Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision


Date : 20230519

Dossier : IMM-5854-22

Référence : 2023 CF 703

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 19 mai 2023

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

SWARAN KAUR

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Mme Swaran Kaur, veuve depuis peu, est une citoyenne de l’Inde âgée de 89 ans qui a demandé la résidence permanente au Canada pour des considérations d’ordre humanitaire. Trois de ses enfants résident en Colombie‑Britannique, et un quatrième réside en Inde. Mme Kaur a rendu visite à ses enfants au Canada pendant de longues périodes en 2017 et en 2018. En 2019, elle a obtenu un visa de résident temporaire (VRT) valide jusqu’en 2025.

[2] L’agent d’immigration a rejeté la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire de Mme Kaur parce que, malgré son niveau d’établissement modeste au Canada, elle ne dépendait pas de sa famille pour s’occuper d’elle-même, elle pourrait visiter de nouveau le Canada après l’expiration de son VRT et elle pourrait rester en contact avec ses enfants et ses six petits-enfants grâce au courrier, au téléphone et à Internet. De plus, au sujet de l’intérêt supérieur des enfants concernés, l’agent a reconnu que Mme Kaur entretient un lien étroit avec ses petits-enfants, mais il a fait remarquer qu’elle avait réussi à garder contact avec eux dans le passé, lorsqu’elle a dû quitter le Canada. L’agent a tenu compte des conditions dans lesquelles se trouverait Mme Kaur à son retour en Inde, mais il n’a relevé aucun élément de preuve indiquant qu’elle ne serait pas en mesure d’obtenir des soins de santé adéquats ou de réintégrer sa communauté.

[3] Mme Kaur soutient que la décision de l’agent est déraisonnable puisque ce dernier n’a pas effectué une [traduction] « évaluation globale » des divers facteurs pertinents quant à sa demande. Elle affirme que l’agent a plutôt soupesé les facteurs de manière sélective et individuelle. Elle demande à la Cour d’annuler la décision de l’agent et d’ordonner qu’un autre agent réexamine sa demande.

[4] Je partage l’avis de Mme Kaur que l’évaluation des facteurs pertinents réalisée par l’agent est entachée de lacunes; plus particulièrement, l’agent a minimisé l’importance des liens familiaux de Mme Kaur au Canada, des difficultés que son départ du Canada susciterait pour ses petits-enfants et des privations qu’elle subirait à son retour en Inde. J’accueillerai donc la présente demande de contrôle judiciaire.

[5] La seule question en litige concerne le caractère raisonnable de la décision de l’agent.

II. La décision de l’agent est-elle déraisonnable?

[6] Le ministre soutient que l’agent a évalué comme il se doit les facteurs pertinents quant à la demande de Mme Kaur et qu’il a, en fait, effectué une [traduction] « évaluation globale » de ces facteurs. De plus, le ministre affirme que l’agent a dûment tenu compte du fait que Mme Kaur peut tenter d’acquérir un statut au Canada par d’autres moyens (notamment en présentant une demande de parrainage) et qu’elle pourra compter sur un soutien familial adéquat même si elle quitte le Canada.

[7] Je ne suis pas d’accord.

[8] À mon avis, l’agent semble avoir fait fi de certains facteurs importants et pertinents quant à la demande de Mme Kaur.

[9] À titre d’exemple, bien que l’agent ait tenu compte des liens familiaux de Mme Kaur au Canada, certains aspects de ces liens ne semblent pas avoir fait partie de l’évaluation de l’agent. Ce dernier n’a pas mentionné que Mme Kaur dépend grandement des membres de sa famille au Canada; ceux-ci l’aident concernant ses médicaments, ses rendez-vous médicaux, ses repas et ses finances. L’agent a accordé peu d’importance à l’âge et aux problèmes de santé de Mme Kaur, puisque celle-ci n’a pas présenté de rapport médical corroborant son état. Toutefois, il paraît évident, même en l’absence d’éléments de preuve documentaire, qu’il serait difficile pour Mme Kaur de voyager de l’Inde au Canada ultérieurement pour rendre visite à ses enfants et à ses petits‑enfants, même si elle en a été capable auparavant. L’agent a laissé entendre que des membres de la famille pourraient faire les allers-retours entre l’Inde et le Canada avec Mme Kaur, mais aucun élément de preuve ne permet d’établir qu’ils seraient en mesure de le faire. De plus, aucun élément de preuve ne démontre que Mme Kaur serait en mesure de communiquer par voie électronique à partir de sa résidence située en milieu rural en Inde, ou qu’elle a été en mesure de le faire auparavant.

[10] Dans le même ordre d’idées, bien qu’il ait estimé que Mme Kaur pourrait avoir accès à des services de santé en Inde et réintégrer sa communauté, l’agent n’a pas tenu compte du fait que Mme Kaur vivrait seule, dans une région éloignée où elle n’aurait aucune aide de sa famille. Les autres membres de sa famille en Inde ne sont pas en mesure de l’aider compte tenu de leur propre situation financière et médicale. La situation personnelle de Mme Kaur limiterait sa capacité à avoir accès à des soins de santé et à prendre part à la vie communautaire en Inde.

[11] En ce qui a trait à l’intérêt supérieur des enfants, tous les enfants et petits-enfants de Mme Kaur ont fait état de l’étroite relation qu’ils entretiennent avec elle ainsi que des graves répercussions que son départ entraînerait pour eux; l’agent a qualifié leurs sentiments de [traduction] « perturbation affective quelconque ».

[12] L’agent n’ayant pas apprécié tous les éléments de preuve pertinents, je conclus que sa décision est déraisonnable et que les motifs du rejet de la demande de Mme Kaur ne sont pas transparents, intelligibles ou justifiés. Je dois donc accueillir la présente demande de contrôle judiciaire.

III. Conclusion et dispositif

[13] La décision de l’agent selon laquelle Mme Kaur n’avait pas droit à la levée des exigences pour des considérations d’ordre humanitaire est déraisonnable parce que l’agent n’a pas adéquatement tenu compte des éléments de preuve pertinents quant à la demande. Je dois donc accueillir la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties n’a soulevé de question de portée générale à certifier et l’affaire n’en soulève aucune.

JUGEMENT dans le dossier IMM-5854-22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen.

  2. Aucune question de portée générale n’est soulevée.

blank

« James W. O’Reilly »

blank

Juge

 


 

COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5854-22

 

INTITULÉ :

SWARAN KAUR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 5 AVRIL 2023

jUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 19 MAI 2023

 

COMPARUTIONS :

Gurpreet Badh

pour la demanderesse

 

Suzy Flader

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Badh and Rejminiak LLP

Surrey (Colombie-Britannique)

 

pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.