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Date : 20230330

Dossier : T-1746-21

Référence : 2023 CF 449

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 30 mars 2023

En présence de madame la juge Sadrehashemi

ENTRE :

BRIGETTE DEMERAIS

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La demanderesse, Brigette Demerais (Mme Demerais), conteste une décision de l’Agence du revenu du Canada [l’ARC] selon laquelle elle n’était pas admissible à la Prestation canadienne de la relance économique [la PCRE]. Le défendeur admet que la décision était inéquitable sur le plan procédural et demande à la Cour de renvoyer l’affaire à un autre décideur de l’ARC pour qu’elle soit réexaminée. Il a proposé de régler l’affaire ainsi avant l’audition de la demande de contrôle judiciaire, mais Mme Demerais a refusé. Elle ne veut pas que l’affaire soit renvoyée à l’ARC. Elle demande plutôt à la Cour, d’une part, d’empêcher l’ARC d’exiger qu’elle rembourse les sommes qu’elle a reçues au titre de la PCRE et, d’autre part, d’adjuger les dépens à l’encontre du défendeur.

[2] J’accueille la demande de contrôle judiciaire, mais je ne peux accorder la réparation que sollicite Mme Demerais. Comme je l’expliquerai ci-après, l’affaire, qui soulève la question de l’admissibilité de Mme Demerais à la PCRE, doit être renvoyée à un autre décideur de l’ARC pour qu’une nouvelle décision soit rendue.

II. La question en litige

[3] Les parties ayant convenu que la décision était inéquitable sur le plan procédural, la seule question en litige est celle de la nature de la réparation que je peux accorder.

[4] Je souligne que Mme Demerais a demandé des mesures de réparation liées à deux autres décisions de l’ARC, l’une relative à l’admissibilité à la Prestation canadienne d’urgence pour les étudiants et l’autre relative à l’allégement des intérêts. Toutefois, je ne suis pas valablement saisie de ces questions. La seule décision qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire est celle par laquelle l’ARC a jugé que Mme Demerais n’était pas admissible à la PCRE.

III. Le contexte

[5] La PCRE fournissait une aide financière directe aux résidents canadiens admissibles à l’égard de toute période de deux semaines entre le 27 septembre 2020 et le 23 octobre 2021 pendant laquelle ils ont été touchés par la pandémie COVID-19. Les résidents devaient satisfaire aux conditions d’admissibilité au cours de chaque période de deux semaines visée. La condition d’admissibilité en cause en l’espèce est la condition relative à la réduction des revenus énoncée à l’alinéa 3(1)f) de la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique, LC 2020, c 12. Aux termes de cet alinéa, le demandeur doit démontrer qu’au cours de la période de deux semaines et pour des raisons liées à la COVID-19, soit il n’a pas exercé d’emploi – ou exécuté un travail pour son compte –, soit il a subi une réduction d’au moins cinquante pour cent de tous ses revenus hebdomadaires moyens d’emploi par rapport à tous ses revenus hebdomadaires moyens pour l’année 2019 ou 2020 ou au cours des douze mois précédant la date de sa demande.

[6] Mme Demerais a demandé et reçu la PCRE à l’égard de deux périodes : du 6 au 10 décembre 2020 et du 20 décembre 2020 au 2 janvier 2021. Elle a reçu 900 $ pour chaque période, soit au total 1 800 $.

[7] En janvier 2021, Mme Demerais a tenté d’obtenir la PCRE à l’égard d’une autre période, mais on lui a demandé de communiquer avec l’ARC. Au cours du même mois, elle a parlé à un agent de l’ARC, qui a affirmé qu’elle n’était pas admissible à la PCRE parce qu’elle avait seulement travaillé à temps partiel en octobre 2020 et qu’elle avait quitté son emploi pour des raisons qui n’étaient pas liées à la COVID-19. L’agent de l’ARC a également demandé des documents aux fins de la validation des revenus. Le 2 mars 2021, l’agent de l’ARC a conclu que Mme Demerais n’était pas admissible à la PCRE du fait qu’elle n’avait pas démontré i) qu’elle remplissait la condition relative au revenu minimal ou ii) qu’elle avait cessé de travailler ou que ses heures de travail avaient été réduites pour des raisons liées à la pandémie de COVID-19.

[8] Mme Demerais a contesté cette décision et demandé un réexamen. À l’appui de sa demande, elle a fourni un feuillet T4 État de la rémunération payée, ainsi que des relevés de compte bancaire à l’égard des mois de janvier, février, mars, avril, mai et juin 2019. Le décideur de l’ARC a tenté de la joindre à deux occasions, en vain. À la deuxième tentative, la personne qui a répondu l’a informé que le numéro de téléphone composé n’était pas celui de Mme Demerais. Dans une note inscrite dans la base de données, le décideur de l’ARC a demandé aux agents de l’ARC de mettre à jour les coordonnées de Mme Demerais en vue d’un appel ultérieur. Toutefois, il n’a pas retenté de joindre Mme Demerais. L’ARC a rendu sa décision définitive selon laquelle Mme Demerais n’était pas admissible du fait que le décideur n’était pas parvenu à la joindre pour confirmer son admissibilité. Les deux parties sont d’accord pour dire que cette décision était inéquitable et que Mme Demerais aurait dû avoir l’occasion de démontrer son admissibilité.

IV. Analyse

[9] Mme Demerais demande à la Cour d’empêcher l’ARC d’exiger qu’elle rembourse les sommes qu’elle a reçues. En fait, elle demande à la Cour de déclarer qu’elle était admissible à la PCRE qu’elle a reçue. La substitution indirecte est un pouvoir exceptionnel de la Cour utilisé seulement lorsqu’il serait inutile de renvoyer l’affaire pour qu’une nouvelle décision soit rendue ou lorsqu’une seule issue est possible (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Tennant, 2019 CAF 206 aux para 79-82; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 142). Aucun de ces cas ne se présente en l’espèce.

[10] Dans ses observations orales, Mme Demerais a expliqué que ses échanges avec les agents de l’ARC et les consignes de l’ARC elles-mêmes avaient causé de la confusion au sujet des conditions d’admissibilité. Aucune de ses observations sur ce point n’avait été présentée au décideur de l’ARC. Mme Demerais pourra les présenter, ainsi que d’autres observations et éléments de preuve, pour démontrer son admissibilité au décideur qui rendra une nouvelle décision.

[11] Étant donné que le défendeur a adopté une démarche conciliante dans la présente affaire, en concédant que l’ARC avait commis une erreur et en faisant au préalable une offre à Mme Demerais en vue de régler l’affaire sans la tenue d’une audience, et compte tenu des facteurs relatifs à l’adjudication des dépens énoncés au paragraphe 400(3) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, j’estime qu’il n’est pas approprié d’adjuger des dépens en l’espèce.

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie;

  2. L’affaire est renvoyée à un autre décideur pour qu’une nouvelle décision soit rendue;

  3. La demanderesse aura l’occasion de présenter des observations et des documents supplémentaires dans le cadre du réexamen;

  4. Aucuns dépens ne sont adjugés aux parties.

(vide)

« Lobat Sadrehashemi »

(vide)

Juge

Traduction certifiée conforme

N. Belhumeur

COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1746-21

INTITULÉ :

BRIGETTE DEMERAIS c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 OCTOBRE 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE SADREHASHEMI

DATE DES MOTIFS :

LE 30 MARS 2023

COMPARUTIONS :

Brigette Demerais

POUR SON PROPRE COMPTE

Melissa Nicolls

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Brigette Demerais

POUR SON PROPRE COMPTE

Ministère de la Justice Canada

Saskatoon (Saskatchewan)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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