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Date : 20230403


Dossiers : T-148-19

T-149-19

T-150-19

Référence : 2023 CF 432

Ottawa (Ontario), le 3 avril 2023

En présence de la juge en chef adjointe Gagné

Dossier : T-148-19

ENTRE :

9616934 CANADA INC.

demanderesse

et

MINISTRE DU PATRIMOINE CANADIEN

défendeur

Dossier : T-149-19

ET ENTRE :

9501894 CANADA INC.

demanderesse

et

MINISTRE DU PATRIMOINE CANADIEN

défendeur

Dossier : T-150-19

ET ENTRE :

9849262 CANADA INC.

demanderesse

et

MINISTRE DU PATRIMOINE CANADIEN

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Survol

[1] La Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e suppl.) [LIR] confère au ministre du Patrimoine canadien le pouvoir de délivrer des certificats ouvrant droit au Crédit d’impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne à l’égard de productions télévisuelles canadiennes.

[2] La présente demande vise le refus par le ministre de délivrer de tels certificats à l’égard de trois productions intitulées respectivement Croisières de rêve 4, Soleil tout inclus 8 et Soleil tout inclus 9, au motif qu’elles constituent « de la publicité », un genre exclu du crédit d’impôt par le Règlement de l’impôt sur le revenu, CRC c 945 [Règlement].

[3] Les demanderesses sont des sociétés liées, constituées uniquement pour les fins des productions télévisuelles en question. Leurs demandes de contrôle judiciaire reposent essentiellement sur les mêmes faits et elles soulèvent les mêmes questions de droit; elles ont donc été jointes pour auditions.

II. Faits

[4] Afin d’encourager et de stimuler le développement du secteur national de production, le Canada offre des crédits d’impôt aux producteurs canadiens. Le crédit d’impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne en cause dans cette affaire est accordé sur la main-d’œuvre canadienne, engagée pour travailler sur des productions télévisuelles canadiennes.

[5] L’accès à ce crédit d’impôt est restreint par la définition de « production cinématographique ou magnétoscopique » que l’on retrouve à l’article 125.4 (1) de la LIR et qui prévoit que certains genres de productions, énumérés à l’article 1106(1) du Règlement, n’y sont pas admissibles.

[6] Le ministre détermine l’admissibilité au crédit d’impôt sur la base des renseignements fournis par le producteur et de la recommandation formulée par le Bureau de certification des produits audiovisuels canadiens [BCPAC], une unité du ministère du Patrimoine canadien spécialisée dans la mise en œuvre de ces programmes. La décision finale est ensuite prise au nom du ministre par un cadre du ministère.

[7] Si une production est admissible, le ministre émet le Certificat de production cinématographique ou magnétoscopique canadienne (communément appelé partie A), dont le dépôt est l’une des exigences pour qu’une société se qualifie pour le crédit d’impôt.

[8] L’article 125.4 (1) de la LIR prévoit notamment ce qui suit :

Production cinématographique ou magnétoscopique canadienne S’entend au sens du Règlement de l’impôt sur le revenu. (Canadian film or video production)

[9] L’article 1106(4) du Règlement prévoit qu’une telle production en est une qui n’est pas une production exclue au sens de l’article 1106(1) du Règlement, lequel prévoit notamment ce qui suit :

production exclue Production cinématographique ou magnétoscopique d’une société canadienne imposable visée (appelée « société donnée » à la présente définition), qui, selon le cas :

[…]

b) est une production qui est, selon le cas :

(i) une émission d’information, d’actualités ou d’affaires publiques ou une émission qui comprend des bulletins sur la météo ou les marchés boursiers,

(ii) [Abrogé, DORS/2016-262, art. 1]

(iii) une production comportant un jeu, un questionnaire ou un concours, sauf celle qui s’adresse principalement aux personnes mineures,

(iv) la présentation d’une activité ou d’un événement sportif,

(v) la présentation d’un gala ou d’une remise de prix,

(vi) une production visant à lever des fonds,

(vii) de la télévision vérité,

(viii) de la pornographie,

(ix) de la publicité,

(x) une production produite principalement à des fins industrielles ou institutionnelles,

(xi) une production, sauf un documentaire, qui consiste en totalité ou en presque totalité en métrage d’archives. (excluded production)

(mon emphase)

[10] Une production qui est de la publicité n’est donc pas une production cinématographique ou magnétoscopique canadienne admissible au crédit d’impôt.

[11] Par ailleurs, l’article 124.5(7) de la LIR permet — ou plutôt semble imposer — au ministre de publier des lignes directrices afin de baliser les conditions d’émission du certificat :

Lignes directrices

(7) Le ministre du Patrimoine canadien publie des lignes directrices sur les circonstances dans lesquelles les conditions énoncées dans la définition de certificat de production cinématographique ou magnétoscopique canadienne au paragraphe (1) sont remplies. Il est entendu que ces lignes directrices ne sont pas des textes réglementaires au sens de la Loi sur les textes réglementaires.

A. Faits antérieurs aux demandes ayant mené aux décisions contestées

[12] Afin de bien comprendre certains des arguments soulevés par les demanderesses, il est nécessaire de dresser un court historique de la position adoptée par le ministre à l’égard de la définition de publicité pour les fins de l’exclusion prévue au Règlement.

[13] D’abord, dans ses lignes directrices publiées en avril 2012 [Lignes directrices 2012], le ministre propose la définition suivante :

i) De la publicité : Une production qui comprend :

(a) Les messages publicitaires visant la vente ou la promotion de biens, de services, de ressources naturelles ou d’activités, y compris tout message qui mentionne ou montre dans une liste de prix, le nom de la personne qui fait la vente ou la promotion de ces biens, services, ressources naturelles ou activités (aussi « message publicitaire »).

(b) Les infopublicités, vidéos promotionnelles et d’entreprise dont la durée excède 12 minutes et qui offrent du divertissement ou de l’information combinés à la vente ou à la promotion de biens ou de services dans un ensemble presque indiscernable. Cela comprend les vidéos et les films, peu importe la durée, produits par des particuliers, des groupes et des entreprises aux fins de relations publiques, de recrutement, etc.

La publicité désigne aussi les messages et les émissions publicitaires qui font la promotion d'une station, d’un réseau ou d’une émission, mais ne comprend pas :

(a) l’identification d’une station ou d’un réseau;

(b) l’annonce d’une prochaine émission durant un générique;

(c) une émission composée exclusivement de petites annonces, si l’émission n’est diffusée qu’une fois pendant une journée de diffusion et si elle ne dure pas plus d'une heure;

(d) la promotion d’une émission canadienne ou d’un long métrage canadien, même si un commanditaire figure dans le titre de l’émission au du film, ou figure à titre de commanditaire de l’émission au du film, lorsque l’identification se limite au nom du commanditaire et qu’elle ne comprend aucune description, représentation ou caractéristique des produits ou des services du commanditaire.

[14] Par leur titre, on comprend que les trois productions en cause font partie de séries. Or, les productions de la même série qui ont précédé celles qui nous concernent ont été certifiées par le ministre et ont bénéficié du crédit d’impôt.

[15] Toutefois, en août 2014 et en février 2016, le BCPAC avise les demanderesses qu’il considère que les séries télévisuelles Croisières de rêves et Soleil tout inclus constituent de la publicité exclue et que les certificats antérieurs ont été émis par erreur. On avise les demanderesses que toutes productions futures répondant au même concept seront exclues.

[16] En février 2016, le ministre publie un avis public par lequel il propose certaines modifications à la définition de publicité comprise dans ses Lignes directrices 2012, et par lequel il sollicite les commentaires de l’industrie. La définition proposée se lit comme suit :

(ix) de la publicité

Une production qui :

comprend un appel au téléspectateur afin qu’il passe à l’action (par exemple, en téléphonant, en visitant un magasin, en consultant le site Web de la marque ou un site de vente au détail),

comprend le nom d’une marque dans le titre, ou

excède le temps d’exposition maximum admissible à l’écran1 des logos d’une marque ou des références positives à la marque.

1 Le BCPAC sollicite des commentaires en rapport avec la définition du « temps d’exposition maximum admissible à l’écran ».

[17] En mars 2017, le ministre publie un nouvel avis public qui, cette fois, remplace la définition de publicité contenue aux Lignes directrices 2012 par la suivante [Lignes directrices 2017] :

De la publicité :

Il s’agit d’une production :

• qui est un message publicitaire ou une infopublicité;

• qui comprend un appel à l’action sollicitant les téléspectateurs afin qu’ils achètent un bien ou un service (p. ex. diriger le téléspectateur vers un magasin ou un site Web autre que le site Web de la production);

• qui fait la promotion d’horaires de diffusion ou d’émissions; ou

dont plus de 15 % de la durée consiste à :

- vanter les mérites d’un ou de plusieurs produits, services, événements, organisations ou entreprises, et/ou

- afficher des logos ou d’autres images de marque.

(mon emphase)

B. Les demandes de certification

[18] En juin 2016 (donc après l’Avis Public de 2016, mais avant les Lignes directrices 2017), les demanderesses présentent leurs demandes de certification pour les productions Croisières de rêve 4 et Soleil tout inclus 8; elles allèguent avoir modifié le contenu de ces productions par rapport aux précédentes saisons afin de tenir compte des avis reçus du BCPAC.

[19] En avril 2017, les demanderesses présentent leur demande de certification pour la production Soleil tout inclus 9.

[20] Il y a un certain va-et-vient entre les demanderesses et les agents du BCPAC en charge des trois demandes. Les agents qui examinent les productions à la lumière des Lignes directrices 2017 requièrent des vidéos additionnelles afin de déterminer le pourcentage du contenu de certains épisodes représentatifs qui consiste à « vanter les mérites » des croisières ou destinations soleil en cause.

[21] Un agent du BCPAC dans chaque dossier produit un mémo de conformité contenant une recommandation de refus de la certification. Un comité de conformité composé de six ou sept agents du BCPAC s’est ensuite rencontré afin de discuter du dossier; sa décision est de maintenir la recommandation.

[22] En décembre 2017, le BCPAC transmet aux demanderesses des Préavis de refus à l’égard des productions Soleil tout inclus 8 et Soleil tout inclus 9. On y indique que le contenu des épisodes soumises au BCPAC avec les demandes est de la nature d’une infopublicité centrée autour de la promotion des différents hôtels et destinations touristiques. Voici comment le BCPAC décrit le concept de l’émission :

La production SOLEIL TOUT INCLUS [8 ou 9 selon le cas] est structurée de façon à présenter en détails ces complexes hôteliers et destinations en mettant l’accent [sur] leurs avantages et points positifs. La production vante les mérites d’une panoplie de sites, installations, forfaits, activités et services, dont l’hébergement et la restauration. À chaque épisode, l’animatrice visite divers complexes hôteliers et fait la revue de tous les avantages que le consommateur pourrait y retrouver (voir les exemples décrits en annexe). L’ensemble de ces éléments représentent bien au-delà de 15 % de la durée de la production.

[23] Le BCPAC invite toutefois les demanderesses à lui transmettre tout nouveau renseignement susceptible d’influencer son évaluation du dossier, ce que font les demanderesses en date du 22 février 2018. Nous reviendrons plus loin sur les arguments qui y sont soulevés puisque pour l’essentiel, on les retrouve au cœur du présent débat.

[24] Le 17 avril 2018, le BCPAC informe les demanderesses qu’il fera connaître sa décision à l’égard des trois demandes une fois que cette Cour aura rendu sa décision dans le dossier T-1483-16, laquelle concerne une série télévisuelle appelée Villas de rêve. Ironiquement, la décision de la Cour est émise dès le lendemain dans Serdy Vidéo II Inc. c Canada (Patrimoine), 2018 CF 413. Nous reviendrons également sur cette décision plus loin.

[25] En juin 2018, le BCPAC transmet son Préavis de refus à l’égard de la production Croisières de rêve 4, le contenu duquel est similaire au précédent.

[26] Toujours en juin 2018, les demanderesses soumettent au BCPAC des observations additionnelles relatives aux productions Soleil de rêve 8 et 9, lesquelles sont accompagnées d’une clé USB contenant des épisodes des productions Soleil de rêve 6 et 7, ainsi des épisodes de la production Villas de rêve traitée par la Cour dans Serdy. Les demanderesses commentent cette décision et réitèrent avoir ajusté leur concept à la lumière des avis reçus en 2014 et 2016 concernant la série Soleil tout inclus. À noter que l’agent du BCPAC accuse réception de cette missive, mais il informe les demanderesses que la clé USB ne fonctionne pas; il demande qu’on lui en transmette une autre. Les demanderesses transmettent également des transcriptions annotées supplémentaires accompagnées de calculs détaillés qui démontrent qu’un nombre important d’émissions ne respectant pas la définition de publicité énoncée dans L’Avis public ont tout de même été certifiées.

[27] Les 7 et 8 août 2018, les demanderesses répondent par deux lettres distinctes au Préavis de refus visant Croisières de rêve 4. Les deux lettres contiennent un post scriptum indiquant qu’une clé USB est expédiée séparément au BCPAC le même jour. À noter que le BCPAC affirme avoir reçu une seule clé USB et non deux.

[28] Le 30 août 2018, le comité de conformité se réunit à nouveau afin de discuter de la réponse au Préavis de refus; il maintient sa position initiale. Une note de service recommandant le refus de la demande est transmise à un fonctionnaire du BCPAC agissant pour le compte du ministre.

[29] Le 21 décembre 2018, le ministre transmet aux demanderesses son Avis de refus à l’égard des trois demandes sous étude. Il s’agit de la décision faisant l’objet de la présente demande.

C. Les productions et budgets de production

(1) Croisières de rêve 4

[30] Les demanderesses font valoir que cette série exploite le rêve; elle permet au téléspectateur de voyager à travers le monde à bord de bateaux de croisière tout en demeurant confortablement assis dans son salon. Le Synopsis général de l’émission se lit d’ailleurs comme suit :

On dit souvent qu’un séjour sur un paquebot est une destination en soi! Mais en plus du plaisir de profiter des atouts de ces navires, les croisières permettent de découvrir plusieurs destinations au cours d’un même séjour. Bref, les vacances en croisière proposent le meilleur de tous les mondes.

L’Alaska, la Birmanie, les côtes Africaines, Les Caraïbes et l’Elbe en Europe centrale ne sont que quelques exemples de destinations réputés qui seront présentées dans cette série. Nous profiterons de ces escales pour visiter des lieux mythiques, faire des découvertes historiques et faire des activités parfois physiques tout en découvrant du pays.

La série Croisières de Rêve 4 est une vibrante exploration de la vie à bord de ces palaces flottants. Préparez-vous à faire l’expérience de petits luxes, d’attentions spéciales, de spectacles majestueux, de cabines de grand luxe et d’excursions emballantes.

Croisières de Rêve 4 est la série télé de référence sur l’expérience du voyage à bord de bateaux de croisières; Treize (13) épisodes proposant la découverte de navires époustouflants et l’exploration des plus belles destinations de la planète.

[31] Cette production n’a pas d’animateur, mais utilise plutôt un narrateur qui décrit l’expérience vécue par les passagers. Un caméraman suit les passagers dans toutes les étapes du voyage, que ce soit durant les activités offertes sur le navire ou lors des excursions qui se font à partir des ports des différents pays visités.

[32] Elle est diffusée sur Canal Évasion, une chaine de langue française spécialisée dans les émissions sur les voyages, le tourisme, l’aventure et les plaisirs de la table.

[33] Selon un document intitulé « Structure de Financement » et daté de 2016, le budget de production pour Croisières de rêve 4 est de 1 055 771 $ et il est répartit comme suit :

Canal évasion : 208 000 $

Crédit d’impôt provincial : 168 923 $

Crédit d’impôt fédéral : 133 027 $

Part producteur : 545 820 $

(2) Soleil tout inclus 8 et 9

[34] Dans cette production, également diffusée sur Canal Évasion, le spectateur suit une animatrice dans diverses destinations soleil. À nouveau, les demanderesses affirment que cette série permet aux téléspectateurs de voyager sans frais, dans le confort de son salon. Le Synopsis qui se trouve au Rapport du dossier du BCPAC décrit ainsi la production :

Soleil tout inclus […] nous fait découvrir les lieux de vacances qui offrent des forfaits tout inclus. De la République Dominicaine en passant par le Mexique, Roatan, Cuba, la Jamaïque et Haïti et nous visiterons les hôtels qui conviennent à tous les budgets et à tous les types de vacanciers. Nous ferons des excursions afin de découvrir les secrets cachés de ces destinations où le soleil, la mer, la plage et le rêve sont rois et maîtres. Prenez votre crème solaire et votre chapeau de paille et venez avec nous au Soleil... tout inclus!

[35] Selon un document intitulé « Structure de Financement » et daté de 2016, le budget de production de Soleil tout inclus 8 est de 540 785 $ réparti comme suit :

Canal Évasion : 112 000$

Part du producteur : 267 226$

Crédit d’impôt provincial : 94 637$

Crédit d’impôt fédéral : 66 922$

[36] Selon un document intitulé « Structure de Financement » et daté de 2016, le budget de production de Soleil tout inclus 9 est de 1 008 655 $ réparti comme suit :

Canal Évasion : 240 500 $

Part producteur : 161 745 $

Crédit d’impôt provincial : 161 385 $

Crédit d’impôt fédéral : 127 091 $

Filmoption International Inc. : 130 000 $ (droits de distribution)

Transat Tour Canada Inc. : 187 935 $ (commandite)

III. Décision contestée

[37] Dans trois lettres distinctes, mais fort semblables, le ministre reprend essentiellement la position énoncée dans ses Préavis de refus et ajoute que celle-ci a d’ailleurs été validée par cette Cour dans l’affaire Serdy.

[38] Le ministre est d’opinion que les productions sont de la nature d’une infopublicité centrée autour de la promotion de différentes croisières, destinations soleil et activités touristiques. Dans ce contexte, le ministre est d’avis que les productions offrent du divertissement ou de l’information combinée à la vente ou à la promotion de biens et de services dans un ensemble presque indiscernable. Le ministre note que bien au-delà de 15 % de la durée des productions est constituée de logos, et de segments mettant l’accent sur les avantages et points positifs des caractéristiques des croisières ou complexes hôteliers, de leurs attraits et des activités et services qui y sont offerts.

[39] Le ministre est donc d’avis que ces productions sont de la publicité et qu’en conséquence, elles sont des productions exclues au titre de l’article 1106(1)(b) du Règlement.

IV. Questions en litige et norme de contrôle

[40] Ces demandes de contrôle judiciaires soulèvent les questions suivantes :

  1. Comment la Cour a-t-elle disposé oralement des requêtes préliminaires qui lui ont été soumises en début d’audience?

  2. Le ministre a-t-il erré dans son interprétation de l’article 1106(1) du Règlement?

  3. Le ministre a-t-il manqué à son devoir d’équité procédurale dans le traitement de ces demandes?

[41] Les parties ont déposé leur mémoire avant que la Cour suprême du Canada ne rende sa décision dans l’affaire Canada (Citoyenneté et Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 69. Toutefois, elles ont toutes deux commenté l’impact de l’arrêt Vavilov sur cette affaire lors de leurs observations orales.

[42] Il n’est donc pas contesté que la norme de contrôle applicable à la décision du ministre de délivrer ou non un certificat de production cinématographique est celle de la décision raisonnable.

[43] En ce qui concerne le respect des règles d’équité procédurale, la norme de contrôle applicable s’apparente davantage à celle de la décision correcte (Serdy au para. 26; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para. 34).

V. Analyse

A. Comment la Cour a-t-elle disposé oralement des requêtes préliminaires qui lui ont été soumises en début d’audience?

[44] En début d’audience, j’ai été saisie de deux requêtes préliminaires : une requête des demanderesses pour le dépôt d’un dossier complémentaire et une requête de la part du défendeur visant à obtenir la radiation de certains paragraphes des affidavits de Monsieur Paul Cadieux et de pièces produites à leur soutien.

[45] J’ai accordé la première et permis le dépôt d’une clé USB contenant des vidéos d’épisodes d’émissions produites par des tiers telles Alimentaire mon cher Bryan, Donnez au suivant, Homes Inspection, La petite séduction et Sexe autour du monde. Ces émissions font partie de celles pour lesquelles le dossier certifié du tribunal contient déjà des transcriptions annotées que les parties demanderesses avaient précédemment soumises au BCPAC avec des calculs concernant leur contenu.

[46] Par ailleurs, j’ai accordé en partie la seconde et ordonné la radiation des éléments suivants, certains du consentement du défendeur, d’autres non :

Dossier T-148-19 : paragraphes 16, 18, 19, 23, 27, 29 à 36 et pièces PC-6, PC-7, PC-8, PC-9 et PC-10;

Dossier T-149-19 : paragraphes 17, 19, 20, 24, 28, 30 à 37 et pièces PC-6, PC-7, PC-8, PC-9, PC-10 et PC-11;

Dossier T-150-19 : paragraphes 17, 19, 20, 24, 28, 30 à 39 et pièces PC-9, PC-10, PC-11, PC-12 et PC-13.

B. Le ministre a-t-il erré dans son interprétation de l’article 1106(1) du Règlement?

[47] Deux décisions ont une pertinence particulière en l’instance : la décision de la Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c Zone3-XXXVI Inc., 2016 CAF 242 [Zone 3 CAF], laquelle infirme celle de cette cour dans Zone3-XXXVI inc. c Canada (Procureur général), 2016 CF 75 [Zone 3 CF], ainsi que la décision de cette Cour dans Serdy.

[48] Dans Zone 3 CF, le juge Luc Martineau était saisi d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision du ministre ayant refusé de délivrer un certificat à la demanderesse pour la série télévisée On passe à l’histoire.

[49] Voici comment cette série est décrite dans le jugement :

[30] De fait, selon le synopsis fourni par la demanderesse, la Production « est un nouveau jeu-questionnaire de culture générale, à la fois amusant et enrichissant, dont chaque émission porte sur l’univers et sur l’époque d’une personnalité réelle – historique ou contemporaine ». Mais voilà, bien que la Production se présente sous la forme d’un « jeu-questionnaire », on précise qu’il s’agit d’un « prétexte » :

La prémisse est simple : on fouille l’histoire de Cléopâtre, celle de Molière, ou encore celle de J.F. Kennedy … À partir de ce prétexte, pendant 60 minutes s’enchaînent une ribambelle de questions de différentes catégories – encyclopédique, insolite ou culture populaire – au sujet de la personnalité choisie et du monde dans laquelle elle vie. Les trois concurrents à ce jeu – tous des vedettes ou personnalités québécoises – ont de l’esprit, de la répartie, beaucoup d’humour.

Pour étoffer la valeur informative de l’émission, l’animatrice est épaulée par un « historien-savant » qui vient apporter un éclairage supplémentaire sur tel ou [tel] sujet. De son côté, un multi-instrumentaliste veille sur l’ambiance musicale grâce à des indicatifs sonores faits sur mesure.

[Soulignements ajoutés]

[50] À l’issue d’un processus d’examen similaire à celui décrit plus haut, le ministre a d’abord émis un préavis de refus puis un avis de refus après avoir permis à la demanderesse de lui soumettre tout renseignement de nature à influencer la décision. Après examen, le ministre était d’avis qu’il s’agissait d’une production exclue au titre de l’article 1106(1)b)iii), soit une production comportant un jeu, un questionnaire ou un concours, sauf celle qui s’adresse principalement aux personnes mineures.

[51] Le juge Martineau accorde la demande, étant d’opinion que le Préavis et l’Avis de refus étaient fondamentalement viciés du fait que les motifs ne comportaient aucune analyse sérieuse de la nature véritable ou du caractère principal de la production. De surcroît, le fait que le Préavis était silencieux à l’égard de certains paramètres considérés par le ministre constituait, selon lui, un manquement aux règles d’équité procédurales.

[52] Dans Zone 3 CAF, le juge Yves De Montigny ne partage pas ce point de vue. Il rappelle que le rôle qui est confié au ministre par cette législation n’est pas de qualifier une production, mais bien de s’assurer que cette dernière n’entre pas dans une catégorie exclue.

[53] C’est dans le texte de l’exclusion prévue au Règlement qu’il cherche la latitude qui est accordée au ministre. On y exclut « une production comportant un jeu, un questionnaire ou un concours ». Le juge analyse l’impact de l’utilisation du mot comportant (« in respect of » en anglais) et conclut qu’il donne à cette exclusion une portée très large :

[32] … Il n’est pas contesté que ces termes, en eux-mêmes, sont d’une portée très large. Le sens ordinaire du mot « comporter » suggère en effet la notion d’« inclure » ou d’« impliquer, de « comprendre » ou de « contenir », comme en font foi les définitions de ce terme dans Le Nouveau Petit Robert, 2015 et Le grand Larousse encyclopédique, 2007. Il en va de même de l’expression « in respect of », à l’égard de laquelle la Cour suprême a écrit qu’elle avait « la portée la plus large possible » et constituait probablement l’expression la plus large parmi toutes les expressions qui servent à exprimer un lien quelconque entre deux sujets connexes (voir Sarvanis c. Canada, 2002 CSC 28 au para. 20, [2002] 1 R.C.S. 921; Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29 à la p. 39, 144 D.L.R. (3e) 193.

[54] Le juge note que le synopsis de l’émission laisse entendre que le contenu culturel sert de prétexte au jeu questionnaire alors que devant la Cour, la demanderesse plaide le contraire. Peu importe, conclut-il, puisque le texte du Règlement ne qualifie pas l’importance que doit avoir l’aspect jeu contrairement à d’autres exclusions prévues au Règlement :

[36] …Ainsi, est exclue une production « produite principalement à des fins industrielles ou institutionnelles » ainsi qu’une production, sauf un documentaire, « qui consiste en totalité ou en presque totalité en métrage d’archives » (voir définition de « production exclue » au paragraphe 1106(1), sous-alinéas b)(x) et b)(xi) du Règlement [le souligné est le mien]). En fait, même l’exclusion visant une production comportant un jeu, un questionnaire ou un concours précise qu’elle ne s’applique pas lorsqu’elle « s’adresse principalement aux personnes mineures. »

[55] Puisqu’il n’appartient pas à la Cour d’incorporer dans la loi des paramètres qui n’y sont pas et que le ministre a raisonnablement exercé le large pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré aux termes du Règlement, la Cour accueille l’appel et rétablit la décision du ministre.

[56] Quelques années plus tard, cette Cour est saisie de la demande dans Serdy. On y attaquait la révocation par la ministre d’un certificat pour la production Villas de rêve au motif, comme en l’instance, qu’elle constituait de la publicité.

[57] Je note d’abord que cette décision est antérieure aux Lignes directrices 2017. Cela a son importance puisque dans le cas qui nous occupe, la décision est fondée essentiellement sur un calcul du pourcentage des épisodes visionnés par le BCPAC qui consiste à « vanter les mérites d’un ou de plusieurs produits, services, évènements, organisations ou entreprises ». Dans Serdy, la décision du ministre est résumée en deux paragraphes :

[18] La Décision prétend que Villas de rêves est une « publicité », une production exclue au sens du sous-alinéa 1106(1)b)(ix) du Règlement. Elle prétend que chacun des épisodes de Villas de rêves qui avaient été soumis au BCPAC pour visionnement est composé entièrement d’images vidéo faisant la promotion d’une destination-vacance particulière, avec tout ce que l’endroit pourrait offrir aux vacanciers durant leur séjour, et que l’objectif principal de la production est donc de faire la promotion de biens, services ou activités offerts par les différentes destinations touristiques. Ainsi, la production possède toutes les caractéristiques d’une infopublicité; les éléments visant la vente ou la promotion des services des stations balnéaires forment un ensemble presque indiscernable avec le contenu informationnel de la production. Pour conclure ainsi, la Décision se fonde sur la définition d’une « publicité » dans les Lignes directrices du Programme du CIPC, publiées le 2 avril 2012 par le BCPAC conformément au paragraphe 125.4(7) de la LIR [Lignes directrices].

[19] La Décision précise : « Ainsi, toute production qui, comme VILLAS DE RÊVE (I), offre i) une description détaillée de services, activités ou produits d’un fournisseur quelconque, ii) une description détaillée des principales caractéristiques des services, activités ou produits du fournisseur en question et iii) des commentaires élogieux à l’égard de ces services, activités ou produits d’un tel fournisseur, est considérée par le BCPAC comme une production étant de la nature d’une « publicité », un genre inéligible au CIPC. Cette caractérisation est […] fondée sur les caractéristiques intrinsèques de la production telles qu’elles sont constatées, généralement lors du visionnement des épisodes soumis par le producteur ».

[58] Le juge Richard Bell conclut d’abord que la seule obligation d’équité procédurale qui incombe au BCPAC est l’envoi du Préavis, exigence satisfaite en l’instance. Quant au mérite de la décision de la ministre, il conclut que la définition de publicité utilisée par la ministre (celle que l’on retrouve dans les Lignes directrices 2012) est compatible avec certaines définitions données à ce terme, par le dictionnaire Larousse par exemple, et qu’il était raisonnable pour la ministre de conclure que la production Villa de rêve était de la publicité, une production exclue aux termes du Règlement.

[59] Aucun de ces précédents n’est strictement applicable au présent cas puisque la production en cause est différente et le raisonnement suivi par le BCPAC est fondé sur une prémisse différente.

[60] Cela dit, si j’applique la logique suivie par la Cour d’appel fédérale dans Zone 3 CAF et que je cherche dans le texte de l’exclusion prévue au Règlement la latitude qui est accordée au ministre, je parviens à un résultat opposé à celui auquel en arrive la Cour dans Zone 3 CAF. La portée de l’exclusion « publicité », tout comme celle qui concerne la pornographie d’ailleurs, est beaucoup plus restreinte que celle qui s’applique au jeu, questionnaire ou concours. Il n’y a pas ici de terme utilisé qui permette qu’une partie seulement de la production puisse être considérée comme de la publicité (ou de la pornographie).

[61] À mon sens, en utilisant la barre des 15%, le ministre fait exactement ce que la Cour d’appel fédérale indique ne pas être du ressort de la Cour; il incorpore dans la loi des paramètres qui ne s’y trouvent pas. Et dans un contexte où l’exclusion « publicité » n’utilise pas de terminologie similaire à celle utilisée pour un jeu, questionnaire ou concours ((iii) « comportant »), une production produite à des fins industrielles ou institutionnelles ((x) « principalement ») ou un métrage d’archives ((xi) « en totalité ou presque totalité »), il me semble que ce pourcentage est particulièrement bas.

[62] Lors de l’audience, nous avons visionné quelques passages des productions qui figuraient parmi celles dont les transcriptions étaient incluses dans les volumineuses soumissions des demanderesses au BCPAC. Un dernier extrait était celui d’un épisode de Croisières de Rêve 4 visionné par l’agent du BCPAC.

[63] Dans un coin de l’image apparaissait un point lumineux qui passait du vert au rouge lorsque la narratrice ou l’animatrice utilisait une épithète élogieuse ou lorsqu’un logo était visible à l’écran. En d’autres termes, il s’agit d’un exercice visuel par lequel les demanderesses tentaient de démontrer l’application par le BCPAC des critères lui permettant de déterminer si la proportion des productions en cause qui consistait à « vanter les mérites d’un ou de plusieurs produits, services, évènements, organisations ou entreprises » était supérieure à 15%.

[64] Je dois dire que cet exercice m’a laissée avec une impression d’arbitraire. Il est vrai qu’il n’est pas pertinent de considérer le sort que le BCPAC a réservé aux productions tierces dans l’analyse de la raisonnabilité de la décision sous étude (Zone 3 CAF, au para. 41). Mais cette exercice de comparaison également laisse une impression d’arbitraire.

[65] Cela dit, je peux parfaitement comprendre le désir du BCPAC d’élargir la portée de l’exclusion « publicité » prévue au Règlement dans une ère où la publicité télévisuelle traditionnelle a perdu la cote au profit des placements publicitaires ou placements de produits intégrés aux productions télévisuelles, et au profit de la publicité qui envahit les médias sociaux. Toutefois, cette décision, à mon sens, appartient au législateur et non au ministre.

[66] Un autre commentaire s’impose quant aux décisions Zone 3 CAF et Serdy; elles ont toutes deux été rendues avant que la Cour suprême du Canada ne rende son arrêt dans Vavilov, où l’emphase est mise sur l’importance de la motivation et de la rationalité intrinsèque. Dans leur missive du 22 février 2018, les demanderesses soulèvent des arguments de fond importants à l’égard de l’objet des exclusions prévues au Règlement. Les demanderesses plaident que les genres exclus sont des domaines pour lesquels les diffuseurs ne feraient généralement pas appel aux producteurs indépendants canadiens, que le programme de crédit d’impôt cherche justement à soutenir. Or, ni le Préavis de refus ni l’Avis de refus ne traite de cet argument, ni d’aucun autre des arguments soulevés par les demanderesses. Ils ne font qu’appliquer la règle du 15% qui consiste à « vanter les mérites d’un ou de plusieurs produits, services, évènements, organisations ou entreprises » pour nier la certification.

[67] Avec respect, il s’agit à mon sens d’une décision déraisonnable qui ne fait pas partie des issues pouvant se justifier au regard des faits, et surtout au regard de la LIR et du Règlement.

C. Le ministre a-t-il manqué à son devoir d’équité procédurale dans le traitement de ces demandes?

[68] Les demanderesses plaident que le ministre aurait fait preuve d’une apparente subjectivité, qu’il aurait fait preuve de discrimination, qu’il aurait porté atteinte à leurs attentes légitimes et agi de façon arbitraire et inéquitable. Dans Zone 3 CAF, la Cour d’appel fédérale confirme que puisque l’exercice par le ministre de la discrétion que lui confère le Règlement est de nature purement administrative et que les intérêts en jeu sont purement d’ordre économique, les exigences d’équité procédurale sont minimales (Zone 3, au para. 44). La seule obligation d’équité qui incombe au ministre dans le contexte d’une demande de certification ouvrant droit au crédit d’impôt est de transmettre un Préavis de refus et d’offrir la possibilité de fournir des renseignements additionnels susceptibles d’influer sur la demande (Zone3, au para. 46).

[69] Cette exigence est satisfaite en l’instance et cet argument des demanderesses doit être rejeté.

 

VI. Conclusion

[70] Puisque je conclu que l’interprétation par le ministre de l’exclusion « publicité » prévue au Règlement n’entre pas dans les issues possibles, pouvant se justifier au regard des faits et du droit et que ses motifs sont déficients, cette demande de contrôle judiciaire est accueillie et le dossier lui est retourné pour une nouvelle détermination.

[71] À la suggestion de la Cour, les parties ont adopté une position commune à l’égard des dépens à être octroyés dans cette affaire. Elles se sont entendues pour que les dépens soient taxés selon les données apparaissant au milieu de la colonne 3 du Tarif B; ils le seront.

 


JUGEMENT dans T-148-19, T-149-19 et T-150-19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie;

  2. L’Avis de refus du 21 décembre 2018 transmis à la demanderesse 9616934 Canada Inc., l’Avis de refus du 21 décembre 2018 transmis à la demanderesse 9501894 Canada Inc., ainsi que l’Avis de refus du 21 décembre 2018 transmis à la demanderesse 9849262 Canada Inc. sont annulés;

  3. Les trois dossiers sont retournés au ministre du Patrimoine canadien pour une nouvelle détermination;

  4. Les dépens sont accordés aux demanderesses dans un seul des dossiers et seront taxés selon les données apparaissant au milieu de la colonne 3 du Tarif B.

« Jocelyne Gagné »

Juge en chef adjointe

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossiers :

T-148-19, T-149-19 ET T-150-19

 

DOSSIER :

T-148-19

 

INTITULÉ :

9616934 CANADA INC. c MINISTRE DU PATRIMOINE CANADIEN

 

ET DOSSIER :

T-149-19

 

INTITULÉ :

9501894 CANADA INC. c MINISTRE DU PATRIMOINE CANADIEN

 

ET DOSSIER :

T-150-19

 

INTITULÉ :

9849262 CANADA INC. c MINISTRE DU PATRIMOINE CANADIEN

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LES 14-16 décembre 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

JUGE EN CHEF ADJOINTE GAGNÉ

 

DATE DES MOTIFS :

LE 3 Avril 2023

COMPARUTIONS :

Alexandre Ajami

 

Pour lES demanderesseS

 

Martin Lamoureux

Amélia Couture

 

Pour leS défendeurS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Miller, Thomson, s.e.n.c.r.l.

Montréal (Québec)

 

Pour lES demanderesseS

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour leS défendeurS

 

 

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