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Date : 20230614


Dossier : T-1794-22

Référence : 2023 CF 840

Ottawa (Ontario), le 14 juin 2023

En présence de la juge en chef adjointe Gagné

ENTRE :

JEAN-LOUIS VILL

appelant

et

BELL CANADA

intimée

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La Cour est saisie d’un appel d’une décision de la Commission des oppositions des marques de commerce, par laquelle elle rejette l’opposition du demandeur Jean-Louis Vill à l’enregistrement de la marque EBOX TV, en association avec des services de fourniture d’accès à internet, de téléphonie via internet, d’hébergement web, et d’assistance et dépannage en cas de pannes de réseau.

[2] La Commission a conclu que M. Vill ne s’était pas déchargé de son fardeau de preuve initial de démontrer qu’il avait employé la marque IBOX TV en liaison avec ses produits et services préalablement à la date de production de la demande d’enregistrement de la marque EBOX TV, et qu’il n’avait pas abandonné cette marque ou ce nom commercial lors de la publication de la marque au Journal des marques de commerce; elle n’a donc pas eu à se prononcer sur l’argument de M. Vill voulant que la marque EBOX TV crée de la confusion avec sa marque IBOX TV.

[3] Devant la Cour, M. Vill plaide que la nouvelle preuve qu’il apporte justifie de revoir la question de novo mais qu’à tout évènement, la Cour est justifiée d’intervenir peu importe la norme applicable.

I. Faits

[4] Le 27 mars 2017, Ebox Inc. produit une demande d’enregistrement (no 1,829,437) pour la marque EBOX TV, laquelle est publiée dans le Journal des marques de commerce le 2 janvier 2019.

[5] Le 11 janvier 2019, M. Vill produit sa déclaration d’opposition, invoquant les motifs d’opposition suivants :

Conformément au paragraphe 38(2)c) de la Loi, la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque de la Requérante en liaison avec les Services de la Requérante eu égard aux dispositions des paragraphes [sic] 16(3)a) de la Loi puisqu’à à [sic] la date de production de la Demande, la Marque de la Requérante créait, et crée toujours, de la confusion avec la marque de commerce IBOX TV de l’Opposant qui a été antérieurement employée au Canada, et est toujours employée, en liaison avec les Produits et services de l’Opposant; et

Conformément au paragraphe 38(2)c) de la Loi, la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque de la Requérante en liaison avec les Services de la Requérante eu égard aux dispositions des paragraphes [sic] 16(3)c) de la Loi puisqu’à à [sic] la date de production de la Demande, la Marque de la Requérante créait, et crée toujours, de la confusion avec le nom commercial IBOX TV de l’Opposant qui a été antérieurement employé au Canada, et est toujours employé, en liaison avec les Produits et services de l’Opposant.

(À noter que dans son avis d’opposition, M. Vill réfère à la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 telle qu’elle se lisait avant le 17 juin 2019; la décision de la Commission renvoi à la version actuelle de la Loi, à l’exception des commentaires qui visent les motifs d’opposition).

[6] Le 28 mars 2019, Ebox Inc. produit une demande d’enregistrement révisée (afin d’exclure spécifiquement les jeux vidéo), laquelle est acceptée par le registraire. Le lendemain, elle produit sa contre-déclaration d’opposition.

[7] Le 1er novembre 2019, M. Vill est contre-interrogé sur son affidavit et il contracte un certain nombre d’engagements.

[8] La Commission tient une audience le 24 mai 2022 et rejette l’opposition en date du 5 juillet 2022 (décision rapportée à 2022 COMC 128).

[9] Suite au dépôt de l’Avis d’appel de M. Vill, Bell Canada devient titulaire de l’ensemble des droits dans la demande d’enregistrement de la marque EBOX TV et obtient la permission de la Cour de se substituer à Ebox Inc. comme intimée.

II. Décision contestée

[10] Après avoir résumée la preuve qu’on lui a présentée, la Commission tranche d’abord les deux questions préliminaires soulevées par l’Intimée concernant l’admissibilité de l’affidavit de M. Vill et sa réponse tardive aux engagements contractés lors de son contre-interrogatoire.

[11] La Commission conclut que l’affidavit de M. Vill n’est pas admissible puisque lorsqu’interrogé à savoir s’il était en présence du commissaire à l’assermentation au moment de signer, il répond ne pas se souvenir s’il était seul ou s’il avait les pièces auxquelles il réfère en sa possession.

[12] Malgré le rejet de l’affidavit, la Commission le commente sommairement et conclut que même s’il était admissible, M. Vill ne se serait pas déchargé de son fardeau de preuve initial de démontrer qu’il avait employé, au Canada, dans le cours normal du commerce, la marque ou le nom commercial IBOX TV en liaison avec ses produits et services et ce, préalablement à la date de production de la demande d’enregistrement de la marque EBOX TV.

[13] La Commission est d’avis que la preuve de M. Vill contient plusieurs affirmations imprécises qui ne sont par ailleurs pas corroborées par la preuve documentaire. Elle retient également que M. Vill a concédé lors de l’audience que la preuve ne démontre l’emploi de la marque de commerce IBOX TV qu’à l’égard de ses services, et non de ses produits.

[14] La Commission note une différence importante entre la description des produits et services de M. Vill dans sa déclaration d’opposition et celle contenue dans son affidavit. M. Vill allègue dans son affidavit avoir employé la marque et le nom commercial avec des services plus étendus que ceux énumérés dans sa déclaration d’opposition.

[15] La déclaration d’opposition énonce ce qui suit :

« les produits suivants : décodeurs de télévision et les services suivants : Diffusion en continu de contenu audiovisuel et multimédia par Internet, nommément émission de télévision, musique et films; transmission et diffusion de contenu audiovisuel et multimédia par Internet, nommément émission de télévision, musique et films; offre d’accès par télécommunication à des films et à des émissions de télévision; services de télévision via Internet; télédiffusion par abonnement; diffusion de programme de télévision via internet; services de télévision à la carte; transmission d’émission de télévision en ligne; vente de décodeurs de télévision; service de divertissement télévisuel nommément divertissement sous la forme de programmes de télévision (les Produits et Services de l’Opposant) »

[16] Dans son affidavit de 2019, M. Vill indique utiliser personnellement, depuis 2016, la marque de commerce en association avec les services additionnels suivants :

« …services d’accès à Internet, service de téléphonie via Internet, services de téléphonie via Internet permettant de choisir différentes options nommément appels locaux, appels interurbains, appels internationaux, messagerie vocale, afficheur d’appel, appel en attente, renvoi automatique des appels, renvoi automatique conditionnel des appels, services de conférences téléphoniques, service de téléphonie cellulaire. »

[17] Puisque la déclaration d’opposition n’a pas été amendée afin d’inclure les services additionnels, la Commission conclut qu’elle ne peut en tenir compte dans son analyse. Cela est particulièrement problématique puisque les allégations de M. Vill visent toutes les services additionnels.

[18] La Commission ajoute que l’enregistrement du nom de domaine iboxtv.ca en 2016 — et ce, même si la preuve était faite qu’il appartient bien à M. Vill, ce qui n’est pas le cas — ne démontre pas en soi un emploi de la marque de commerce ou de nom commercial IBOX TV.

[19] Finalement et outre le fait qu’elle n’ait pas eu à se prononcer sur l’argument de confusion, la Commission juge également non nécessaire de se pencher sur l’argument de l’Intimée selon lequel M. Vill ne détiendrait pas les autorisations nécessaires pour vendre ses produits et services.

III. Questions en litige et norme de contrôle

[20] Il n’est pas contesté que la question à savoir si la nouvelle preuve produite par M. Vill aurait eu une incidence importante sur la décision de la Commission, détermine la norme d’intervention applicable à cet appel. Toutefois, la réponse à cette question fait l’objet d’un désaccord.

[21] L’Appelant soutient que les nouveaux éléments de preuve sont pertinents et auraient eu un impact considérable sur la décision de la Commission. Par conséquent, il soutient que la Cour devrait procéder par un appel de novo.

[22] De son côté, l’Intimée plaide que les nouveaux éléments de preuve ne sont pas pertinents et n’auraient eu aucune incidence sur la décision, de sorte que la norme de contrôle applicable en l’espèce est celle énoncée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Housen c Nikolaisen, 2002 CSC 33. Puisque seule une erreur mixte de faits et de droit est soulevée par l’Appelant, la norme de contrôle applicable établi dans Housen est celle de l’erreur manifeste et dominante (Clorox Company of Canada Ltd c Chlorotec s.e.c., 2020 CAF 76 au paragraphe 23).

[23] La détermination de la norme applicable débute donc par l’analyse de la pertinence et de l’impact de la preuve additionnelle.

[24] En conséquence, cet appel soulève les questions suivantes :

  1. Question préliminaire – quel est l’objet de l’appel?

  2. Quelle est la pertinence et l’impact de la nouvelle preuve produite par l’Appelant et quelle est la norme de contrôle applicable?

  3. La Commission a-t-elle commis une erreur de fait ou de droit nécessitant l’intervention de la Cour?

IV. Analyse

A. Question préliminaire – quel est l’objet de l’appel?

[25] L’Intimée soumet que le présent appel ne porte que sur la confusion alléguée entre la marque de commerce EBOX TV et la marque de commerce IBOX TV, et non avec le nom commercial IBOX TV.

[26] En effet, l’Avis de demande d’appel de l’Appelant ne fait référence qu’à la confusion alléguée entre les marques du commerce. En conséquence, l’Intimée soumet que le présent appel ne porte que sur le rejet du motif d’opposition prévu aux articles 38(2) et 16(3)a) de la Loi sur les marques de commerce, avant l’amendement de 2019. Les conclusions de la Commission relatives au motif d’objection fondé sur les articles 38(2) et 16(3)c) ne seraient donc pas visées par le présent appel. La Cour devrait donc ignorer toute référence faite au nom commercial IBOX TV dans le mémoire des faits et du droit de l’Appelant.

[27] L’Appelant ne se prononce pas directement sur la question mais il ne fait aucune réelle distinction entre le nom commercial et la marque de commerce dans le cadre de ses observations.

[28] Je suis d’accord avec l’Intimée; l’absence d’allégation de confusion avec le nom commercial IBOX TV dans l’avis d’appel de l’Appelant réduit la portée de cet appel qui ne vise que la confusion possible entre la marque IBOX TV et la marque projetée EBOX TV; la simple référence à l’alinéa 16(1)c) de la Loi sur les marques de commerce ne suffit pas étendre la portée de cet appel au nom commercial, sans allégation spécifique à cet effet.

[29] Le paragraphe 59(1) de la Loi sur les marques de commerce stipule que l’avis d’appel doit inclure « tous les détails des motifs sur lesquels la demande de redressement est fondée. »

[30] En plus, la Règle 300(d) des Règles des Cours Fédérales, DORS/98-106 précise qu’un « appel » fondé sur l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce est interjeté par voie de demande à la Cour fédérale. Or, la Règle 301, applicable aux demandes, exige que l’avis contienne un énoncé précis de la réparation demandée et un énoncé complet et concis des motifs invoqués. Un demandeur ne peut donc faire valoir un argument ou demander une réparation non soulevée dans l’avis de demande (Apotex Inc c Canada (Ministre de la santé), 2019 CAF 97; Spagnuolo c Re/Max Hallmark Realty Ltd, 2022 CF 416, au paragraphe 52).

[31] Pour faire valoir un argument ne figurant pas dans son avis de demande, un demandeur doit déposer une requête en modification et un avis de demande amendé (République de Chypre (Industrie et Commerce) c International Cheese Council of Canada, 2011 CAF 201, au paragraphe 15), ce que l’Appelant n’a pas fait.

[32] L’analyse qui suit ne portera donc que sur la marque de commerce IBOX TV.

B. Quelle est la pertinence et l’impact de la nouvelle preuve produite par l’Appelant et quelle est la norme de contrôle applicable?

[33] Devant la Commission, l’Appelant a produit un affidavit qu’il a souscrit le 13 mai 2019 et les pièces JLV-1 à JLV-3 produites à son soutien. Tel qu’indiqué plus haut, la Commission a jugé cette preuve irrecevable puisque l’Appelant n’a pas été en mesure de confirmer qu’il était en présence du commissaire à l’assermentation au moment de signer. La Commission a néanmoins résumé la preuve de l’Appelant et analysé son contenu, au cas où sa décision sur l’admissibilité était erronée. Elle conclut que même si la preuve avait été jugée admissible, cela n’aurait pas changé le sort de l’opposition de l’Appelant. Elle estime que la preuve de l’Appelant contient plusieurs affirmations imprécises qui ne sont par ailleurs pas corroborées par la preuve documentaire et poursuit avec une analyse sommaire de cette preuve.

[34] D’abord, elle note l’admission de l’Appelant à l’effet que sa preuve ne démontre pas un emploi de la marque de commerce IBOX TV en liaison avec ses produits; l’analyse se fait donc seulement à l’égard des services offerts par l’Appelant.

[35] Par ailleurs, elle note que l’affidavit contient des allégations concernant des services plus étendus que ceux énumérés dans la déclaration d’opposition, et que puisque cette dernière n’a pas fait l’objet d’un amendement, les services additionnels ne seront pas considérés.

[36] Outre ces remarques préliminaires. La Commission est notamment d’avis que :

Ÿ Les chiffres de vente approximatifs avancés par l’Appelant ne sont pas ventilés par date ou par produit ou service, et ils ne précisent pas s’ils sont liés à la marque ou au nom commercial; une portion représente même des commissions perçues sur la vente de services d’un tiers;

Ÿ Les documents fournis ne contiennent aucune information sur les consommateurs des services de l’Appelant, ni même sur la nature des services;

Ÿ L’Appelant ne fournit pas une preuve convaincante que le nom de domaine IBOX TV lui appartienne et même s’il lui appartenait, cela ne démontre pas un emploi de la marque de commerce en association avec les services de l’appelant.

[37] Au soutien de son appel, l’Appelant produit un affidavit qu’il a souscrit le 1er septembre 2022, accompagné des pièces DA-1 à DA-19.

[38] L’Appelant soutient que la preuve nouvelle aurait eu un impact déterminant sur la décision de la Commission. La question, ajoute-t-il, n’est pas de savoir si cette preuve aurait nécessairement mené à une décision différente, mais plutôt celle de savoir si elle aurait eu un effet important sur la décision (Arterra Wines Canada Inc c Diageo North America Inc, 2020 CF 508 aux paragraphes 29 et 30).

[39] L’Appelant rappelle que la Commission a rejeté son premier affidavit et qu’en principe, sa décision est fondée sur une absence totale de preuve. Son second affidavit constitue donc forcément une preuve nouvelle qui aurait certainement eu un impact considérable sur la décision.

[40] Je suis d’abord d’avis que la Commission ne s’est pas prononcée en l’absence de toute preuve. Même si elle a jugé l’affidavit inadmissible, elle a tout de même analysé son contenu et les pièces produites à son soutien, au cas où sa décision était éventuellement contestée et renversée. Elle a également considéré le contre-interrogatoire de l’Appelant, ainsi que les engagements qu’il a souscrits.

[41] La question, à mon sens, est donc de savoir quels étaient les éléments réellement nouveaux contenus dans son second affidavit et étaient-ils pertinents.

[42] Dans Caterpillar Inc c Puma SE, 2021 CF 974, la juge Janet Fuhrer résume bien en quoi consiste l’analyse de cette question :

[33] Pour être considérés comme « pertinents », les nouveaux éléments de preuve doivent être suffisamment importants et avoir une valeur probante : Clorox, précité, au para 21, citant, respectivement, Vivat Holdings Ltd c Levi Strauss & Co, 2005 CF 707 [Vivat] au para 27; et Tradition Fine Foods Ltd c Groupe Tradition’L Inc, 2006 CF 858 au para 58. « [U]ne preuve qui simplement complète ou répète la preuve existante ne dépassera pas le seuil requis » : Papiers Scott Limitée c Georgia Pacific Consumer Products LP, 2010 CF 478 [Papiers Scott] aux para 48 49. Le critère n’est pas de savoir si les nouveaux éléments de preuve auraient fait changer d’avis le registraire, mais plutôt s’ils ont pu avoir une incidence sur sa décision : Papiers Scott, précité, au para 49. À cet égard, le critère en est un de qualité et non de quantité : Vivat, précité, au para 27.

[43] Or, lorsque l’on analyse la qualité de la preuve nouvelle, force est de constater que plusieurs éléments sont non-pertinents puisqu’ils concernent des services non visés par la déclaration d’opposition. Un opposant ne peut invoquer des motifs d’opposition qui n’ont pas été initialement soulevés dans la déclaration d’opposition (Parmalat Canada Inc c Sysco Corporation, 2008 CF 1104, aux paragraphes 23 à 27 et Monster Cable Product Inc c Monster Daddy LLC, 2012 CF 1260, aux paragraphes 11 et 12).

[44] Il faut également faire fi des éléments de preuve qui concernent les produits de l’Appelant puisqu’il a admis devant la Commission que sa preuve ne démontrait pas l’emploi de marque de commerce IBOX TV en liaison avec ses produits.

[45] Finalement, en réponse à l’un des engagements souscrits lors de son contre-interrogatoire, l’Appelant a confirmé ce qui suit :

Ÿ Il a cessé d’offrir des services de télévision satellite le 1er aout 2017;

Ÿ Il a cessé d’offrir des services d’abonnement IPTV en date du 28 septembre 2017, et;

Ÿ Il a cessé de vendre des décodeurs en date du 25 aout 2018.

[46] Or, ces dates sont toutes antérieures à la publication de la demande d’enregistrement de la marque de commerce EBOX TV en janvier 2019.

[47] En conséquence, bien que devant la Cour, l’Appelant produit une preuve plus volumineuse que celle soumise à la Commission, elle souffre des mêmes lacunes; l’Appelant persiste à faire valoir des motifs d’opposition non visés dans sa déclaration d’opposition, et pour les services qui y sont visés, il a admis avoir cessé de les fournir avant la date de publication de la demande d’enregistrement de la marque de l’Intimée.

[48] Je suis donc d’avis que la preuve nouvelle, qui fera l’objet de commentaires dans la section suivante, n’aurait pas eu d’incidence sur la décision de la Commission.

C. La Commission a-t-elle commis une erreur de fait ou de droit nécessitant l’intervention de la Cour?

[49] Tel qu’indiqué précédemment, seuls les services de transmission de contenu télévisuel par internet sont visés par la déclaration d’opposition, à l’exclusion des services internet eux-mêmes et de la téléphonie IP, pour lesquels l’Appelant n’agissait que comme revendeur pour une société nommée ACN. L’Appelant devait donc démontrer qu’il avait fourni des décodeurs et un service de diffusion en continu, en association avec la marque IBOX TV, avant le 27 mars 2017, et qu’il n’avait pas cessé de le faire.

[50] Or, au titre de l’article 4(2) de la Loi sur les marques de commerce, une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[51] Une partie importante de la preuve documentaire (DA-1 à DA-6) concerne le nom de domaine IBOX TV et les factures de l’hébergeur GoDaddy. Elle ne contient aucune preuve de l’utilisation de la marque en association avec les services de contenu télévisuel en continu.

[52] L’Appelant ne produit aucune facture sur laquelle la marque serait apparente pour le consommateur. La seule preuve de revenus apparait sur les captures d’écran de son compte Paypal ou dans la section « administrateur » de son site web. Et encore, il n’y a aucune ventilation par date ou service, et l’information remonte à 2016 (DA-7, DA-10 et DA-11).

[53] Pour seule preuve de publicité, l’Appelant produit un échange privé entre lui et un contact Facebook (DA-8) et le résultat d’une recherche Google sur le nom IBOX TV (DA-9), toujours en 2016.

[54] Les seules pièces qui sont postérieures à mars 2017 sont des captures d’écran du site web iboxtv.ca (DA-12 et DA-14) où l’on voit le dessin d’un décodeur (et non une photo) sous lequel on peut lire ce qui suit :

L’IPTV AVEC LA TV BOX

L’IPTV offre un choix exceptionnel de chaine TV. En utilisant l’iBox TV vous aurez entre les mains un décodeur IPTV compatible avec la plupart des service [sic] IPTV sur le marché, en plus d’avoir accès à un système Android.

[55] Ceci confirme l’admission de l’Appelant à l’effet qu’il a cessé d’offrir lui-même les services d’abonnement IPTV et qu’il ne fait que vendre le décodeur qui donne accès aux services offerts par des tiers. L’admission du demandeur à l’effet qu’il ne vend pas de produit en association avec la marque est confirmée par la preuve documentaire; le décodeur lui-même n’est pas identifié à la marque et il n’y a aucune preuve qu’il serait expédié dans un emballage lui-même identifié à la marque. Quoiqu’il en soit, il a admis avoir cesser de vendre ses décodeurs en août 2018.

[56] En conséquence et même si la Cour avait procédé à une analyse de novo de la preuve soumise, elle aurait conclu comme l’a fait la Commission, que l’Appelant n’a pas rencontré son fardeau initial de démontrer qu’il avait employé, au Canada et dans le cours normal du commerce, la marque de commerce IBOX TV en lien avec ses produits et services, et continuait de le faire au moment de la publication de la demande d’enregistrement de l’Intimée.

V. Conclusion

[57] Pour ces motifs, la Cour ne voit aucune raison de modifier la décision de la Commission et l’appel de l’Appelant est rejeté.

[58] À l’issue de l’audience, la Cour a demandé aux parties de lui faire part de leurs courtes observations quant à l’octroi des dépens, ce qu’elles ont fait. L’Appelant a fourni à la Cour son projet de mémoire de frais par lequel il réclame, en cas de victoire, la somme de 5 048 $, incluant les frais, taxes et débours. À l’issue d’un exercice similaire, l’Intimée fait valoir qu’elle a droit à des dépens totalisant la somme de 6 000 $.

[59] Dans l’exercice de sa discrétion et tenant compte de la petite taille de l’entreprise de l’Appelant, la Cour accorde à l’Intimée la somme de 3 000 $ au chapitre des dépens.


JUGEMENT dans T-1794-22

LA COUR STATUE que :

  1. L’appel de l’Appelant est rejeté;

  2. Les dépens au montant de 3 000 $ sont octroyés à l’Intimée.

« Jocelyne Gagné »

Juge en chef adjointe

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1794-22

 

INTITULÉ :

JEAN-LOUIS VILL c BELL CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 mai 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE EN CHEF ADJOINTE GAGNÉ

 

DATE DES MOTIFS :

LE 14 juin 2023

 

COMPARUTIONS :

Karine Bouchard

Samuel Grisé

 

Pour l’appelant

 

Cindy Bélanger

Ariel Du Temple

 

Pour l’intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Juriseo Avocats inc.

Terrebonne, Québec

 

Pour l’appelant

 

LJT Avocats s.e.n.c.r.l.

Montréal, Québec

 

Pour l’intimée

 

 

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