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Date : 20230512


Dossier : IMM-3359-22

Référence : 2023 CF 679

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 12 mai 2023

En présence de monsieur le juge Favel

ENTRE :

DOUGLAS ELUOMUNO CHINWUBA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. La nature de l’affaire

[1] Douglas Eluomuno Chinwuba [le demandeur] demande le contrôle judiciaire de la décision du 13 janvier 2022 d’un agent d’immigration [l’agent] où on lui refusait sa demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire au titre du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. L’agent n’était pas convaincu que les circonstances personnelles du demandeur, y compris les difficultés endurées au Nigéria, l’intérêt supérieur des enfants et son établissement au Canada justifiaient une exemption.

[2] La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’évaluation de l’agent sur l’établissement du demandeur au Canada n’était pas raisonnable.

II. Le contexte

[3] Le demandeur est un citoyen nigérien de 56 ans. Il a cinq enfants, âgés de 19 à 26 ans au moment de la décision. Quatre de ses enfants vivent au Canada en vertu de divers permis d’études, tandis que le cinquième enfant vit au Nigéria avec la conjointe du demandeur.

[4] Le 21 juillet 2015, le demandeur obtient un visa de visiteur et séjourne au Canada du 14 juin 2016 au 29 septembre 2016 pour rendre visite à son fils.

[5] En janvier 2017, le demandeur revient au Canada. Il est ensuite admis à Humber College, mais en mai 2017, sa demande de permis d’études est refusée.

[6] En juin 2017, le demandeur présente une demande d’asile, dans laquelle il affirme craindre d’être persécuté par la Direction de la sécurité de l’État [la DSS] et d’autres agents de sécurité au Nigéria en raison de ses opinions politiques présumées en tant que personne soutenant, notamment financièrement, le groupe Peuples autochtones du Biafra [IPOB]. Le 24 octobre 2017, la Section de la protection des réfugiés [SPR] rejette sa demande, et la Section d’appel des réfugiés [SAR] en fait autant en mai 2018 de l’appel interjeté de la décision de la SPR.

[7] Le 11 janvier 2021, le demandeur se voit refuser sa première demande pour motifs d’ordre humanitaire. En avril 2021, le demandeur dépose une demande d’examen des risques avant renvoi [ERAR]. Peu après, il soumet sa deuxième demande pour des motifs d’ordre humanitaire, qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

[8] Au Nigéria, le demandeur était directeur général d’une entreprise d’imprimerie et d’emballage. Après son arrivée au Canada, le demandeur obtient de nombreux permis de travail consécutifs. Depuis le 18 mars 2021, le demandeur travaille en tant que préposé aux services de soutien à la personne pour l’entreprise Dorvict Home & Health Care Services. Chrétien, le demandeur était aussi un membre actif de l’Église The Redeemed Evangelical Mission au Nigéria et au Canada.

III. La décision

[9] L’agent n’était pas convaincu que les circonstances personnelles du demandeur, y compris les difficultés endurées au Nigéria, l’intérêt supérieur des enfants et son établissement au Canada, justifiaient une exemption pour des motifs d’ordre humanitaire. L’agent avait également procédé à l’ERAR dans le cas du demandeur.

A. Difficultés et défis endurés au Nigéria

[10] Dans l’ensemble, l’agent accorde peu de poids à ce facteur. L’agent commence par noter que les allégations du demandeur ont été examinées en grande partie par la SPR, qui a conclu à un manque de crédibilité. Bien que l’agent reconnaisse que différents critères juridiques s’appliquent à la demande pour des motifs d’ordre humanitaire et à la demande d’asile, il signale aussi que le dossier doit être tranché dans chaque cas selon la prépondérance des probabilités. L’agent conclut que la simple répétition des allégations était insuffisante pour établir que le demandeur était aux prises avec de probables difficultés au Nigéria. Ainsi, l’agent accorde beaucoup de poids aux conclusions déterminantes de la SPR en matière de crédibilité.

[11] En ce qui a trait aux nouveaux éléments de preuve du demandeur, l’agent reprend sa conclusion de la demande d’ERAR selon laquelle les affidavits sont insuffisants pour remettre en cause les conclusions de la SPR en matière de crédibilité. Par conséquent, l’agent n’accorde aucun poids aux allégations du demandeur en matière de préjudice de la part des autorités puisque l’agent n’est pas convaincu que ces questions étaient établies dans les faits selon la prépondérance des probabilités. De même, l’agent reprend sa conclusion de la demande d’ERAR selon laquelle le nouvel élément de preuve relatif à la situation dans le pays en cause est insuffisant pour établir un risque personnel précis et prospectif. Cependant, l’agent accorde un certain poids aux difficultés du demandeur à se réinstaller au Nigéria vu les circonstances liées aux droits de la personne et à la sécurité en général.

[12] L’agent considère ensuite les perspectives d’emploi du demandeur au Nigéria. Il constate que le demandeur n’a fourni aucun élément de preuve à l’appui de ses affirmations selon lesquelles son entreprise d’imprimerie et d’emballage a fait faillite et que ses clients menacent de le poursuivre en dommages-intérêts, ni que la situation économique au Nigéria est particulièrement mauvaise et qu’une personne dotée de son profil aurait du mal à se trouver un emploi. L’agent note aussi que le demandeur n’a pas démontré que sa grande famille élargie ne pouvait pas l’aider à se réintégrer, même pour une courte période.

B. Intérêt supérieur des enfants

[13] L’agent examine le critère de l’intérêt supérieur des enfants du demandeur, surtout des deux plus jeunes, celui de 21 ans qui vit au Canada et celui de 19 ans qui vit au Nigéria. Dans l’ensemble, l’agent accorde peu de poids à ce facteur.

[14] L’agent prend connaissance des lettres d’appui des enfants du demandeur dans lesquelles ils mentionnent les effets négatifs de son renvoi sur leur santé mentale. Cependant, l’agent note que le demandeur n’a pas soumis d’éléments de preuve confirmant que ses enfants éprouvent des difficultés en matière de santé mentale ou suivent des traitements pour une telle raison. Étant donné le caractère formel des lettres et l’absence de photographies, l’agent se demande aussi si le demandeur et ses enfants sont intimes au point que le renvoi du premier pourrait causer aux derniers une détresse mentale importante.

[15] En ce qui a trait aux difficultés financières, l’agent n’est pas convaincu que le demandeur subvenait régulièrement aux besoins de ses enfants. De plus, étant donné que le demandeur n’a pas démontré que son entreprise au Nigéria avait fait faillite ou qu’il aurait de la difficulté à se trouver un emploi, l’agent n’est pas persuadé que son retour au Nigéria entraînerait plus qu’une interruption temporaire de son soutien.

C. Établissement

[16] Dans l’ensemble, l’agent accorde un poids modéré, mais non déterminant, à l’établissement du demandeur au Canada. Il reconnaît les efforts considérables faits par le demandeur pour s’intégrer à la société canadienne et pour nouer des relations durables, surtout grâce au bénévolat et au service communautaire, comme l’illustrent les photographies et les nombreuses lettres de soutien d’amis et de collègues. De même, l’agent estime qu’il a démontré des progrès notables dans son domaine d’emploi. L’agent note les éléments de preuve qu’il a fournis sur son poste actuel en tant que préposé aux services de soutien à la personne ainsi que sur ses divers certificats et diplômes dans des sujets reliés à son domaine. Son emploi et ses versements réguliers de l’impôt permettent à l’agent de conclure que le demandeur a fait des efforts pour s’établir financièrement.

[17] D’autre part, l’agent estime que les relevés bancaires du demandeur ne clarifient pas sa situation financière actuelle, en particulier à l’égard de ses économies. Il signale aussi l’absence d’élément de preuve sur la relation du demandeur avec sa sœur ou sur le soutien financier qu’il lui apporte. Par conséquent, l’agent n’est pas persuadé qu’il est le principal fournisseur de soins pour sa sœur. Enfin, l’agent conclut que la durée du séjour du demandeur au Canada n’était pas particulièrement marquante compte tenu de son âge et du fait qu’il avait auparavant vécu toute sa vie au Nigéria, où demeurent la plupart de ses proches.

IV. Questions

[18] À la lumière des observations des parties, voici les questions à trancher :

  1. La décision était-elle raisonnable?

    1. L’agent a-t-il fait erreur dans son évaluation des difficultés endurées par le demandeur?

    2. L’agent a-t-il fait erreur dans son évaluation de l’intérêt supérieur des enfants?

    3. L’agent a-t-il fait erreur dans son évaluation de l’établissement du demandeur au Canada?

  2. Y a-t-il eu un manquement à l’équité procédurale?

[19] À mon avis, la question déterminante est celle de l’évaluation faite par l’agent sur l’établissement du demandeur au Canada.

V. Norme de contrôle

[20] Les deux parties soutiennent que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]). Je suis d’accord. La présente affaire ne fait intervenir aucune des exceptions énoncées par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Vavilov. Ainsi, la présomption quant à l’application de la norme de la décision raisonnable n’est pas réfutée (aux para 16-17).

[21] Le contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable exige que la Cour prenne en compte, non seulement le résultat de la décision, mais également la justification à l’appui de ce résultat, pour déterminer si la décision, dans son ensemble, possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci (Vavilov aux para 15, 99). Une décision est déraisonnable si elle souffre de lacunes suffisamment capitales ou importantes (Vavilov au para 100). Il peut s’agir d’un cas où le décideur n’a pas tenu compte de la preuve qui lui a été soumise (Vavilov au para 126). Si les motifs formulés par le décideur permettent à la Cour de révision de comprendre le fondement de la décision et de déterminer si elle fait partie des issues acceptables, alors la décision sera raisonnable (Vavilov aux para 85-86).

[22] Les questions d’équité procédurale sont soumises à une norme de contrôle semblable à celle de la décision correcte (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54 [Chemin de fer CP]; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 43). La Cour n’accorde au décideur aucune marge d’appréciation, ou déférence, sur les questions d’équité procédurale. Au contraire, lorsqu’elle décide s’il y a eu un manquement à l’équité procédurale, la cour de révision doit se demander si la procédure suivie par le décideur était équitable, eu égard à l’ensemble des circonstances (Chemin de fer CP au para 54; Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 aux p 837-841).

VI. Analyse

A. La décision était-elle raisonnable?

[23] Le demandeur a certes fait valoir trois arguments à l’appui de sa thèse selon laquelle la décision était déraisonnable, mais c’est celui qui concerne l’évaluation de l’établissement du demandeur au Canada qui est déterminant en l’espèce. Ainsi, point n’est besoin d’examiner les autres.

(1) L’agent a-t-il fait erreur dans son évaluation de l’établissement du demandeur au Canada?

(a) Thèse du demandeur

[24] Premièrement, l’agent a constaté à tort que seuls trois, et non quatre, des enfants du demandeur vivent au Canada. Le dossier montre que trois des enfants résident à la même adresse que le demandeur.

[25] Deuxièmement, l’agent a conclu à tort que les antécédents professionnels du demandeur étaient insuffisants pour justifier une exemption pour des motifs d’ordre humanitaire. Il ne suffisait pas à l’agent de survoler les antécédents professionnels du demandeur sans considérer la nature des emplois et leur lien à l’établissement du demandeur au Canada. L’agent a passé sous silence le fait que le demandeur a mis sa propre vie en danger en fournissant des soins directs aux patients pendant la pandémie de la COVID-19. Une telle omission rend la décision déraisonnable (Mohammed c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1 aux para 42-45 [Mohammed]).

[26] Enfin, l’agent a fait fi des talons de paie, déclarations de revenus, relevés de carte de crédit, relevés bancaires et cote de crédit du demandeur avant de conclure que ce dernier n’avait pas fourni suffisamment de renseignements pour clarifier sa situation financière actuelle.

(b) Thèse du défendeur

[27] Le demandeur n’a pas démontré que l’agent a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon déraisonnable (Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration) c Legault, 2002 CAF 125). Il ne revient pas à la Cour de réévaluer la preuve.

[28] Rien n’indique que le demandeur a cherché à obtenir une considération spéciale pour son travail lié à la COVID-19 (Muti c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1722 au para 8). Notamment, Rien dans la preuve n’indique qu’il a demandé au ministre d’utiliser le pouvoir que lui confère l’article 25.2 de la LIPR dans le cadre de la « politique de la Voie d’accès » pour les personnes travaillant dans le secteur des soins de santé pendant la pandémie ni qu’il a invoqué son emploi en tant que préposé aux services de soutien à la personne comme un facteur de considération exceptionnel dans sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. De plus, la présente affaire diffère de l’affaire Mohammed, où l’agent n’avait pas pris en considération les efforts de la demanderesse pendant la pandémie de la COVID-19 dans son analyse sur l’établissement. En l’espèce, l’agent les a considérés en faveur du demandeur.

[29] De même, le demandeur n’a pas démontré d’erreur dans l’évaluation de sa situation financière. Il était loisible à l’agent d’estimer que les relevés bancaires pour une période de trois mois ne donnaient qu’une image incomplète de la situation financière du demandeur. Il a également considéré en faveur du demandeur les efforts déployés par ce dernier pour s’établir financièrement, comme en témoignent son emploi rémunérateur et les déclarations de revenus.

(c) Conclusion

[30] Comme il est indiqué plus haut, l’agent a fait erreur dans son évaluation de l’établissement du demandeur.

[31] Je conviens avec le demandeur que l’agent a commis une erreur en notant initialement dans la section « Facteurs à considérer » de la décision que seuls trois des enfants du demandeur vivent au Canada. Par contre, cette erreur n’est que superficielle (Vavilov au para 100). La conclusion sur l’établissement du demandeur n’est pas fondée sur ce facteur. De plus, l’agent a confirmé à deux reprises dans sa décision, à la section « Personnes à charge et autres membres de la famille » et dans les motifs, que quatre des enfants du demandeur vivent au Canada.

[32] Néanmoins, je suis d’avis que l’agent n’a pas tenu compte de la situation particulière du demandeur dans son analyse (Uwaifo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 679 au para 24 [Uwaifo]).

[33] Contrairement à ce que prétend le défendeur, le demandeur a fourni une lettre d’emploi, datée du 28 septembre 2021, de Dorvict Home and Health Care Services, dans laquelle est confirmé son travail actif pendant la troisième vague de la pandémie de la COVID-19. À cette date, le demandeur avait travaillé plus de 1 000 heures pour aider les personnes handicapées dans des foyers de groupe. Ses responsabilités comprenaient, entre autres, l’aide aux personnes pour les soins personnels et les tâches ménagères, l’aide à la mobilité et aux déplacements, la sécurité, le soutien émotionnel et la communication avec les amis et la famille.

[34] Les observations du demandeur devant l’agent contiennent également les éléments suivants :

[traduction]

Le demandeur fait partie des travailleurs de première ligne qui ont fait une contribution importante pendant la pandémie de la COVID-19, malgré les risques pour leur santé. En reconnaissance de leur dévouement envers les Canadiens, et pour souligner leur contribution et les risques élevés pour la santé auxquels ils se sont exposés pendant la pandémie, le gouvernement du Canada a récemment créé une politique publique qui ouvre la voie à la résidence permanente aux demandeurs d’asile et aux anciens demandeurs d’asile. Selon la Politique d’intérêt public temporaire visant à faciliter l’octroi du statut de résident permanent à certains demandeurs d’asile qui travaillent dans le secteur des soins de santé pendant la pandémie de la COVID-19, le ministre a utilisé le pouvoir que lui confère l’article 25.2 de la LIPR pour octroyer ce statut de résident permanent aux personnes qui répondaient à des critères d’admissibilité précis.

[35] Le demandeur a expliqué qu’il répondait à toutes les conditions d’admissibilité de la politique de la Voie d’accès, à l’exception de celle selon laquelle il devait avoir travaillé 120 heures entre le 13 mars 2020 et le 14 août 2020. Il a indiqué que « [TRADUCTION] sa contribution importante devrait être reconnue comme les autres par le gouvernement du Canada, puisqu’il répondait autrement à toutes les conditions d’admissibilité spécifiées ».

[36] Malgré ces observations, l’agent n’a pas abordé la politique de la Voie d’accès ou les contributions faites en tant que préposé aux services de soutien à la personne pendant la pandémie de la COVID-19 avant de rejeter l’établissement du demandeur comme n’étant pas « exceptionnel ». Je souscris à l’avis de la juge Go selon lequel « [l’]absence d’analyse est particulièrement déconcertante…d’autant plus que [le demandeur a] présenté de nombreux éléments de preuve et observations à cet égard » (Uwaifo au para 32). Cette omission suffit à rendre la décision déraisonnable.

[37] Enfin, je ne suis pas d’accord avec le défendeur qui soutient que l’affaire Mohammed diffère de la présente en raison du contexte dans lequel l’agent a examiné le travail de la demanderesse pendant la pandémie. Le juge Ahmed a plutôt reproché au décideur son manque de réceptivité à l’égard du travail de la demanderesse (Mohammed au para 45). Je considère donc que le commentaire du juge Ahmed dans l’affaire Mohammed est particulièrement pertinent :

[42] En tant qu’aide-soignante, la demanderesse a pris des risques pour sa propre santé et sécurité afin d’aider des personnes âgées ayant des problèmes de santé. Elle met à profit les compétences qu’elle a acquises au Canada il y a plus de dix ans à une époque où le pays en a désespérément besoin, en ne sachant même pas si elle pourra demeurer au Canada. Le fait de définir cette contribution comme un simple facteur « légèrement favorable » dans le cadre de l’appel de l’appelante est inintelligible.

[43] La dette morale envers les immigrants qui ont travaillé en première ligne pour protéger les personnes vulnérables au Canada durant les premières vagues de la pandémie de COVID-19 ne peuvent être surestimées [sic]. Je conclus que la SAI n’a pas accordé à cette contribution le poids qu’elle méritait.

[38] Quant au dernier point soulevé par le demandeur, je ne suis pas d’accord pour dire que l’agent a ignoré les renseignements financiers dans sa conclusion selon laquelle le demandeur n’avait pas fourni suffisamment de renseignements pour clarifier sa situation financière, surtout en ce qui a trait à ses économies. Il a expressément noté que les relevés bancaires de mars 2021 à juin 2021 fournissaient une image incomplète de la situation financière du demandeur. Néanmoins, il a accordé un poids favorable aux efforts déployés par le demandeur pour s’établir financièrement, compte tenu de son emploi rémunérateur, comme le confirment ses talons de paie et ses versements réguliers de l’impôt.

[39] Bien qu’il n’ait pas mentionné les relevés de carte de crédit ou la cote de crédit du demandeur, il est bien établi en droit que l’agent est présumé avoir considéré l’ensemble de la preuve et n’est pas tenu de renvoyer à chaque élément qui la compose (Solopova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 690 au para 28 [Solopova]). Ce n’est que lorsque le décideur passe sous silence des éléments de preuve qui contredisent ses conclusions de façon claire que la Cour peut intervenir (Solopova au para 28). Or, ce n’est pas le cas en l’espèce. Les relevés de carte de crédit ne témoignent pas des économies d’une personne.

VII. Conclusion

[40] Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision était déraisonnable parce que l’agent n’a pas évalué l’établissement du demandeur en fonction de sa situation spécifique.

[41] Aucune question n’a été soumise aux fins de certification, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-3359-22

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’affaire est renvoyée pour réexamen par un agent différent.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

  3. Aucune ordonnance n’est rendue concernant les dépens.

« Paul Favel »

Juge

Traduction certifiée conforme

Marie-Luc Simoneau, jurilinguiste


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3359-22

INTITULÉ :

DOUGLAS ELUOMUNO CHINWUBA C LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 27 mars 2023

JUgement et motifs :

le juge FAVEL

DATE :

le 12 MaI 2023

COMPARUTIONS

Ariel Hollander

pour le demandeur

 

Nicola Shahbaz

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Lewis & Associates

Barristers and Solicitors

Toronto (Ontario)

pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

pour le défendeur

 

 

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