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Date : 20230424

Dossier : T‑969‑21

Référence : 2023 CF 581

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 24 avril 2023

En présence de monsieur le juge en chef

ENTRE :

TECHNO‑PIEUX INC.

demanderesse

et

TECHNO PILES INC., TECHNO METAL POST MEDECINE HAT INC.,

TECHNO METAL POST FORT MCMURRAY INC.,

MATHIEU BERGEVIN ET RONDA BERTRAM

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS


Table des matières

I. Introduction 1

II. Les parties et leurs marques et œuvres protégées en litige 2

A. Techno‑Pieux 2

B. Les défendeurs 4

III. Le contexte procédural 6

IV. Le contexte factuel 7

V. Les questions en litige 8

VI. Analyse 9

A. La contrefaçon de marques de commerce 9

(1) Introduction et principes juridiques applicables 9

(2) Le degré de ressemblance (alinéa 6(5)e)) 15

(3) Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus (alinéa 6(5)a)) 17

(4) La période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage (alinéa 6(5)b)) 19

(5) Le genre de produits, services ou entreprises (alinéa 6(5)c)) 20

(6) La nature du commerce (alinéa 6(5)d)) 22

(7) Autres circonstances pertinentes de l’espèce 34

(8) Résumé et conclusion concernant la confusion et la contrefaçon alléguée 37

B. La dépréciation de l’achalandage 38

(1) Introduction 38

(2) Les deux premiers éléments du critère 40

(3) Le troisième élément du critère 42

(4) Le quatrième élément du critère 44

(5) Conclusion concernant la dépréciation de l’achalandage 47

C. La commercialisation trompeuse 47

D. La violation du droit d’auteur 51

(1) Les principes juridiques applicables 51

(2) Appréciation 53

E. La responsabilité personnelle des particuliers défendeurs 64

(1) Les principes applicables et introduction 64

(2) Les positions des parties 66

(3) Appréciation 68

F. Techno Piles Inc. 71

VII. Réparations 72

A. Les jugements déclaratoires, les injonctions et les mesures réparatoires obligatoires 72

B. Les dommages‑intérêts 74

(1) La contrefaçon de marques de commerce 74

(2) La violation du droit d’auteur 82

(3) Résumé 86

VIII. Les dépens 87

ANNEXE 2 : LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES 91

 


I. Introduction

[1] Dans la présente requête en procès sommaire, la demanderesse, Techno‑Pieux Inc. [Techno‑Pieux], sollicite un ensemble de jugements déclaratoires, d’injonctions et de mesures réparatoires obligatoires à l’encontre des défendeurs relativement aux violations alléguées de ses droits en matière de marques de commerce et de ses droits d’auteur. La demanderesse réclame également une somme de 40 000 $ à titre de dommages‑intérêts.

[2] Pour ce qui est des jugements déclaratoires, la demanderesse demande qu’ils indiquent que les défendeurs :

  • ont violé et sont réputés violer ses droits sur les marques déposées, définies ci‑dessous, en contravention des articles 19 et 20 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13 (la LMC);

  • ont employé les marques déposées d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage qui s’y rattache, en contravention de l’article 22 de la LMC;

  • ont appelé l’attention du public sur leurs produits, leurs services et leur entreprise, de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada entre leurs produits, leurs services et leur entreprise et ceux de la demanderesse, en contravention de l’alinéa 7b) de la LMC;

  • ont violé et sont réputés avoir violé le droit d’auteur de la demanderesse à l’égard de ses œuvres protégées, définies ci‑dessous, en contravention des articles 3 et 27 de la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C‑42.

[3] Pour les motifs exposés ci‑dessous, je conclus que les sociétés défenderesses sont réputées avoir violé les droits de la demanderesse à l’égard des marques déposées, en contravention de l’alinéa 20(1)a) de la LMC. Je conclus également que les sociétés défenderesses ont enfreint l’article 22 et l’alinéa 7b) de la LMC. En outre, je conclus que les sociétés défenderesses ont violé le droit d’auteur de la demanderesse à l’égard de certaines de ses œuvres. Par conséquent, je ferai droit aux demandes de jugements déclaratoires, d’injonctions et de mesures réparatoires obligatoires présentées par la demanderesse, sauf relativement à l’une des œuvres protégées de la demanderesse qui, je conclus, n’a pas fait l’objet d’une violation. J’ordonnerai également aux sociétés défenderesses de verser 30 000 $ à la demanderesse à titre de dommages‑intérêts.

II. Les parties et leurs marques et œuvres protégées en litige

A. Techno‑Pieux

[4] Techno‑Pieux est un fournisseur de pieux vissés, de matériaux connexes et de machinerie servant à des applications résidentielles et industrielles, dont le siège social est situé au Québec. Techno‑Pieux commercialise et vend ses produits partout au Canada et à l’étranger.

[5] Techno‑Pieux est propriétaire des marques de commerce canadiennes déposées qui sont énumérées ci‐dessous [les marques déposées] :

Tableau 1 – Les marques de commerce de la demanderesse

[6] Les trois premières marques mentionnées ci‑dessus sont déposées à l’égard des produits et services suivants (les produits et services pertinents) : (i) produits – pieux, poteaux et piquets de fondation; instruments permettant de déterminer la capacité de charge des semelles et des pieux de fondation; (ii) services – services d’ingénierie en matière de conception de fondations et administration de tests de vérification des fondations.

[7] La quatrième marque du tableau 1, « TECHNO PIEUX », est déposée pour les mêmes services que les trois premières marques, mais à l’égard de produits qui sont très différents et qui ne concernent pas le litige des parties. Par conséquent, cette quatrième marque de commerce ne fera pas l’objet de discussions plus approfondies dans la rubrique des produits et services pertinents.

[8] La demanderesse revendique aussi le droit d’auteur sur le logo de Techno‑Pieux (LMC562798), le logo de Techno Metal Post (LMC638884) et le dessin suivant montrant un pieu [collectivement, les œuvres protégées] :

[9] Par l’intermédiaire de son réseau de titulaires de licences et de distributeurs, Techno‐Pieux offre ses produits et services en liaison avec les noms commerciaux « Techno Pieux » et « Techno Metal Post » et avec les marques déposées depuis 2002 au moins.

[10] En Alberta, Techno‐Pieux exerce ses activités par l’intermédiaire de sa filiale Techno Metal Post Alberta Inc., qui, à son tour, vend ses produits et services aux titulaires de licences et aux distributeurs de cette province.

B. Les défendeurs

[11] Techno Metal Post Medicine Hat Inc. [TMP Medicine Hat] est une société dont le siège social est situé en Alberta, qui a commencé à distribuer les produits et services de la demanderesse peu après sa constitution en société, à l’automne 2015, en vertu d’une entente de distribution et d’approvisionnement datée du 9 octobre 2015. À l’époque, TMP Medicine Hat appartenait à Rosaire Belisle, qui l’exploitait. Cependant, à l’automne 2018, la société a été vendue aux deux défendeurs individuels, M. Bergevin et Mme Bertram (les particuliers défendeurs). À partir de ce moment‐là, ces derniers ont possédé et exploité la société en qualité de seuls actionnaires, administrateurs, cadres et employés (à une exception près, qui est sans importance), bien qu’ils travaillent aussi avec des entrepreneurs indépendants.

[12] Techno Metal Post Fort McMurray Inc. [TMP Fort McMurray] est une société dont le siège social est situé en en Alberta, qui a commencé à distribuer les produits et services de la demanderesse peu après sa constitution en société, à la fin de 2016, en vertu d’une entente de distribution et d’approvisionnement datée du 28 novembre 2016. Dès le départ, M. Bergevin et Mme Bertram ont été propriétaires‐exploitants de TMP Fort McMurray, ainsi que les seuls actionnaires, administrateurs, cadres et employés (à une exception près, qui est sans importance). Comme dans le cas de TMP Medicine Hat, la société collabore avec des travailleurs indépendants.

[13] TMP Fort McMurray et TMP Medicine Hat sont collectivement désignées ci‑dessous comme les « sociétés défenderesses principales ».

[14] Techno Piles Inc. est une entité basée en Alberta, qui a été constituée en société en janvier 2020. Au dire des défendeurs, elle n’a pas encore été exploitée de façon significative. Cependant, cette entité a servi à enregistrer le nom de domaine http://www.technopilesinc.com, qui est lié à des comptes de courriel et à un site Web qui sont utilisés par certains ou tous les défendeurs.

III. Le contexte procédural

[15] La présente requête en procès sommaire a été déposée après mon rejet des requêtes en jugement sommaire présentées par chacune des parties en mai de l’année dernière : Techno‑Pieux Inc. c Techno Pile Inc., 2022 CF 721 (la décision sur la requête en jugement sommaire).

[16] Dans la décision sur la requête en jugement sommaire, je me suis prononcé en faveur de la demanderesse en ce qui concerne quatre des cinq facteurs spécifiques qui doivent être pris en considération conformément à l’article 6(5) de la LMC pour établir si les marques de commerce ou les noms commerciaux en litige créent de la confusion. En effet, j’ai conclu que la demanderesse avait établi qu’il n’y avait aucune véritable question litigieuse en ce qui concerne ces quatre facteurs. Cependant, étant donné mon incapacité à parvenir à une conclusion similaire en ce qui concerne le cinquième facteur (la « nature du commerce »), ainsi que « toutes les circonstances de l’espèce » comme mentionnées au paragraphe 6(5) de la LMC, j’ai jugé qu’il était approprié d’ordonner la tenue d’un procès sommaire.

[17] Je suis arrivé à la même conclusion en ce qui concerne les autres questions de l’action sous‑jacente à la présente instance, notamment les allégations de la demanderesse concernant la dépréciation de l’achalandage en contravention de l’article 22 de la LMC, la commercialisation trompeuse en contravention des alinéas 7b) et 7d) de la LMC, la violation du droit d’auteur, la responsabilité des particuliers défendeurs, et la responsabilité de Techno Piles Inc. De même, mon ordonnance relative à la tenue d’un procès sommaire s’appliquait également aux demandes reconventionnelles des défendeurs.

[18] Dans l’intervalle, la réclamation de la demanderesse au titre de l’alinéa 7d) de la LMC, ainsi que les demandes reconventionnelles des défendeurs ont été rejetées.[1]

[19] Les parties conviennent qu’un procès sommaire est la manière appropriée de statuer sur les réclamations de la demanderesse.

IV. Le contexte factuel

[20] Le contexte factuel de la présente instance est résumé dans le passage suivant de la décision sur la requête en jugement sommaire :

[16] La relation entre les parties s’est sensiblement détériorée en juin 2020, lorsque la demanderesse a écrit à M. Bergevin à propos des diverses difficultés qui étaient apparues dans leurs rapports. À ce moment‐là, la demanderesse a informé M. Bergevin qu’elle avait décidé qu’il était impossible de continuer à travailler avec lui et que, par conséquent, ses ententes de distribution avec TMP Medicine Hat et TMP Fort McMurray [collectivement, les ententes de distribution en litige] seraient résiliées en décembre de cette année‐là.

[17] En février 2021, la demanderesse a envoyé une autre lettre à M. Bergevin afin de l’aviser de la résiliation des ententes de distribution en litige, à compter du 16 août 2021.

[18] À la suite d’un échange de correspondance entre les parties, le 20 mai 2021, la demanderesse a avisé M. Bergevin que la résiliation prendrait effet à la fin de ce mois.

[19] Le 30 mai 2021, TMP Medicine Hat et TMP Fort McMurray [les « sociétés défenderesses principales »] ont annoncé la [traduction] « création d’une nouvelle image de marque ». Entre autres, cette annonce indiquait ce qui suit : [traduction] « Nous fermons nos comptes de courriel de Techno Metal Post Fort McMurray et de Medicine Hat, et nous cédons tout à Techno Piles Inc. Nos courriels personnels et courriels d’information ne seront plus valides après aujourd’hui ». Après avoir énuméré les nouvelles adresses électroniques, l’annonce indiquait ce qui suit : [traduction] « Nous possédons toujours les mêmes entreprises épatantes, seul le nom change ». Il semble qu’il y ait un terrain d’entente commun entre les parties que les sociétés défenderesses principales ont employé les noms commerciaux TECHNO PILES MEDICINE HAT et TECHNO PILES FORT MCMURRAY, respectivement, ainsi que le nom TECHNO PILES (enregistrements d’entreprise nos TN23307416 et TN23307374, respectivement) depuis ce moment‐là environ.

[20] En juin 2021, la demanderesse a intenté une action en inexécution de contrat à la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta [l’action intentée en Alberta], qui a été suivie par son action sous‐jacente dans la présente instance.

[21] Dans l’action intentée en Alberta, les défendeurs maintiennent que la demanderesse n’avait pas le droit de résilier les ententes de distribution en litige et que, par conséquent, ces ententes demeurent en vigueur.

V. Les questions en litige

[21] Les questions à examiner dans la présente requête sont les suivantes :

  1. Les défendeurs ont‑ils contrefait, ou sont‑ils réputés avoir contrefait, les marques déposées, en contravention des articles 19 et 20 de la LMC?

  2. Les défendeurs ont‑ils employé les marques déposées d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à ces dernières, en contravention de l’article 22 de la LMC?

  3. Les défendeurs ont‑ils appelé l’attention du public sur leurs produits, leurs services et leur entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada entre leurs produits, leurs services et leur entreprise et ceux de la demanderesse, en contravention de l’alinéa 7b) de la LMC?

  4. Les défendeurs ont‑ils violé le droit d’auteur sur les œuvres protégées de la demanderesse, en contravention des articles 3 et 27 de la Loi sur le droit d’auteur?

  5. La responsabilité des particuliers défendeurs, Mathieu Bergevin et Ronda Bertram, est‑elle engagée?

  6. La responsabilité de la société défenderesse Techno Piles Inc. est‑elle engagée?

  7. Le cas échéant, quelles sont les réparations appropriées?

VI. Analyse

A. La contrefaçon de marques de commerce

(1) Introduction et principes juridiques applicables

[22] Comme indiqué ci‑dessus, la demanderesse sollicite des jugements déclaratoires se rapportant aux articles 19 et 20 de la LMC. Cependant, les observations écrites de la demanderesse se concentrent principalement sur son allégation selon laquelle les marques de commerce et les noms commerciaux TECHNO PILE/Techno Piles sont similaires aux marques déposées au point de créer de la confusion au sens de l’alinéa 20(1)a) de la LMC. La demanderesse n’a pas allégué que ces marques de commerce et ces noms commerciaux sont identiques aux marques déposées, comme l’exige l’article 19 : Sandhu Singh Hamdard Trust c Navsun Holdings Ltd., 2019 CAF 295 [Sandhu], au para 20. Par conséquent, l’examen ci‐dessous sera axé sur l’alinéa 20(1)a) de la LMC[2]. Le libellé intégral de l’alinéa 20(1)a) de la LMC et des autres dispositions examinées ci‐dessous est présenté à l’annexe 2 ci‑dessous.

[23] Dans la décision sur la requête en jugement sommaire, j’ai décrit les principes juridiques applicables à l’évaluation de la question de la contrefaçon des marques de commerce de la manière suivante :

[42] Selon l’alinéa 20(1)a), le droit exclusif d’un propriétaire d’utiliser une marque de commerce déposée à l’emploi partout au Canada est réputé être violé par toute personne qui n’est pas autorisée à utiliser cette marque et qui soit vend, distribue ou annonce des produits ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion.

[43] Pour déterminer si une marque de commerce ou un nom commercial crée de la confusion, l’article 6 de la loi prévoit des paramètres importants. Le paragraphe 6(2), plus particulièrement, est ainsi libellé :

Marque de commerce créant de la confusion avec une autre

Confusion – trademark with other trademark

6 (2) L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.

6 (2) The use of a trademark causes confusion with another trademark if the use of both trademarks in the same area would be likely to lead to the inference that the goods or services associated with those trademarks are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the goods or services are of the same general class or appear in the same class of the Nice Classification.

[44] Le paragraphe 6(3) formule essentiellement le même critère applicable à la confusion causée par l’emploi d’une marque de commerce, par rapport à un nom commercial existant. Il en va de même du paragraphe 6(4), mais relativement à la confusion causée par l’emploi d’un nom commercial, par rapport à une marque de commerce existante.

[45] Les facteurs dont il faut tenir compte pour déterminer si les marques de commerce ou les noms commerciaux créent de la confusion sont énoncés au paragraphe 6(5), qui est ainsi libellé :

Éléments d’appréciation

What to be considered

6 (5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

6 (5) In determining whether trademarks or trade names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

(a) the inherent distinctiveness of the trademarks or trade names and the extent to which they have become known;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

(b) the length of time the trademarks or trade names have been in use;

c) le genre de produits, services ou entreprises;

(c) the nature of the goods, services or business;

d) la nature du commerce;

(d) the nature of the trade; and

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

(e) the degree of resemblance between the trademarks or trade names, including in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

[46] Parmi les facteurs susmentionnés, certains peuvent être particulièrement pertinents dans un cas précis. Quoi qu’il en soit, leur poids varie en fonction de « toutes les circonstances de l’espèce » (Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, au para 27 [Veuve Clicquot]).

[47] Dans l’examen des facteurs pertinents et des circonstances particulières, le point de vue du tribunal doit toujours être celui du consommateur ordinaire plutôt pressé. Pour être plus précis :

Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue du nom [TECHNO PILES] sur la devanture des boutiques des intimées ou sur une de leurs factures, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce [Techno‐Pieux/Techno Metal Post], et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.

Veuve Clicquot, précité, au para 20.

[48] Autrement dit, la question à trancher est celle de savoir si, sous l’angle de la première impression, le « consommateur ordinaire plutôt pressé » qui voit les noms commerciaux et/ou les marques de commerce TECHNO PILES serait susceptible d’être confus. Pour répondre à cette question, il faut présumer que le consommateur en question présente les autres caractéristiques évoquées dans le passage cité immédiatement ci‐dessus (voir aussi Masterpiece Inc. c Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27, aux para 40‐41 [Masterpiece]).

[49] Par souci de précision, le consommateur pertinent est celui du marché en question. Dans un cas où, comme en l’espèce, les produits et services sont dispendieux ou importants, le tribunal doit être conscient de la possibilité que le consommateur pertinent puisse « [porter] probablement un peu plus attention » aux marques des défendeurs (Masterpiece, précité, aux para 69‐70). Néanmoins, on doit quand même considérer que ce consommateur possède les caractéristiques évoquées aux deux paragraphes précédents. Le fait qu’il puisse mener subséquemment des recherches approfondies et réfléchir afin de dissiper la confusion qui peut avoir découlé de la première impression est peu pertinent (Masterpiece, précité, aux para 72‐73).

[50] La confusion pertinente se rattache à la source des produits en question, plutôt qu’aux marques de commerce, noms commerciaux ou produits qui sont employés en liaison avec la(les) marque(s) de commerce revendiquée(s) (Masterpiece, précité, aux para 41, 67, 73, 104‐105).

[51] La demanderesse doit s’acquitter de la charge de présentation consistant à établir la probabilité – plutôt que la simple possibilité – de confusion, selon la prépondérance des probabilités (Loblaws Inc. c Columbia Insurance Company, 2019 CF 961, au para 44 [Loblaws], conf par 2021 CAF 29; Toys “R” Us (Canada) Ltd. c Herbs “R” Us Wellness Society, 2020 CF 682, au para 6 [Toys “R” Us]). Cependant, il n’est pas nécessaire que la demanderesse établisse une confusion réelle (Mattel, Inc. c 3894207 Canada Inc., 2006 CSC 22, aux para 55 et 89 [Mattel]; Veuve Clicquot, précité, au para 6).

[52] Dans l’arrêt Masterpiece, il est dit que le « degré de ressemblance » prévu à l’alinéa 6(5)e) devrait constituer le point de départ de l’étude des divers facteurs énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce. Il en est ainsi parce que « si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire » (Masterpiece, précité, au para 49).

[24] À la lumière des conclusions que j’ai formulées dans la décision sur la requête en jugement sommaire en faveur de la demanderesse en ce qui concerne les alinéas 6(5)a), b), c) et e) de la LMC, les parties n’ont fait que des [traduction] « observations limitées » dans la présente requête en ce qui concerne les facteurs en question : voir le para 16 ci‑dessus. Dans la mesure où ces observations ne font que répéter des observations antérieures qui ont déjà été traitées, elles ne sont pas appropriées. Elles représentent une tentative de remettre en litige des questions qui ont déjà été tranchées lorsque j’ai conclu qu’il n’y avait pas de véritable point litigieux en ce qui concerne ces questions. Ceci s’applique également à la tentative des défendeurs de présenter de nouveaux éléments de preuve qui auraient pu raisonnablement être obtenus avant le dépôt de la requête en jugement sommaire par l’exercice d’une diligence raisonnable.

[25] Les conclusions de la Cour concernant les alinéas 6(5)a), b), c) et e), ne feront pas l’objet d’un nouvel examen. À mon avis, les mêmes principes qui sous‑tendent le prononcé d’un jugement sommaire (voir, par exemple, Gemak Trust c Jempak Corporation, 2022 CAF 141 au para 73, citant Milano Pizza Ltd c 6034799 Canada Inc., 2018 CF 1112 au para 40) s’appliquent également aux conclusions tirées sur des questions particulières qui peuvent avoir été tranchées dans le cadre d’une décision sur une requête en jugement sommaire. S’il en était autrement, les efforts de la Cour visant à simplifier la résolution du litige entre les parties dans le cadre de la présente requête en procès sommaire seraient considérablement compromis. Il en irait de même pour la Cour qui tente d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible pour les parties en cause, compte tenu du principe de proportionnalité : article 3 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, et leurs modifications (les Règles).

[26] Nonobstant ce qui précède, j’ai bien l’intention de procéder à une évaluation globale de tous les facteurs énoncés au paragraphe 6(5) de la LMC, ainsi que « de toutes les circonstances de l’espèce », pour parvenir à une décision en ce qui concerne la question de la confusion au sens de l’alinéa 20(1)a) et du paragraphe 6(5) de la LMC : Loblaws Inc. c Columbia Insurance Company, 2021 CAF 29 au para 11, citant Masterpiece Inc. c Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27 [Masterpiece], au para 49; Sandhu, précité, aux para 25‑28. Cependant, ce faisant, je tiendrai compte de mes conclusions antérieures concernant les paragraphes 6(5)a), b), c) et e), qui sont résumées ci‑dessous.

[27] J’ouvre une parenthèse pour souligner que, quoi qu’il en soit, les nouveaux éléments de preuve présentés par les défendeurs ne sont pas de nature à justifier la formulation de conclusions différentes en ce qui concerne les quatre facteurs mentionnés ci‑dessus.

(2) Le degré de ressemblance (alinéa 6(5)e))

[28] La demanderesse soutient qu’il existe un degré élevé de ressemblance entre les dessins‑marques suivants :

Tableau 2 – Comparaison des dessins‑marques en litige

[29] Compte tenu des motifs exposés aux paragraphes 58 à 64 de la décision sur la requête en jugement sommaire, j’ai conclu qu’un consommateur ordinaire, plutôt pressé et qui n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce originale, est susceptible de percevoir les marques de commerce et les noms commerciaux en litige comme ayant un degré de ressemblance qui prête à confusion.

[30] Les défendeurs soutiennent que ce facteur devrait se voir accorder peu de poids dans l’évaluation globale de la question de savoir si les marques en litige sont similaires au point de créer de la confusion, et ce pour trois raisons. Premièrement, ils affirment que tout degré de ressemblance entre les marques en litige n’est pas différent du degré de ressemblance que les marques déposées ont avec tout autre logo d’entreprise de pieux vissés, y compris 15 logos reproduits dans le tableau 1 de leurs observations écrites. Deuxièmement, ils indiquent que des termes tels que « piles » et « metal post » sont largement utilisés dans le secteur des pieux vissés. Troisièmement, ils affirment que les logos des concurrents comportent souvent des pieux stylisés, comme leur tableau 1 le démontre.

[31] Je ne suis pas de cet avis. La similitude entre les marques en litige est beaucoup plus grande que toute similitude qui peut être considérée comme existante entre les marques déposées et d’autres marques qui ont été relevées dans la présente instance, y compris celles qui figurent dans le tableau 1 des observations des défendeurs. Cela tient notamment au fait que le premier mot des marques en litige (TECHNO) est identique et particulièrement frappant : Masterpiece, précité, aux para 63‑64. En outre, les idées que suggèrent les derniers mots de ces marques de commerce et noms commerciaux sont également identiques. Sur ce dernier point, les défendeurs reconnaissent que ces mots ont tous le même sens. Ils reconnaissent également que le terme « Pieux » a [traduction] « une forte connotation française ». Par conséquent, le consommateur moyen de ce marché qui est pressé peut très bien présumer (avec raison) que « Pile » s’entend au sens de « Pieux », et que les marques de commerce et noms commerciaux en litige ont donc la même source.

[32] Compte tenu de ce qui précède, je considère qu’un poids important doit être accordé à ce facteur dans l’évaluation globale. Il en est ainsi nonobstant le fait que les termes « piles » et « metal post » puissent être largement employés dans le secteur des pieux vissés, et que les pieux stylisés sont courants dans ce secteur.

(3) Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus (alinéa 6(5)a))

[33] Dans la décision sur la requête en jugement sommaire, j’ai conclu que le mot « TECHNO » a un certain degré de caractère distinctif en liaison avec les produits et services pertinents. Cela s’explique notamment par le fait que ce mot est frappant dans la mesure où il s’agit du premier mot des marques déposées. J’ai également conclu qu’il est peu probable que ce caractère frappant soit atténué de manière importante par le fait que certains concurrents des parties emploient les mots « Tech », « Technology » ou « Technologies » dans leurs marques de commerce ou leurs noms commerciaux. J’ai ajouté que ma conclusion à cet égard est renforcée par la déclaration formulée par Mme Bertram pendant le contre‑interrogatoire sur son affidavit, selon laquelle elle était distributrice pour la demanderesse et elle considérait que « Techno » était la [traduction] « marque », plutôt que le nom intégral de la société : transcription du contre‑interrogatoire de Mme Bertram, le 22 novembre 2021, à la p 109 : décision sur la requête en jugement sommaire, précitée, au para 69.

[34] En plus de ce qui précède, j’ai conclu que la preuve des ventes substantielles de la demanderesse, de pair avec l’ampleur des activités de publicité et de promotion qu’elle et ses distributeurs ont menées au fil des ans, incite raisonnablement à conclure que les marques déposées ont acquis un caractère distinctif significatif au fil des ans : décision sur la requête en jugement sommaire, précitée, au para 70. En outre, en ce qui concerne les marques de commerce et les noms commerciaux TECHNO PILES des défendeurs, j’ai conclu qu’il n’y avait aucune preuve substantielle de leur caractère distinctif inhérent ou acquis, par rapport aux marques déposées : décision sur la requête en jugement sommaire, précitée, au para 72.

[35] Dans la présente requête, les défendeurs m’invitent à réexaminer les conclusions qui précèdent. Dans la mesure où ils s’appuient essentiellement sur les mêmes arguments et les mêmes éléments de preuve que ceux qu’ils avaient invoqués dans leur requête en jugement sommaire, je ne relève aucun fondement solide me permettant de parvenir à une conclusion différente. Par souci de précision, les arguments et les nouveaux éléments de preuve invoqués par les défendeurs concernant l’emploi répandu des préfixes ou des termes « TECHNO », « TECH », « METAL POST », « POST » et « PIEUX » dans l’ensemble de l’industrie de la construction sont également pris en compte. En bref, il n’y a aucune preuve qu’une personne autre que la demanderesse emploie ou ait employé le mot « TECHNO » en combinaison avec les termes « METAL POST » ou « PIEUX », ainsi qu’en liaison avec les produits et services pertinents : décision sur la requête en jugement sommaire, précitée, au para 69.

[36] Compte tenu de tout ce qui précède, je conclus que le facteur du « caractère distinctif » inhérent et/ou acquis favorise la demanderesse. Néanmoins, compte tenu des faits très particuliers de la présente affaire, je considère que ce facteur ne devrait se voir accorder qu’un poids modéré. Cela s’explique en partie par le fait que certains éléments de preuve démontrent que certains clients ne se souviennent pas du nom complet « Techno Metal Post ». En outre, les termes « Pieux » et « Metal Post » sont descriptifs des produits de la demanderesse. De plus, la demanderesse a refusé de fournir des éléments de preuve, tels que des données tirées de Google Analytics, pour démontrer l’efficacité de ses vastes activités de publicité et de promotion sur son site Web et ses plateformes de médias sociaux.

(4) La période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage (alinéa 6(5)b))

[37] La demanderesse emploie sa marque nominale TECHNO METAL POST (LMC596228) depuis 2003. Elle emploie également ses deux dessins‑marques (LMC562798 et LMC638884) depuis 2002 et 2005, respectivement, en liaison avec les produits et services enregistrés. De plus, elle emploie sa marque nominale TECHNO PIEUX (LMC950281) depuis 2016.

[38] En comparaison, les défendeurs n’emploient leurs marques TECHNO PILES sur le marché que depuis environ mai 2021[3].

[39] Dans la décision sur la requête en jugement sommaire, j’ai conclu que les faits énoncés ci‑dessus pesaient en faveur de l’attribution d’une pondération positive à ce facteur à l’avantage de la demanderesse, en dépit de certains arguments contraires avancés par les défendeurs : décision sur la requête en jugement sommaire, aux para 74‑77. Bien que les défendeurs continuent à faire valoir ces mêmes arguments, je maintiens ma position.

(5) Le genre de produits, services ou entreprises (alinéa 6(5)c))

[40] Dans la décision sur la requête en jugement sommaire, j’ai conclu qu’il y a un chevauchement direct entre les parties en ce qui concerne un large éventail des produits et des services pertinents. Par conséquent, j’ai conclu que le facteur relatif au « genre de produits, services ou entreprises » favorise la demanderesse. Il en est ainsi malgré le fait que ce chevauchement ne s’étende pas aux produits pour lesquels la marque nominale TECHNO PIEUX est déposée et qu’il ne puisse pas s’étendre aux [traduction] « instruments permettant de déterminer la capacité de charge des semelles et des pieux de fondation » : décision sur la requête en jugement sommaire, aux para 78‑81.

[41] Les défendeurs soutiennent à présent qu’il existe une différence marquée entre les produits et les services associés aux marques en litige. Cependant, ils ne fournissent pas d’explications à ce sujet. Quoi qu’il en soit, cette position est incompatible avec les positions qu’ils adoptent en ce qui concerne l’allégation de dépréciation de l’achalandage formulée par la demanderesse. Plus précisément, au paragraphe 76 de leurs observations écrites, ils énoncent ceci :

[traduction]
[76] […] Les produits et services offerts par les parties défenderesses TMP étaient, et demeurent, des produits et services fonctionnellement identiques à ceux qu’elles ont offerts pendant des années sous la bannière de la demanderesse avec la bénédiction de cette dernière.

[42] Au paragraphe 80 de ces observations, les défendeurs ajoutent qu’ils [traduction] « utilisent des supports fabriqués selon les mêmes spécifications techniques que la demanderesse ».

[43] Compte tenu de ce qui précède, je n’accepte pas la simple affirmation des défendeurs selon laquelle il y a des différences importantes entre les produits et les services associés aux marques en litige, aux fins de la présente analyse.

[44] Les défendeurs soutiennent en outre que la confusion quant à la source des marques en litige est peu probable, parce que la demanderesse n’a pas eu de revendeur dans les régions (Medicine Hat et Fort McMurray) où les sociétés défenderesses principales exerçaient leurs activités au cours de ce qu’ils considèrent comme la période pertinente – à savoir entre mai 2021 et mai 2022[4]. Cependant, « le fait que des noms commerciaux et des marques de commerce similaires au point de créer de la confusion ne soient pas employés dans le même lieu géographique n’est d’aucune incidence en ce qui concerne [le] critère » énoncé à l’article 6 de la LMC : Masterpiece, précité, au para 30. Cela s’explique par le fait que ce critère repose sur l’hypothèse que les marques de commerce et les noms commerciaux en litige sont employés « dans la même région » : voir Masterpiece, précité, au para 26. Quoi qu’il en soit, les défendeurs exercent aussi leurs activités ailleurs en Alberta, notamment à Calgary, Edmonton, Lethbridge, Lloydminster, Red Deer et Sherwood Park : dossier de requête de la demanderesse, p 155, 162, 617, 621 et 625. La demanderesse a des distributeurs autorisés partout en l’Alberta et elle réalise des ventes importantes dans cette province : décision sur la requête en jugement sommaire, au para 71(i).

[45] En résumé, pour les motifs exposés ci‑dessus, je maintiens ma conclusion selon laquelle le « genre de produits, services ou entreprises » est un facteur qui favorise la demanderesse.

(6) La nature du commerce (alinéa 6(5)d))

[46] Dans la présente requête en procès sommaire, la demanderesse a soutenu que ce facteur joue en sa faveur, parce que les produits et services des sociétés défenderesses principales, prétendument contrefaits, sont offerts et vendus par les mêmes voies de commercialisation que ses propres produits et services. La demanderesse a expliqué que cela est le cas, parce que les produits et services respectifs des parties sont destinés et vendus aux mêmes consommateurs finaux, notamment les constructeurs et les entrepreneurs qui ont besoin de pieux vissés et/ou d’installations pour leurs projets de construction.

[47] En guise de réponse, les défendeurs ont maintenu que ce facteur joue en leur faveur et qu’il devrait se voir accorder un poids important. À l’appui de cette prétention, ils ont affirmé que la demanderesse vend principalement ses produits à des revendeurs qui revendent exclusivement ces produits. Les défendeurs ont ajouté qu’il est peu probable que ces [traduction] « clients » confondent la source des produits respectifs des parties. Ils ont également souligné qu’il en va de même pour leurs propres clients, en particulier les constructeurs et les entrepreneurs auxquels ils vendent directement les produits. À cet égard, selon la preuve non contestée de Mme Bertram, les ventes des sociétés défenderesses principales s’effectuent en grande partie par le biais de contacts personnels ou par suite des recommandations faites par des personnes avec lesquelles Mme Bertram et M. Bergevin ont travaillé directement. Par conséquent, les défendeurs ont soutenu que la valorisation de la marque ou la publicité connexe sont comparativement moins importantes et que la confusion des clients à l’égard de la source des produits et services offerts par les sociétés défenderesses principales est [traduction] « hautement improbable ». La preuve par affidavit de Mme Bertram sur ce point était étayée par son témoignage en contre‑interrogatoire, selon lequel beaucoup de clients s’adressent aux défendeurs par suite de recommandations et par contacts personnels, plutôt qu’en raison de la publicité (transcription du contre‑interrogatoire de Mme Bertram, le 22 novembre 2021, aux p 26‑29).

[48] Malgré le fait que Mme Bertram n’ait pas beaucoup étayé ses déclarations, j’ai conclu que sa preuve satisfaisait au critère exigé pour résister à la requête en jugement sommaire de la demanderesse en ce qui concerne le facteur relatif à la « nature du commerce » au sens de l’alinéa 6(5)d). Je suis parvenue à cette conclusion après avoir relevé que le principal déposant de la demanderesse, M. Jérôme Chabot, a convenu lors du contre‑interrogatoire qu’une bonne part des recommandations vers la demanderesse découle normalement des liens personnels : décision sur la requête en jugement sommaire, au para 85. Compte tenu de la possibilité distincte que le risque de confusion des clients soit très faible dans un contexte où la plupart des ventes sont effectuées par le biais de contacts personnels, j’ai conclu que la preuve de Mme Bertram pouvait avoir d’importantes conséquences sur l’évaluation que la Cour effectuera relativement aux allégations formulées par la demanderesse qui se rapportent au paragraphe 20(1)a) de la LMC. Plus précisément, cette preuve pouvait avoir d’importantes conséquences sur l’évaluation de la probabilité de confusion, sous l’angle de la première impression, de la part du consommateur ordinaire plutôt pressé de ce marché.

[49] Il s’est avéré que les parties ne se sont pas prévalues de la possibilité de fournir des éléments de preuve convaincants à l’appui de leurs positions respectives concernant le facteur relatif à « la nature du commerce » dans la présente requête. Dans une large mesure, les positions des parties à l’égard de ce facteur reposent essentiellement sur des éléments de preuve fournis par leurs propres représentants, et non par des clients. En fin de compte, j’ai conclu que ce facteur joue en faveur de la demanderesse, mais pas fortement.

[50] Lors de l’évaluation du facteur relatif à « la nature du commerce », les considérations d’importance pour la Cour comprennent les différences ou les similitudes dans le secteur au sein duquel les produits et services pertinents sont commercialisés et vendus, les types de points ou de réseaux de vente par lesquels ils sont commercialisés et vendus, et toute différence entre les personnes pour lesquelles ces produits et ces services sont commercialisés et vendus : United Artists Corp. c Pink Panther Beauty Corp., [1998] 3 CF 534, aux para 30‑33.

[51] En ce qui concerne la première de ces considérations, et comme indiqué ci‑dessus, la demanderesse fournit les produits et services pertinents à ses distributeurs, qui vendent ensuite ces produits et services aux constructeurs, entrepreneurs, propriétaires et autres. À titre comparatif, les sociétés défenderesses principales fournissent leurs produits et services similaires directement à ces clients. Les défendeurs accordent une grande importance à cette différence. Toutefois, au vu des faits particuliers de la présente affaire, cette différence ne joue pas en leur faveur, et ce, pour deux raisons étroitement liées. Premièrement, la demanderesse commercialise les produits et services pertinents directement auprès des clients décrits ci‑dessus par l’entremise de son site Web et, essentiellement, des mêmes plateformes de médias sociaux que les défendeurs. Deuxièmement, les revendeurs de la demanderesse sont autorisés à fournir les produits et services pertinents à ces clients finaux, en vertu d’ententes de distribution qui permettent à la demanderesse de contrôler la nature ou la qualité de ces produits et services. Dans ce contexte, la fourniture par les distributeurs de la demanderesse des produits et services de cette dernière en association avec les marques déposées « ont le même effet et sont réputés avoir toujours eu le même effet [que l’emploi] » des marques déposées par la demanderesse : art 50(1) de la LMC. Par conséquent, la demanderesse est réputée exercer ses activités à la même échelle commerciale que ses distributeurs, qui à leur tour exercent leurs activités à la même échelle commerciale que les sociétés défenderesses principales. Cet élément est favorable à la demanderesse.

[52] En ce qui concerne les types de points de vente ou de réseaux par lesquels les produits et services pertinents sont commercialisés et vendus, les distributeurs de la demanderesse en Alberta sont en concurrence directe avec les points de vente des sociétés défenderesses principales. Une fois de plus, cet élément est favorable à la demanderesse. J’ajouterai simplement en passant qu’« il n’est pas nécessaire, pour établir le risque de confusion, de prouver que les marchandises sont effectivement vendues au même endroit; il suffit que les parties aient le droit de le faire »: Cartier Men's Shops Ltd. c Cartier Inc., 1981 ACF no 810, au para 13.

[53] Les personnes auxquelles les parties vendent les produits et services pertinents sont essentiellement les mêmes, à savoir des constructeurs, des entrepreneurs, des propriétaires, entre autres. À cet égard, Mme Bertram a déclaré que les sociétés défenderesses principales ont continué leurs activités de vente auprès du [traduction] « même type de clients avec qui les distributeurs de Techno Metal Post faisaient affaire », après avoir commencé à employer les marques et les noms commerciaux en litige de Techno Piles : dossier de requête de la demanderesse, p 1121. Cette considération est favorable à la demanderesse.

[54] Malgré tout ce qui précède, les défendeurs soutiennent qu’un élément particulièrement important, compte tenu des faits particuliers du présent litige, est que leurs ventes s’effectuent en très grande partie par des contacts personnels, des clients récurrents ou par suite de recommandations. Dans ce contexte, ils insistent sur le fait qu’il est peu probable qu’il y ait confusion quant à la source des produits et services pertinents. Selon Mme Bertram, lorsque les sociétés défenderesses principales exerçaient leurs activités sous le nom de Techno Metal Post, la majeure partie de leur clientèle se composait de personnes qui cherchaient à faire affaire avec elle et avec M. Bergevin, plutôt qu’en raison du nom de Techno Metal Post. Cela était dû à leur réputation personnelle dans l’industrie en question.

[55] À l’appui de sa position, Mme Bertram a déclaré que, au cours de la période allant de 2017 à 2021, moins de 3 % des ventes réalisées par les sociétés défenderesses principales découlaient des recommandations provenant de la demanderesse. Elle a ajouté que pour l’année 2017, les ventes annuelles étaient réparties de la manière suivante : 48 % provenaient de clients rencontrés lors de présentations dans des foires commerciales, 28 % de recommandations au sein de leur propre réseau, 19 % des contacts de M. Bergevin dans le secteur, puis 5 % de sources inconnues[5]. Pour l’année 2018, Mme Bertram a indiqué que 39 % des ventes réalisées par les sociétés défenderesses principales cette année‑là provenaient de clients qui avaient déjà fait appel à leurs services, 27 % de sources inconnues, 6 % d’appels d’offres, 4 % de clients rencontrés lors de présentations dans des foires commerciales et 1 % des contacts de M. Bergevin dans le secteur. Pour l’année 2019, les ventes étaient réparties de la manière suivante : 40 % provenaient de clients qui avaient déjà fait appel à leurs services, 28 % de sources inconnues, 23 % de recommandations du réseau des défendeurs, 7 % d’aiguillages de la demanderesse et 2 % d’appels d’offres. Pour l’année 2020, les ventes étaient réparties de la manière suivante : 36 % provenaient de clients qui avaient déjà fait appel à leurs services, 28 % de sources inconnues, 21 % de recommandations du réseau des défendeurs, 10 % de recommandations de la demanderesse, et le reste des ventes provenait de clients rencontrés lors de présentations dans des foires commerciales et d’appels d’offres. Enfin, pour l’année 2021, les ventes étaient réparties de la manière suivante : 38 % provenaient de clients qui avaient déjà fait appel à leurs services, 38 % de recommandations du réseau des défendeurs, 10 % d’appels d’offres, et le reste des ventes provenait de clients rencontrés lors de présentations dans des foires commerciales ou était de sources inconnues : affidavit de Ronda Bertram daté du 29 juillet 2022, aux para 32‑47.

[56] Les statistiques énoncées ci‑dessus ne sont pas des plus utiles pour les défendeurs. En effet, avant le 31 mai 2021, les sociétés défenderesses principales faisaient office de distributeurs pour la demanderesse. Ainsi, toute réputation dont elles pouvaient jouir était intimement liée aux produits et services pertinents qu’elles commercialisaient et fournissaient pour le compte de la demanderesse. Ce faisant, elles distribuaient des cartes commerciales portant la marque de la demanderesse et ses représentants portaient les vêtements d’entreprise de cette dernière. Cela se faisait notamment lors de foires commerciales, que Mme Bertram a décrites comme étant [traduction] « cruciales pour nos affaires dans les deux villes, Medicine Hat et Fort McMurray » : dossier de requête de la demanderesse, p 966‑967; voir aussi les p 922‑923.

[57] Il est également pertinent que ni Mme Bertram ni M. Bergevin n’aient été actifs dans le marché des pieux vissés avant 2016, lorsqu’ils ont commencé à travailler au sein de TMP Medicine Hat : dossier de requête de la demanderesse, p 922. De plus, il semble que leur réputation ait été considérablement renforcée par le fait qu’ils ont installé environ 2 000 pieux vissés au cours de leur première année à titre de distributeur respectif de la demanderesse, à la suite de l’incendie de Fort McMurray : dossier de requête de la demanderesse, p 922. Il est raisonnable d’inférer que la qualité établie de ces pieux et la manière dont ils ont été installés (conformément au processus de la demanderesse) ont eu beaucoup à voir avec le renforcement de la réputation des défendeurs dû à ces installations. Il est également raisonnable d’inférer qu’une partie des ventes réalisées par les défendeurs auprès de sources inconnues était due aux efforts considérables de promotion et de publicité déployés par la demanderesse.

[58] En outre, selon certains éléments de preuve, ce n’est qu’après la deuxième refonte de l’image de marque par les sociétés défenderesses principales, en mai 2022, que certains clients ont perçu que les sociétés défenderesses principales n’étaient plus associées à la demanderesse. Plus précisément, Mme Bertram a déclaré qu’après l’adoption de l’image de marque Screw Piles Pros pour remplacer Techno Piles , trois clients distincts l’ont informée qu’ils n’avaient pas voulu faire affaire avec Techno Metal Post auparavant, [traduction] « mais qu’ils pouvaient maintenant faire affaire avec nous puisque nous n’y étions plus associés » : affidavit de Ronda Bertram daté du 29 juillet 2022, au para 11. Cela suggère qu’avant la deuxième refonte de l’image de marque, il y avait une confusion sur le marché quant à savoir si les marques et le nom commercial de Techno Piles étaient associés à la demanderesse.

[59] Enfin, Mme Bertram a déclaré que [traduction] « l’installation de pieux vissés est une opération qui fait généralement l’objet de recherches approfondies de la part de la clientèle des sociétés défenderesses principales, en raison du coût et de l’importance du produit » : affidavit de Mme Bertram, daté du 29 juillet 2022, au para 19. Sur ce dernier point, elle a déclaré que les [traduction] « plus petits travaux que les sociétés défenderesses principales réalisent sont ceux relatifs aux terrasses résidentielles et leur prix se situe entre 600 $ et 3 000 $, sans compter le coût du travail d’ingénierie » : affidavit de Mme Bertram, daté du 29 juillet 2022, au para 20. Compte tenu de ce qui précède, les défendeurs soutiennent qu’il existe un faible risque de confusion entre les marques et les noms commerciaux en litige dans cette industrie en particulier.

[60] Je conviens que certains clients de l’industrie en question sont susceptibles d’être plus attentifs et conscients que le consommateur moyen quant aux différences entre les sources des marques et des noms commerciaux en litige. Je conviens également que les clients de l’industrie en question peuvent être moins susceptibles d’être confus lorsqu’ils voient les marques et les noms commerciaux en litige. Malheureusement, très peu d’éléments de preuve ont été présentés à cet égard.

[61] Au cours de l’audience, il a été admis que la seule preuve de la demanderesse portant précisément sur les clients était du ouï‑dire. Cette preuve a été fournie par M. Jared Holmans, un installateur indépendant embauché par Techno Metal Post Central Alberta Inc., l’un des distributeurs autorisés de la demanderesse. Dans son affidavit daté du 28 juillet 2022, M. Holmans a décrit comment un courriel envoyé par M. Painchaud à info@technopiles.com qui était à l’attention de « Ronda » lui avait été transmis pour qu’il y donne suite, car il contenait une possibilité d’emploi. Cette adresse électronique appartient à la demanderesse et est similaire à une adresse électronique (info@technopilesinc.com) gérée par les défendeurs. M. Holmans a expliqué que, lorsqu’il a appelé M. Painchaud, on lui a dit que ce dernier cherchait à s’adresser aux mêmes personnes que celles qui avaient effectué des travaux pour lui il y a quelques années. Selon M. Holmans, M. Painchaud a expliqué qu’il avait essayé de contacter M. Holmans lorsqu’il s’était adressé à « Ronda » de Techno Piles. M. Painchaud a ensuite expliqué qu’il avait effectué une recherche dans Google en saisissant les mots « Techno » et « helical piles », et qu’il avait pensé que Techno Piles faisait partie de la même entreprise qui avait installé des pieux vissés pour lui dans le passé. Compte tenu du caractère relaté de cette preuve dans la mesure où elle se rapporte à la confusion alléguée de M. Painchaud, la preuve est présumée inadmissible : R c Khelawon, 2006 CSC 57 au para 3.

[62] Cette preuve ne relève d’aucune des exceptions traditionnelles à la règle du ouï‑dire et je ne vois aucune raison de l’admettre suivant la méthode d’analyse raisonnée de la règle. Je relève que la demanderesse n’a fait valoir aucun argument pour admettre la preuve à ce titre. La demanderesse n’a pas non plus expliqué pourquoi elle n’a pas présenté d’autres éléments de preuve provenant directement de M. Painchaud. Par conséquent, je juge que cette preuve est inadmissible et je ne lui ai accordé aucun poids.

[63] De même, dans son témoignage pour le compte de la demanderesse, M. Christian Rousseau a déclaré qu’à la suite de l’adoption de l’image de marque Techno Piles en remplacement de Techno Metal Post, il a eu des communications avec un certain nombre de personnes qui lui ont dit qu’elles étaient confuses quant à ce qui se passait. Cependant, une fois de plus, cette preuve constitue du ouï‑dire dans la mesure où elle se rapporte à la confusion alléguée de ces personnes. Essentiellement pour les mêmes raisons que celles exposées dans le paragraphe précédent, je juge que cette preuve ne relève d’aucune des exceptions traditionnelles à la règle du ouï‑dire et je ne vois aucune raison de l’admettre suivant la méthode d’analyse raisonnée de la règle. Par conséquent, la preuve est inadmissible et je ne lui ai accordé aucun poids.

[64] Je signale en passant que M. Holmans a admis en contre‑interrogatoire qu’il n’a personnellement pas été confus de quelque manière que ce soit lorsqu’il a reçu le courriel daté du 20 mai 2021, annonçant l’adoption par les défendeurs de l’image de marque Techno Piles en remplacement de l’ancienne, , parce que ce courriel provenait de « Mat et Ronda », soit les deux particuliers défendeurs : dossier de requête des défendeurs, p 962.

[65] Je relève également que Mme Bertram et M. Bergevin ont tous deux déclaré dans leurs affidavits qu’ils ne sont [traduction] « pas au courant de cas où des consommateurs auraient confondu les produits des sociétés défenderesses principales avec ceux de Techno‑Pieux » : affidavit de Ronda Bertram daté du 29 juillet 2022, au para 26; affidavit de Mathieu Bergevin daté du 28 juillet 2022, au para 18. Mme Bertram a également relevé que [traduction] « les clients obtiennent généralement plusieurs devis de différentes entreprises, et font habituellement beaucoup de recherches sur les pieux vissés pour s’assurer qu’ils peuvent poser les bonnes questions aux entreprises qu’ils envisagent de choisir pour l’installation de pieux » : affidavit de Mathieu Bergevin daté du 28 juillet 2022, au para 21.

[66] Nonobstant ce qui précède, comme indiqué précédemment, Mme Bertram a également déclaré que trois particuliers distincts l’ont contactée et ont déclaré qu’[traduction] « ils ne souhaitaient pas faire affaire avec Techno Metal Post, mais qu’ils pouvaient maintenant faire affaire avec nous puisque nous n’y étions plus associés » : affidavit de Ronda Bertram daté du 29 juillet 2022, au para 11. Cela suggère que ces trois personnes étaient confuses quant à l’origine des marques et noms commerciaux de Techno Piles des défendeurs, et ce, avant la seconde refonte de l’image de marque de ces derniers dans le cadre de laquelle ils ont adopté la dénomination de Screw Pile Pro.

[67] En outre, il convient de souligner que le critère à appliquer met l’accent sur la première impression du consommateur lorsqu’il voit les marques en question : Masterpiece, précité, au para 70 (en italique dans l’original). Par conséquent, le fait que les clients puissent par la suite effectuer des recherches approfondies avant de prendre une décision d’achat définitive n’est pas pertinent : Masterpiece, précité, au para 71. La Cour suprême du Canada a formulé l’observation suivante :

[…] Ce qui compte, c’est la confusion qui naît dans [l’]esprit [du client] lorsqu’il voit les marques de commerce. Il ne faut pas déduire de la dissipation ultérieure de la confusion au terme de recherches approfondies qu’elle n’a jamais existé ou qu’elle cessera de subsister dans l’esprit du consommateur qui n’a pas fait de telles recherches.

Masterpiece, précité, au para 72.

[68] Compte tenu de ce qui précède, je juge que le caractère onéreux des produits et services pertinents, ainsi que la conscience accrue que certains clients peuvent avoir quant aux différences entre les marques et les noms commerciaux en litige sont des considérations qui, au mieux, ne favorise que modérément les défendeurs. Pour parvenir à cette conclusion, j’ai tenu compte de la preuve de Mme Bertram selon laquelle la majeure partie de la clientèle des défendeurs est constituée de contacts personnels et qu’environ 80 % du chiffre d’affaires des défendeurs se rapporte à des travaux de construction résidentielle, tandis que le 20 % restant se rapporte à des travaux commerciaux.

[69] Cependant, en tenant en compte des autres éléments pertinents aux fins de l’évaluation de la « nature du commerce », qui sont abordés aux paragraphes 50 à 53 ci‑dessus, je conclus que le [traduction] « facteur relatif à la nature du commerce » dans son ensemble favorise légèrement la demanderesse. J’en arrive à cette conclusion en ayant à l’esprit la preuve de M. Holmans selon laquelle une grande partie des ventes de la demanderesse auprès des propriétaires résidentielles se fait par l’entremise du site Web de la demanderesse : dossier de requête des défendeurs, p 966. Par souci de précision, je n’ai pas accordé à cette preuve un poids considérable.

[70] Je ferai remarquer en passant que, bien que les défendeurs aient soutenu que l’absence d’un degré élevé de chevauchement géographique entre les parties est un élément pertinent quant au facteur relatif à « la nature du commerce » au sens de l’alinéa 6(5)d) de la LMC, j’ai jugé qu’il était plus approprié de traiter de cet élément lors de l’évaluation du facteur relatif au « genre de produits, services ou entreprises » au sens de l’alinéa 6(5)c) de la LMC : voir le paragraphe 44 ci‑dessus.

(7) Autres circonstances pertinentes de l’espèce

[71] Dans la décision sur la requête en jugement sommaire, j’ai conclu qu’il n’était pas nécessaire d’examiner les autres circonstances de l’espèce, au‑delà des cinq facteurs expressément énumérés au paragraphe 6(5) de la LMC. Cependant, compte tenu du fait que le litige entre les parties pouvait faire l’objet d’un procès, j’ai considéré qu’il convenait de faire observer que la conduite des défendeurs, après qu’ils eurent commencé à employer leur nom commercial et leurs marques de commerce TECHNO PILES sur le marché, était pertinente quant aux fins de l’évaluation ultime de la Cour relativement à la possibilité de confusion. J’ai en outre fait remarquer que cette conduite comprenait les éléments suivants :

  • a)L’envoi l’un courriel général le 30 mai 2021, au nom de [traduction] « Techno MetalPostFortMcMurrayet MedicineHat », qui s’intitulait [traduction] « Faire passer le message – Nouvelles coordonnées de Techno MetalPostFortMcMurrayet MedicineHat ». Ce courriel indiquait notamment ce qui suit : [traduction] « Nous possédons toujours les mêmes formidables entreprises, seul le nom change » (non souligné dans l’original). Le courriel énumérait ensuite les adresses et numéros de téléphone que les défendeurs avaient utilisés antérieurement en qualité de distributeurs des produits de la demanderesse. Après avoir indiqué que les adresses électroniques personnelles et les adresses électroniques d’« information » ne seraient plus valides, l’annonce fournissait de nouvelles adresses électroniques comportant le suffixe @technopilesinc.com.

  • b)L’annonce de [traduction] « l’adoption d’une nouvelle image de marque » et l’affichage d’une vidéo intitulée [traduction] « Création d’une nouvelle image de marque » sur la page Facebook de Techno Piles.

  • c)L’adoption d’une nouvelle image de marque pour divers comptes de médias sociaux que les défendeurs avaient employés lorsqu’ils se positionnaient encore à titre de distributeurs des produits de la demanderesse sur le marché, et le fait d’avoir continué à afficher des photos ou d’autre matériel arborant une ou plusieurs marques déposées, y compris l’équipement de la demanderesse, qui est décrit comme étant [traduction] « notre équipement exceptionnel d’installation de pieux vissés ».

  • d)L’indication suivante dans le profil LinkedIn de Mme Bertram :
    [traduction] « Ronda Bertram, gestionnaire principale de projet chez techno Piles, autrefois connue sous le nom de Techno Metal Post Fort McMurrayet Techno Metal Post Medicine Hat Inc. […] Même entreprise formidable, même équipe formidable, seul le nom change » (non souligné dans l’original).

  • e)L’indication suivante à la section [traduction] « À propos de nous » d’une page Web qui appartient à Medicine Hat : [traduction] « Mat et Ronda travaillent tous deux à temps plein dans leur entreprise, ce qui est rare pour des concessionnaires de Techno Metal Post […] ».

  • f)La mention, sur leur site Web, à une liste de [traduction] « Projets réalisés » qui consistait principalement en des projets qui avaient été réalisés par TMP Fort McMurray en sa qualité de distributeur autorisé des produits de la demanderesse.

  • g)L’affichage d’une annonce sur Kijiji, qui indiquait notamment ce qui suit : [traduction] « technoPILES mène ses activités en vertu du code du bâtiment de l’Alberta et du Rapport d’évaluation du Centre canadien de matériaux de construction [le CCMC] à partir d’ALMITA PILING, de ROTERRA PILLING et de TECHNO METAL POST, qui sont CONFORMES AU CODE DU BÂTIMENT ».

  • h)L’affirmation, sur leur site Web, selon laquelle Techno Piles se [traduction] « conforme au code du bâtiment de l’Alberta et du CCMC », qui est suivie du renvoi au numéro CCMC‑13059‑R, qui est celui de l’enregistrement de la demanderesse auprès du CCMC.

  • i)L’envoi d’un ou plusieurs devis comportant (i) le logo, le numéro d’attestation du CCMC et le numéro de certification ISO de la demanderesse, bien en évidence au haut de la page, ainsi que (ii) la nouvelle adresse électronique des défendeurs (estimates@technopiles.com) au bas de la page.

[72] Je suis d’avis que, pris de manière cumulative, les éléments a) à f) et i) énumérés au paragraphe 71 ci‑dessus ont vraisemblablement contribué à semer la confusion quant à la source des marques et des noms commerciaux en litige. Cela est particulièrement le cas pour les passages que j’ai soulignés.

[73] Compte tenu de cette conclusion et ainsi que de celles que j’ai tirées en faveur de la demanderesse quant aux cinq facteurs énoncés au paragraphe 6(5) de la LMC, je conclus qu’il n’est pas nécessaire d’examiner les allégations de la demanderesse relativement à l’utilisation par les défendeurs du numéro d’attestation du CCMC qui s’applique au processus d’installation des produits de la demanderesse[6].

(8) Résumé et conclusion concernant la confusion et la contrefaçon alléguée

[74] En résumé, pour tous les motifs énoncés dans la partie VI.A aux points 1) à 6) ci‑dessus, je conclus que chacun des cinq facteurs à examiner pour établir si les marques de commerce ou les noms commerciaux créent de la confusion au sens des alinéas 6(5)a) à c) et e) de la LMC favorisent la demanderesse. Je conclus également que les autres circonstances pertinentes décrites aux points a) à f) et i) du paragraphe 71 ci‑dessus, prises de manière cumulative, favorisent la demanderesse.

[75] Par conséquent, je conclus que la demanderesse a établi que les sociétés défenderesses principales ont vendu, distribué et annoncé leurs produits et services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion, au sens de l’alinéa 20(1)a) de la LMC. Elles sont donc réputées avoir contrefait les marques déposées au cours de la période durant laquelle elles se sont livrées à ces ventes, à cette distribution et à cette publicité. Je juge que cette période (la période pertinente) a commencé le 30 mai 2021, lorsque les sociétés défenderesses principales ont adopté l’image de marque TECHNO METAL POST en remplacement de TECHNO PILES et Techno Piles (les marques de commerce et noms commerciaux similaires aux marques déposées au point de créer de la confusion). La période pertinente a pris fin lorsque les sociétés défenderesses principales ont, pour une deuxième fois, adopté une nouvelle image de marque, soit Screw Pile Pros, en mai 2022, vraisemblablement après la constitution en société de leur nouvelle entité Screw Pile Pros Inc., le 20 mai 2022.

B. La dépréciation de l’achalandage

(1) Introduction

[76] Au titre de l’article 22 de la LMC, nul ne peut employer une marque de commerce déposée par une autre personne d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à cette marque de commerce.

[77] Pour les motifs énoncés ci‑dessous, je juge que les sociétés défenderesses principales ont contrevenu à l’article 22 de la LMC.

[78] L’achalandage s’entend de « l’association positive qui attire les consommateurs vers les marchandises ou services du propriétaire de la marque plutôt que vers ceux de ses concurrents » : Veuve Clicquot, précité, au para 50. L’achalandage a également été décrit comme la « bonne réputation en liaison avec un nom commercial ou une marque de commerce » : Veuve Clicquot, précité, au para 50, citant Inland Revenue Commissioners v Muller & Co.’s Margarine Ltd., [1901] AC 217, 224.

[79] Pour établir l’existence d’une violation de l’article 22, un demandeur doit démontrer que le défendeur a « employé des marques dont la ressemblance avec [la marque du demandeur] suffit pour établir, dans l’esprit des consommateurs de la population de référence, un lien entre les deux marques qui est susceptible de déprécier l’achalandage attaché à [la] marque [du demandeur] » : Veuve Clicquot, précité, au para 38.

[80] Pour satisfaire à ce critère, le demandeur doit démontrer quatre éléments :

[...] Premièrement, la marque de commerce déposée de la demanderesse a été employée par la défenderesse en liaison avec des marchandises ou services – peu importe que ces marchandises ou services entrent en concurrence avec ceux de la demanderesse. Deuxièmement, la marque de commerce déposée de la demanderesse est suffisamment connue pour que l’achalandage qui y est attaché soit appréciable. L’article 22 n’exige pas que la marque soit connue ou célèbre (contrairement aux lois européennes et américaines analogues), mais une défenderesse ne peut faire diminuer la valeur d’un achalandage qui n’existe pas. Troisièmement, la marque de la demanderesse a été employée d’une manière susceptible d’avoir une incidence sur cet achalandage (c.‑à‑d. de faire surgir un lien) et, quatrièmement, cette incidence sera probablement la diminution de la valeur de l’achalandage (c.‑à‑d. un préjudice).

[En italique dans l’original.]

Veuve Clicquot, précité, au para 46.

[81] La demanderesse soutient que les défendeurs ont contrevenu à l’article 22 en employant les marques de commerce et noms commerciaux similaires aux marques déposées au point créer de la confusion d’une manière susceptible d’entraîner la dépréciation de l’achalandage attaché à ces marques déposées. À cet égard, la demanderesse affirme que les activités de marketing et de vente menées par les défendeurs au moyen des marques de commerce et noms commerciaux similaires aux marques déposées au point de créer de la confusion ont affaibli le caractère unique des marques déposées et l’impression que ces dernières produisent sur la catégorie de consommateurs pertinents. La demanderesse soutient également que ces activités de marketing et de vente ont interféré avec ses propres activités de marketing et en ont réduit les effets.

[82] En réponse, les défendeurs soutiennent que la demanderesse n’a pas démontré comment le marketing et les ventes de leurs produits ont mené à ces résultats allégués. Plus généralement, ils déclarent que la demanderesse n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que leur emploi des marques de commerce et noms commerciaux similaires aux marques déposées au point de créer de la confusion est susceptible d’avoir un effet sur l’achalandage de la demanderesse. À l’appui de cette position, les défendeurs affirment que les produits et services qu’ils ont offerts étaient et demeurent fonctionnellement identiques à ceux qu’ils ont offerts pendant des années sous la bannière de la demanderesse et avec la bénédiction de cette dernière.

(2) Les deux premiers éléments du critère

[83] Dans la décision sur la requête en jugement sommaire, j’ai conclu qu’il n’existait pas de véritable question litigieuse quant aux deux premiers éléments de l’analyse en quatre parties décrite au paragraphe 80 ci‑dessus.

[84] En ce qui concerne le premier élément, j’ai conclu que les défendeurs ont employé des marques de commerce et des noms commerciaux (c’est‑à‑dire, les marques de commerce et noms commerciaux similaires aux marques déposées au point créer de la confusion) « dont la ressemblance [avec les marques déposées] suffit » pour entrer dans les paramètres de l’article 22 : décision sur la requête en jugement sommaire, au para 99; citant Veuve Clicquot, précité, au para 38.

[85] Quant au deuxième élément, j’ai conclu que les marques déposées sont suffisamment bien connues pour être associées à un achalandage important : décision sur la requête en jugement sommaire, au para 100. J’ai fondé cette conclusion sur la preuve faisant état des ventes substantielles de la demanderesse, de pair avec l’ampleur des activités de publicité et de promotion qu’elle et ses distributeurs ont menées dans une vaste zone géographique et pendant de nombreuses années : décision sur la requête en jugement sommaire, aux para 70‑71; voir aussi Veuve Clicquot, précité, au para 54; et H‑D U.S.A., LLC c Varzari, 2021 CF 620 [Harley Davidson] au para 47.

[86] Cependant, j’ai conclu que la preuve déposée dans le cadre de la requête en jugement sommaire n’était pas suffisante pour démontrer que les marques de commerce et noms commerciaux similaires aux marques déposées au point de créer de la confusion ont été, ou sont employés, d’une manière susceptible d’avoir une incidence sur l’achalandage de la demanderesse. Je suis parvenu à la même conclusion en ce qui concerne le quatrième élément, à savoir si l’effet probable de l’emploi que les défendeurs ont fait des marques de commerce et noms commerciaux similaires aux marques déposées au point de créer de la confusion consisterait en la diminution de la valeur de l’achalandage de la demanderesse. J’ai relevé que, pour les troisième et quatrième éléments du critère, des éléments de preuve additionnels étaient nécessaires. J’ai ajouté que cela était particulièrement vrai quant à la mesure dans laquelle les constructeurs, les entrepreneurs et d’autres personnes parmi la population de référence des consommateurs sont susceptibles d’associer les marques de commerce en litige dans leur esprit, d’une manière susceptible de diminuer la valeur de l’achalandage attaché aux marques déposées : décision sur la requête en jugement sommaire, aux para 101‑102. Néanmoins, il convient de souligner que j’ai formulé les conclusions qui précèdent en tenant compte du critère élevé qui est requis pour avoir gain de cause quant à une requête en jugement sommaire, lequel consiste notamment à établir que la cause des défendeurs « est clairement sans fondement » : Canmar Foods Ltd. c TA Foods Ltd., 2021 CAF 7, au para 24. Le critère est sensiblement moins exigeant dans la présente requête, étant donné que la demanderesse n’a qu’à établir les quatre éléments du critère découlant de l’article 22 selon la prépondérance des probabilités.

(3) Le troisième élément du critère

[87] Le lien requis pour établir le troisième élément du critère est l’emploi d’une marque de commerce déposée, ou d’une marque de commerce suffisamment similaire à une autre marque de commerce déposée, d’une manière susceptible d’avoir une incidence sur l’achalandage associé à cette dernière : Veuve Clicquot, précité, au para 46. Pour ce faire, il suffit d’établir que l’emploi est susceptible d’évoquer « dans l’esprit des consommateurs de la population de référence, un lien entre les deux marques » : Veuve Clicquot, précité, au para 38; Boulangerie Vachon Inc. c Racioppo, 2021 CF 308 au para 115 [Boulangerie Vachon].

[88] Pour ce troisième élément du critère, la population de référence ne comprend que les consommateurs « plutôt pressé[s] » qui sont intéressés par l’achat des produits ou services pertinents : Veuve Clicquot, précité, au para 56. Le degré élevé de similitude des marques en litige et la preuve d’un emploi important ainsi que de publicité et de ventes substantielles permettent d’inférer que ces consommateurs sont susceptibles de faire l’association mentale requise entre ces marques : Bean Box, Inc. c Roasted Bean Box Inc., 2022 CF 499 [Bean Box] au para 66; Boulangerie Vachon, précitée.

[89] Compte tenu des faits particuliers de la présente affaire, je juge qu’il est approprié de tirer une telle inférence. En bref, je considère que le constructeur, l’entrepreneur et le propriétaire moyens « plutôt pressés » feraient probablement une association mentale entre les marques de commerce et les noms commerciaux en litige. Je tire cette conclusion en me fondant sur les activités de marketing et de promotion substantielles des parties, ainsi que sur leurs volumes de ventes importants en Alberta. La preuve relativement aux activités et aux ventes de la demanderesse est résumée aux paragraphes 70‑71 de la décision sur la requête en jugement sommaire. Des éléments de preuve correspondants quant aux défendeurs sont fournis au paragraphe 71 ci‑dessus. Des éléments de preuve additionnels figurent aux paragraphes 54‑58 ci‑dessus. En effet, je considère qu’il est raisonnable d’inférer au vu de la preuve de confusion qui a été produite par trois des clients des défendeurs, dont il a été question au paragraphe 66 des présents motifs que ces clients faisaient une association mentale entre les marques de commerce et les noms commerciaux des défendeurs et les marques déposées, avant la seconde refonte de l’image de marque des défendeurs dans le cadre de laquelle ils ont adopté la dénomination de Screw Pile Pros.

[90] Sur le fondement de tout ce qui précède, je considère qu’il est raisonnable d’inférer de la manière dont les sociétés défenderesses principales ont employé les marques de commerce et noms commerciaux similaires aux marques déposées au point de créer de la confusion que l’association mentale requise aux fins du troisième élément du critère en quatre volets découlant de l’article 22 a été établie.

(4) Le quatrième élément du critère

[91] J’en viens maintenant au quatrième élément du critère. Celui‑ci exige que la partie demanderesse établisse l’existence d’une diminution probable de la valeur de son achalandage. Cela peut être fait en démontrant l’existence d’une probabilité « “d’affaiblissement” de l’image de marque dégagée par la marque de commerce [de la demanderesse], ou de ses associations positives, ou d’“érosion” de la capacité d’une marque de distinguer les produits de la demanderesse et d’attirer les consommateurs » : Veuve Clicquot, précité, au para 64; Bean Box, précitée, au para 67; 1196278 Ontario Inc. (Sassafraz) c 815470 Ontario Ltd (Sassafras Coastal Kitchen & Bar), 2022 CF 116 au para 101 [Sassafraz]. La valeur d’une marque peut également être diminuée lorsqu’elle est employée tour à tour par différents usagers : Veuve Clicquot, précité, au para 63. Ces types de diminution de l’achalandage associé aux marques déposées peuvent être établis par des inférences tirées du dossier de preuve : Veuve Clicquot, précité, au para 76; Boulangerie Vachon, précitée, au para 115. Comme dans les cas de commercialisation trompeuse, cela comprend la preuve que les parties sont des concurrents directs et qu’elles vendent des produits très similaires : Group III International Ltd. c Travelway Group International Ltd., 2017 CAF 215 au para 84 [Travelway Group]; Alliance Laundry Systems LLC c Whirlpool Canada LP, 2019 CF 724 au para 60.

[92] Il ressort très clairement du dossier de la présente instance que les parties sont des concurrents directs quant à la vente des produits et services pertinents, et ce, malgré le fait que la demanderesse n’a pas désigné un autre distributeur à Medicine Hat et Fort McMurray. Au moment où ils ont procédé à la création d’une nouvelle image de marque en adoptant la dénomination de TECHNO PILES, les défendeurs ont annoncé dans leur courriel et leurs réseaux sociaux qu’ils avaient plusieurs autres emplacements en l’Alberta, dans des régions où la demanderesse effectue également des ventes par l’entremise de distributeurs. De plus, lors du contre‑interrogatoire, Mme Bertram a expliqué qu’elle était réticente à divulguer sa liste de clients à l’avocat de la demanderesse, parce que cette dernière est une société concurrente : dossier de requête de la demanderesse, p 979. Plus tard, en s’adressant à l’avocat de la demanderesse, l’avocat des défendeurs s’est référé à la demanderesse en la qualifiant de [traduction] « votre client concurrent » : dossier de requête de la demanderesse, p 991. Dans son affidavit daté du 29 juillet 2022, au paragraphe 60, Mme Bertram a ajouté ceci : [traduction] « Depuis que nous avons cessé de travailler avec Techno‑Pieux, nous constatons que nous travaillons sur un nombre croissant de projets commerciaux pour lesquels nous n’étions pas concurrentiels auparavant ». Ailleurs dans le dossier, dans un échange de courriels entre M. Holmans et Mme Bertram, M. Holmans a déclaré ceci : [traduction] « […] votre concurrence est la dernière de nos préoccupations » : dossier de requête de la demanderesse, p 1172. En outre, dans leurs observations écrites, les défendeurs ont fourni un tableau de logos incluant des représentations de pieux vissés de six fournisseurs différents de pieux vissés, qui ont été décrits comme des « sociétés concurrentes ». Ce tableau comprenait les logos de la demanderesse et des défendeurs.

[93] En plus de ce qui précède, comme indiqué plus tôt dans les motifs, Mme Bertram a déclaré dans son témoignage que trois clients distincts l’ont contactée et l’ont informée qu’[traduction] « ils ne souhaitaient pas faire affaire avec Techno Metal Post, mais qu’ils pouvaient maintenant faire affaire avec nous, puisque nous n’y étions plus associés » : voir le paragraphe 66 ci‑dessus. Il ressort implicitement de ces déclarations que ces clients considèrent leur relation commerciale avec les défendeurs comme une solution de rechange à l’approvisionnement en pieux vissés auprès de Techno Pieux.

[94] De plus, dans son affidavit daté du 29 juillet 2022, M. Chabot a déclaré ce qui suit :

[traduction]
[16] Les clients servis par les distributeurs autorisés de Techno Pieux, titulaires d’une licence de Techno Pieux, sont les mêmes types de clients servis par TMPMH et TMPFM, à la fois lorsque les défendeurs exerçaient leurs activités en tant que distributeurs autorisés de Techno Pieux et depuis leur prétendue « création d’une nouvelle image de marque » dans le cadre de laquelle ils ont adopté la dénomination de TECHNO PILES […].

[95] Il ressort également clairement du dossier que les parties vendent des produits très similaires. Par exemple, comme indiqué précédemment, en réponse aux allégations de la demanderesse concernant leur emploi du même numéro d’attestation du CCMC que cette dernière, les défendeurs ont déclaré qu’ils utilisent le même processus certifié pour installer leurs pieux vissés, et que ces pieux vissés ont des spécifications techniques pratiquement identiques à celles des pieux vissés de la demanderesse. En outre, dans leurs observations écrites, les défendeurs déclarent qu’ils continuent à utiliser des pieux vissés qui respectent les mêmes spécifications que les pieux vissés de la demanderesse. Ils ont ajouté l’énoncé suivant :

[traduction]
[76] […] Les produits et services offerts par les parties défenderesses TMP étaient, et demeurent, des produits et services fonctionnellement identiques à ceux qu’elles ont offerts pendant des années sous la bannière de la demanderesse avec la bénédiction de cette dernière.

[96] Compte tenu de ce qui précède, je considère qu’il est approprié d’inférer que les défendeurs employaient leurs marques de commerce et noms commerciaux similaires aux marques déposées au point de créer de la confusion d’une manière qui était susceptible d’entraîner la dépréciation de l’achalandage attaché aux marques pertinentes. Un tel emploi a probablement eu cet effet par l’« affaiblissement » ou par l’ « érosion » de l’achalandage attaché aux marques déposées. Il s’agit également du type d’emploi des marques « tour à tour par différents usagers » qui est susceptible de diminuer la valeur de l’achalandage attaché aux marques déposées : Veuve Cliquot, précité, au para 63.

(5) Conclusion concernant la dépréciation de l’achalandage

[97] Étant donné que la demanderesse a établi les quatre éléments du critère découlant de l’article 22 de la LMC, je conclus que la demanderesse a établi que, durant la période pertinente, les sociétés défenderesses principales ont contrevenu à l’article 22.

C. La commercialisation trompeuse

[98] La demanderesse sollicite un jugement déclaratoire portant que les défendeurs ont contrevenu à l’alinéa 7b) de la LMC.

[99] Cette disposition est ainsi libellée :

Concurrence déloyale et signes interdits

Unfair Competition and Prohibited Signs

Interdictions

Prohibitions

7 Nul ne peut :

b) appeler l’attention du public sur ses produits, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’il a commencé à y appeler ainsi l’attention, entre ses produits, ses services ou son entreprise et ceux d’un autre;

7 No person shall

(b) direct public attention to his goods, services or business in such a way as to cause or be likely to cause confusion in Canada, at the time he commenced so to direct attention to them, between his goods, services or business and the goods, services or business of another;

[100] Pour démontrer une violation de cette disposition, la demanderesse doit d’abord établir qu’elle possédait une marque de commerce valide et opposable à l’époque pertinente : Sandhu, précité, au para 39. Dans la décision sur la requête en jugement sommaire, j’ai conclu que cette condition avait été remplie sur le fondement de la preuve relative aux enregistrements de chacune des marques déposées : décision sur la requête en jugement sommaire, au para 107.

[101] Une fois qu’un demandeur établit l’existence, au cours de la période pertinente, d’une marque valide et opposable, il doit ensuite établir (i) l’existence d’un achalandage; (ii) le fait d’induire le public en erreur par une fausse représentation, faite délibérément, par négligence ou avec insouciance et (iii) des dommages actuels ou possibles : Kirkbi AG c Gestions Ritvik Inc., 2005 CSC 65 aux paras 66‑68 [Kirkbi].

[102] Dans la décision sur la requête en jugement sommaire, j’ai conclu que la demanderesse avait établi le premier élément de ce critère, à savoir l’existence d’un achalandage attaché aux marques déposées : décision sur la requête en jugement sommaire, précitée, au para 108. Pour parvenir à cette conclusion, j’ai tenu compte du fait que les objectifs de l’évaluation quant à l’achalandage au sens de l’article 22 de la LMC sont différents de ceux relatifs à la commercialisation trompeuse au sens de l’alinéa 7b) : Sandhu, précité, au para 48; Harley Davidson, précitée, au para 46. Toutefois, j’ai également tenu compte du fait qu’un certain nombre de facteurs pris en considération pour évaluer l’existence d’un achalandage au sens de l’article 22 sont également pertinents pour procéder à cette évaluation aux fins de l’alinéa 7b) : Sandhu, précité, au para 48. Pour cette dernière, les facteurs pertinents comprennent le caractère distinctif inhérent et le caractère distinctif acquis des marques déposées, la période pendant laquelle ces marques ont été employées, puis l’étendue et la durée des activités de publicité et de commercialisation de la demanderesse en lien avec ces marques : Sandhu, précité, au para 48; Group III International Ltd. c Travelway Group International Ltd., 2017 CAF 215 au para 77 [Travelway Group].

[103] Le deuxième élément de ce critère relatif au fait d’induire le public en erreur est évalué en fonction des mêmes facteurs prévus au paragraphe 6(5) de la LMC qui sont pris en compte pour établir s’il existe de la confusion : Sadhu Singh Hamdard Trust c Navsun Holdings Ltd., 2016 CAF 69 au para 21 [Hamdard Trust]; voir aussi Kirkbi, précité, au para 68 (« [l]e deuxième élément est la fausse déclaration ou représentation trompeuse qui sème la confusion dans le public » (non souligné dans l’original); et Travelway Group, précité, au para 80. Dans la décision sur la requête en jugement sommaire, j’ai conclu que la conduite résumée au paragraphe 71 ci‑dessus constituait une fausse représentation, faite délibérément ou avec insouciance. Toutefois, j’ai conclu que la demanderesse n’avait pas démontré qu’il n’y avait pas de véritable question litigieuse en ce qui concerne l’élément du critère relatif au « fait d’induire le public en erreur ». Je suis parvenu à cette conclusion, parce que je n’étais pas en mesure de tirer une conclusion en ce qui concerne le facteur relatif à « la nature du commerce » au sens de l’alinéa 6(5)d) de la LMC : décision sur la requête en jugement sommaire, au para 109. Puisque j’ai tranché en faveur de la demanderesse en ce qui concerne ce facteur particulier et l’analyse de la confusion dans son ensemble, je conclus que la demanderesse a établi l’élément de tromperie du critère relatif à la commercialisation trompeuse.

[104] Je vais maintenant aborder le troisième élément du critère, qui exige d’établir l’existence de dommages réels ou possibles subis par la demanderesse.

[105] Les défendeurs soutiennent que la demanderesse n’a subi aucun dommage au cours de la période pertinente, parce que la preuve démontre que son chiffre d’affaires en Alberta a augmenté pour chacun des trois exercices financiers précédant la tenue de l’audience en l’espèce. Les défendeurs ajoutent qu’étant donné que la demanderesse a refusé de fournir une ventilation régionale de ses revenus en Alberta, après s’être engagée à le faire, la Cour devrait inférer que les revenus de la demanderesse dans les différentes régions ont également augmenté au cours de ces années.

[106] Le fait que les revenus de la demanderesse aient pu augmenter dans l’ensemble de l’Alberta au cours de la période pertinente ne signifie pas que ces revenus ne se seraient pas accrus davantage, en l’absence de l’emploi par les défendeurs des marques de commerce et noms commerciaux similaires aux marques déposées au point de créer de la confusion.

[107] La probabilité de dommages, qui se traduit par une perte de ventes et d’occasion d’affaires, peut être inférée du fait que les parties sont des concurrents directs : Travelway Group, précité, au para 84; Alliance Laundry Systems LLC c Whirlpool Canada LP, 2019 CF 724 au para 60. De tels dommages probables peuvent également être établis par la perte de contrôle sur la réputation, l’image ou l’achalandage : Hamdard Trust, précité, au para 31; Cheung c Target Event Production Ltd., 2010 CAF 255 aux para 26‑27; Bean Box, précitée, aux para 54‑56; Harley Davidson, au para 42.

[108] Comme indiqué au paragraphe 92 ci‑dessus, il ressort très clairement du dossier de la présente instance que les parties sont des concurrentes directes quant à la vente des produits et services pertinents. Comme indiqué au paragraphe 96, la manière dont les défendeurs ont employé leurs marques de commerce et noms commerciaux similaires aux marques déposées au point de créer de la confusion a probablement eu pour effet d’« affaiblir » ou d’« éroder » l’achalandage attaché aux marques déposées. Par conséquent, il m’est aisé de conclure, pour ce qui est du troisième élément du critère relatif à la commercialisation trompeuse, que la demanderesse a établi l’existence d’un dommage réel ou probable.

[109] En résumé, la demanderesse a établi que les trois exigences du critère ont été remplies. Par conséquent, je conclus que les défendeurs ont contrevenu à l’alinéa 7b) de la LMC.

D. La violation du droit d’auteur

(1) Les principes juridiques applicables

[110] Dans la décision sur la requête en jugement sommaire, j’ai résumé de la manière suivante les principes juridiques applicables à l’appréciation des allégations de violation du droit d’auteur formulées par la demanderesse :

[113] La Loi sur le droit d’auteur protège l’expression des idées dans les œuvres originales, et non les idées comme telles (CCH Canadienne Ltée c Barreau du Haut‐Canada, 2004 CSC 13, au para 8 [CCH]).

[114] Le droit d’auteur subsiste dans toutes les œuvres littéraires, dramatiques, musicales et artistiques si l’une des conditions énumérées, qui ne sont pas contestées dans la présente requête (Loi sur le droit d’auteur, paragraphe 5(1)), est satisfaite.

[115] Pour être originale au sens de cette loi, une œuvre doit être davantage qu’une copie d’une autre œuvre. Point n’est besoin toutefois que l’œuvre soit « créative, c’est‑à‑dire novatrice ou unique ». Au contraire, « [l]’élément essentiel à la protection de l’expression d’une idée par le droit d’auteur est l’exercice du talent et du jugement » (CCH, précité, au para 16). On peut faire preuve de talent par « […] le recours aux connaissances personnelles, à une aptitude acquise ou à une compétence issue de l’expérience pour produire l’œuvre », tandis qu’on exerce son jugement par « […] la faculté de discernement ou la capacité de se faire une opinion ou de procéder à une évaluation en comparant différentes options possibles pour produire l’œuvre » (CCH, précité, au para 16).

[116] Le degré requis de talent et de jugement ne peut pas être négligeable au point qu’on puisse le qualifier d’entreprise purement mécanique (CCH, précité, au para 16).

[117] Le « droit d’auteur » sur l’œuvre comporte le droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie de l’œuvre, sous une forme matérielle quelconque (Loi sur le droit d’auteur, article 3). Par conséquent, il y a violation du droit d’auteur chaque fois qu’une personne reproduit l’œuvre protégée par le droit d’auteur, ou toute partie importante de celle‑ci, sans le consentement du propriétaire (Loi sur le droit d’auteur, paragraphe 27(1)). Il en va de même chaque fois qu’une personne fait une « imitation déguisée » (Loi sur le droit d’auteur, article 2).

[118] Ce qui constitue une partie « importante » d’une œuvre est une notion souple et une question de fait et de degré. « En règle générale, une partie importante d’une œuvre est une partie qui représente une part importante du talent et du jugement de l’auteur exprimés dans l’œuvre. » (Cinar Corporation c Robinson, 2013 CSC 73, au para 26 [Cinar]).

[119] Pour déterminer si une partie importante d’une œuvre protégée par le droit d’auteur a été reproduite, il faut considérer l’œuvre protégée par le droit d’auteur dans son ensemble, plutôt que des extraits isolés de l’œuvre (Cinar, précité, aux para 35‑36). Par souci de précision, l’accent ne porte pas sur la question de savoir si ce qui aurait été copié constitue une partie importante de l’œuvre du défendeur (Cinar, précité, au para 39). De plus, la modification de certaines caractéristiques reproduites ou leur intégration dans une œuvre qui est considérablement différente de l’œuvre protégée par le droit d’auteur n’exclut pas nécessairement une décision en faveur du demandeur (Cinar, précité, au para 39).

[120] Une « imitation déguisée » d’une œuvre est une forme de l’œuvre originale qui a été altérée ou modifiée de façon à tromper (Rains v Molea, 2013 ONSC 5016, au para 45, citant May M. Cheng et Michael Shortt, « Colourable Imitation : The Neglected Foundation of Copyright Law », dans Intellectual Property, vol 17, 2012, à la p 1131).

[121] À défaut de preuve qu’il y a eu plagiat, on peut déduire de la preuve qu’il existe une similitude importante et qu’il y a eu accès à l’œuvre protégée par le droit d’auteur (Philip Morris Products S.A. c Malboro Canada limitée, 2010 CF 1099, au para 320 [Philip Morris], conf par 2012 CAF 201, au para 119; Pyrrha Design Inc. c Plum and Posey Inc., 2019 CF 129, au para 121). Cependant, cette conclusion peut être réfutée en établissant que l’œuvre présumée contrefaite a été créée indépendamment de l’œuvre protégée par le droit d’auteur, même si l’on a pu avoir recours à une source commune (Philip Morris, précité[e], au para 320).

[122] Conformément à l’alinéa 34.1(1)b), dans une poursuite civile intentée sous le régime de la Loi, l’auteur est présumé être le propriétaire du droit d’auteur.

(2) Appréciation

a) Introduction

[111] Comme je l’ai déjà mentionné, les œuvres protégées qui sont revendiquées par la demanderesse se composent du logo de Techno‐Pieux (visé par l’enregistrement no LMC562798), du logo de Techno Metal Post (visé par l’enregistrement no LMC638884) et de son dessin montrant un pieu : voir les para 5 et 8 ci‑dessus.

[112] Par souci de commodité, les œuvres protégées par le droit d’auteur sont reproduites immédiatement ci‑dessous :

Tableau 3 – Œuvres protégées par le droit d’auteur de la demanderesse

[113] Dans la décision sur la requête en jugement sommaire, j’ai conclu que chacune des œuvres protégées par le droit d’auteur constitue une œuvre artistique originale et qu’il n’existe aucune véritable question litigieuse à cet égard : décision sur la requête en jugement sommaire, aux para 135‑140.

[114] J’ai également relevé que les défendeurs n’ont pas contesté le fait que Mme Bertram avait accès aux œuvres protégées. Cependant, étant donné l’emploi répandu de représentations de pieux vissés dans les logos d’autres acteurs dans ce secteur d’activités, j’ai conclu que le simple accès aux œuvres protégées de la demanderesse n’étayait pas nécessairement une solide inférence de copie. De plus, Mme Bertram a déclaré en contre‑interrogatoire qu’elle avait obtenu la représentation du pieu vissé qui figure dans les logos des défendeurs en s’inspirant d’un objet que M. Bergevin avait créé dans un cours de céramique. Mme Bertram a aussi déclaré qu’elle et M. Bergevin avaient choisi consciemment la couleur rouge pour leurs logos dans le but de [traduction] « s’éloigner du vert le plus possible » et d’éviter de créer de la confusion sur le marché. Mme Bertram a ajouté que les défendeurs souhaitaient distinguer leur marque en insérant le signe mathématique « moins que » (<) au bas de leur pieu vissé, pour exprimer l’idée de la technologie industrielle : décision sur la requête en jugement sommaire, aux para 141‑142.

[115] Compte tenu de ce qui précède, j’ai conclu que les défendeurs avaient soulevé une véritable question litigieuse quant à savoir s’ils peuvent réfuter la présomption de copie qui découle de leur accès non contesté aux œuvres protégées. Compte tenu de cette conclusion, j’ai ajouté qu’il est inutile d’examiner l’allégation de la demanderesse selon laquelle les défendeurs ont copié une partie « importante » des œuvres protégées.

b) Les observations des parties

[116] La demanderesse soutient que la Cour devrait déduire de l’accès des défendeurs aux œuvres protégées et de la similitude importante entre les logos en litige qu’il y a eu plagiat.

[117] À cet égard, la demanderesse allègue que la comparaison des œuvres juxtaposées ci‑dessous permet de clairement faire ressortir la similitude importante des œuvres en litige ainsi que de la plaque que les défendeurs disent avoir utilisées comme modèle pour leur dessin montrant un pieu[7] :

Tableau 4 – Comparaison des œuvres en litige

[118] Plus particulièrement, la demanderesse maintient que les dessins illustrant des pieux vissés qui figurent ci‑dessus ont la même forme; que les pieux vissés sont orientés dans le même sens (à la verticale, la pointe tombant du côté gauche); que le côté gauche du pieu est ombré en blanc dans les deux cas; et que les proportions sont les mêmes (longueur et diamètre). La demanderesse ajoute que les trous au sommet des pieux suivent aussi la même orientation. La demanderesse relève en outre que le logo de Techno Piles et l’image de pieu vissé des défendeurs ressemblent davantage aux œuvres protégées qu’à la plaque représentée dans la colonne de droite du tableau ci‑dessus. En outre, la demanderesse affirme que les défendeurs n’ont présenté aucun modèle qui leur aurait donné l’idée de leur logo de Techno Piles qui figure au bas de la colonne du centre dans le tableau 4 ci‑dessus.

[119] Compte tenu de ce qui précède, la demanderesse soutient que les éléments similaires du logo et de l’image de pieu vissé des défendeurs représentent dans leur ensemble une partie importante du talent et du jugement que ses employés ont exprimés dans les œuvres protégées. Par conséquent, elle demande à la Cour de conclure que la reproduction des logos Techno Piles des défendeurs constitue une violation de son droit d’auteur.

[120] En guise de réponse, les défendeurs soutiennent que M. Bergevin a créé de manière indépendante la représentation du pieu vissé qui figure dans leurs logos des marques Techno Piles et Screw Pile Pros lorsqu’il a fabriqué la plaque de céramique illustrée dans la colonne de droite du tableau 4 ci‑dessus. Mme Bertram avait inséré ultérieurement, dans son ordinateur, la création dessinée à la main par M. Bergevin dans les illustrations qui sont devenues les logos de TECHNO Piles. Elle a déclaré que cela a eu lieu longtemps avant que les relations entre les parties aient commencé à se gâter.

[121] Les défendeurs affirment en outre qu’il y avait une source commune largement disponible dans l’industrie. À cet égard, ils fournissent les exemples suivants de logos de tiers qui intègrent le dessin stylisé d’un pieu vissé en tant qu’élément marquant du logo :


 

Tableau 5 – Logos employés par des tiers

[122] Les défendeurs ajoutent que plusieurs des dessins stylisés montrant un pieu vissé employés par des tiers ressemblent beaucoup plus à l’image du pieu vissé employée par la demanderesse qu’à l’image du pieu vissé employée par les défendeurs. Plus précisément, ils affirment que les images de pieux vissés employées par Post Tech Screw Piles et Pro Post Foundations ressemblent davantage au dessin montrant un pieu vissé de la demanderesse que leur dessin stylisé montrant un pieu vissé.


 

Tableau 6 – Sélection d’images de pieux vissés

[123] Outre ce qui précède, les défendeurs soutiennent qu’il existe des différences importantes entre les logos en litige, notamment sur le plan des couleurs[8] et de la partie vissée des pieux illustrés, ainsi qu’en ce qui concerne le nombre de trous au sommet du pieu vissé. Dans son affidavit, Mme Bertram a ajouté que les logos des défendeurs arborent une police de caractères différente de celle employée dans les logos de la demanderesse, et que le soulignement qui apparaît sous le mot « techno » dans les logos de la demanderesse n’y est pas employé. En contre‑interrogatoire, Mme Bertram a aussi déclaré qu’elle et M. Bergevin avaient choisi consciemment la couleur rouge pour leurs logos dans le but de [traduction] « s’éloigner du vert le plus possible » et d’éviter de créer de la confusion sur le marché. Mme Bertram a expliqué qu’ils souhaitaient distinguer leur marque en insérant le signe mathématique « moins que » (<) au bas de leur pieu vissé, pour exprimer l’idée de la technologie industrielle.

[124] Les défendeurs soulignent en outre que Mme Nadia Tardif, l’une des créatrices des œuvres protégées, n’a pu relever aucune différence entre le dessin stylisé montrant un pieu vissé dans le logo de la demanderesse et un véritable pieu vissé : dossier de requête des défendeurs, p 952. Les défendeurs soutiennent que cette preuve, ainsi que les images des logos de tiers reproduites ci‑dessus, démontrent l’existence d’une source commune ayant servi à l’élaboration des logos stylisés en litige. Au soutien de cette thèse, les défendeurs ajoutent que la première personne à dessiner un pingouin n’a pas le droit de revendiquer le droit exclusif de le faire. Ils affirment que le fait que d’autres dessinateurs de pingouins puissent aboutir à une image similaire ne signifie pas que les autres dessinateurs ont copié le premier, mais plutôt qu’un pingouin va ressembler à ses congénères.

[125] À titre subsidiaire, les défendeurs soutiennent que la demanderesse n’a pas fourni de fondements suffisants permettant à la Cour d’établir qu’une [traduction] « partie importante » des œuvres protégées par le droit d’auteur a été copiée.

c) Analyse

[126] Pour les motifs suivants, je juge que le logo de Techno Piles des défendeurs constitue une contrefaçon des logos de la demanderesse (visés par les enregistrements no LMC562798 et no LMC638884), qui sont reproduits dans le tableau 4 ci‑dessus. Toutefois, je juge que le dessin stylisé montrant un pieu vissé des défendeurs ne constitue pas une contrefaçon du dessin montrant un pieu vissé de la demanderesse; ces dessins sont reproduits aux tableaux 4 et 6 ci‑dessus.

[127] En ce qui concerne les logos en litige, je considère qu’ils présentent un degré de similitude très élevé, en dépit des différences abordées au paragraphe 123 ci‑dessus. Cela ressort clairement au vu des images apparaissant côte à côte dans le tableau 4. Prises dans leur ensemble, les similitudes spécifiques énumérées ci‑dessous donnent lieu à un degré global de similitude très important. En particulier, les logos en litige :

  • ont le même premier mot, en minuscules, représenté essentiellement de la même manière;

  • ont le dessin stylisé montrant un pieu vissé placé à l’intérieur du deuxième mot qui commence par la lettre « P » majuscule;

  • présentent des ombres grises autour des mots, dans une forme rectangulaire similaire;

  • présentent des pieux vissés assez similaires, de par leur forme, leurs proportions par rapport aux mots, leur orientation (la pointe tombant du côté gauche), et vu l’ombrage en blanc sur le côté gauche qui se prolonge jusqu’au bas des pieux et le double anneau au sommet de ces derniers.

[128] Compte tenu de ce qui précède, je considère que les logos en litige présentent une ressemblance beaucoup plus étroite entre eux que l’un ou l’autre de ces logos mis en comparaison avec tout autre logo de tiers figurant dans le tableau 5 ci‑dessus. Il en est ainsi en dépit des différences relevées par les défendeurs, notamment en ce qui concerne les couleurs employées dans les logos (le rouge par opposition au vert) et le fait que le dessin stylisé montrant un pieu vissé des défendeurs comporte un signe mathématique particulier (<).

[129] Compte tenu du degré de similitude très élevé entre les logos en litige, les défendeurs n’ont pas réfuté l’inférence de plagiat qui découle de la mise en évidence de cette similitude et de leur accès aux logos de la demanderesse : voir les décisions citées au paragraphe 121 (reproduit au paragraphe 110 ci‑dessus) de la décision sur la requête en jugement sommaire. Bien que les défendeurs aient apporté la preuve que leur dessin stylisé montrant un pieu vissé a été créé de manière indépendante (voir l’analyse ci‑dessous), ils n’ont fourni aucune preuve déterminante quant au fait que leur logo aurait été créé de manière indépendante.

[130] Pour les mêmes motifs que ceux exposés au paragraphe 127 ci‑dessus, je conclus également que les défendeurs ont copié une « partie importante » des logos de la demanderesse. En d’autres termes, les éléments du logo de Techno Piles des défendeurs qui, comme je l’ai conclu, ont été copiés à partir des logos protégés par le droit d’auteur de la demanderesse constituent une partie importante de ces derniers.

[131] Je suis parvenu à une conclusion différente en ce qui concerne les images de pieux vissés en litige. Prises isolément, les images côte à côte servant à la comparaison figurant dans la première rangée du tableau 4 ci‑dessus ne donnent pas à l’observateur l’impression d’un degré de similitude nettement supérieur à celui que chacune d’entre elles présente par rapport aux divers dessins de pieux de tiers figurant dans les tableaux 5 et 6 ci‑dessus. En effet, je suis d’accord avec les défendeurs pour dire que le pieu stylisé de la demanderesse ressemble davantage à au moins deux des autres pieux présentés dans le tableau 5 ci‑dessus, à savoir ceux de Post Tech Screw Piles et de Pro Post Foundations, qu’au pieu stylisé des défendeurs.

[132] Lorsque l’on regarde les images de pieux vissés côte à côte, la présence du signe mathématique (<) dans le logo des défendeurs est frappante. Cette différence par rapport au dessin stylisé montrant un pieu de la demanderesse est accentuée par les différences de couleur (le rouge par opposition au vert) et, dans une moindre mesure, par le nombre de trous au sommet des pieux verticaux. En me fondant sur la preuve produite par M. Bergevin et de Mme Bertram concernant la création de leur dessin stylisé montrant un pieu vissé, ainsi que sur la prévalence d’autres dessins stylisés montrant des pieux vissés dans leur industrie, je conclus que le dessin stylisé montrant un pieu vissé des défendeurs a été créé de manière indépendante, sans plagiat conscient ou inconscient du dessin stylisé montrant un pieu vissé de la demanderesse. Par souci de précision, les défendeurs ont réfuté toute présomption de plagiat qui aurait pu découler de leur accès aux œuvres protégées par le droit d’auteur de la demanderesse.

[133] En résumé, compte tenu de tout ce qui précède, je conclus que les défendeurs ont violé les droits d’auteur de la demanderesse sur ses dessins‑marques (LMC562798 et LMC638884). En revanche, ils n’ont pas violé son droit d’auteur sur le dessin stylisé montrant un pieu vissé.

[134] Je m’arrête pour ajouter que, dans certains passages de ses observations écrites, la demanderesse a fait référence à la similitude du pieu vissé illustré dans le nouveau logo de Screw Pile Pros des défendeurs[9]. La demanderesse a également fait référence à l’emploi continu et à la reproduction des œuvres prétendument contrefaites, même après que les défendeurs eurent adopté l’image de marque Screw Pile Pros. Toutefois, au cours de l’audience relative à la présente requête, la demanderesse a précisé qu’elle n’alléguait pas que l’intégralité du logo Screw Pile Pros des défendeurs constituait une contrefaçon de leurs logos. La demanderesse cherche simplement à obtenir une injonction pour empêcher l’emploi ultérieur des œuvres protégées par les défendeurs et par d’autres entités contrôlées par ces derniers, y compris Bergevin Contracting Ltd. et Screw Pile Pros Inc. qui a été constituée en société le 20 mai 2022. La demanderesse a également donné l’impression qu’elle souhaitait empêcher l’emploi continu du dessin stylisé montrant un pieu vissé figurant dans le logo de Screw Pile Pros. Étant donné ma conclusion selon laquelle le dessin montrant un pieu vissé des défendeurs ne viole pas le droit d’auteur de la demanderesse à l’égard de son propre dessin montrant un pieu vissé, je ne ferai pas droit à cette demande formulée par la demanderesse.

E. La responsabilité personnelle des particuliers défendeurs

(1) Les principes applicables et introduction

[135] Les parties s’entendent pour dire que le critère applicable à l’attribution de la responsabilité personnelle à un administrateur et/ou d’un dirigeant d’une société est le suivant :

[…] [I]l existe toutefois certainement des circonstances à partir desquelles il y a lieu de conclure que ce que visait l’administrateur ou le dirigeant n’était pas la conduite ordinaire des activités de fabrication et de vente de celle‑ci, mais plutôt la commission délibérée d’actes qui étaient de nature à constituer une contrefaçon ou qui reflètent une indifférence à l’égard du risque de contrefaçon. De toute évidence, il est difficile de formuler précisément le critère approprié. Il convient de pouvoir dans chaque cas apprécier toutes les circonstances pour déterminer si celles‑ci entraînent la responsabilité personnelle.

[Non souligné dans l’original.]

Mentmore Manufacturing Co. c National Merchandise Manufacturing Co. [1978] ACF no 521 [Mentmore], au para 28.

[136] La première phrase du passage cité immédiatement ci‑dessus a été reprise dans l’arrêt Cinar Corporation c Robinson, 2013 CSC 73 au para 60 : voir également Dunn’s Famous International Holdings Inc. c Devine, 2021 CF 64 au para 20; et Tommy Hilfiger Licensing Inc. c Produits de Qualité I.M.D. Inc., 2005 CF 10 au para 142.

[137] Pour parvenir à la conclusion énoncée dans le passage cité ci‑dessus, la Cour dans l’arrêt Mentmore a cité (au paragraphe 140) le passage suivant tiré de la décision Normart Management Ltd v West Hill Redevelopment Co, [1998], 37 OR (3d) 97 (OCA) [Normart], à la p 102 :

[traduction]
Il est bien établi que les têtes dirigeantes des sociétés ne peuvent être tenues civilement responsables des actes de la société qu’elles contrôlent et dirigent, à moins que la conduite de ces têtes dirigeantes n’ait été délictueuse en soi ou ne démontre une identité ou un intérêt séparé de celui de la société, de façon que les actes ou la conduite reprochés sont ceux des têtes dirigeantes : voir Scotia McLeod Inc. c Peoples Jewellers Ltd. (1995), 26 OR (3d) 481, à la page 491, 129 DLR (4th) 711 (C.A.).
[Non souligné dans l’original.]

[Voir également Living Sky Water Solutions Corp. c ICF Pty Ltd., 2018 CF 876 [Living Sky], aux para 38‑39].

[138] Dans la décision sur la requête en jugement sommaire, j’ai conclu qu’il existait une véritable question litigieuse quant à savoir si le but sous‑jacent des actes contestés de M. Bergevin et de Mme Bertram équivalait à la commission délibérée d’actes qui étaient de nature à constituer une contrefaçon ou qui reflétaient une indifférence à l’égard du risque de contrefaçon. Une question supplémentaire qui a été soulevée dans le cadre de la présente requête est celle de savoir si les actes en question témoignent d’une identité distincte ou d’intérêts différents de ceux des sociétés défenderesses principales.

(2) Les positions des parties

a) La demanderesse

[139] La demanderesse soutient que le critère applicable à l’attribution de la responsabilité personnelle aux particuliers défendeurs est satisfait en l’espèce, car Mme Bertram et M. Bergevin ont intentionnellement adopté une ligne de conduite qui était susceptible de constituer une contrefaçon.

[140] À l’appui de cette position, la demanderesse relève que les particuliers défendeurs sont les seuls administrateurs des sociétés défenderesses et qu’ils prennent ensemble toutes les décisions importantes concernant ces sociétés. Ce fait n’est pas contesté. La demanderesse affirme que, compte tenu de la période pendant laquelle ils ont travaillé pour elle en qualité de distributeurs autorisés, M. Bergevin et Mme Bertram ont agi en toute connaissance de ses droits et avec une totale indifférence à l’égard de ceux‑ci. La demanderesse ajoute que M. Bergevin et Mme Bertram ont activement entretenu la confusion et la demande à l’égard des produits associés aux marques de commerce et noms commerciaux similaires aux marques déposées au point de créer de la confusion. La demanderesse maintient qu’une telle conduite outrepasse les fonctions légitimes des administrateurs ou des dirigeants d’une société. La demanderesse ajoute que M. Bergevin et Mme Bertram ont personnellement induit les consommateurs en erreur, notamment en affichant un contenu contrefait dans leurs pages personnelles de médias sociaux et en concevant personnellement les œuvres contrefaites.

b) Les défendeurs

[141] En guise de réponse, les défendeurs maintiennent que les allégations formulées à l’encontre des particuliers défendeurs sont sans fondement et qu’elles ne satisfont pas au critère applicable pour lever le voile de la personnalité morale énoncé au paragraphe 135 ci‑dessus. Ils soutiennent qu’à tout moment, les particuliers défendeurs ont agi en leur qualité de cadres des sociétés défenderesses principales.

[142] Les défendeurs soutiennent notamment que, lorsqu’ils ont publié du contenu sur leurs comptes personnels de médias sociaux, ils pensaient y être autorisés, parce qu’ils croyaient (et continuent de croire) que les sociétés défenderesses principales avaient payé leurs frais de concessionnaires au moins jusqu’à la fin de l’année 2021[10]. Ils ajoutent qu’ils n’ont pas visé des intérêts différents de ceux des sociétés défenderesses principales. Ils soutiennent en outre qu’ils croyaient (et continuent de croire) que leur emploi des marques de commerce et des noms commerciaux TECHNO PILES/Techno Piles n’enfreint pas les marques déposées ou les œuvres protégées.

[143] Compte tenu de ce qui précède, les défendeurs affirment qu’il ne s’agit pas ici d’un cas où l’on pourrait conclure qu’ils ont [traduction] « délibérément, volontairement et sciemment adopté une ligne de conduite qui inciterait à la contrefaçon ». Par souci de précision, ils soulignent qu’ils avaient une raison légitime de croire qu’ils étaient autorisés à poser les actes qui sont aujourd’hui contestés par la demanderesse. Ils relèvent également qu’il était nécessaire d’envoyer leurs divers courriels et communications sur les médias sociaux le 30 mai 2021 parce que l’adresse électronique qu’ils utilisaient leur a été retirée par la demanderesse – prétendument en violation de leurs droits contractuels – ce qui continue de faire l’objet d’un litige dans le cadre de l’action intentée en Alberta.

[144] Lors du contre‑interrogatoire sur son affidavit, Mme Bertram a expliqué qu’elle avait seulement « communiqué » de la documentation que les sociétés défenderesses avaient affichée. Cependant, une partie de la documentation qui aurait prétendument été « communiquée » sur la page Facebook personnelle de Mme Bertram s’accompagnait d’un texte nouveau que celle‐ci avait écrit. Cela vaut également pour la documentation qui a été affichée ou réaffichée sur la page Facebook personnelle de M. Bergevin. Il y avait aussi des affichages ou des réaffichages de documents en litige dans les comptes Twitter respectifs des défendeurs, ainsi que dans le profil LinkedIn de Mme Bertram.

(3) Appréciation

[145] Pour les motifs énoncés ci‑dessous, je conclus que le critère permettant d’attribuer une responsabilité personnelle aux particuliers défendeurs n’est pas rempli.

[146] La conduite qui était au centre des observations de la demanderesse sur cette question est résumée au paragraphe 71 des présents motifs.

[147] La preuve n’établit pas, selon la prépondérance des probabilités, que Mme Bertram ou M. Bergevin ont délibérément, volontairement ou sciemment adopté une ligne de conduite visant la contrefaçon des marques déposées ou des œuvres protégées. La preuve n’établit pas non plus que Mme Bertram ou M. Bergevin étaient indifférents au risque de contrefaçon des marques déposées ou des œuvres protégées. Au contraire, ils semblent avoir eu la conviction honnête, bien qu’erronée, que les marques de commerce, les noms commerciaux et les logos de TECHNO PILES/Techno Piles étaient suffisamment différents des marques déposées et des œuvres protégées pour ne pas constituer des œuvres de contrefaçon. Pour parvenir à cette conclusion, j’accorde une importance particulière au témoignage suivant, que j’accepte, de Mme Bertrand :

  • Elle et M. Bergevin croyaient que la demanderesse avait violé les conditions des ententes de distribution auxquelles TMP Medicine Hat et TMP Fort McMurray étaient parties. Je comprends que cette question demeure en litige dans le cadre de l’action intentée en Alberta.

  • Elle et M. Bergevin croyaient que leurs marques de commerce et noms commerciaux TECHNOPILES/TechnoPiles, leur logo et leur dessin stylisé montrant un pieu vissé étaient suffisamment différents des marques déposées et des œuvres protégées pour ne pas constituer des œuvres contrefaites; voir en particulier la preuve résumée aux paragraphes 123, 131 et 132 des présents motifs.

  • Elle et M. Bergevin croyaient (et continuent de croire) qu’ils ont le droit d’utiliser le numéro d’attestation du CCMC qui s’applique aux produits et aux procédés de la demanderesse, lesquels, selon les défendeurs, sont pratiquement identiques à leurs propres produits et procédés : voir la note de bas de page 6 ci‑dessus.

[148] Il convient de souligner que les communications affichées sur les comptes personnels de médias sociaux de Mme Bertram et de M. Bergevin en rapport avec le changement initial d’entreprise des défendeurs, qui sont passés de Techno Metal Post à TECHNO PILES/Techno Piles, étaient loin d’atteindre l’objectif prétendu d’informer le marché quant au fait que les défendeurs n’étaient plus associés à la demanderesse. J’ai conclu que ces communications ont contribué à la confusion sur le marché. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne les messages envoyés le 30 mai 2021, qui indiquaient que les défendeurs s’affairaient à [traduction] « l’adoption d’une nouvelle de marque » et qui comprenaient la mention suivante : [traduction] « Nous possédons toujours les mêmes entreprises formidables, seul le nom change ». Cette formulation était inexacte, négligée et même irresponsable. Ceci étant dit, je ne pense pas que ces communications aient eu pour but de tromper ou qu’elles aient franchi le seuil de l’insouciance : Monsanto Canada Inc. c Schmeiser, 2001 CFPI 256 aux para 144‑145; conf par l’arrêt 2002 CAF 309, 2004 34[11].

[149] De même, je conclus que la conduite de Mme Bertram et de M. Bergevin ne « témoignait pas d’une identité distincte ni d’intérêts différents de ceux des sociétés défenderesses principales » : Living Sky, précitée, au para 39; voir aussi Normart, précité. À tout moment, ils semblent avoir été entièrement concentrés sur les intérêts des sociétés défenderesses principales.

[150] Pour tous les motifs qui précèdent, je conclus que Mme Bertram et M. Bergevin ne sont pas personnellement responsables de la conduite contrefaisante des sociétés défenderesses principales ou de la conduite qui, je le juge, constitue une violation des dispositions sur la commercialisation trompeuse au sens de l’alinéa 7b) de la LMC.

F. Techno Piles Inc.

[151] Les défendeurs soutiennent que Techno Piles Inc. n’aurait pas dû être désignée comme partie défenderesse dans la présente action. À l’appui de cette prétention, les défendeurs soulignent que cette entité n’a jamais exercé d’activités et n’a jamais employé de marques de commerce en liaison de quelconques produits ou services. Par souci de précision, ils ajoutent que l’entité ne s’est pas livrée à des opérations, à la distribution, au transport, à des achats, à des ventes ou à des transferts. Elle ne possède pas non plus de compte enregistré de TPS ou de TVH, de numéro de paye enregistré ou de compte bancaire. Les défendeurs ajoutent qu’ils ont procédé à la constitution en société de Techno Piles Inc. uniquement parce qu’ils avaient des problèmes avec la demanderesse, et que la société a finalement été [traduction] « mise de côté ». Ils soutiennent qu’ils l’ont utilisée uniquement aux fins de l’enregistrement du nom de domaine www.technopilesinc.com et de l’envoi de courriels lorsque la demanderesse leur a coupé l’accès aux adresses électroniques, adresses que les sociétés défenderesses principales utilisaient avant leur dissociation d’avec la demanderesse. Ils affirment que ce nom de domaine n’est plus utilisé en raison de l’adoption d’une nouvelle image de marque, soit Screw Pile Pros.

[152] En guise de réponse, la demanderesse relève que Techno Piles Inc. est propriétaire de l’enregistrement du nom de domaine www.technopiles.com. À ce titre, la demanderesse affirme que Techno Piles Inc. est présumée responsable du contenu contrefaisant qui a été affiché sur la page d’accueil de technopilesinc.com et des courriels contrefaisants qui ont été envoyés à partir de cette adresse au moment de la refonte initiale de l’image de marque des défendeurs dans le cadre de laquelle ils ont adopté la dénomination Techno Piles : voir le paragraphe 71 ci‑dessus.

[153] Je souscris au point de vue de la demanderesse. Pour les motifs invoqués par la demanderesse et résumés ci‑dessus, c’est à juste titre que Techno Piles Inc. a été désignée comme partie défenderesse dans la présente action, et cette dernière est conjointement responsable de la contrefaçon des marques déposées et de la violation du droit d’auteur de la demanderesse à l’égard de ses deux dessins‑marques (LMC562798 et LMC638884).

[154] Selon ma compréhension des choses, malgré le fait que Techno Piles Inc. soit une société inactive, la demanderesse souhaite s’assurer que l’ordonnance qu’elle a sollicitée soit directement exécutoire à l’encontre de cette partie défenderesse. Comme indiqué dans la décision sur la requête en jugement sommaire, le maintien de Techno Piles Inc. à titre de défenderesse dans la présente action est la façon appropriée d’atteindre ce résultat : décision sur la requête en jugement sommaire, au para 194.

VII. Réparations

[155] La demanderesse sollicite un ensemble de jugements déclaratoires, d’injonctions et de mesures réparatoires obligatoires à l’encontre des défendeurs, ainsi que l’octroi de 40 000 $ en dommages‑intérêts.

A. Les jugements déclaratoires, les injonctions et les mesures réparatoires obligatoires

[156] Pour ce qui est des jugements déclaratoires, la demanderesse demande qu’ils indiquent que les défendeurs :

  • ont violé et sont réputés violer ses droits sur les marques déposées, en violation des articles 19 et 20 de la LMC;

  • ont employé les marques déposées d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage qui s’y rattache, en contravention de l’article 22 de la LMC;

  • ont appelé l’attention du public sur leurs produits, leurs services et leur entreprise, de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada entre leurs produits, leurs services et leur entreprise et ceux de la demanderesse, en violation de l’alinéa 7b) de la LMC;

  • ont violé et sont réputés avoir violé le droit d’auteur de la demanderesse à l’égard de ses œuvres protégées, en violation des articles 3 et 27 de la Loi sur le droit d’auteur.

[157] Essentiellement, l’injonction sollicitée par la demanderesse se rapporte aux violations alléguées de la LMC et de la Loi sur le droit d’auteur décrites ci‐dessus.

[158] La mesure réparatoire obligatoire sollicitée par la demanderesse consiste essentiellement en la destruction de tous les articles contrefaits qui sont en la possession des défendeurs, sous leur garde ou sous leur autorité; le changement de nom des trois sociétés défenderesses, et la cession de l’enregistrement du nom de domaine technopiles.com.

[159] Sur le fondement des conclusions que j’ai formulées dans les parties VI.A – F. ci‑dessus, je ferai droit aux demandes de jugement déclaratoire et d’injonction mandatoire sollicitées par la demanderesse à l’encontre des sociétés défenderesses et de certaines personnes physiques ou morales liées, sauf en ce qui concerne la violation alléguée du droit d’auteur de la demanderesse à l’égard de son dessin stylisé montrant un pieu vissé. Pour les motifs énoncés aux paragraphes 131‑132 ci‑dessus, je conclus que cette œuvre protégée en particulier n’a pas fait l’objet d’une violation de la part des défendeurs.

[160] L’ordonnance accordant la réparation mentionnée ci‑dessus est jointe à l’annexe 1 des présents motifs.

B. Les dommages‑intérêts

(1) La contrefaçon de marques de commerce

[161] La Cour peut, en vertu du paragraphe 53.2(1) de la LMC, rendre toute ordonnance qu’elle juge indiquée dans les circonstances, y compris une ordonnance relative au recouvrement de dommages‑intérêts ou de profits.

[162] La demanderesse réclame 20 000$ à titre de dommages‑intérêts compensatoires pour la contrefaçon par les défendeurs des marques déposées[12].

[163] En formulant cette demande, la demanderesse reconnaît qu’elle n’a fourni aucune preuve portant sur les dommages qu’elle aurait subis ou sur les bénéfices réalisés par les défendeurs à la suite de leurs activités de contrefaçon. La demanderesse a expliqué qu’une telle preuve était difficile à obtenir en l’absence d’une preuve d’expert; or, une telle preuve n’a pas été fournie dans le cadre de la présente requête en procès sommaire. Néanmoins, la demanderesse relève que la Cour peut accorder des dommages‑intérêts pour perte d’achalandage sans preuve d’un dommage réel : Harley Davidson, précitée, au para 52; Pick c 11180475 Alberta Ltd. (The Queen of Tarts), 2011 CF 1008 [Pick] aux para 49‑51; voir aussi Lululemon Athletica Canada Inc. c Campbell, 2022 CF 194 [Lululemon] au para 45; Trans‑High Corporation c Hightimes Smokeshop and Gifts Inc., 2013 CF 1190 aux para 24‑26, et Ragdoll Productions (UK) Ltd. c Doe, 2002 CFPI 918 [Ragdoll] aux para 43‑45.

[164] À l’appui de sa réclamation de 20 000 $, la demanderesse relève que TMP Fort McMurray a eu des revenus importants au cours de la période pertinente. À cet égard, un tableau figurant à la page 1145 du dossier de requête de la demanderesse indique que ces revenus se sont élevés à 299 210,82 $ au cours de cette période[13]. La demanderesse ajoute que les revenus de Screw Pile Pros ont été de 38 197,34 $ pour la période du 12 avril 2022 au 30 juin 2022, et de 138 452,58 $ pour la période (qui chevauche légèrement la précédente) allant du 1er juin 2022 au 7 août 2022. Étant donné que la demanderesse n’a pas allégué de contrefaçon des marques déposées après le mois de mai 2022, la raison pour laquelle ces chiffres ont été fournis n’est pas évidente d’emblée[14].

[165] Aucune preuve n’a été fournie concernant les revenus de TMP Medicine Hat au cours de la période pertinente.

[166] La demanderesse relève en outre que, selon la preuve produite par les défendeurs, 38 % des clients de ces derniers en 2021 avaient déjà fait appel à leurs services. Ceci est cohérent avec les données sur les années 2018‑2020, au cours desquelles respectivement 39 %, 40 % et 36 % des revenus des défendeurs provenaient, de clients qui avaient déjà fait appel à leurs services : voir para 55, ci‑dessus. Par coïncidence, 38 % de ventes supplémentaires réalisées par les défendeurs en 2021 provenaient de recommandations au sein de [traduction] « leur propre réseau ». La demanderesse soutient qu’il est raisonnable d’inférer que le réseau des défendeurs comprend des personnes que ces derniers ont rencontrées au cours des années précédentes lors de foires commerciales et dans d’autres circonstances durant lesquelles Mme Bertram et M. Bergevin étaient vêtus de vêtements d’entreprise de Techno Metal Post et distribuaient des cartes commerciales de Techno Metal Post, comme l’a reconnu Mme Bertram : dossier de requête de la demanderesse, p 965‑966.

[167] Les défendeurs répondent que la prétention de la demanderesse selon laquelle elle a subi des dommages est démentie par le fait que ses revenus bruts en Alberta pour la période allant de février 2021 à janvier 2022 se sont élevés à 1 781 000 $, ce qui représentait une hausse par rapport au chiffre pour la période allant de février 2020 à janvier 2021, soit 1 600 000$. Les défendeurs ajoutent que la demanderesse n’a pas répondu à un acte d’engagement par lequel elle était priée de fournir une ventilation de ses revenus par concessionnaire. Les défendeurs demandent à la Cour de l’inférence défavorable selon laquelle les chiffres relatifs aux ventes régionales de la demanderesse démontreraient qu’elle n’a pas perdu de revenus dans aucune région de l’Alberta au cours de la période pertinente. La Cour est disposée à tirer cette inférence défavorable.

[168] En outre, les défendeurs affirment que, d’après le dossier de preuve, si la demanderesse a subi des pertes de ventes, celles‑ci étaient dues à d’autres facteurs, notamment au fait que ses prix pour les produits et services pertinents étaient plus élevés que ceux de ses concurrents : dossier de requête des défendeurs, p 538 et 590.

[169] En fin de compte, les défendeurs soutiennent que, s’il est établi qu’ils ont contrefait les marques pertinentes, la demanderesse ne devrait pas recevoir plus de 5 000 $ en dommages‑intérêts compensatoires. Les défendeurs soutiennent que cela serait approprié, compte tenu du fait que, dans la décision Pick, la Cour a accordé un montant total de 10 000 $ en dommages‑intérêts en indemnisation des ventes manquées et de l’atteinte à la réputation et du préjudice subi sur le plan de l’achalandage : Pick, précitée, au para 53.

[170] Cependant, les faits de l’affaire Pick diffèrent de ceux de l’espèce. Il y était notamment question d’un jugement par défaut, et la demanderesse sollicitait l’octroi de 10 000 $ à titre de dommages‑intérêts. En outre, dans cette affaire, la violation a duré beaucoup moins longtemps (environ six mois), les ventes n’ont eu lieu qu’à deux endroits locaux (un marché de producteurs et une boulangerie de détail) et les produits et services en cause étaient beaucoup moins dispendieux (des produits de boulangerie et des services connexes). J’ajouterai en passant que, lorsqu’ajustée pour tenir compte de l’inflation, la somme de 10 000 $ accordée en 2011 équivaut à environ 13 000 $ en dollars d’aujourd’hui[15]. En outre, il n’y avait aucune preuve de ventes manquées dans Pick, précitée, de sorte que la mention par la Cour des « ventes manquées » dans cette affaire n’était d’aucune importance.

[171] Un précédent quelque peu plus approprié aux fins de l’espèce est la décision 1196278 Ontario Inc. (Sassafraz) c 815470 Ontario Ltd (Sassafras Coastal Kitchen & Bar), 2022 CF 116 [Sassafraz]. Dans cette décision, la Cour a fait droit à la demande de dommages‑intérêts « symboliques » de 15 000 $ qui avait été présentée par la demanderesse pour une contrefaçon continue de sa marque déposée qui, dans les faits, avait duré à peu près autant de temps que les activités de contrefaçon en l’espèce[16]. La présente affaire présente une autre similitude avec l’affaire Sassafraz; dans celle‑ci, la défenderesse avait été informée des droits de la demanderesse à l’égard de sa marque déposée à peu près en même temps que le lancement de son entreprise, et elle a néanmoins maintenu ses activités de contrefaçon. Toutefois, une différence notable avec la présente affaire est que, bien que la défenderesse ait également utilisé ses marques et son nom commercial contrefaisants sur ses comptes de médias sociaux, les activités de contrefaçon étaient essentiellement limitées à un seul restaurant dans la péninsule du Niagara. Cette différence, ainsi que les similitudes avec la présente affaire abordées ci‑dessus, donnent à penser que l’octroi de 20 000 $ en dommages‑intérêts sollicité par la demanderesse est tout à fait raisonnable. Il en va de même lorsque l’on considère la valeur actuelle des dommages‑intérêts accordés dans la décision Pick, précitée, ainsi que des distinctions factuelles exposées dans le paragraphe précédent.

[172] En l’absence de toute preuve de perte de chiffre d’affaires ou d’autres dommages réels subis du fait de la contrefaçon des défendeurs, la Cour doit se fonder sur « la preuve disponible, les inférences raisonnables et une dose de bon sens » : Louis Vuitton Malletier S.A. c Wang, 2019 CF 1389 [Wang] au para 143.

[173] En d’autres termes, la demanderesse « a droit à une évaluation optimale [de ses] dommages‑intérêts par la Cour sans devoir nécessairement se contenter de dommages‑intérêts symboliques », quelle que soit la signification donnée au terme « symbolique » : Ragdoll, précitée, au para 45.

[174] Le point de départ est le fait que la valeur de l’achalandage attaché aux marques de commerce déposées sera diminuée dans une certaine mesure lorsque la contrefaçon de ces marques se traduira par la vente de produits ou de services au cours d’une période prolongée : Wang, précitée, au para 122, citant un passage tiré de l’ouvrage Fox on Canadian Law of Trade‑Marks and Unfair Competition, rédigé par Kelly Gill, 4e éd., al. 13.6e).

[175] Plus la nature, l’étendue et la durée de l’activité de contrefaçon sont importantes, plus les dommages qui pourront en découler seront importants. Toutefois, il faut également tenir compte d’autres facteurs qui peuvent être pertinents, y compris l’étendue des différences qui existent entre les produits et services contrefaits et ceux de la demanderesse sur le plan de la qualité; l’ampleur de la confusion probable sur le marché; ainsi que le caractère délibéré, l’aveuglement volontaire, l’insouciance ou le mépris des droits de la demanderesse après avoir été informé de leur existence.

[176] À mon avis, les facteurs suivants pèsent en faveur de l’octroi de la somme totale de 20 000 $ réclamée par la demanderesse, qui, selon moi, n’est pas exagérée :

  • La durée de l’activité de contrefaçon des défendeurs (environ un an).

  • Le fait que les défendeurs ont vendu leurs produits et services contrefaits dans au moins six villes différentes de l’Alberta au cours de la période pertinente.

  • Le niveau élevé des revenus de TMP Fort McMurray au cours de la période pertinente (près de 300 000 $).

  • Le fait qu’environ 38 % des clients des défendeurs au cours de la période pertinente avaient déjà été clients auparavant, tandis que 38 % des autres clients provenaient de leur [traduction] « propre réseau », qui s’était en grande partie établi alors qu’ils étaient distributeurs pour la demanderesse.

  • Le caractère significatif de la confusion probable causée par les produits et services contrefaits des défendeurs, ainsi que leur conduite et leurs communications au moment de leur [traduction] « création d’une nouvelle image de marque » dans le cadre de laquelle ils ont adopté la dénomination de Techno Piles en remplacement de Techno Metal Post : voir les paragraphes 71 et 147 ci‑dessus.

  • La perte de contrôle sur les marques déposées qui en découle, ainsi que l’« affaiblissement » et l’« érosion » de l’image de marque dégagée par ces dernières et de leur capacité de distinguer les produits et les services de la demanderesse.

  • L’absence de toute preuve concernant les marges bénéficiaires des défendeurs, à partir de laquelle je tire l’inférence défavorable qu’elles étaient probablement importantes.

[177] En concluant qu’un montant de 20 000 $ serait approprié, j’ai pris en compte le fait que les produits et services contrefaits étaient virtuellement identiques aux produits et services pertinents de la demanderesse. En d’autres termes, il ne s’agissait pas de produits et services de qualité inférieure. J’ai également pris en considération le fait que les défendeurs ont subséquemment adopté une autre image de marque et ont ainsi cessé leurs activités de contrefaçon, après le prononcé de la décision sur la requête en jugement sommaire, dans laquelle j’avais conclu que quatre des cinq facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la LMC favorisaient la demanderesse. En outre, j’ai pris en compte le fait que les défendeurs semblent avoir cru honnêtement qu’ils avaient le droit reconnu par la loi d’employer les marques de commerce pertinentes pendant une grande partie de la période pertinente.

(2) La violation du droit d’auteur

[178] En vertu de l’alinéa 38.1(1)a) de la Loi sur le droit d’auteur, le titulaire du droit d’auteur peut choisir de recouvrer, « dans le cas des violations commises à des fins commerciales, pour toutes les violations – relatives à une œuvre donnée ou à un autre objet donné du droit d’auteur –, des dommages‑intérêts dont le montant, d’au moins 500 $ et d’au plus 20 000 $, est déterminé selon ce que le tribunal estime équitable en l’occurrence » (non souligné dans l’original).

[179] Eu égard à l’alinéa 38.1(1)a), la demanderesse soutient qu’une somme de 10 000 $ par œuvre devrait être accordée :

[traduction]
 […] compte tenu de la mauvaise foi des défendeurs ainsi que de leur adoption délibérée d’un certain nombre d’œuvres protégées reproduisant les œuvres protégées par le droit d’auteur de la demanderesse, de la violation et de la reproduction généralisées des œuvres protégées de la part des défendeurs dans de nombreux contextes différents, de l’emploi continu et de la reproduction des œuvres contrefaites même après que les défendeurs eurent adopté l’image de marque Screw Pile Pros. 

[180] Par souci de clarté et pour éviter toute allusion à un recouvrement double, la demanderesse ne cherche à obtenir réparation que pour la contrefaçon de son dessin montrant un pieu vissé et du logo de TECHNO PIEUX; elle ne réclame rien en ce qui concerne le logo de TECHNO METAL POST.

[181] Compte tenu de ma conclusion selon laquelle le dessin stylisé montrant un pieu vissé des défendeurs ne porte pas atteinte aux œuvres protégées, je n’accorderai pas les 10 000 $ de dommages‑intérêts préétablis relativement à la violation alléguée du dessin montrant un pieu vissé de la demanderesse.

[182] En ce qui concerne les 10 000 $ de dommages‑intérêts demandés pour la violation du logo de TECHNO PIEUX de la demanderesse, le paragraphe 38.1(5) de la Loi sur le droit d’auteur exige que la Cour tienne compte de tous les facteurs pertinents, y compris a) la bonne ou mauvaise foi du défendeur, b) le comportement des parties avant l’instance et au cours de celle‑ci, et c) la nécessité de créer un effet dissuasif à l’égard de violations éventuelles du droit d’auteur en question[17].

[183] En ce qui concerne « la bonne ou mauvaise foi » , je ne suis pas d’accord avec l’allégation de mauvaise foi formulée par la demanderesse. Comme indiqué au paragraphe 147 ci‑dessus, les défendeurs semblent avoir eu la conviction honnête, bien qu’erronée, que les marques de commerce, les noms commerciaux et les logos de TECHNO PILES/Techno Piles étaient suffisamment différents des marques déposées et des œuvres protégées pour ne pas constituer des œuvres contrefaisantes. De plus, les défendeurs ont fait preuve de bonne foi en adoptant l’image de marque Screw Pile Pros après le prononcé de la décision sur la requête en jugement sommaire, malgré le fait que la requête de la demanderesse ait été rejetée.

[184] En ce qui concerne « le comportement des parties avant l’instance et au cours de celle‑ci », il y a très peu d’éléments de preuve au dossier à l’appui de l’allégation quant à [traduction] « l’emploi continu et la reproduction des œuvres contrefaites même après l’adoption, par les défendeurs, de l’image de marque Screw Pile Pros ». Cependant, il est pertinent de prendre en compte que les défendeurs ont continué leurs activités de contrefaçon pendant environ un an, et ce, de manière assez généralisée, après qu’il leur eut été conseillé de cesser d’utiliser les marques déposées, lesquelles comprenaient le logo de TECHNO PIEUX. Il est également pertinent de considérer le caractère « inexact, négligé et même irresponsable » des communications publiées par les défendeurs à l’époque où ils ont adopté l’image de marque TECHNO PILES/techno piles pour remplacer TECHNO METAL POST : voir le para 148 ci‑dessus.

[185] Les défendeurs soutiennent que leur conduite est beaucoup moins grave que celle de l’intimée dans l’affaire Wing c Van Velthuizen (f.a.s. Gratitude Press Canada), [2000] ACF no 1940 [Wing]; dans celle‑ci, la conduite de l’intimée est décrite au paragraphe 74 et à l’issue de cette affaire, la Cour a accordé des dommages‑intérêts préétablis de 10 000 $. En accordant cette somme, la Cour a souligné le caractère « flagrant » et « répréhensible » du comportement de l’intimée, y compris la reproduction de l’œuvre contrefaite dans son intégralité et la tentative de l’intimée de « vendre » le droit d’auteur à la partie requérante. En l’espèce, les défendeurs soutiennent que leur comportement n’était pas aussi flagrant, car ils ont tenté de distinguer leurs œuvres des œuvres protégées par le droit d’auteur de la demanderesse : voir para 123 ci‑dessus.

[186] Je m’arrête ici pour souligner que la valeur ajustée en fonction de l’inflation des dommages‑intérêts de 10 000 $ accordés dans la décision Wing est d’environ 16 418,70 $[18].

[187] Les défendeurs soutiennent que les faits en l’espèce ressemblent davantage à ceux dont il était question dans l’affaire Young c Thakur, 2019 CF 835 [Young] au paragraphe 64, à l’issue de laquelle la Cour a accordé des dommages‑intérêts préétablis de 1 000 $ pour chacune des deux œuvres qui avaient été contrefaites. En accordant ces dommages‑intérêts, la Cour avait souligné qu’il n’y avait pas de facteurs aggravants semblables à ceux relevés dans la jurisprudence lorsque des dommages‑intérêts préétablis se situant à l’extrémité supérieure de la fourchette avaient été accordés. Les défendeurs soutiennent qu’en l’absence de preuve de tels facteurs aggravants en l’espèce, des dommages‑intérêts préétablis de 1 000 $ sont appropriés, conformément à la décision de la Cour dans l’affaire Young.

[188] Cependant, il est possible d’effectuer une distinction entre la présente affaire et l’affaire Young, car dans celle‑ci, les défendeurs avaient attesté n’avoir tiré aucun profit de la violation et aucune preuve du contraire n’avait été soumise. En outre, dans l’affaire Young , l’activité de contrefaçon a simplement consisté en la publication d’un vidéoclip et d’un enregistrement sonore connexe sur (i) le site Web des défendeurs (qui avaient produit la vidéo pour les demandeurs) et (ii) Vimeo, une plateforme d’hébergement, de partage et de services de vidéos. En l’espèce, par contre, je considère qu’il est approprié de tirer une inférence défavorable du fait que les défendeurs ont tiré des bénéfices de leur conduite contrefaisante : voir le paragraphe 176 ci‑dessus. En outre, les défendeurs se sont livrés à des violations répétées des œuvres protégées de la demanderesse sur une période d’environ un an.

[189] Compte tenu de tout ce qui précède, je juge que l’octroi de la somme de 10 000 $ réclamé par la demanderesse est raisonnable. En résumé, bien que la conduite des défendeurs ne puisse être décrite comme « flagrante », « répréhensible » ou comme ayant été de « mauvaise foi », leurs communications aux acteurs du marché étaient « inexactes, négligées et même irresponsables »: voir le paragraphe 148 ci‑dessus. En outre, les défendeurs ont poursuivi leurs activités de contrefaçon pendant environ un an après avoir été informés qu’ils devaient cesser d’employer les œuvres de la demanderesse. Enfin, je juge qu’il est nécessaire de dissuader d’autres personnes de se livrer à une conduite contrefaisante similaire. Il en est ainsi en dépit du fait que les défendeurs ont adopté l’image de marque « Screw Pile Pros », et ont ainsi cessé leurs activités de contrefaçon, après le prononcé de la décision sur la requête en jugement sommaire.

(3) Résumé

[190] En conclusion, je juge qu’il est approprié d’accorder un montant de 20 000 $ en dommages‑intérêts compensatoires pour la contrefaçon par les défendeurs des marques déposées de la demanderesse et d’accorder des dommages‑intérêts préétablis de 10 000 $ pour la violation par les défendeurs du logo de TECHNO Pieux de la demanderesse. L’ordonnance accordant ces dommages‑intérêts est jointe à l’annexe 1 des présents motifs.

VIII. Les dépens

[191] Peu avant l’audition de la présente requête, j’ai donné une directive afin d’encourager les parties à tenter de s’entendre sur une somme forfaitaire à verser à la partie qui obtiendrait gain de cause. Au cas où les parties seraient incapables d’en venir à une pareille entente, celles‐ci ont été enjointes à présenter des observations, de préférence à l’appui de l’adjudication d’une somme forfaitaire.

[192] À la fin de l’audience, j’ai été informé que les parties avaient convenu de fixer les dépens à 10 000, étant entendu que le droit aux dépens de la partie ayant gain de cause dépendrait de la question de savoir si la décision est plus favorable à la demanderesse qu’une offre qui avait apparemment été faite avant l’audience relative à la présente requête en procès sommaire. Il s’agit là d’un point dont les parties discuteront. Si elles ne parviennent pas à un accord, elles pourront s’adresser à la Cour de nouveau pour lui demander de rendre une ordonnance à cet égard.


ANNEXE 1 – ORDONNANCE

No du dossier de la Cour : T‑969‑21

COUR FÉDÉRALE

ENTRE

TECHNO‑PIEUX INC.

DEMANDERESSE

ET :

TECHNO PILES INC., TECHNO METAL POST MEDICINE HAT INC., TECHNO METAL POST FORT MCMURRAY INC., MATHIEU BERGEVIN et RONDA BERTRAM

DÉFENDEURS

ORDONNANCE

VU LA REQUÊTE déposée le 17 août 2022 et présentée au nom de la demanderesse pour la tenue d’un procès sommaire contre les défendeurs;

ET APRÈS avoir examiné les observations écrites des parties;

ET APRÈS avoir pris en compte les observations orales des parties formulées le 31 août 2022;

ET APRÈS avoir pris en compte les motifs de l’ordonnance ci‑joints;

LA COUR STATUE PAR LES PRÉSENTES :

  • a)Les défendeurs ont violé et sont réputés avoir violé les droits exclusifs de la demanderesse à l’égard des marques de commerce canadiennes no LMC562798, LMC596228, LMC638884 et LMC950281 (les marques déposées), comme indiqué au paragraphe 5 des motifs de l’ordonnance ci‑joints, en violation des articles 19 et 20 de la Loi sur les marques de commerce.

  • b)Les défendeurs ont employé les marques déposées d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage qui s’y rattache, en contravention de l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce.

  • c)Les défendeurs ont appelé l’attention du public sur leurs produits, leurs services et leur entreprise, de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada entre leurs produits, leurs services et leur entreprise et ceux de la demanderesse, en contravention de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce.

  • d)Les défendeurs ont violé et sont réputés avoir violé le droit d’auteur à l’égard du logo de Techno Pieux et du logo de Techno Metal Post (les œuvres protégées), comme indiqué aux paragraphes 5 et 8 des motifs de l’ordonnance ci‑joints, en violation des articles 3 et 27 de la Loi sur le droit d’auteur.

  • e)Il est interdit définitivement aux défendeurs, en leur nom propre et au nom de leurs préposés, ouvriers, agents et employés, sociétés affiliées, entités liées ou sociétés ou autres entités sous leur direction ou leur contrôle, de commettre, directement ou indirectement, l’un des actes suivants :

    1. continuer à contrefaire les marques déposées;

    2. employer les marques déposées, la marque de commerce TECHNO PILES, le nom commercial et la dénomination sociale Techno Piles Inc., le nom commercial et la dénomination sociale Techno Metal Post Fort McMurray Inc., le nom commercial et la dénomination sociale Techno Metal Post Medicine Hat Inc. et tout mot, ou combinaison de mots, ou tout autre dessin susceptible de créer de la confusion avec les marques déposées, en tant que marque de commerce ou nom commercial, ou dans une marque de commerce ou un nom commercial, ou à toute autre fin;

    3. diminuer la valeur de l’achalandage attaché aux marques déposées;

    4. appeler l’attention du public sur tout produit ou service des défendeurs, de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada entre leurs produits, leurs services et leur entreprise et ceux de la demanderesse, suivant le point c) ci‑dessus;

    5. continuer à violer le droit d’auteur à l’égard des œuvres protégées.

  • f)Les défendeurs doivent détruire, à leurs propres frais et selon les modalités et les délais établis par cette honorable Cour, tous les articles en leur possession, sous leur garde ou sous leur contrôle qui enfreignent de quelconque manière toute ordonnance prononcée dans le cadre de la présente affaire, et ils doivent fournir à la demanderesse une déclaration signée sous serment attestant que cette destruction a eu lieu.

  • g)Les défendeurs doivent, à leurs propres frais et selon les modalités et les délais établis par la Cour, remettre et transférer à la demanderesse l’enregistrement du nom de domaine technopiles.com.

  • h)Les défendeurs doivent verser sans délai la somme de 30 000 $ à la demanderesse à titre de dommages‑intérêts.

  • i)Les défendeurs Techno Piles Inc., Techno Metal Post Fort McMurray Inc. et Techno MetalPost Medicine Hat Inc., à leurs propres frais et selon les modalités et les délais établis par la Cour, doivent changer leurs dénominations sociales enregistrées respectives pour des dénominations qui ne contreviennent pas à l’ordonnance de la Cour.

« Paul Crampton »

Juge en chef

 

 

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


ANNEXE 2 : LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13

Définitions et interprétation

Interpretation

Définitions

Definitions

2 distinctive Se dit de la marque de commerce qui distingue véritablement les produits ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire de ceux d’autres personnes, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi. (distinctive)

2 distinctive, in relation to a trademark, describes a trademark that actually distinguishes the goods or services in association with which it is used by its owner from the goods or services of others or that is adapted so to distinguish them; (distinctive)

[…]

[…]

Quand une marque ou un nom crée de la confusion

When mark or name confusing

6 (1) Pour l’application de la présente loi, une marque de commerce ou un nom commercial crée de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial si l’emploi de la marque de commerce ou du nom commercial en premier lieu mentionnés cause de la confusion avec la marque de commerce ou le nom commercial en dernier lieu mentionnés, de la manière et dans les circonstances décrites au présent article.

6 (1) For the purposes of this Act, a trademark or trade name is confusing with another trademark or trade name if the use of the first mentioned trademark or trade name would cause confusion with the last mentioned trademark or trade name in the manner and circumstances described in this section.

[…]

[…]

Éléments d’appréciation

What to be considered

6 (5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de produits, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

 

6 (5) In determining whether trademarks or trade names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

(a) the inherent distinctiveness of the trademarks or trade names and the extent to which they have become known;

(b) the length of time the trademarks or trade names have been in use;

(c) the nature of the goods, services or business;

(d) the nature of the trade; and

(e) the degree of resemblance between the trademarks or trade names, including in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

[…]

[…]

Concurrence déloyale et signes interdits

Unfair Competition and Prohibited Signs

Interdictions

Prohibitions

7 Nul ne peut :

b) appeler l’attention du public sur ses produits, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’il a commencé à y appeler ainsi l’attention, entre ses produits, ses services ou son entreprise et ceux d’un autre;

7 No person shall

(b) direct public attention to his goods, services or business in such a way as to cause or be likely to cause confusion in Canada, at the time he commenced so to direct attention to them, between his goods, services or business and the goods, services or business of another;

[…]

[…]

Droits conférés par l’enregistrement

Rights conferred by registration

19 Sous réserve des articles 21, 32 et 67, l’enregistrement d’une marque de commerce à l’égard de produits ou services, sauf si son invalidité est démontrée, donne au propriétaire le droit exclusif à l’emploi de celle‑ci, dans tout le Canada, en ce qui concerne ces produits ou services.

19 Subject to sections 21, 32 and 67, the registration of a trademark in respect of any goods or services, unless shown to be invalid, gives to the owner of the trademark the exclusive right to the use throughout Canada of the trademark in respect of those goods or services.

Violation

Infringement

20 (1) Le droit du propriétaire d’une marque de commerce déposée à l’emploi exclusif de cette dernière est réputé être violé par une personne qui est non admise à l’employer selon la présente loi et qui :

a) soit vend, distribue ou annonce des produits ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion;

20 (1) The right of the owner of a registered trademark to its exclusive use is deemed to be infringed by any person who is not entitled to its use under this Act and who

(a) sells, distributes or advertises any goods or services in association with a confusing trademark or trade name;

[…]

[…]

Dépréciation de l’achalandage

Depreciation of goodwill

22 (1) Nul ne peut employer une marque de commerce déposée par une autre personne d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à cette marque de commerce.

22 (1) No person shall use a trademark registered by another person in a manner that is likely to have the effect of depreciating the value of the goodwill attaching thereto.

Loi sur le droit d’auteur, LRC (1985), c C‑42

Droit d’auteur sur l’œuvre

Copyright in works

3 (1) Le droit d’auteur sur l’œuvre comporte le droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie importante de l’œuvre, sous une forme matérielle quelconque, d’en exécuter ou d’en représenter la totalité ou une partie importante en public et, si l’œuvre n’est pas publiée, d’en publier la totalité ou une partie importante; ce droit comporte, en outre, le droit exclusif :

a) de produire, reproduire, représenter ou publier une traduction de l’œuvre;

[…]

Est inclus dans la présente définition le droit exclusif d’autoriser ces actes.

3 (1) For the purposes of this Act, copyright, in relation to a work, means the sole right to produce or reproduce the work or any substantial part thereof in any material form whatever, to perform the work or any substantial part thereof in public or, if the work is unpublished, to publish the work or any substantial part thereof, and includes the sole right

(a) to produce, reproduce, perform or publish any translation of the work,

[…]

and to authorize any such acts.

Violation du droit d’auteur

Infringement of Copyright

Règle générale

Infringement Generally

27 (1) Constitue une violation du droit d’auteur l’accomplissement, sans le consentement du titulaire de ce droit, d’un acte qu’en vertu de la présente loi seul ce titulaire a la faculté d’accomplir.

27 (1) It is an infringement of copyright for any person to do, without the consent of the owner of the copyright, anything that by this Act only the owner of the copyright has the right to do.

[…]

[…]


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

T‑969‑21

INTITULÉ :

TECHNO‑PIEUX INC. c TECHNO PILES INC., TECHNO METAL POST MEDECINE HAT INC., MATHIEU BERGEVIN ET RONDA BERTRAM

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 31 AOÛT 2022

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE EN CHEF CRAMPTON

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 24 AVRIL 2023

COMPARUTIONS :

R. Nelson Godfrey

Sarah Li

POUR LA DEMANDERESSE/

DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

Kyle H. T. Smith

POUR LES DÉFENDEURS/

DEMANDEURS RECONVENTIONNELS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling WLG (Canada) LLP

Calgary (Alberta)

POUR LA DEMANDERESSE/

DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

Parlee McLaws LLP

Calgary (Alberta)

POUR LES DÉFENDEURS/

DEMANDEURS RECONVENTIONNELS

 



[1] Dans sa déclaration introductive d’instance, la demanderesse a également sollicité des jugements déclaratoires se rapportant à l’alinéa 7c) de la LMC et à l’article 52 de la Loi sur la concurrence. Toutefois, les réclamations à cet égard ont été abandonnées avant la présentation de sa requête en jugement sommaire.

[2] L’article 19 demeure pertinent dans le cadre de la présente requête, puisqu’il confère à la demanderesse le droit exclusif d’employer les marques de commerce déposées, dans tout le Canada, en ce qui concerne les produits et les services décrits dans l'enregistrement des marques de commerce.

[3] Je reconnais que les défendeurs ont enregistré la marque Techno Piles Inc. en janvier 2020. Cependant, d’après la preuve non contestée, cette entité n’est pas encore exploitée de manière importante et elle n’a servi qu’à enregistrer le nom de domaine http://www.technopilesinc.com. Ce domaine a commencé à servir de [traduction] « page de renvoi » pour les défendeurs et à recueillir leur courrier électronique le 30 mai 2021, ou vers cette date. Je reconnais également que le nom commercial TECHNO PILES a été enregistré en mars 2021.

[4] La [traduction] « création d’une nouvelle image de marque » litigieuse des sociétés défenderesses principales a eu lieu à la fin du mois de mai 2021 : décision sur la requête en jugement sommaire, au para 19. En mai 2022, les sociétés défenderesses principales ont à nouveau créé une nouvelle image de marque, cette fois‑ci pour devenir « Screw Pile Pros ». La demanderesse n’allègue pas que cette dernière création d’une nouvelle image de marque perpétue les violations alléguées à la LMC. Cependant, elle maintient que les nouveaux logos des défendeurs violent les œuvres protégées par le droit d’auteur.

[5] Selon Mme Bertram, aucune des recommandations provenant de la demanderesse en 2017 n’a abouti à une vente.

[6] Les défendeurs soutiennent que les numéros d’attestation du CCMC ne sont pas de nature exclusive et que les défendeurs sont autorisés à indiquer au public qu’ils utilisent le même processus certifié pour installer leurs pieux vissés, lesquels, soutiennent‑ils, ont des spécifications techniques pratiquement identiques à celles des pieux vissés de la demanderesse.

[7] Les défendeurs emploient parfois d’autres logos, notamment l’un qui indique diverses villes à côté de leur pieux

vissé. En contre‑interrogatoire, Mme Bertram a reconnu que les défendeurs emploient la version du logo dépourvue des noms de villes, qui est illustrée ci‑dessus.

[8] Dans les logos de la demanderesse, les pieux vissés sont verts, tandis qu’ils sont rouges dans les logos des

défendeurs.

[9] Voir, par exemple, les paragraphes 20, 77, 81 et 88.

[10] La Cour est consciente du fait que les défendeurs maintiennent cette position dans l’action intentée en Alberta.

[11] Il semble que la question de la responsabilité personnelle n’a pas été débattue en appel : Schmeiser c Monsanto Canada Inc., 2002 CAF 309, au para 73.

[12] La demanderesse n'a pas réclamé de dommages‑intérêts au titre de la commercialisation trompeuse.

[13] La demanderesse affirme que les revenus de TMP Fort McMurray se sont élevés à 641 791,00 $ au cours de la période plus longue allant du 30 mai 2021 à août 2022. Les raisons de l’écart entre ce chiffre et le montant de 299 210,82 $ pour la période pertinente ne sont pas claires.

[14] Voir le paragraphe 14 ci‑dessus.

[15] Voir « Feuille de calcul de l’inflation », Banque du Canada

[16] Bien que la défenderesse dans l’affaire Sassafraz ait techniquement commencé ses activités de contrefaçon lorsqu’elle a ouvert ses comptes de médias sociaux en février 2020, son restaurant n’a pas ouvert avant la fin du mois de juin de la même année, et il a ensuite dû être fermé pendant plusieurs longues périodes en raison de la pandémie de la COVID‑19. Ainsi, ce restaurant a été en activité pendant environ un an avant la décision de la Cour rendue en février 2022.

[17] Un quatrième facteur, énoncé à l’alinéa 38.1(5)d), s’applique uniquement aux violations commises à des fins non commerciales.

[18] Voir https://www.banqueducanada.ca/taux/renseignements‑complementaires/feuille‑de‑calcul‑de‑linflation.

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