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Date : 20230504

Dossier : T-966-21

Référence : 2023 CF 648

[TRADUCTION FRANÇAISE]

ENTRE :

DALE KOHLENBERG

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DE LA TAXATION

GARNET MORGAN, officier taxateur

I. Introduction

[1] La présente taxation des dépens est effectuée conformément au jugement et aux motifs du15 juin 2022 de la Cour fédérale, qui a rejeté avec dépens la demande de contrôle judiciaire du demandeur.

[2] Pour faire suite à la décision de la Cour, les dépens seront taxés conformément à l’article 407 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [les RCF], qui est ainsi libellé :

Tarif B

Assessment according to Tariff B

407 Sauf ordonnance contraire de la Cour, les dépens partie-partie sont taxés en conformité avec la colonne III du tableau du tarif B.

407 Unless the Court orders otherwise, party-and-party costs shall be assessed in accordance with column III of the table to Tariff B.

II. Documents déposés par les parties

[3] Le dossier de la Cour (la copie papier et la version informatisée) montre que les parties ont déposé les documents suivants aux fins de la présente taxation des dépens :

  • a)Le 20 octobre 2022, le défendeur a déposé un dossier sur les dépens contenant un mémoire de dépens, un affidavit de Ryssa Ndabihore, établi sous serment le 20 octobre 2022, et les observations du défendeur concernant la taxation des dépens (les observations du défendeur);

  • b)Le 26 octobre 2022, le demandeur a déposé un affidavit de Dale Kohlenberg, établi sous serment le 25 octobre 2022, et une réponse du demandeur à la demande d’évaluation du défendeur du mémoire de dépens (la réponse du demandeur);

  • c)Le 27 octobre 2022, les parties ont reçu une directive portant que la taxation des dépens se ferait sur documents et les informant de la date limite pour le dépôt des documents de réponse du défendeur;

  • d)À la suite de cettedirective, le défendeur a déposé, le 9 novembre 2022, un dossier sur les dépens contenant un affidavit de Leah Teran, établi sous serment le 9 novembre 2022, et une réponse du défendeur à la réponse du demandeur à la demande de taxation des dépens (la réponse du défendeur).

III. Services à taxer

[4] Le défendeur a réclamé 25 unités relativement aux services à taxer, pour une somme totale de 4 000,00 $.

A. Article 2 – Préparation et dépôt de toutes les défenses, réponses, demandes reconventionnelles ou dossiers et documents [du défendeur] et article 13 – Honoraires d’avocat : a) préparation de l’instruction ou de l’audience, qu’elles aient lieu ou non, y compris la correspondance, la préparation des témoins, la délivrance de subpœna et autres services non spécifiés dans le […] tarif.

[5] J’ai examiné les documents des parties relatifs aux dépens en même temps que le dossier de la Cour, ainsi que toute règle, loi et jurisprudence applicables, et j’ai déterminé que les services à taxer présentés au titre des articles 2 et 13a) pouvaient être autorisés tels qu’ils avaient été réclamés. J’ai conclu que ces réclamations n’exigeaient pas mon intervention, puisque j’ai conclu que les services accomplis par le défendeur étaient nécessaires et que les sommes réclamées étaient raisonnables.

[6] Aux fins de mon évaluation de ces réclamations, j’ai examiné les facteurs de détermination du montant des dépens qui sont énumérés au paragraphe 400(3) des RCF et dont je peux tenir compte à titre d’officier taxateur conformément à l’article 409 des RCF. J’ai tenu compte de facteurs tels que ceux prévus aux alinéas « a) le résultat de l’instance », «b) les sommes réclamées et les sommes recouvrées », «c) l’importance et la complexité des questions en litige » et «g) la charge de travail » et constaté ce qui suit : le dossier de la Cour indique que le défendeur est la partie ayant eu gain de cause dans le cadre de la procédure de contrôle judiciaire, les sommes réclamées et à recouvrer sont raisonnables, les questions soulevées étaient très importantes et modérément complexes et le défendeur a assumé une charge de travail modérée au titre des articles 2 et 13a). Par conséquent, je conclus qu’il est raisonnable d’autoriser les réclamations au titre des articles 2 et 13a), comme le défendeur le demande dans son mémoire de dépens. Plus précisément, quatre unités sont autorisées au titre de l’article 2 et trois unités, au titre de l’article 13a).

[7] Les autres réclamations du défendeur, au titre des articles 5, 12, 14 et 26, soulèvent quelques questions et seront examinées en détail ci-dessous.

B. Article 5 – Préparation et dépôt d’une requête contestée, y compris les documents et les réponses s’y rapportant

[8] Le défendeur a réclamé cinq unités au titre de l’article 5 [traduction] « pour la préparation et le dépôt de deux requêtes au titre des articles 8 et 74 des RCF et pour le dépôt du dossier du demandeur qui avait été initialement fait en dehors du délai prescrit » (observations du défendeur, au paragraphe 6). Le demandeur n’a présenté aucune observation précise concernant l’article 5.

[9] Mon examen du dossier de la Cour n’a pas révélé que des dépens avaient été adjugés à l’une ou l’autre des parties au titre des requêtes susmentionnées. Dans la décision Canada (Minister of Human Resources Development) v Uzoni, 2006 CAF 344 [Uzoni] au paragraphe 4, l’officier taxateur a déclaré ce qui suit au sujet de l’absence de commentaires de la Cour dans ses décisions en ce qui concerne les dépens :

[traduction]

[4] L’intimée a demandé 4 unités pour son article 4 (Préparation et dépôt d’une requête non contestée, y compris tous les documents, relative au dépôt tardif d’un avis de comparution). J’ai examiné l’ordonnance de la Cour d’appel fédérale du 22 mars 2005, dans laquelle la Cour a accueilli la requête en prorogation du délai du défendeur pour qu’il puisse déposer son avis de comparution. Cela dit, cette ordonnance de la Cour d’appel fédérale ne faisait pas référence à la question des dépens associés à la requête du défendeur. Il est bien établi que les dépens relèvent de la discrétion de la Cour saisie de l’affaire et que, lorsqu’une ordonnance est muette au sujet des dépens, cela emporte qu’il n’y a pas d’exercice visible du pouvoir discrétionnaire de la Cour en vertu du paragraphe 400(1). On peut aussi se rapporter au passage suivant de l’ouvrage de Mark M. Orkin, c.r., The Law of Costs (le droit des dépens) (2e éd.), 2004, au paragraphe 105.7 :

[…] De même, si un jugement est accordé à une partie sans ordonnance adjugeant les dépens, aucune partie ne peut faire taxer les dépens; ainsi, lorsqu’une affaire est réglée sur présentation d’une requête ou au procès sans mention des dépens, c’est tout comme si le juge avait dit qu’il « estimait qu’il ne convenait pas d’adjuger les dépens ».

De façon similaire, je m’appuie sur la décision Kibale c Canada (Secrétaire d’État), [1991] ACF no 15, [1991] 2 CF D‑9, qui fait état du même sentiment :

Si une ordonnance ne fait pas mention des dépens, aucuns dépens ne sont adjugés.

Compte tenu de ces points, j’estime que l’intimée n’a pas droit aux dépens associés à sa demande de prorogation du délai et je refuse les 4 unités réclamées pour ce service à taxer.

[10] La décision Uzoni met en lumière le fait qu’une décision de la Cour doit explicitement adjuger des dépens pour qu’une requête en taxation des dépens puisse être présentée. Cette décision est confirmée par une décision plus récente de la Cour dans l’affaire Tursunbayev c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 457 [Tursunbayev], où la Cour examine, aux paragraphes 39 à 43, la question des décisions qui ne mentionnent pas les dépens. Dans cette décision, la Cour convient que des dépens ne peuvent pas être adjugés dans un tel cas. En appliquant l’orientation fournie dans les décisions Uzoni et Tursunbayev, j’ai déterminé que je n’ai pas le pouvoir d’autoriser la réclamation du défendeur au titre de l’article 5, puisque la Cour ne s’est pas prononcée sur l’adjudication des dépens demandés par ce dernier à l’égard des requêtes en cause. Par conséquent, la réclamation du défendeur au titre de l’article 5 est refusée.

C. Article 12 – Avis demandant l’admission de faits ou admission de faits; avis de production à l’instruction ou à l’audience ou réponse à cet avis

[11] Le défendeur a réclamé deux unités au titre de l’article 12 [traduction] « pour la préparation d’une réponse aux deux demandes d’admission signifiées par le demandeur » (observations du défendeur au para 6; pièces B et C de l’affidavit de Mme Ndabihore). En réponse, le demandeur a soutenu, d’une part, que le défendeur s’était opposé à l’avis d’aveux du demandeur [traduction] « parce qu’il était visé par l’article 255 des RCF, qui s’applique aux actions, dans le cadre de la partie 4, et non aux demandes, dans le cadre de la partie 5 », et, d’autre part, qu’il avait abandonné la demande. Le demandeur a soutenu que la réclamation du défendeur est [traduction] « non justifiée », puisqu’elle vise des dépens qui s’appliquent à des actions, et que [traduction] « la somme réclamée est, à tout le moins, excessive » (réponse du demandeur au para 7). En réponse, le défendeur a soutenu que les événements décrits au paragraphe 7 des observations du demandeur concernent une autre instance devant la Cour fédérale (T-1584-19) et que [traduction] « le défendeur était tenu de répondre aux demandes d’aveux dans la présente instance » (réponse du défendeur au para 5; affidavit de Mme Teran aux para 3 et 4).

[12] Mon examen du dossier de la Cour a révélé que le défendeur a accompli les services à l’égard desquels il a fait une réclamation au titre de l’article 12, puisqu’une réponse à la demande d’admission a été signifiée au demandeur par courriel le 13 septembre 2021 et déposée au greffe le 21 septembre 2021. Selon la colonne III du tableau du tarif B, l’article 12 vise un éventail d’une à trois unités. Je conclus que la décision du défendeur de réclamer deux unités au titre de cet article est raisonnable et compatible avec la décision Allergan Inc c Sandoz Canada Inc, 2021 CF 186, où la Cour a déclaré, au paragraphe 25, que « [l]e niveau “par défaut” des dépens devant notre Cour se situe au milieu de la colonne III du tarif B : article 407 des Règles ». Par conséquent, la réclamation des deux unités au titre de l’article 12 est autorisée telle qu’elle est présentée dans le mémoire des de dépens du défendeur.

D. Article 14 – Honoraires d’avocat : a) pour le premier avocat, pour chaque heure de présence à la Cour

[13] Le défendeur a réclamé neuf unités (deux unités multipliées par 4,5 heures) au titre de l’alinéa 14a) pour la participation d’un avocat à l’audience sur la demande de contrôle judiciaire qui a eu lieu le 21 avril 2022 (observations du défendeur, au paragraphe 5). En réponse, le demandeur a soutenu que [traduction] « [l]e défendeur semble réclamer deux fois les 4,5 unités au titre de cet article » et qu’il [traduction] « devrait se limiter à une seule réclamation de 4,5 unités, pour une somme totale de 720,00 $ » (réponse du demandeur, au paragraphe 8). En réponse, le défendeur a soutenu que l’audience avait duré 4,5 heures et que [traduction] « le nombre minimal d’unités, soit deux unités par heure », est réclamé (réponse du défendeur, au paragraphe 8).

[14] Après examen des observations des parties et du mémoire de dépens du défendeur, je conclus que la réclamation du défendeur au titre de l’alinéa 14a) a été présentée conformément au tarif B. Les réclamations au titre de l’alinéa 14a) se calculent en multipliant la durée de l’audience par un nombre donné d’unités, ce qu’a fait le défendeur. Dans le présent dossier, le résumé de l’audience, qui est un rapport informatisé dans lequel le greffier qui assiste à l’audience décrit celle-ci en détail, indique que l’audition de la demande de contrôle judiciaire a eu lieu par vidéoconférence de 9 h 32 à 13 h 53, et qu’elle a duré 4 heures et 30 minutes. La durée d’audience réclamée par le défendeur est donc étayée par le dossier de la Cour. Après avoir tenu compte des faits susmentionnés, y compris le fait qu’un nombre inférieur d’unités a été choisi au titre de l’alinéa 14a), je conclus qu’il est raisonnable d’autoriser la réclamation de neuf unités, comme le défendeur le demande le mémoire de dépens.

E. Article 26 – Taxation des frais

[15] Le défendeur a réclamé deux unités au titre de l’article 26 pour les services qu’il a accomplis relativement à la présente taxation des dépens. Il a soutenu que [traduction] « [c]ompte tenu du désaccord du demandeur, le défendeur a dû préparer un mémoire de dépens, ainsi qu’un affidavit et des observations à l’appui de la somme réclamée ». Le défendeur a soutenu que ce désaccord [traduction] « a entraîné une dépense supplémentaire en temps » et il a fait remarquer que sa réclamation de deux unités au titre l’article 26 est [traduction] « raisonnable et appropriée » (observations du défendeur, au paragraphe 7).

[16] En réponse, le demandeur a soutenu que les parties participaient à des négociations au sujet des dépens et que [traduction] « [s]i le défendeur avait accepté les dépens proposés par le demandeur, ce dernier aurait rapidement payé 2 800,00 $ ». Le demandeur a soutenu que le défendeur avait initialement demandé des dépens de 3 600,00 $, ce qui comprenait des [traduction] « réclamations excessives ou non justifiées au titre des articles 12 et 14 », et qu’il demandait maintenant des dépens supplémentaires au titre de l’article 26. Le demandeur a demandé que les dépens réclamés par le défendeur lui soient refusés, puisque [traduction] « il faudrait encourager le défendeur à parvenir à un règlement raisonnable des différends concernant les réclamations de dépens et le refus des réclamations au titre de cet article favoriserait une telle approche » (réponse du demandeur, aux paragraphes 9 et 10; affidavit de M. Kohlenberg, aux paragraphes 4 à 7).

[17] En réponse, le défendeur a répété les observations qu’il avait déjà présentées, selon lesquelles le désaccord du demandeur concernant les dépens l’a forcé à préparer un mémoire de dépens et d’autres documents, ce qui a entraîné une dépense supplémentaire en temps (réponse du défendeur, au paragraphe 9).

[18] En plus de mon examen des documents des parties relatifs aux dépens, j’ai examiné les règles de la partie 11 des RCF, qui régissent les dépens, notamment les articles 419 à 422, qui précisent les exigences concernant les offres de règlement et les dépens connexes. Ces règles ne concernent que les offres de règlement présentées avant la conclusion d’une instance devant la Cour. Dans la décision Assn. Olympique Canadienne c Olymel, Société en commandite, [2000] ACF no 1725, [Olymel], la Cour a déclaré ce qui suit, au paragraphe 11 :

[11] Ainsi que le juge Morden l’a souligné dans l’arrêt Data General, précité, l’offre de règlement a pour objet d’inciter les parties à mettre fin au litige en concluant une entente, ce qui est plus rapide et moins coûteux qu’un jugement rendu par le tribunal à l’issue du procès. Il a ajouté que l’incitation à transiger constitue un mécanisme qui permet au demandeur de faire une offre sérieuse au sujet de son estimation de la valeur de la demande, obligeant ainsi le défendeur à procéder dès le début à un examen attentif du fond de l’affaire.

[19] Conformément à l’orientation fournie dans la décision Olymel, je conclus que la tentative des parties de régler la question des dépens de façon informelle après que la Cour a rendu sa décision finale le 15 juin 2022 était une étape que les parties pouvaient envisager, mais qu’il n’y a aucune disposition dans les RCF concernant la possibilité de présenter des offres de règlement des dépens après qu’une décision finale a été rendue et les conséquences possibles d’un refus. Après que les parties n’ont pas pu s’entendre sur les dépens de façon informelle, il était loisible au défendeur de demander officiellement qu’une taxation des dépens soit effectuée par un officier taxateur conformément au paragraphe 406(1) des RCF (pièce F de l’affidavit de Mme Ndabihore). J’ai donc déterminé que la demande de taxation des dépens du défendeur a été présentée conformément aux RCF et que la réclamation au titre de l’article 26 est justifiée.

[20] J’ai examiné les facteurs de détermination du montant des dépens énumérés au paragraphe 400(3) des RCF, notamment aux alinéas a), b), c) et g), et j’ai conclu que les facteurs applicables pour l’article 26 correspondent à ceux des articles 2 et 13(a), que j’ai décrits plus en détail ci-dessus dans les présents motifs (au para 6). Par conséquent, j’ai déterminé que les services accomplis par le défendeur étaient nécessaires pour régler la question des dépens et qu’il est raisonnable d’autoriser la réclamation de deux unités au titre de l’article 26, comme le défendeur le demande dans le mémoire de dépens.

F. Somme totale accordée au défendeur pour les services à taxer

[21] En tout, 20 unités ont été autorisées relativement aux services à taxer du défendeur, pour une somme totale de 3 200,00 $.

IV. Débours

[22] Le défendeur n’a présenté aucune réclamation concernant les débours.

V. Conclusion

[23] Pour les motifs susmentionnés, le mémoire de dépens du défendeur est taxé pour une somme totale de 3 200,00 $, payable par le demandeur, Dale Kohlenberg, au défendeur, le procureur général du Canada. Un certificat de taxation sera également délivré.

« Garnet Morgan »

Officier taxateur

Toronto (Ontario)

Le 4 mai 2023

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-966-21

 

INTITULÉ :

DALE KOHLENBERG c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

AFFAIRE EXAMINÉE À TORONTO (ONTARIO) SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

MOTIFS DE LA TAXATION :

GARNET MORGAN, officier taxateur

 

DATE DES MOTIFS :

LE 4 MAI 2023

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Dale Kohlenberg

 

Pour le demandeur

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Joel Stelpstra

 

POUR le défendeur

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada Ottawa (Ontario)

Pour le défendeur

 

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