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Date : 20230515

Dossier : IMM-6711-22

Référence : 2023 CF 685

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), 15 mai 2023

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

NASIR SHAHZAD

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] M. Nasir Shahzad a fui le Pakistan en 2014, craignant d’être victime de persécution religieuse du fait qu’il est chrétien. Il affirme que sa famille et lui ont été menacés et agressés. Il a demandé l’asile auprès du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (le HCR) en Thaïlande, mais le HCR a jugé que sa demande n’était pas crédible. M. Shahzad a interjeté appel de cette décision, sans succès.

[2] En 2019, M. Shahzad a présenté une demande de résidence permanente au Canada au titre de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières et de la catégorie des personnes de pays d’accueil. En 2022, un agent a interviewé M. Shahzad et lui a donné l’occasion d’éclaircir certaines questions liées à la crédibilité de sa preuve. L’agent a rejeté la demande de M. Shahzad, car il était d’avis que M. Shahzad n’avait pas réussi à dissiper les doutes qui existaient quant à la crédibilité.

[3] M. Shahzad soutient que la décision de l’agent était déraisonnable parce que l’agent n’a pas tenu compte des éléments de preuve à l’appui de son allégation relative à la persécution politique et qu’il a tiré des conclusions erronées en matière de crédibilité. Dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, M. Shahzad a demandé l’autorisation de présenter de nouveaux éléments de preuve relatifs au danger auquel il serait exposé s’il devait retourner au Pakistan. Il me demande d’admettre les nouveaux éléments de preuve, de conclure que la décision de l’agent était déraisonnable et de renvoyer l’affaire à un autre agent pour nouvel examen.

[4] Les nouveaux éléments de preuve sur lesquels M. Shahzad souhaite s’appuyer ne sont pas admissibles, comme c’est généralement le cas dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Par ailleurs, je ne puis conclure que la décision de l’agent était déraisonnable. L’agent a donné à M. Shahzad l’occasion d’éclaircir les questions de crédibilité soulevées par sa demande et il a apprécié la preuve pertinente avant de conclure que la demande de M. Shahzad ne pouvait pas être accueillie. Je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

[5] Il y a deux questions en litige :

  1. Les nouveaux éléments de preuve doivent-ils être admis dans le cadre du présent contrôle judiciaire?

  2. La décision de l’agent était-elle déraisonnable?

II. Première question – Les nouveaux éléments de preuve doivent-ils être admis dans le cadre du présent contrôle judiciaire?

[6] M. Shahzad soutient que les nouveaux éléments de preuve sont admissibles dans le cadre du contrôle judiciaire. Toutefois, les sources qu’il invoque à l’appui de son argument ne s’appliquent pas en l’espèce. Il invoque le paragraphe 110(4) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], mais cette disposition s’applique aux appels interjetés devant la Section d’appel des réfugiés. Elle ne s’applique pas dans le contexte d’un contrôle judiciaire. Il invoque aussi l’alinéa 113a) de la LIPR, mais cette disposition s’applique aux demandes d’examen des risques avant renvoi. Elle ne s’applique pas non plus dans le contexte d’un contrôle judiciaire.

[7] M. Shahzad renvoie également à l’alinéa 312a) des Règles des Cours fédérales, qui permet aux parties de déposer des affidavits complémentaires dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, avec l’autorisation de la Cour. L’arrêt de principe sur l’admission de nouveaux éléments de preuve est l’arrêt Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 [Access Copyright]. Dans l’arrêt Access Copyright, la Cour d’appel fédérale a reconnu trois exceptions à la règle générale selon laquelle les nouveaux éléments de preuve ne sont pas admissibles dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire : (1) lorsque les nouveaux éléments de preuve fournissent des informations générales qui sont susceptibles d’aider la cour de révision; (2) lorsque les nouveaux éléments de preuve peuvent porter à l’attention de la cour de révision des vices de procédure découlant de la décision sous-jacente; (3) lorsque les nouveaux éléments de preuve font ressortir l’absence totale de preuve dont disposait le décideur initial. Plus particulièrement, les nouveaux éléments de preuve ne doivent pas se rapporter au fond de la décision faisant l’objet du contrôle judiciaire (au para 20).

[8] En l’espèce, M. Shahzad propose d’introduire de nouveaux éléments de preuve pour compléter le dossier dont disposait l’agent en ce qui a trait au fond de sa demande. Il n’est pas permis de compléter le dossier relatif au fond; cette situation n’est pas visée par les exceptions reconnues dans l’arrêt Access Copyright. Par conséquent, les nouveaux éléments de preuve présentés par M. Shahzad ne sont pas admissibles.

III. Deuxième question – La décision de l’agent était-elle déraisonnable?

[9] M. Shahzad soutient que la décision de l’agent était déraisonnable à quatre égards. Premièrement, l’agent n’a pas reconnu qu’il était persécuté par son voisin depuis de nombreuses années : la persécution n’est pas apparue [traduction] « soudainement », comme l’agent semble l’avoir pensé. Deuxièmement, l’agent a demandé pourquoi la famille n’avait pas déménagé après certains incidents, sans préciser à quels incidents il faisait référence. Troisièmement, l’agent n’a pas envisagé la possibilité que M. Shahzad soit poursuivi par des extrémistes, même s’il n’était pas un membre influent de l’Église chrétienne. Quatrièmement, l’agent a conclu que M. Shahzad n’avait pas été poursuivi par des extrémistes, parce qu’il avait vécu et travaillé à Hattar et à Lahore en toute sécurité.

[10] Je ne suis pas d’accord avec M. Shahzad. Ayant examiné la preuve dont disposait l’agent, je conclus que la décision de l’agent n’était pas déraisonnable.

[11] Premièrement, l’agent a de fait demandé à M. Shahzad pourquoi son voisin s’était soudainement retourné contre lui. M. Shahzad a expliqué que ce n’était pas soudain, parce que son voisin avait harcelé son père et son frère avant de commencer à proférer des menaces à son égard. Or, l’agent a noté que le père et le frère de M. Shahzad vivent toujours en sécurité au Pakistan, alors que M. Shahzad a jugé nécessaire de fuir le pays. M. Shahzad a admis que d’autres membres de sa famille vivent au Pakistan et ne sont pas en danger. L’agent était d’avis que la preuve jetait un doute sur la version des faits de M. Shahzad.

[12] Deuxièmement, lorsque l’agent a demandé à M. Shahzad pourquoi il n’avait pas déménagé, M. Shahzad a répondu qu’il [traduction] « n’avai[t] pas le choix », parce que son père et son frère ne travaillaient pas à ce moment-là. L’agent a interprété cette réponse comme signifiant qu’il n’était pas possible pour la famille de déménager. Faisant remarquer que la famille avait en fait déménagé plusieurs fois, l’agent n’a pas accepté la réponse de M. Shahzad. Bien que cet échange ait été quelque peu confus, la preuve étayait la conclusion de l’agent selon laquelle M. Shahzad avait la possibilité de s’éloigner de son voisin.

[13] Troisièmement, l’agent a jugé qu’il était peu probable que des extrémistes déploient de grands efforts, à l’échelle du pays, pour retrouver un membre peu influent de l’Église chrétienne. L’agent s’est appuyé sur des éléments de preuve documentaire indiquant que les chrétiens notoires sont parfois victimes d’attaques, mais que le reste de la minorité chrétienne est victime d’une certaine discrimination, mais pas de persécution.

[14] Quatrièmement, l’agent a interrogé M. Shahzad au sujet du temps qu’il avait passé à travailler dans un petit village situé à l’extérieur de Hattar, à environ deux heures de route de l’endroit où vivait son voisin. M. Shahzad a affirmé que des extrémistes l’avaient retrouvé à son travail et que la même chose s’était produite lorsqu’il avait déménagé à Lahore. L’agent a simplement noté que M. Shahzad ne vivait pas caché à l’époque. Il vivait et travaillait ouvertement près de Hattar et à Lahore.

[15] Je ne vois rien de déraisonnable dans les conclusions de l’agent à ces quatre égards. La preuve étaye les conclusions de l’agent, et celui-ci a fourni des motifs transparents, intelligibles et justifiés pour rejeter la demande.

IV. Conclusion et dispositif

[16] L’agent a tiré un certain nombre de conclusions qui sont étayées par la preuve. Je ne peux donc pas conclure que la décision de l’agent était déraisonnable. Par conséquent, je dois rejeter la demande de contrôle judiciaire. Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question de portée générale à certifier, et aucune n’est énoncée.


 

JUGEMENT dans le dossier IMM-6711-22

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question de portée générale n’est énoncée.

vide

« James W. O’Reilly »

vide

Juge


 

COUR FÉDÉRALE

AVOCATS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6711-22

 

INTITULÉ :

SHAHZAD c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 5 AVRIL 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

DATE DES MOTIFS :

Le 15 mai 2023

COMPARUTIONS :

Arashveer Brar

Pour le demandeur

Brett J. Nash

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Slater Law Corporation

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le défendeur

 

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