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Date : 20230330


Dossier : IMM-5424-22

Référence : 2023 CF 444

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 30 mars 2023

En présence de monsieur le juge Henry S. Brown

ENTRE :

GETANEH EJIGU TAYE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Nature de l’affaire

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision datée du 30 mai 2022 par laquelle un agent d’immigration à Nairobi, au Kenya, a rejeté la demande de visa de résident permanent du demandeur à titre de membre de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières ou de la catégorie des personnes protégées à titre humanitaire outre-frontières en raison de doutes quant à la crédibilité du demandeur.

II. Faits

[2] Le demandeur est un citoyen éthiopien de 46 ans qui a présenté une demande de réinstallation au Canada à titre de membre de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières ou de la catégorie des personnes protégées à titre humanitaire outre-frontières. Son exposé circonstancié est le suivant.

[3] Avant son départ de l’Éthiopie, le demandeur a joué un rôle politique durant les élections de 2005, celui d’observateur électoral du principal parti d’opposition, la Coalition pour l’unité et la démocratie [la CUD]. Des membres du parti au pouvoir lui ont demandé de leur rendre compte des activités de la CUD, mais il a refusé de le faire. Le demandeur affirme que, par conséquent, il a été détenu arbitrairement au camp militaire Dedesa de juin 2005 à février 2006.

[4] Lorsque le demandeur a été mis en liberté, des membres du parti au pouvoir lui ont de nouveau demandé d’espionner un autre parti de l’opposition, ce qu’il a refusé de faire. Le demandeur a fini par travailler comme chauffeur de camion jusqu’en 2018, année où il a vécu l’incident à l’origine de sa demande d’asile.

[5] Le 13 janvier 2018, le demandeur a pris deux étudiants à bord de son camion. En arrivant à un point de contrôle, il a remarqué des policiers postés à chaque véhicule et quatre autres qui fouillaient la cabine de son camion. Il se trouve que les étudiants étaient recherchés par la police pour avoir participé à des manifestations. Le demandeur a rapidement fui les lieux en taxi. En quittant la scène, le demandeur a vu son assistant et les deux étudiants se faire arrêter.

[6] Je dois ajouter que le demandeur a eu une audience devant l’agent. Ce dernier avait plusieurs doutes en matière de crédibilité et les lui a présentés l’un après l’autre. Le demandeur a témoigné en réponse. À titre d’exemple, le demandeur a déclaré lors de son témoignage que sa famille n’était pas en danger, qu’elle vivait chez lui et qu’elle n’avait aucun problème. Après avoir rejeté cet élément de preuve ainsi que d’autres éléments de la preuve et du témoignage présentés par le demandeur, l’agent a rejeté la demande pour des motifs de crédibilité.

III. Décision faisant l’objet du contrôle

[7] La décision de l’agent consiste en une lettre de refus dans laquelle il a mentionné que le demandeur n’était pas crédible et a énonce ses motifs :

[traduction]

Après avoir évalué attentivement tous les facteurs relatifs à votre demande, je ne suis pas convaincu que vous faites partie de l’une ou l’autre des catégories prescrites parce que les explications que vous avez fournies quant aux raisons pour lesquelles vous avez été personnellement pris pour cible et n’avez pas pu retourner dans votre pays ne semblent pas crédibles, comme je l’explique ci‑dessous :

• La plupart des membres de votre famille sont restés en Éthiopie et ont de bons emplois, y compris votre épouse et vos enfants. Vous avez dit que votre famille n’était pas en danger, qu’elle vivait chez vous et qu’elle n’avait pas de problèmes en Éthiopie.

• Vous avez pris deux garçons à bord de votre camion à Tolay en rentrant à la maison parce qu’ils avaient l’air d’étudiants. Vous avez déclaré que vous ne l’aviez jamais fait auparavant, pendant les 13 années où vous avez été chauffeur de camion. Il se trouve que les personnes que vous avez prises à bord de votre camion étaient des étudiants qui avaient participé à des manifestations et qui étaient recherchés par la police.

• Vous avez réussi à échapper à l’arrestation, malgré le fait que des policiers étaient postés à chaque véhicule à proximité et que quatre d’entre eux fouillaient votre propre véhicule. Vous avez pris un taxi et fui les lieux sans être remarqué.

• Durant les élections de 2005, on vous a demandé d’espionner le parti politique de l’opposition. Lorsque vous avez refusé, vous avez été emprisonné, puis mis en liberté. Peu de détails ont été fournis pour expliquer la raison de cette arrestation et de votre mise en liberté.

[8] Les notes que l’agent a versées dans le Système mondial de gestion des cas [le SMGC] sont en grande partie reproduites plus haut dans les faits et les motifs.

IV. Questions en litige

[9] Le demandeur soulève les questions suivantes :

  • 1)La décision de l’agent était-elle raisonnable?

  • 2)L’agent a-t-il commis une erreur en ne tenant pas compte du statut de réfugié du demandeur, reconnu par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (le HCR), ou du Guide OP 5 de Citoyenneté et Immigration Canada?

[10] En guise de réponse, le défendeur soutient que le demandeur n’a pas établi l’existence d’une erreur susceptible de contrôle.

V. Norme de contrôle

[11] La norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. Dans l’arrêt Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67, rendu en même temps que l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], le juge Rowe, s’exprimant au nom de la majorité, explique les attributs que doit présenter une décision raisonnable et les exigences imposées à la cour de révision qui contrôle une décision selon la norme de la décision raisonnable :

[31] La décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, par. 85). Par conséquent, lorsqu’elle procède au contrôle d’une décision selon la norme de la décision raisonnable, « une cour de révision doit d’abord examiner les motifs donnés avec “une attention respectueuse”, et chercher à comprendre le fil du raisonnement suivi par le décideur pour en arriver à [l]a conclusion » (Vavilov, par. 84, citant Dunsmuir, par. 48). Les motifs devraient être interprétés de façon globale et contextuelle afin de comprendre « le fondement sur lequel repose la décision » (Vavilov, par. 97, citant Newfoundland Nurses).

[32] La cour de révision devrait se demander si la décision dans son ensemble est raisonnable : « […] ce qui est raisonnable dans un cas donné dépend toujours des contraintes juridiques et factuelles propres au contexte de la décision particulière sous examen » (Vavilov, par. 90). Elle doit se demander « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci » (Vavilov, par. 99, citant Dunsmuir, par. 47 et 74, et Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District), 2012 CSC 2, [2012] 1 R.C.S. 5, par. 13).

[33] Lors d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, « [i]l incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable » (Vavilov, par. 100). La partie qui conteste la décision doit convaincre la cour de justice que « la lacune ou la déficience [invoquée] […] est suffisamment capitale ou importante pour rendre [la décision] déraisonnable » (Vavilov, par. 100).

[Non souligné dans l’original.]

[12] Cela dit, dans l’arrêt Vavilov, la Cour suprême du Canada précise clairement que le rôle de notre Cour n’est pas d’apprécier à nouveau la preuve, à moins de « circonstances exceptionnelles ». De telles circonstances n’existent pas en l’espèce. La Cour suprême du Canada donne les instructions suivantes :

[125] Il est acquis que le décideur administratif peut apprécier et évaluer la preuve qui lui est soumise et qu’à moins de circonstances exceptionnelles, les cours de révision ne modifient pas ses conclusions de fait. Les cours de révision doivent également s’abstenir « d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur » : CCDP, par. 55; voir également Khosa, par. 64; Dr Q, par. 41-42. D’ailleurs, bon nombre des mêmes raisons qui justifient la déférence d’une cour d’appel à l’égard des conclusions de fait tirées par une juridiction inférieure, dont la nécessité d’assurer l’efficacité judiciaire, l’importance de préserver la certitude et la confiance du public et la position avantageuse qu’occupe le décideur de première instance, s’appliquent également dans le contexte du contrôle judiciaire : voir Housen, par. 15-18; Dr Q, par. 38; Dunsmuir, par. 53.

[Non souligné dans l’original.]

[13] En outre, dans l’arrêt Doyle c Canada (Procureur général), 2021 CAF 237, la Cour d’appel fédérale a récemment statué que le rôle de la Cour n’est pas d’apprécier à nouveau la preuve :

[3] La Cour fédérale avait tout à fait raison d’agir ainsi. Selon ce régime législatif, le décideur administratif, en l’espèce le directeur, examine seul les éléments de preuve, tranche les questions d’admissibilité et d’importance à accorder à la preuve, détermine si des inférences doivent en être tirées, et rend une décision. Lorsqu’elle effectue le contrôle judiciaire de la décision du directeur en appliquant la norme de la décision raisonnable, la cour de révision, en l’espèce la Cour fédérale, peut intervenir uniquement si le directeur a commis des erreurs fondamentales dans son examen des faits, qui minent l’acceptabilité de la décision. Soupeser à nouveau les éléments de preuve ou les remettre en question ne fait pas partie de son rôle. S’en tenant à son rôle, la Cour fédérale n’a relevé aucune erreur fondamentale.

[4] En appel, l’appelant nous invite essentiellement dans ses observations écrites et faites de vive voix à soupeser à nouveau les éléments de preuve et à les remettre en question. Nous déclinons cette invitation.

[Non souligné dans l’original.]

[14] Comme la crédibilité est la question centrale, j’applique les principes juridiques résumés dans la décision Khakimov c Canada, 2017 CF 18, à partir du paragraphe 23, que je considère comme contraignants :

[…] Pour commencer, la SPR a un vaste pouvoir discrétionnaire qui lui permet de retenir certains éléments de preuve plutôt que d’autres, et de déterminer le poids à accorder à ceux qu’elle retient : Medarovik c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 61, au paragraphe 16; Pushpanathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 867, au paragraphe 68. La Cour d’appel fédérale a statué que les conclusions de fait et les conclusions sur la crédibilité constituaient l’essentiel de l’expertise de la SPR : Giron c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 143 NR 238 (CAF). La SPR est reconnue en tant que tribunal spécialisé à l’égard des revendications du statut de réfugié et elle est statutairement autorisée à appliquer sa spécialisation : Chen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 805, au paragraphe 10. Et dans l’arrêt Siad c Canada (Secrétaire d’État), 1996 CanLII 4099 (CAF), [1997] 1 CF 608, au paragraphe 24 (CAF), la Cour d’appel fédérale a indiqué que la SPR :

[…] se trouve dans une situation unique pour apprécier la crédibilité d’un demandeur du statut de réfugié. Les décisions quant à la crédibilité, qui constituent « l’essentiel du pouvoir discrétionnaire des juges des faits » doivent recevoir une déférence considérable à l’occasion d’un contrôle judiciaire, et elles ne sauraient être infirmées à moins qu’elles ne soient abusives, arbitraires ou rendues sans tenir compte des éléments de preuve.

[24] La SPR peut tirer des conclusions sur la crédibilité fondées sur des invraisemblances, le bon sens et la raison, mais elle ne doit pas tirer de conclusions défavorables après avoir examiné « à la loupe » des éléments qui ne sont pas pertinents ou qui sont accessoires à la revendication du demandeur : Haramichael c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2016 CF 1197, au paragraphe 15, citant Lubana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 116, aux paragraphes 10 et 11 [Lubana]; Attakora c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] ACF no 444. La SPR peut rejeter des preuves non réfutées si celles-ci « ne sont pas compatibles avec les probabilités propres à l’affaire dans son ensemble, ou si elle relève des contradictions dans la preuve » : Lubana, précitée, au paragraphe 10. La SPR peut également conclure à bon droit que le demandeur n’est pas crédible « à cause d’invraisemblances contenues dans la preuve qu’il a présentée, dans la mesure où les inférences qui sont faites ne sont pas déraisonnables et que les motifs sont formulés “en termes clairs et explicites” » : Lubana, précitée, au paragraphe 9.

[15] Dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93, la Cour d’appel fédérale a renforcé le rôle central que joue le juge des faits dans les décisions relatives à la crédibilité :

[70] Ce texte reconnaît également l’avantage certain que peut avoir la SPR sur la SAR lorsque les conclusions de fait ou des conclusions mixtes de fait et de droit reposent sur l’appréciation de la crédibilité ou de la valeur des témoignages de vive voix. Il indique aussi que, étant entendu que la SAR doive parfois faire preuve d’une certaine retenue avant de rendre sa propre décision, la question de savoir si les circonstances commandent pareille retenue doit être appréciée au cas par cas. Dans chaque cas, la SAR doit rechercher si la SPR a joui d’un véritable avantage et si, le cas échéant, elle peut néanmoins rendre une décision définitive relativement à une demande d’asile.

[71] Il existe plusieurs cas de figure possibles. Ainsi, si la SPR a trouvé un témoin honnête et crédible, la question de la crédibilité ne se pose pas vraiment. Il en est de même si la SAR peut statuer sur la demande en se fiant aux conclusions de fait de la SPR quant à la valeur relative des témoignages et à leur crédibilité.

[Non souligné dans l’original.]

[16] À l’instar du demandeur et du défendeur, je m’appuie sur la décision Al Dya c Canada (MCI), 2020 CF 901 [Dya], dans laquelle le juge McHaffie a effectué un examen récent de la décision Valtchev c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 776 [Valtchev], auquel les deux parties ont également renvoyé. Selon la décision Dya, la décision Valtchev « n’exclut pas l’idée de prendre en considération la vraisemblance ou la probabilité lorsqu’on procède à des évaluations de la crédibilité », et je suis d’accord. Le juge McHaffie a également conclu que l’affirmation d’un demandeur d’asile « peut être à ce point tirée par les cheveux, déborder à un point tel le cadre de ce à quoi on pourrait logiquement s’attendre, et ce, malgré les différences culturelles prises en compte, qu’elle est invraisemblable, même si la preuve objective ne traite pas directement de la probabilité que les faits visés par l’affirmation se produisent » :

[39] Parallèlement, la décision Valtchev n’exclut pas l’idée de prendre en considération la vraisemblance ou la probabilité lorsqu’on procède à des évaluations de la crédibilité. S’il ressort de la preuve qu’un fait particulier ne survient jamais ou est clairement invraisemblable, ce fait peut constituer un fondement raisonnable pour tirer une inférence défavorable quant à la crédibilité, surtout s’il n’y a rien pour expliquer ou corroborer le fait clairement invraisemblable qui est survenu. Dans le même ordre d’idées, une affirmation peut être à ce point tirée par les cheveux, déborder à un point tel le cadre de ce à quoi on pourrait logiquement s’attendre, et ce, malgré les différences culturelles prises en compte, qu’elle est invraisemblable, même si la preuve objective ne traite pas directement de la probabilité que les faits visés par l’affirmation se produisent.

[Non souligné dans l’original.]

VI. Dispositions législatives pertinentes

[17] L’article 144 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2022‑227 [le RIPR] dispose :

Catégorie

144 La catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières est une catégorie réglementaire de personnes qui peuvent obtenir un visa de résident permanent sur le fondement des exigences prévues à la présente section.

[18] L’article 145 du RIPR dispose :

Qualité

145 Est un réfugié au sens de la Convention outre-frontières et appartient à la catégorie des réfugiés au sens de cette convention l’étranger à qui un agent a reconnu la qualité de réfugié alors qu’il se trouvait hors du Canada.

[19] L’article 147 du RIPR dispose :

Catégorie de personnes de pays d’accueil

147 Appartient à la catégorie de personnes de pays d’accueil l’étranger considéré par un agent comme ayant besoin de se réinstaller en raison des circonstances suivantes :

a) il se trouve hors de tout pays dont il a la nationalité ou dans lequel il avait sa résidence habituelle;

b) une guerre civile, un conflit armé ou une violation massive des droits de la personne dans chacun des pays en cause ont eu et continuent d’avoir des conséquences graves et personnelles pour lui.

VII. Analyse

A. Crédibilité

[20] Le demandeur soutient que les conclusions d’invraisemblance de l’agent n’ont pas été tirées dans un cas comptant parmi « les plus évidents ». Je fais remarquer que le demandeur renvoie à la décision Valtchev, dans lequel le juge Muldoon a conclu ce qui suit :

[7] [...] Le tribunal administratif ne peut cependant conclure à l’invraisemblance que dans les cas les plus évidents, c’est-à-dire que si les faits articulés débordent le cadre de ce à quoi on peut logiquement s’attendre ou si la preuve documentaire démontre que les événements ne pouvaient pas se produire comme le revendicateur le prétend. Le tribunal doit être prudent lorsqu’il fonde sa décision sur le manque de vraisemblance, car les revendicateurs proviennent de cultures diverses et que des actes qui semblent peu plausibles lorsqu’on les juge en fonction des normes canadiennes peuvent être plausibles lorsqu’on les considère en fonction du milieu dont provient le revendicateur. […]

[Non souligné dans l’original.]

[21] D’autres décisions vont dans le même sens : Zaiter c Canada, 2019 CF 908 au para 9 et 10, et Santos c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 937.

[22] Le demandeur soutient que les conclusions de fait de l’agent sur sa famille et son exposé circonstancié ne sont pas [traduction] « fondées sur des éléments de preuve clairs ». Il affirme que l’agent ne peut tirer des conclusions d’invraisemblance que si les faits présentés débordent du cadre de ce à quoi on peut logiquement s’attendre ou si la preuve documentaire démontre que les événements ne pouvaient pas se produire comme le demandeur le prétend. Plus précisément, le demandeur conteste l’affirmation de l’agent selon laquelle il est invraisemblable qu’il soit exposé à un risque de persécution alors que sa famille vit toujours en sécurité en Éthiopie. Le demandeur souligne que l’agent n’a présenté aucun élément de preuve à l’appui de cette affirmation. Il souligne que, au contraire, il a présenté un témoignage de vive voix décrivant le harcèlement que sa famille subit.

[23] En ce qui a trait à l’exposé circonstancié, le demandeur conteste l’affirmation de l’agent selon laquelle il était invraisemblable qu’il ait aidé les étudiants. De l’avis du demandeur, le fait de conclure qu’une personne ne reconduirait pas des étudiants parce qu’elle ne l’a jamais fait auparavant « défie toute logique, manque de transparence et semble reposer uniquement sur des spéculations », conformément aux motifs du juge Ahmed dans la décision Del Carmen Aguirre Perez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1269.

[24] Le demandeur affirme que la conclusion d’invraisemblance de l’agent concernant son exposé circonstancié était fondée sur des conjectures et un raisonnement erroné.

[25] Plus précisément, en ce qui concerne sa fuite de la police, le demandeur souligne de nouveau que l’agent ne s’appuie sur aucun fondement probant pour ne pas croire son récit. Le témoignage du demandeur à cet égard était le suivant :

[traduction]
J’ai fait de mon mieux pour qu’ils ne me voient pas. Il y a divers points de contrôle. À l’autre, il y a une route qui mène à un autre endroit. J’ai pris cette route. La police fédérale était présente, mais c’était la police des douanes qui se trouvait au point de contrôle en tant que tel. Ils contrôlaient les garçons, pas moi. Seulement un agent de la police fédérale regardait de loin et quatre autres policiers étaient derrière et sur le côté. Il n’y avait aucun policier du côté où je conduisais.

Dossier certifié du tribunal, à la p 5.

[26] Selon le demandeur, l’agent a fait abstraction des détails qu’il avait fournis dans son témoignage et a tiré une conclusion d’invraisemblance injustifiée.

[27] Enfin, le demandeur conteste la conclusion de l’agent concernant un prétendu manque de détails au sujet de sa détention de juin 2005 à février 2006. Le demandeur affirme que son témoignage de vive voix à cet égard était clair.

[28] En réponse, le défendeur soutient que l’agent n’a pas commis d’erreur en concluant que le témoignage du demandeur manquait de crédibilité. En toute déférence, suivant les contraintes juridiques exposées plus haut, je suis d’accord avec le défendeur. La jurisprudence établit que les décideurs ont le droit de tirer des conclusions raisonnables au sujet de la crédibilité d’un demandeur en se fondant sur des invraisemblances, le bon sens et la rationalité. Les décideurs peuvent également rejeter des éléments de preuve si ceux-ci sont incompatibles avec les probabilités propres à l’affaire dans son ensemble. De plus, il convient de rappeler que les agents peuvent également rejeter des éléments de preuve crédibles parce qu’ils n’ont pas suffisamment de poids. Les conclusions quant à la crédibilité sont un début d’examen de la preuve, mais, bien entendu, elles ne permettent pas de tirer une conclusion sur son admission, qui est une question de poids dans le contexte de l’affaire. Comme la Cour suprême du Canada et la Cour d’appel fédérale l’ont toutes deux déclaré dans les arrêts Vavilov et Doyle, à moins de circonstances exceptionnelles, les deux questions doivent être tranchées par le juge des faits, soit l’agent en l’espèce.

[29] Il est important de souligner que l’agent a convoqué une audience en l’espèce. L’agent a vu et entendu le demandeur témoigner en réponse à ce que je considère comme un juste aperçu de ses doutes. L’agent a expressément soulevé chacun de ses doutes devant le demandeur et lui a donné l’occasion de témoigner et d’y répondre. À mon avis, en l’espèce, en tant que juge des faits du tribunal de première instance, l’agent jouissait d’un véritable avantage en ce qui concerne l’évaluation de la crédibilité, notamment l’appréciation et l’évaluation des questions de crédibilité et de vraisemblance.

[30] Je ne suis pas convaincu que les doutes de l’agent relativement à la vraisemblance sont déraisonnables. Les doutes découlent du témoignage du demandeur. Je fais remarquer que non pas une, mais bien quatre conclusions défavorables au demandeur quant à la crédibilité et à l’invraisemblance ont été tirées, et je les répète ici :

  • 1)La plupart des membres de votre famille sont restés en Éthiopie et ont de bons emplois, y compris votre épouse et vos enfants. Vous avez dit que votre famille n’était pas en danger, qu’elle vivait chez vous et qu’elle n’avait pas de problèmes en Éthiopie.

  • 2)Vous avez pris deux garçons à bord de votre camion à Tolay en rentrant à la maison parce qu’ils avaient l’air d’étudiants. Vous avez déclaré que vous ne l’aviez jamais fait auparavant, au cours des 13 années où vous avez été chauffeur de camion. Il se trouve que les personnes que vous avez prises à bord de votre camion étaient des étudiants qui avaient participé à des manifestations et qui étaient recherchés par la police.

  • 3)Vous avez réussi à échapper à l’arrestation, malgré le fait que des policiers étaient postés à chaque véhicule à proximité, dont quatre qui fouillaient votre propre véhicule. Vous avez pris un taxi et fui les lieux sans être remarqué.

  • 4)Durant les élections de 2005, on vous a demandé d’espionner le parti politique de l’opposition. Lorsque vous avez refusé, vous avez été emprisonné, puis remis en liberté. Peu de détails ont été fournis pour expliquer la raison de cette arrestation et de votre mise en liberté.

[31] La première conclusion est fondée sur le témoignage du demandeur en réponse aux doutes de l’agent. Fait important, selon le demandeur lui-même, la famille n’avait aucun problème en Éthiopie. Je conviens que les membres de la famille avaient déjà été harcelés, mais ce n’était plus le cas. Il s’agit d’une conclusion fondée sur le bon sens et la rationalité. La deuxième conclusion est également une question de bon sens et de rationalité, et l’agent a raisonnablement conclu, suivant la décision Dya, que l’affirmation était à ce point tirée par les cheveux qu’elle était invraisemblable même si la preuve objective ne traitait pas directement de la probabilité que les faits visés par l’affirmation se produisent. Je fais remarquer que, s’il y avait eu des éléments de preuve objectifs, la conclusion aurait pu ne plus être une simple conclusion d’invraisemblance. La troisième conclusion est également fondée sur des éléments de preuve et, à mon avis, elle est raisonnable. Bien sûr, des événements peu probables peuvent arriver à quiconque, mais il s’agissait du troisième des quatre événements improbables relevés par le juge des faits d’après le témoignage que lui avait livré le demandeur. La quatrième conclusion est peut-être conjecturale, mais si je l’examine en me fondant sur l’ensemble du dossier, dont les trois conclusions précédentes, je conclus qu’elle s’inscrit également dans l’éventail des conclusions qu’il était loisible à l’agent de tirer au vu du dossier, y compris le témoignage de vive voix du demandeur, compte tenu de l’avantage dont l’agent jouissait durant le processus d’audience.

[32] Je fais également remarquer que le rôle de la Cour n’est pas d’apprécier à nouveau la preuve et les inférences à moins de circonstances exceptionnelles, mais que c’est pourtant ce que le demandeur a demandé à la Cour de faire.

[33] Après examen, je ne suis pas convaincu que la conclusion quant à la crédibilité et les quatre conclusions sous-jacentes révèlent une erreur susceptible de contrôle.

B. Désignation à titre de réfugié

[34] Le demandeur soutient que l’agent n’a pas dûment tenu compte du fait que le gouvernement kenyan lui avait reconnu la qualité de réfugié au sens de la Convention. Il affirme que rien dans les motifs n’indique que l’agent a tenu compte, dans son évaluation, du statut qui lui a été reconnu. Le demandeur renvoie notamment aux décisions Teweldbrhan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 371, et Amanuel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 662, dans lesquelles notre Cour a conclu que la reconnaissance du statut de réfugié par un pays autre que le Canada n’avait pas été suffisamment prise en compte.

[35] Chaque affaire est évidemment tranchée en fonction des faits qui lui sont propres, et la présente affaire ne fait pas exception : elle doit être tranchée en fonction de ses propres faits.

[36] En l’espèce, l’agent mentionne que le gouvernement kenyan a reconnu au demandeur le statut de réfugié dans les notes qu’il a versées au dossier du SMGC. Il s’agit effectivement du point de départ pour traiter la demande d’asile au Canada présentée par le demandeur depuis l’étranger au titre de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], en ce sens que le demandeur était un réfugié parrainé par le secteur privé qui devait, pour être admissible, présenter un document lui reconnaissant le statut de réfugié aux termes de l’alinéa 153(1)b) du RIPR.

[37] Il est bien connu que les tribunaux n’ont pas à renvoyer à toutes les parties du dossier ni à prendre en considération tous les arguments du demandeur d’asile. Les tribunaux sont réputés les avoir examinés et pris en considération. De plus, il n’y a pas de jurisprudence selon laquelle une décision rendue par un tiers est déterminante pour l’évaluation effectuée par le Canada, dans un sens ou dans l’autre. Il est bien établi en droit que ce n’est pas le cas : voir la jurisprudence au paragraphe suivant des présents motifs.

[38] J’estime que l’agent a dûment tenu compte de l’opinion kenyane dans son évaluation de la crédibilité du demandeur, que je viens d’examiner et de juger raisonnable. À cet égard, j’applique et adopte le raisonnement du juge Southcott dans la décision Abreham c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 908 :

[20] Les deux parties ont présenté à la Cour des décisions concernant la portée d’une décision antérieure de l’UNHCR lorsque les autorités canadiennes évaluent une demande d’asile au titre de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention. Les demandeurs invoquent l’explication de la juge Snider aux paragraphes 57 à 59 de Ghirmatsion :

[57] Il n’est fait aucune mention dans les notes du STIDI non plus que dans la décision du statut reconnu au demandeur par le HCR. Je conviens que la reconnaissance du statut de réfugié par le HCR n’a pas un caractère déterminant; l’agente avait pour mandat d’évaluer la crédibilité du demandeur et d’établir le bien-fondé de sa demande au regard des lois canadiennes applicables. Selon le Guide OP 5, néanmoins, le HCR joue un rôle important et pertinent lorsqu’il s’agit de traiter les demandes selon la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières. À mon avis, le statut de réfugié accordé au demandeur par le HCR constituait, de manière personnelle, un facteur pertinent. Dans Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 1998 CanLII 8667 (CF), 157 F.T.R. 35, [1998] A.C.F. n° 1425 (QL) (C.F. 1re inst.), le juge Evans (maintenant juge à la Cour d’appel fédérale) avait affaire au défaut d’un décideur d’examiner un document pertinent qui concernait le demandeur de manière fort personnelle. Le juge Evans a alors énoncé le principe suivant fréquemment cité (paragraphe 17) :

[P]lus la preuve qui n’a pas été mentionnée expressément ni analysée dans les motifs de l’organisme est importante, et plus une cour de justice sera disposée à inférer de ce silence que l’organisme a tiré une conclusion de fait erronée « sans tenir compte des éléments dont il [disposait] » : Bains c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 63 F.T.R. 312 (C.F. 1re inst.). Autrement dit, l’obligation de fournir une explication augmente en fonction de la pertinence de la preuve en question au regard des faits contestés. Ainsi, une déclaration générale affirmant que l’organisme a examiné l’ensemble de la preuve ne suffit pas lorsque les éléments de preuve dont elle n’a pas discuté dans ses motifs semblent carrément contredire sa conclusion. Qui plus est, quand l’organisme fait référence de façon assez détaillée à des éléments de preuve appuyant sa conclusion, mais qu’elle passe sous silence des éléments de preuve qui tendent à prouver le contraire, il peut être plus facile d’inférer que l’organisme n’a pas examiné la preuve contradictoire pour en arriver à sa conclusion de fait.

[58] La désignation comme réfugié par le HCR était un élément si important de la preuve du demandeur qu’il est possible de déduire du défaut de l’agente de l’avoir mentionnée dans ses motifs qu’elle a rendu sa décision sans en tenir compte. C’était pourtant une question centrale aux fins de la décision. Face à un demandeur reconnu comme réfugié par le HCR, l’agente aurait dû expliquer dans son évaluation de la demande pourquoi elle ne souscrivait pas à la décision de cet organisme. L’agente n’était pas tenue de souscrire aveuglément à la désignation du HCR; elle avait toutefois l’obligation d’en tenir compte. Or, faute pour un agent des visas d’avoir expliqué pourquoi il n’a pas souscrit à une désignation du HCR, la Cour n’a aucun moyen de savoir si cet élément de preuve d’une grande pertinence a été pris en compte.

[59] L’erreur ainsi commise par l’agente constitue un motif suffisant d’infirmation de la décision. Je le répète, toutefois, la reconnaissance par le HCR du statut de réfugié n’a pas un caractère déterminant; il incombait toujours à l’agente d’évaluer par elle‑même la preuve dont elle était saisie, y compris la preuve concernant le statut de réfugié du HCR.

[21] Le défendeur s’appuie pour sa part sur une décision plus récente, soit celle rendue par la juge Gagné dans Gebrewldi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 621 [Gebrewldi], aux para 28 à 35 :

[28] En ce qui concerne le statut reconnu aux demandeurs par le HCR, la Cour a mentionné que ce statut n’est pas déterminant et qu’en fait, un agent est tenu d’effectuer sa propre évaluation de l’admissibilité d’un demandeur au statut de réfugié, conformément au droit canadien (B231 c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1218, au paragraphe 58; Ghirmatsion c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 519, au paragraphe 57; Pushparasa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 828, au paragraphe 27). Le Guide OP 5, « Réinstallation à partir de l’étranger » (lignes directrices), indique que les agents des visas devraient tenir compte de la désignation reconnue à un demandeur par le HCR au moment d’examiner sa demande de statut de réfugié au Canada (Pushparasa, précité, au paragraphe 26; Ghirmatsion, précité, au paragraphe 56). Toutefois, les « lignes directrices n’ont pas force de loi et ne constituent pas un code définitif ou rigide » (Pushparasa, précité, au paragraphe 27). Par conséquent, le statut reconnu à un demandeur par le HCR n’est pas un facteur déterminant dans le cadre d’une demande d’asile présentée au Canada.

[29] Il est important de noter que la Cour a déclaré, à maintes reprises, qu’au moment d’examiner la décision d’un agent, l’analyse ne se limite pas à la lettre de décision. Les notes du Système mondial de gestion des cas (SMGC) font également partie des motifs de l’agent (Pushparasa, précisé, au paragraphe 15; Khowaja c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 823, au paragraphe 3; Kotanyan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 507, au paragraphe 26).

[30] La Cour a déclaré que si un agent omet de faire référence au statut reconnu à un demandeur par le HCR dans les notes et dans la décision, il a alors commis une erreur susceptible de révision. Une telle erreur constitue un motif suffisant pour infirmer la décision (Ghirmatsion, précité, aux paragraphes 57 à 59). Cependant, la décision de la Cour dans Pushparasa indique que si, à la lecture de la décision et des motifs dans leur ensemble, il est clair que l’agent « était au fait » de la désignation du demandeur à titre de réfugié, cela suffit au respect de la norme imposée (Pushparasa, précité, aux paragraphes 27 à 29). Dans Pushparasa, le juge Yvan Roy a déclaré ce qui suit :

Les notes du STIDI montrent clairement que l’agent était au fait de la désignation par le HCR au moment de l’entrevue du demandeur. Une photocopie de la carte valide figure à la page 55 du dossier certifié du tribunal [DCT]. Le dossier montre aussi un échange par courrier électronique entre un représentant et le HCR sur la question de savoir si le demandeur avait aussi présenté une demande aux États-Unis (DCT, à la page 28). Lors de son entrevue avec les autorités canadiennes, le demandeur a été interrogé sur l’état des discussions avec les autorités de l’immigration des États-Unis (Pushparasa, précité, au paragraphe 28).

[31] Le juge Roy a ajouté qu’indépendamment de la désignation, l’agent avait conclu que le demandeur ne répondait pas aux exigences de la LIPR et du Règlement quant au bien-fondé de sa demande, ce qui est un facteur déterminant. Le juge Roy a conclu que la décision de l’agent était raisonnable.

[32] En l’espèce, il ressort clairement du dossier certifié du tribunal que l’agente était au fait de la désignation reconnue par le HCR aux demandeurs. Des photocopies des cartes de réfugiés délivrées par la République du Soudan au nom de la demanderesse principale et au nom de son mari figurent dans le dossier. Le dossier démontre également que dans les notes du SMGC, l’agente a reconnu le statut de réfugiés des demandeurs dans la République du Soudan et qu’elle y a fait référence.

[33] Même si l’agente ne fait pas expressément référence au statut reconnu par le HCR aux demandeurs dans la lettre de décision, la décision dans son ensemble, qui comprend les notes et le dossier, contient des éléments qui indiquent qu’elle était au fait de ce statut. La jurisprudence exige que soit menée une évaluation approfondie de l’admissibilité d’un demandeur en vertu du droit canadien. C’est ce que l’agente a fait en l’espèce.

[34] La décision de l’agente, lue dans son ensemble, établit qu’elle a reconnu le statut de réfugié des demandeurs et qu’une évaluation approfondie du bien-fondé de la demande a été menée, conformément au droit canadien.

[35] Ni le statut reconnu par le HCR aux demandeurs, ni les documents sur la situation dans le pays ne peuvent remplacer la preuve personnelle. Compte tenu des préoccupations importantes en matière de crédibilité soulevées par l’agente et du fondement même de la demande des demandeurs, je suis d’avis que la décision appartient aux issues possibles acceptables. Par conséquent, la décision de l’agente est raisonnable et je ne vois aucune raison de la modifier.

[22] Suivant mon application des principes définis dans ces précédents, je ne vois aucune raison de revenir sur la décision de l’agent. Les notes de ce dernier consignées dans le SMGC mentionnent le statut conféré par l’UNHCR aux demandeurs. Conformément à l’analyse menée dans Gebrewldi, il est évident que l’agent était conscient de ce statut. Les demandeurs soutiennent qu’il était en plus tenu d’expliquer pourquoi il n’a pas souscrit à la désignation (voir Ghirmatsion, au para 58). Cependant, je juge que cette explication se retrouve dans l’analyse effectuée par l’agent quant à la crédibilité.

VIII. Conclusion

[39] Comme il n’y a rien de déraisonnable dans la conclusion quant à la crédibilité, soit les quatre éléments relevés et analysés plus haut, et dans la prise en considération par l’agent de la reconnaissance du statut de réfugié par le Kenya, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

IX. Question certifiée

[40] Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question de portée générale, et l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-5424-22

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée, qu’aucune question de portée générale n’est certifiée et qu’aucuns dépens ne sont adjugés.

« Henry S. Brown »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5424-22

 

INTITULÉ :

GETANEH EJIGU TAYE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 29 MARS 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BROWN

DATE DES MOTIFS :

LE 30 MARS 2023

COMPARUTIONS :

Teklemichael Ab Sahlemariam

POUR LE DEMANDEUR

Amy King

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

The Law Office of Teklemichael Ab Sahlemariam

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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