’imprécision alléguée de la lettre d’équité procédurale, l’agent a clairement affirmé que, dans son cas, le demandeur ne répondrait peut-être pas aux critères de sélection applicables à la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada. L’agent a mentionné les doutes qu’il avait concernant l’authenticité du mariage et l’alinéa 124a) du RIPR, ce qui démontre que ses doutes découlaient directement des exigences du régime législatif (Rukmangathan, au para 23). De plus, dans le courriel du 16 septembre 2021, l’agent expliquait clairement que le demandeur devait fournir des documents prouvant l’existence d’une [traduction] « relation authentique de longue date ».

[21] Après avoir examiné le dossier dont disposait l’agent, je suis d’accord avec le défendeur que le demandeur a été avisé de ce qu’on lui reprochait et a eu la possibilité de répondre. Même après avoir examiné la réponse du demandeur à la lettre d’équité procédurale, l’agent avait toujours des doutes quant à l’authenticité du mariage et à la cohabitation du couple.

[22] De même, le besoin pressant du demandeur d’obtenir une prorogation de délai est sans fondement. Le demandeur n’a pas fourni de motifs logiques qui expliquent pourquoi il avait besoin de trente jours supplémentaires. En outre, l’argument selon lequel le demandeur « aurait » fourni suffisamment de renseignements s’il avait bénéficié de ce délai supplémentaire n’a que peu de poids. Le demandeur n’a pas non plus expliqué pourquoi il n’aurait pas pu obtenir plus tôt les documents supplémentaires qu’il a fournis après le délai indiqué dans la lettre d’équité procédurale. Il incombe au demandeur de produire une preuve suffisante.

[23] Je ne partage pas la manière dont le demandeur interprète la jurisprudence sur ces questions. J’ajouterais également que l’octroi d’une prorogation de délai nécessite une analyse des faits. Au paragraphe 39 de la décision Gakar, la Cour a déclaré que l’agent doit faire preuve de compréhension et de souplesse lorsqu’il s’agit de se prononcer sur une demande de prorogation de délai. Dans cette affaire, contrairement à l’espèce, l’agente n’a donné aucune explication valide de son refus d’accorder au demandeur la prorogation de délai qu’il demandait. (Gakar, au para 32). En outre, les études universitaires dont il était question avaient eu lieu plus de dix ans avant la décision. Il était donc concevable que le demandeur eût besoin de plus de trente jours pour réunir les éléments d’information et de preuve demandés par l’agente des visas (Gakar, au para 29). En l’espèce, l’agent a clairement indiqué que, s’il s’agissait d’un mariage authentique, les documents fournis en réponse à la lettre d’équité procédurale devraient être facilement accessibles.

[24] De même, les faits de l’affaire AB sont différents. Il y était question du refus de l’agente de faire droit à la demande de précision du demandeur sur les doutes qu’elle avait en rapport avec l’interdiction de territoire fondée sur la sécurité nationale dans le contexte d’une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. En l’espèce, l’agent a clairement informé le demandeur de ses doutes quant à l’authenticité du mariage et à la cohabitation du couple. Exiger davantage de l’agent serait excessif. Le contexte factuel de l’affaire Sapru est également différent de celui de l’espèce, particulièrement quant à son contenu et à sa gravité. Dans cette affaire, les préoccupations du médecin agréé n’avaient pas été clairement exposées dans la lettre d’équité procédurale, de sorte que la famille du demandeur n’avait pas eu la possibilité d’y répondre.

[25] En ce qui concerne les lignes directrices d’IRCC et les documents requis pour aider à établir l’authenticité d’une relation, je suis d’avis qu’ils sont plus utiles lorsqu’il s’agit d’apprécier le caractère raisonnable d’une décision. Ils ne le sont pas particulièrement lorsqu’il s’agit d’établir le degré d’équité procédurale auquel a droit le demandeur. De plus, comme le demandeur l’a reconnu, les lignes directrices d’IRCC n’ont pas force de loi, mais elles peuvent aider à évaluer le caractère raisonnable de la décision (Clarke c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 393 au para 21).

[26] Pour les motifs exposés ci-dessus, il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale.

B. La décision était-elle raisonnable?

(1) La position du demandeur

[27] Il était déraisonnable de la part de l’agent de conclure que la réponse du demandeur était insuffisante compte tenu des problèmes qu’il avait eus à ouvrir la lettre d’équité procédurale. Le demandeur a fourni des éléments de preuve qui démontraient que le couple vivait ensemble, partageait les coûts des services publics et avait des comptes bancaires conjoints. De plus, le demandeur et la répondante sont légalement mariés sous le régime canadien.

[28] Lorsqu’il demande des renseignements supplémentaires dans une lettre d’équité procédurale, l’agent est obligé d’évaluer les renseignements fournis (Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 828 au para 19). Il se doit également de tenir compte de l’ensemble de la preuve dont il dispose (Koo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 931 au para 23). L’agent était tenu de fournir des motifs intelligibles pour expliquer pourquoi le demandeur n’avait pas dissipé ses doutes.

(2) La position du défendeur

[29] Bon nombre des arguments du demandeur sur cette question sont liés à des éléments de preuve qu’il aurait déposés s’il avait eu plus de temps, ce qui n’a aucune incidence sur le caractère raisonnable de la décision.

[30] Dans la lettre d’équité procédurale, l’agent a fait part de ses doutes quant à la cohabitation du couple et, dans la décision, il a indiqué expressément que les nouveaux documents constituaient une preuve supplémentaire de cette cohabitation. L’agent a fondé sa conclusion non pas sur le fait que le couple n’était pas légalement marié ou ne cohabitait pas, mais plutôt sur le fait que les nouveaux éléments de preuve étaient récents et [traduction] « n’établissaient pas l’authenticité d’une relation de six ans ». En effet, une grande partie des éléments de preuve du demandeur datent de l’époque de sa demande de parrainage conjugal et peu d’éléments de preuve datent d’avant le mariage en 2019. L’agent a donc raisonnablement conclu que le demandeur n’avait pas établi l’authenticité de la relation.

(3) Conclusion

[31] Malgré l’absence d’observations détaillées des parties sur cette question, j’estime néanmoins que la décision est déraisonnable. L’agent n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve, de sorte que la décision manquait d’intelligibilité.

[32] Le demandeur a fourni une facture d’électricité de Hydro One au nom des deux époux, deux relevés bancaires aux deux noms, des pièces d’identité ayant la même adresse et des lettres de recommandation. Tous ces documents indiquent que le demandeur vit avec son épouse. L’agent a même souligné que [traduction] « [les documents produits] portent la même adresse, ce qui pourrait corroborer que le couple vit ensemble ». Toutefois, l’agent a ensuite conclu que [traduction] « les éléments de preuve fournis ne suffisent pas à démontrer le degré d’interdépendance qui caractérise une relation de cette nature et de cette durée, soit six ans ». Le demandeur a fourni des éléments de preuve qui remontaient à la date de son mariage. L’agent n’a donné aucun indice permettant de comprendre pourquoi ces éléments de preuve étaient insuffisants ni pourquoi l’authenticité de la relation était remise en doute. Autrement dit, on se demande pourquoi ou comment l’agent est parvenu à cette conclusion.

[33] Lorsqu’elle effectue un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, « la cour de révision doit tenir compte du résultat de la décision administrative eu égard au raisonnement sous‑jacent à celle‑ci afin de s’assurer que la décision dans son ensemble est transparente, intelligible et justifiée » (Vavilov, au para 15). Il « ne suffit pas que la décision soit justifiable. Dans les cas où des motifs s’imposent, le décideur doit également, au moyen de ceux‑ci, justifier sa décision » [en italique dans l’original] (Vavilov, au para 86).

[34] Je suis d’accord avec le demandeur pour dire que l’agent n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve et, en fin de compte, a fourni des motifs qui ne sont pas justifiés.

VI. Conclusion

[35] Le droit du demandeur à l’équité procédurale n’a pas été enfreint. Toutefois, la décision était déraisonnable. La demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

[36] Aucune des parties n’a proposé de question aux fins de certification, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-6879-21

LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Paul Favel »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6879-21

INTITULÉ :

TERRY RICARDO CHAMBERS c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 décembre 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FAVEL

DATE DES MOTIFS :

Le 16 juin 2023

COMPARUTIONS :

Sonia Akilov Matkowsky

Pour le demandeur

 

Brendan Stock

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Matkowsky Immigration Law

Toronto (Ontario)

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

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