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Date : 20230427


Dossiers : T-1244-22

T-1953-22

Référence : 2023 CF 618

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 27 avril 2023

En présence de monsieur le juge Zinn

Dossier : T-1244-22

ENTRE :

DANIEL NOONAN

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

Dossier : T-1953-22

ET ENTRE :

WILLIAM STRECKER

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

Introduction

[1] Les deux demandes en l’espèce ont été entendues ensemble. Bien que chacune soulève des questions propres à ses faits, j’ai conclu qu’elles doivent toutes deux être accueillies en fonction d’une question commune aux deux affaires, celle de savoir si, dans chacune des décisions en litige, l’alinéa 108.17(1)a) des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes [les ORFC] a été interprété raisonnablement de manière à empêcher les deux demandeurs d’opter pour un procès devant une cour martiale plutôt que pour un procès sommaire.

[2] Étant donné que cette question commune permet de trancher les deux demandes, j’exposerai une seule série de motifs qui seront consignés dans chaque dossier.

[3] La question commune concerne l’interprétation de l’alinéa 108.17(1)a) des ORFC qui, au moment pertinent, était libellé comme suit :

108.17 – DEMANDE DE PROCÈS DEVANT UNE COUR MARTIALE

108.17 – ELECTION TO BE TRIED BY COURT MARTIAL

(1) Un accusé qui peut être jugé sommairement à l’égard d’une infraction d’ordre militaire a le droit d’être jugé devant une cour martiale, sauf si les conditions suivantes s’appliquent :

(1) An accused person triable by summary trial in respect of a service offence has the right to be tried by court martial unless:

a) l’infraction a été commise contrairement à l’une des dispositions suivantes de la Loi sur la défense nationale :

(a) the offence is contrary to one of the following provisions of the National Defence Act:

85 (Acte d’insubordination),

85 (Insubordinate Behaviour),

86 (Querelles et désordres),

85 (Insubordinate Behaviour),

90 (Absence sans permission),

86 (Quarrels and Disturbances),

97 (Ivresse),

90 (Absence Without Leave),

129 (Conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline), mais seulement lorsque l’infraction se rapporte à la formation militaire, à l’entretien de l’équipement personnel, des quartiers ou du lieu de travail, ou à la tenue et au maintien;

129 (Conduct to the Prejudice of Good Order and Discipline), but only where the offence relates to military training, maintenance of personal equipment, quarters or work space, or dress and deportment; and

b) les circonstances entourant la commission de l’infraction sont de nature suffisamment mineure pour que l’officier qui exerce sa compétence de juger sommairement l’accusé détermine que, si l’accusé était déclaré coupable de l’infraction, une peine de détention, de rétrogradation ou une amende dépassant 25 pour cent de la solde mensuelle de base ne serait pas justifiée.

(b) the circumstances surrounding the commission of the offence are sufficiently minor in nature that the officer exercising summary trial jurisdiction over the accused concludes that a punishment of detention, reduction in rank or a fine in excess of 25 per cent of monthly basic pay would not be warranted if the accused person were found guilty of the offence.

[4] Cet article a été abrogé le 20 juin 2022, après que les décisions faisant l’objet du présent contrôle ont été rendues.

[5] Deux décisions distinctes ont été prononcées dans chaque affaire. La première a été prise par le président lors du procès sommaire, puis cette décision a été déférée à l'autorité de révision. Les décisions prises dans chaque affaire à ces deux étapes reposent sur un fondement très semblable et, par souci de simplicité, elles seront collectivement appelées la « décision Noonan » et la « décision Strecker ».

Le contexte de la demande du Sgt Noonan

[6] Le sergent (Sgt) Daniel Noonan a été accusé de deux infractions à l’article 129 de la Loi sur la défense nationale, RSC 1985, N-5 [la LDN], à la suite d'incidents au cours desquels il aurait fait des commentaires inappropriés à des membres du personnel civil d'un centre de conditionnement physique des Forces armées canadiennes. Cette disposition est libellée comme suit :

Conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline

Conduct to the Prejudice of Good Order and Discipline

129 (1) Tout acte, comportement ou négligence préjudiciable au bon ordre et à la discipline constitue une infraction passible au maximum, sur déclaration de culpabilité, de destitution ignominieuse du service de Sa Majesté.

129 (1) Any act, conduct, disorder or neglect to the prejudice of good order and discipline is an offence and every person convicted thereof is liable to dismissal with disgrace from Her Majesty’s service or to less punishment.

(2) Est préjudiciable au bon ordre et à la discipline tout acte ou omission constituant une des infractions prévues à l’article 72, ou le fait de contrevenir à

(2) An act or omission constituting an offence under section 72 or a contravention by any person of

a) une disposition de la présente loi; )

(a) any of the provisions of this Act,

b) des règlements, ordres ou directives publiés pour la gouverne générale de tout ou partie des Forces canadiennes;

(b) any regulations, orders or instructions published for the general information and guidance of the Canadian Forces or any part thereof, or

c) des ordres généraux, de garnison, d’unité, de station, permanents, locaux ou autres.

(c) any general, garrison, unit, station, standing, local or other orders,

is an act, conduct, disorder or neglect to the prejudice of good order and discipline.

(3) Est également préjudiciable au bon ordre et à la discipline la tentative de commettre l’une des infractions prévues aux articles 73 à 128.

(3) An attempt to commit any of the offences prescribed in sections 73 to 128 is an act, conduct, disorder or neglect to the prejudice of good order and discipline.

(4) Les paragraphes (2) et (3) n’ont pas pour effet de porter atteinte à l’application du paragraphe (1).

(4) Nothing in subsection (2) or (3) affects the generality of subsection (1).

(5) Le présent article ne peut être invoqué pour justifier une accusation relative à l’une des infractions expressément prévues aux articles 73 à 128; le fait que l’accusation contrevient au présent paragraphe ne suffit toutefois pas pour invalider la condamnation de la personne ainsi accusée, sauf si la contravention paraît avoir entraîné une injustice à son égard.

(5) No person may be charged under this section with any offence for which special provision is made in sections 73 to 128 but the conviction of a person so charged is not invalid by reason only of the charge being in contravention of this subsection unless it appears that an injustice has been done to the person charged by reason of the contravention.

(6) La validité de la condamnation ne porte pas atteinte à la responsabilité d’un officier en ce qui a trait à la contravention.

(6) The responsibility of any officer for the contravention of subsection (5) is not affected by the validity of any conviction on the charge in contravention of that subsection.

[7] Selon le premier chef d’accusation, le 11 février 2021, le Sgt Noonan aurait fait des commentaires déplacés à l’endroit du personnel de gestion d’un centre de conditionnement physique à la BFC Borden, prononçant des mots qui ressemblaient à ceux-ci : [TRADUCTION] « Dennis et les dirigeants sont incompétents, et je ne sais pas pourquoi ils ne sont pas congédiés à cause de ça ».

[8] Selon le deuxième chef d’accusation, le 24 février 2021, le Sgt Noonan aurait fait des commentaires déplacés à l’endroit du personnel de gestion du centre de conditionnement physique, prononçant des mots qui ressemblaient à ceux-ci : « Dites à Dennis, et il va comprendre ce que je veux dire, qu’il sait où me trouver ».

[9] Le Sgt Noonan est un militaire du rang qui fait partie de la force de réserve depuis environ 20 ans. Au moment pertinent, il était en service à temps plein au Quartier général du Groupe du recrutement des Forces canadiennes à la BFC Borden.

[10] Le commandant du Sgt Noonan, le Maj Ty Waldner, a présidé le procès sommaire. Le Maj Waldner a nommé le Capt (promu Maj depuis) Kalen Gourley à titre d’officier délégué pour aider l’accusé. Le Capt Gourley n’est pas avocat.

[11] Avant le procès sommaire, le 26 juillet 2021, le Capt Gourley (son grade à l’époque) a envoyé un courriel au Maj Waldner pour lui faire savoir que, selon lui, le sergent Noonan avait le droit de choisir un procès devant une cour martiale. Après avoir mentionné le paragraphe 108.17(1) et s’être reporté à l’article 129 de la LDN, il a écrit ceci :

[traduction]

Comme je l’ai souligné, étant donné que l’accusation porte sur une infraction à une DOAD [Directives et ordonnances administratives de la Défense], elle n’entre plus dans la catégorie où il est impossible de choisir le mode de procès parce qu’il ne s’agit pas d’une des infractions mineures précisées à l’alinéa (1)a). Par conséquent, le Sgt Noonan avait bien le droit de préciser son choix. Même s’il a exprimé clairement ses intentions, par équité procédurale et souci de corriger la situation, il faut lui accorder 24 heures pour réfléchir et exercer un choix conformément à l’article 108.17, alinéa (1) du volume II des ORFC.

[12] Le 28 septembre 2021, celui qui est devenu le Maj Gourley a transmis au président la demande écrite du Sgt Noonan concernant son choix d’être jugé devant une cour martiale. Le Sgt Noonan a annexé à sa demande un courriel que lui avait envoyé le Maj Melbourne, un avocat des Services d’avocats de la défense.

[13] Dans ce message, le Maj Melbourne affirmait que le Sgt Noonan avait le droit de choisir un procès devant une cour martiale et que son commandant [traduction] « … se méprenait sur le sens littéral du paragraphe 129(1) [...] » de la LDN. Le courriel précisait ce qui suit :

[traduction]

Si j’étais à votre place et que je voulais vraiment être entendu en CM, je soumettrais une note afin de demander un procès devant une CM. Votre C de C se méprend sur le sens littéral du paragraphe 129(1).

***mais seulement lorsque l’infraction se rapporte à la formation militaire, à l’entretien de l’équipement personnel, des quartiers ou du lieu de travail, ou à la tenue et au maintien.

Quand on lit l’intégralité de l’article, il est tout à fait clair qu’il vise SEULEMENT les questions de mouvement. Le « maintien » est défini comme suit dans Le Grand Robert de la langue française [dictionnaire reconnu en droit canadien et au gouvernement fédéral) :

- Manière de se tenir, manifestant les habitudes, le comportement social de quelqu’un

Je conviens que le sens de « deportment » aux États-Unis se rapporte au comportement ou aux manières d’une personne, mais encore là, la définition n’a rien à voir avec des commentaires!

Les problèmes de maintien sont liés à la tenue – par exemple, ne pas saluer.

Si votre C de C n’est pas d’accord avec vous au procès sommaire, je présenterais quand même une demande de révision en vertu de l’article 108.45.

Pouvez-vous imaginer si le maintien visait le comportement en général? Il engloberait littéralement tout et n’importe quoi, ce qui n’est clairement pas l’intention du législateur.

[14] Le Maj Waldner a répondu dans un courriel daté du 1er octobre 2021, où il déclarait avoir reçu un avis juridique qui disait le contraire du Maj Melbourne. Aucune copie de cet avis écrit n’a été fournie à l’époque, ni depuis non plus. Le Maj Waldner a indiqué que, selon lui, les accusations se rapportaient directement à la tenue, au comportement et aux manières, de sorte qu’elles entraient dans la définition du « maintien » figurant dans le dictionnaire :

[traduction]

En ce qui concerne votre droit d’être jugé devant une cour martiale pour les accusations déposées le 29 juin 2021, je tenterai de répondre à vos questions et de vous fournir des commentaires supplémentaires au sujet de l’avis juridique que j’ai reçu et qui semble contredire les conseils du Maj Melbourne. J’aimerais souligner que le Maj Melbourne est avocat de la défense pour le Directeur des Services d’avocats de la défense, qui ne fait pas directement partie du Cabinet du juge-avocat général ou des JAA, et il ne connaît donc pas parfaitement bien les pratiques actuelles relatives aux procès sommaires dans les FAC. Le paragraphe 108.17(1) des ORFC énonce qu’il n’est pas nécessaire d’offrir la possibilité d’être jugé devant une cour martiale dans le cas d’une infraction à l’article 129 de la LDN qui se rapporte à la tenue et au maintien (entre autres) et si les circonstances entourant l’infraction sont mineures. Dans le présent dossier, vous avez précisé ne pas être d’accord que l’infraction se rapporte au « maintien ».

Selon l’article 1.04 des ORFC, les mots et expressions doivent être interprétés selon le sens indiqué dans le Concise Oxford Dictionary s’il s’agit d’un texte anglais ou dans Le Petit Robert s’il s’agit d’un texte français (sauf pour les mots ou expressions techniques définis ailleurs). Mon conseiller juridique m'a fourni la définition suivante : La tenue est définie comme « l'attitude, le comportement ou les manières ». Les détails de vos accusations ont trait directement à votre tenue, à votre comportement et à vos manières dans les incidents qui sont survenus les 11 et 24 février 2021 (et, par conséquent, à votre maintien au sens indiqué ci-dessus), ce qui est visé par l’article 129.

De plus, en ma qualité d’officier investi du pouvoir de juger sommairement un accusé, je conclus, en me fondant sur les accusations initiales, que les incidents allégués sont de nature suffisamment mineure et que, par conséquent, les deux accusations portées contre vous au titre de l’article 129 n’exigent pas que vous soit offerte la possibilité d’être jugé devant une cour martiale. En outre, le JAA Borden m’a informé qu’il s’agit là de la façon prescrite de traiter en toute équité et avec célérité des infractions similaires partout au Canada, et je me sens confiant de pouvoir instruire un procès sommaire à ce stade-ci.

En dernier lieu, au sujet de la demande que vous formulez au paragraphe 3 de votre mémoire en vue de régler votre grief, sachez que vous ne pouvez pas demander une révision en vertu de l’article 108.45 des ORFC puisque le procès sommaire n’a pas encore eu lieu à la date de votre demande. Même dans ce cas, un accusé est innocent jusqu’à preuve du contraire. Par conséquent, si vous êtes jugé non coupable à l’issue du procès a lieu, il ne sera pas nécessaire de présenter une demande de révision.

Si vous êtes reconnu coupable, vous auriez alors le droit de demander une révision conformément à l’article 108.45 des ORFC, mais cette demande de révision suit sa propre procédure indépendante et distincte du processus de règlement des griefs.

[15] Le procès sommaire a eu lieu le 4 octobre 2021 et était ouvert au public. Le président avait organisé la diffusion en direct du procès sommaire au moyen du système de vidéoconférence Teams de Microsoft. Il a refusé d’accéder à la demande du Sgt Noonan, qui souhaitait que le procès soit enregistré.

[16] Le Sgt Noonan a été déclaré coupable aux deux chefs d’accusation et a été condamné à une amende de 250 $.

[17] Le Sgt Noonan a demandé une révision du procès sommaire par l’autorité de révision. Il a présenté plusieurs motifs de révision, notamment le refus du président de lui permettre de choisir d’être jugé devant une cour martiale.

[18] Le président a transmis ses observations à l’autorité de révision dans une lettre datée du 12 octobre 2021.

[19] L’autorité de révision a rendu sa décision dans une lettre datée du 29 octobre 2021, où il confirmait le refus du président de permettre au Sgt Noonan d’être jugé devant une cour martiale au motif que les accusations, à son avis également, se rapportaient au « maintien ». Il a déclaré ce qui suit :

[traduction]

En ce qui concerne la question de la compétence permettant que les accusations soient obligatoirement tranchées par voie sommaire, le président a pris connaissance de vos observations ainsi que des références pertinentes et des conseils de l’avocat militaire de l’unité. Il a ensuite déterminé qu’il avait compétence pour procéder sans qu’un choix du mode d’instruction soit exercé, parce que la question se rapporte à votre maintien et qu’elle est de nature suffisamment mineure pour ne pas nécessiter des pouvoirs de punition supérieurs à ce que permet l’article 108.17 des ORFC. Compte tenu des observations présentées et des références applicables, je suis d’accord et je conclus donc que la décision n’était pas injuste pour ce motif.

[20] La seule question soulevée par le Sgt Noonan dans sa demande de contrôle judiciaire concerne l’interprétation de l’alinéa 108.17(1)a) des ORFC dans la décision Noonan.

Le contexte de la demande du Capc William Strecker

[21] Le capitaine de corvette [Capc] William Strecker a été accusé de deux infractions à l’article 129 de la LDN à la suite d’incidents où il aurait fait des commentaires inappropriés aux candidats durant un cours d’officier de la salle des opérations donné par la Marine royale canadienne alors qu’il était instructeur invité.

[22] La première accusation concernait une situation où, le 1er novembre 2021 ou vers cette date, alors qu’il donnait une formation à des officiers subalternes, il aurait déclaré que [traduction] « la Vice-Cheffe d’état-major de la défense avait été nommée pour des raisons politiques et que seule une candidate trans ou enceinte, ou mieux encore, à la fois trans et enceinte, aurait pu être désignée à sa place », ou quelque chose du genre. La deuxième accusation concernait une situation où, le même jour et dans le cadre du même cours, il aurait déclaré que [traduction] « dans les cas d’inconduite sexuelle, c’est toujours une question de la parole de l’un contre celle de l’autre » et que [traduction] « les enquêtes en cas d’inconduite sexuelle sont inutiles et servent d’outil aux médias pour attaquer les Forces armées canadiennes », ou quelque chose du genre.

[23] Le Capc Strecker est un officier qui sert dans la Force régulière à titre d’avocat militaire depuis environ 18 ans. À l’époque pertinente, il était juge-avocat adjoint à la Base des Forces canadiennes Greenwood. Depuis sa formation de base, le Capc Strecker est affecté au Cabinet du juge-avocat général [le CJAG].

[24] Avant et pendant le procès sommaire, le Capc Strecker a demandé qu’on lui permette d’être jugé devant une cour martiale. Le président, le commodore [Cmdre] Mazur, a rejeté cette demande en raison de la nature mineure des accusations. Le président a décrit ainsi sa décision, rendue au début du procès sommaire :

[traduction]

Lorsque le procès a commencé, le 2 juin, j’ai expliqué après avoir prêté serment pourquoi je n’avais pas donné à l’accusé le droit de choisir un procès devant une cour martiale. En un mot, d’après ce que j’avais lu, j’estimais que les accusations étaient de nature très mineure et que mes pouvoirs de punition étaient suffisants pour répondre à toute éventualité. J’ai affirmé clairement que, si quoi que ce soit dans les témoignages reçus remettait cette décision en question, j’offrirais à l’accusé le droit d’opter pour un procès devant la cour martiale puis que le procès suivrait son cours à partir de là.

[25] Après un ajournement et d’autres observations du Capc Strecker, le président a fait savoir, dans une décision écrite, qu’il avait reçu une opinion juridique. La teneur de cette opinion juridique n’a pas été divulguée. Le point de vue du président est demeuré inchangé, bien qu’il ait ajouté que le Capc Strecker était en uniforme au moment des faits :

[Traduction]

Quant à l’argument du Capc Strecker selon lequel il avait légalement le droit de choisir d’être jugé devant une cour martiale en raison principalement de l’application des termes « tenue » et « maintien » dans les ORFC, il ne me convainc pas. Les circonstances entourant l’incident n’étaient pas complexes et la conduite reprochée était de nature relativement mineure. Le Capc Strecker était en uniforme et donnait une formation à des officiers subalternes au moment où il a fait ses commentaires. Je ne vois aucune raison de considérer sa conduite comme autre chose qu’une question de tenue et de maintien; par conséquent, il n’est pas nécessaire d’offrir la possibilité d’un procès devant une cour martiale.

[26] Le Capc Strecker a demandé au président de procéder à l’enregistrement audio et vidéo de l’instance. Le président a refusé.

[27] Après avoir déclaré le Capc Strecker coupable des deux infractions, il lui a infligé une amende de 900 $.

[28] Le 9 août 2022, le Capc Strecker a demandé la révision des conclusions et de la peine prononcées à l’issue de son procès sommaire. La décision du 25 août 2022 de l'autorité de révision a confirmé que l’accusé n’avait pas le droit d’opter pour un procès devant une cour martiale en raison de la nature des infractions liées à la tenue et au maintien. Cette partie de la décision est libellée comme suit :

[traduction]

Quant à l’argument du Capc Strecker selon lequel il avait légalement le droit de choisir d’être jugé devant une cour martiale en raison principalement de l’application des termes « tenue » et « maintien » dans les ORFC, il ne me convainc pas. Les circonstances entourant l’incident n’étaient pas complexes et la conduite reprochée était de nature relativement mineure. Le Capc Strecker était en uniforme et donnait une formation à des officiers subalternes au moment où il a fait ses commentaires. Je ne vois aucune raison de considérer sa conduite comme autre chose qu’une question de tenue et de maintien; par conséquent, il n’est pas nécessaire d’offrir la possibilité d’un procès devant une cour martiale.

[29] En plus de l’interprétation de l’alinéa 108.17(1)a) des ORFC dans la décision, d’autres questions ont été soulevées, notamment au sujet de la compétence du Lcol Bouchard de renvoyer une accusation à titre de commandant et de l’existence possible d’un conflit d’intérêts avec le CJAG nécessitant que soit offerte la possibilité de choisir le mode d’instruction. Étant donné que la décision relative à la première question soulevée permet de trancher l’affaire, il n’est pas nécessaire pour la Cour de se pencher sur les autres.

La norme de contrôle

[30] Les demandeurs soutiennent que la norme de contrôle applicable aux décisions attaquées, qui découlent de l’interprétation de l’alinéa 108.17(1)a) des ORFC, est celle de la décision correcte parce que les demandes en l’espèce portent [traduction] « sur la primauté du droit dans l’application du CDM [le Code de discipline militaire] ». Le défendeur soutient qu’il s’agit plutôt de la norme de la décision raisonnable.

[31] Les demandeurs reconnaissent qu’il existe [traduction] « de nombreux exemples de contrôles judiciaires » concernant l’administration des affaires des Forces canadiennes où la norme de la décision raisonnable a été appliquée, mais ils soulignent que ces décisions ne sont pas liées au CDM. Selon eux, le nombre de contrôles judiciaires visant des décisions prises sous le régime du CDM est limité, et aucun ne porte sur une décision analogue à celles qui font l’objet du contrôle en l’espèce.

[32] Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], la Cour suprême du Canada a déclaré au paragraphe 16 que le cadre d’analyse qui permet de déterminer la norme de contrôle applicable à une décision administrative repose sur la présomption voulant que cette norme soit celle de la décision raisonnable. Cette présomption peut être réfutée dans deux types de situations. La première est celle où le législateur a indiqué qu’il souhaite l’application d’une norme différente ou d’un ensemble de normes différentes. La deuxième est celle où la primauté du droit commande l’application de la norme de la décision correcte. Au paragraphe 17 de l’arrêt Vavilov, il est indiqué que « [c]’est le cas pour certaines catégories de questions, soit les questions constitutionnelles, les questions de droit générales d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et les questions liées aux délimitations des compétences respectives d’organismes administratifs ».

[33] Il n’est pas contesté que la première exception ne s’applique pas en l’espèce, et les demandeurs admettent qu’aucune question constitutionnelle n’est en jeu. Cependant, ils avancent que leurs demandes soulèvent une question de droit d’une importance capitale pour l’ensemble des Forces canadiennes. Ils soutiennent qu’une seule réponse définitive est requise au sujet de l’interprétation de l’alinéa 108.17(1)a) des ORFC en ce qui a trait aux infractions à l’article 129 de la LDN.

[34] Les demandeurs font valoir aussi que, contrairement à l’arrêt Vavilov, les décisions en l’espèce ne sont pas de nature administrative, mais bien pénale. Ce fait semble avoir été admis par le défendeur, qui écrit dans son mémoire que le projet de loi C-77, ayant abrogé l’article 108.17 des ORFC, [traduction] « a remplacé les procès sommaires par des audiences sommaires, lesquelles sont de nature administrative et sont dépouillées de toutes conséquences pénales ».

[35] Le défendeur soutient que la norme de contrôle appropriée qui s’applique à ces demandes a été énoncée par notre Cour dans la décision Thurrot c Canada (Procureur général), 2018 CF 577 [Thurrot], où le juge Boswell a conclu que la norme de contrôle applicable à la décision rendue par l’autorité de révision au titre de l’article 108.45 des ORFC est celle de la décision raisonnable. Au paragraphe 13, le juge Boswell, après une analyse détaillée, a conclu ce qui suit :

Sur cette question, je conclus donc que la norme de contrôle appropriée à l’égard de la décision de l’autorité compétente pour réviser le verdict est la norme de la décision raisonnable. L’autorité compétente pour réviser le verdict interprétait sa loi constitutive, elle avait une expertise dans le domaine, elle évaluait des questions de fait ou des questions mixtes de fait et de droit, et elle exerçait un rôle spécialisé.

[36] Les demandeurs sont d’avis que la décision Thurrot, qui est antérieure à l’arrêt Vavilov, possède une [traduction] « utilité limitée » au regard des décisions contestées en l’espèce. Ils soulignent que, dans la décision Canada (Directeur des poursuites militaires) c Canada (Cabinet du juge militaire en chef), 2020 CF 330 au para 122, le juge Martineau a appliqué la norme de la décision raisonnable lors du contrôle d’une décision fondée sur le CDM concernant la tentative ratée du directeur des poursuites militaires de poursuivre l’ancien juge militaire en chef, mais il a néanmoins reconnu ce qui suit :

D’un autre côté, cette affaire présente des défis uniques pour le système de justice militaire canadien. Le processus actuel de convocation d’une cour martiale et de désignation du juge militaire chargé de la présider est sérieusement mis à mal lorsque le juge militaire en chef — ou son délégué — a un conflit d’intérêts, ou qu’il n’y a pas d’autres juges militaires impartiaux possédant les compétences linguistiques requises. Aussi, il nous apparaît que la portée juridique du pouvoir de désignation prévu à l’article 165.25 de la LDN entre dans la catégorie des questions de droit générales « d’importance capitale pour le système juridique dans son ensemble » (Vavilov, aux paragraphes 17, 53, 58–62). En pareil cas, une réponse unique et définitive s’impose (Vavilov, au paragraphe 62).

[Non souligné dans l’original.]

[37] Les remarques incidentes du juge Martineau ont trait à la sélection de juges compétents et impartiaux pour rendre des décisions. Je conviens qu’il s’agit d’une question d’importance capitale pour le système juridique. L’enjeu n’est pas le même dans les présentes demandes. Je ne suis pas convaincu que l’arrêt Vavilov n’oriente pas le choix de la norme de contrôle applicable en l’espèce.

[38] Dans les affaires dont la Cour est saisie ici, l’autorité de révision interprète l’alinéa 108.17(1)a) des ORFC en ce qui a trait à l’article 129 de la LDN. Ces questions ne sont pas d’une « importance fondamentale, de grande portée » et susceptibles d’avoir des répercussions juridiques significatives sur le système de justice dans son ensemble ou sur d’autres institutions gouvernementales : voir Vavilov, au para 59. En l’espèce, l’alinéa 108.17(1)a), en ce qui concerne l’article 129 de la LDN, n’a pas d’incidence juridique sur d’autres lois, n’est pas largement applicable au CDM et n’a pas d’incidence au-delà des deux décisions faisant l’objet du contrôle. Il n’y a aucune « répercussion juridique significative » dans les présentes affaires. De plus, « la norme de la décision raisonnable est la norme de contrôle qui est présumée s’appliquer aux décisions administratives, en particulier lorsque le litige concerne l’interprétation de la loi constitutive du tribunal » : Subramaniam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CAF 202 au para 17. Les demandeurs ne réfutent pas la présomption d’application de la norme de la décision raisonnable.

[39] La révision des décisions se fera au regard de la norme de la décision raisonnable.

Le caractère raisonnable de l’interprétation donnée par l’autorité de révision

[40] L’autorité de révision dans la décision Noonan a affirmé qu’il n’était pas nécessaire d’offrir un procès devant une cour martiale parce que la question était liée au maintien, tandis que l’autorité de révision a déclaré dans la décision Strecker que c’était parce que la question se rapportait à la tenue et au maintien.

[41] Je suis d’accord avec l’argument de l’avocat des demandeurs selon lequel l’autorité de révision dans la décision Strecker semble avoir conclu que la question se rapportait à la tenue et au maintien parce que le Capc Strecker était en uniforme et donnait une formation à des officiers subalternes au moment où il a fait ses commentaires. L’autorité de révision dans cette décision semble être d’avis que les termes « à la tenue et au maintien » doivent être lus de manière conjonctive; de son côté, l’autorité de révision dans la décision Noonan ne parle que du « maintien », ce qui laisse croire qu’elle interprète les termes de manière disjonctive.

[42] Face à cette divergence apparente, l’avocat du défendeur a soutenu que la conjonction « et » dans l’expression « à la tenue et au maintien » employée à l’alinéa 108.17(1)a) doit être interprétée comme signifiant « et/ou ». À son avis, l’interprétation des mots « à la tenue et au maintien » de façon conjonctive dans tous les cas peut entraîner des incohérences par rapport à l’objet et à l’intention du régime législatif. Il fait valoir qu’une telle interprétation [traduction] « risquerait d’avoir pour résultat de restreindre artificiellement la possibilité de choisir un procès devant une cour martiale aux infractions qui comportent une conduite liée soit à la « tenue », soit au « maintien », mais pas aux deux ».

[43] Même lorsque les décideurs interprètent leur loi constitutive, ils doivent respecter les principes d’interprétation législative établis par les tribunaux canadiens, et très certainement par la Cour suprême du Canada.

[44] Selon l’approche moderne en matière d’interprétation des lois, « il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’économie de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » : voir Rizzo & Rizzo Shoes Ltd (Re), [1998] 1 RCS 27 au para 21.

[45] Dans l’arrêt Vavilov, la Cour suprême du Canada précise au paragraphe 118 que le principe moderne de l’interprétation des lois s’applique aux décideurs administratifs qui interprètent les lois :

Notre Cour a adopté ce « principe moderne » en tant que méthode appropriée d’interprétation des lois parce que c’est uniquement à partir du texte de loi, de l’objet de la disposition législative et du contexte dans son ensemble qu’il est possible de saisir l’intention du législateur : Sullivan, p. 7‑8. Les personnes qui rédigent et adoptent des textes de loi s’attendent à ce que les questions concernant leur sens soient tranchées à la suite d’une analyse qui tienne compte du libellé, du contexte et de l’objet de la disposition concernée, que l’entité chargée d’interpréter la loi soit une cour de justice ou un décideur administratif. Une méthode de contrôle selon la norme de la décision raisonnable qui respecte l’intention du législateur doit donc tenir pour acquis que les instances chargées d’interpréter la loi — qu’il s’agisse des cours de justice ou des décideurs administratifs — effectueront cet exercice conformément au principe d’interprétation susmentionné.

[46] Dans les affaires dont la Cour est saisie en l’espèce, on ne peut pas dire que l’interprétation des décideurs se fonde sur le principe moderne. Bien que la Cour suprême ait reconnu dans l’arrêt Vavilov que le raisonnement d’un décideur administratif n’a pas à énoncer le même genre de raisonnement qu’un tribunal, il n’en demeure pas moins, comme elle l’affirme au paragraphe 120, que le principe moderne doit être respecté :

Or, quelle que soit la forme que prend l’opération d’interprétation d’une disposition législative, le fond de l’interprétation de celle‑ci par le décideur administratif doit être conforme à son texte, à son contexte et à son objet. En ce sens, les principes habituels d’interprétation législative s’appliquent tout autant lorsqu’un décideur administratif interprète une disposition. Par exemple, lorsque le libellé d’une disposition est « précis et non équivoque », son sens ordinaire joue normalement un rôle plus important dans le processus d’interprétation : Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601, par. 10. Lorsque le sens d’une disposition législative est contesté au cours d’une instance administrative, il incombe au décideur de démontrer dans ses motifs qu’il était conscient de ces éléments essentiels.

[47] Dans la décision Noonan, l’interprétation des termes « à la tenue et au maintien » qu’on retrouve à l’alinéa 108.17(1)a) ne tient compte que du « maintien ». Le sens des mots dans cette expression ou dans l’ensemble de l’article 129 de la LDN, qui est repris à l’alinéa 108.17(1)a), n’est pas examiné. Cette interprétation ne correspond ni au libellé ni au contexte. De plus, l’objet de l’alinéa 108.17(1)a) n’a pas été analysé. L’interprétation manque donc d’intelligibilité, de justification et de transparence.

[48] Dans la décision Strecker, l’interprétation des termes « à la tenue et au maintien » employés à l’alinéa 108.17(1)a) ne porte pas non plus sur les mots utilisés dans cette expression ou dans l’ensemble de l’article 129 de la LDN, qui est repris à l’alinéa 108.17(1)a). Elle ne correspond pas plus au libellé ni au contexte. De même, l’objet de l’alinéa 108.17(1)a) n’a pas été analysé. L’interprétation manque donc d’intelligibilité, de justification et de transparence.

[49] Je suis d’accord avec les demandeurs pour dire qu’en appliquant le principe moderne d’interprétation, il n’y a qu’un seul sens raisonnable à donner aux termes « à la tenue et au maintien » à l’alinéa 108.17(1)a). Ce n’est pas celui qui est énoncé dans les décisions faisant l’objet du contrôle.

[50] Voici l’analyse qui aurait dû être faite. Il faut commencer par le contexte, c’est-à-dire l’article 129 de la LDN. Le droit de choisir un procès devant une cour martiale pour une conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline est refusé :

[…] seulement lorsque l’infraction se rapporte à la formation militaire, à l’entretien de l’équipement personnel, des quartiers ou du lieu de travail, ou à la tenue et au maintien; […]

[51] Je me range à la thèse des demandeurs et je conclus que, lorsque la loi énumère une série de facteurs, ces facteurs appartiennent, selon la règle ejusdem generis, au même type ou à la même catégorie. En l’espèce, la nature précise de l’inconduite reprochée est l’objet de l’article 129 de la LDN (voir Nanaimo (Ville) c Rascal Trucking Ltd, 2000 CSC 13 aux para 16, 22).

[52] L’article 129 de la LDN crée des infractions pour assurer la discipline, l’efficacité et le moral des membres des Forces canadiennes. Il s’applique à un large éventail de comportements, d’actes ou d’omissions qui peuvent être considérés comme préjudiciables au bon ordre et à la discipline : voir R c Golzari, 2017 CACM 3 au para 69.

[53] L’exception prévue à l’alinéa 108.17(1)a) des ORFC se limite à « la formation militaire, à l’entretien de l’équipement personnel, des quartiers ou du lieu de travail, ou à la tenue et au maintien ». Compte tenu de cette limite quant à la possibilité d’être jugé devant une cour martiale, l’alinéa 108.17(1)a) des ORFC, qui a trait à l’article 129 de la LDN, a été promulgué pour l’instruction d’infractions mineures qui pouvaient être traitées efficacement et rapidement au moyen d’un procès sommaire. Ces infractions ne peuvent être l’objet d’un choix pour cette raison.

[54] L’application de la règle ejusdem generis ou « règle des choses du même ordre » milite en faveur de l’interprétation avancée par les demandeurs, soit qu’il est considéré à l’alinéa 108.17(1)a) que la tenue et le maintien constituent un seul terme technique faisant partie d’une des trois catégories énumérées en lien avec l’article 129 de la LDN et se rapportant aux deux autres catégories connexes.

[55] D’après une lecture conjonctive, les termes « à la tenue et au maintien », interprétés comme il se doit, signifient que le « maintien » concerne « la tenue », ce qui engloberait notamment le port de l’uniforme, la propreté de l’uniforme, le cirage des bottes ou d’autres infractions liées à la tenue. Cette interprétation établit une concordance avec les autres infractions mineures pour lesquelles aucun choix du mode d’instruction n’est offert, à savoir, « la formation militaire » et « l’entretien de l’équipement personnel, des quartiers ou du lieu de travail ».

[56] Si les termes « à la tenue et au maintien » sont interprétés de façon disjonctive, comme ce fut le cas dans la décision Noonan, le fait d’isoler le terme « maintien » ferait en sorte qu’une infraction se rapportant « à la tenue, au comportement ou aux manières » ne pourrait donner lieu qu’à un procès sommaire. Cette situation ne respecterait pas l’intention du législateur, soit que les infractions visées doivent être mineures. Par exemple, les voies de fait contre un collègue militaire ou un membre de la population pourraient entrer dans cette définition large.

[57] De plus, l’interprétation de l’alinéa 108.17(1)a) des ORFC en lien avec l’article 129 de la LDN démontre que le gouverneur en conseil n’avait pas l’intention de donner un sens disjonctif aux termes « à la tenue et au maintien ». Si tel avait été le cas, il aurait employé le libellé « à la tenue ou au maintien » comme il l’a fait dans l’expression « à l’entretien de l’équipement personnel, des quartiers ou du lieu de travail ». L’utilisation de la conjonction « et » porte à croire que le gouverneur en conseil était conscient de l’objet de l’alinéa 108.17(1)a) des ORFC et que son intention était que la disposition soit interprétée de manière conjonctive.

[58] Je répète que l’expression « à la tenue et au maintien » ne doit pas être interprétée de façon conjonctive en ce sens qu’un membre doit contrevenir aux exigences relatives aussi bien à la « tenue » qu’au « maintien » de façon indépendante pour se voir refuser le droit d’être jugé devant une cour martiale au titre de l’alinéa 108.17(1)a) des ORFC. L’expression « à la tenue et au maintien » doit plutôt recevoir une interprétation conjonctive et régir ainsi le maintien en ce qui a trait à l’uniforme, comme le port de l’uniforme, la propreté de l’uniforme, etc.

[59] Cette interprétation assure une cohérence avec les autres infractions mineures ne donnant pas droit au choix d’instruction et avec le libellé de même que le contexte de l’alinéa 108.17(1)a).

[60] Pour ces raisons, les décisions faisant l’objet du contrôle en l’espèce, tant en ce qui concerne la déclaration de culpabilité que la peine, doivent être annulées.

[61] Chaque demandeur aura droit aux dépens relatifs à sa demande.


JUGEMENT dans les dossiers T-1244-22 et T-1953-22

LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit :

1. Les demandes en l’espèce sont accueillies.

2. Les délibérations entreprises en vertu du Code de discipline militaire contre les deux demandeurs, à la fois la déclaration de culpabilité et la peine imposée, sont annulées.

3. Chacun des demandeurs a droit à ses dépens, fixés à 2 500 $.

 

« Russel W. Zinn »

 

Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Corbeil


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossiers :

T-1244-22 et T-1953-22

 

DOSSIER :

T-1244-22

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

DANIEL NOONAN c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

ET DOSSIER :

T-1953-22

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

WILLIAM STRECKER c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 MARS 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

 

DATE :

LE 27 AVRIL 2023

 

COMPARUTIONS :

Rory Fowler

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Taylor Andreas

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cabinet de Rory G. Fowler

Avocats

Kingston (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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