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Date : 20230316

Dossier : T-1542-12

Référence : 2023 CF 357

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 16 mars 2023

En présence de madame la juge McDonald

RECOURS COLLECTIF

ENTRE :

LE CHEF SHANE GOTTFRIEDSON, au nom de la BANDE INDIENNE TK'EMLÚPS TE SECWÉPEMC, la BANDE INDIENNE TK'EMLÚPS TE SECWÉPEMC, le CHEF GARRY FESCHUK, au nom de la BANDE INDIENNE SECHELT, et la BANDE INDIENNE SECHELT

demandeurs

et

SA MAJESTÉ LE ROI DU CHEF DU CANADA,

représenté par LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1] Dans la présente requête, les parties demandent à la Cour d'approuver l'entente sur les honoraires signée les 3 et 8 février 2023, par laquelle le défendeur, le Canada, a accepté de payer la somme forfaitaire de 20 000 000 $. Cette somme comprend tout le travail juridique passé et futur, les débours, les frais de la Bande indienne Tk'emlúps te Secwépemc, de la Nation shíshálh (autrefois connue sous le nom de Bande indienne Sechelt) et du Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee) (les nations subventionnaires), les frais anticipés de 500 000 $, et les honoraires de 15 000 $ pour chacun des deux représentants demandeurs.

[2] Par l'ordonnance et les motifs distincts Gottfriedson c. Le Roi, 2023 CF 327, le 9 mars 2023, la Cour a approuvé la convention de règlement pour les réclamations des bandes membres du groupe (la convention de règlement).

[3] La présente requête en approbation de l'entente sur les honoraires a été entendue à Vancouver le 28 février 2023, immédiatement après la requête en approbation de la convention de règlement.

[4] Pour les motifs qui suivent, la Cour approuve l'entente sur les honoraires telle qu'elle a été présentée.

I. Le contexte

[5] Le contexte factuel du présent recours collectif et les détails de la convention de règlement pour les bandes membres du groupe sont décrits en plus de détails dans l'ordonnance et les motifs approuvant la convention de règlement (2023 CF 327).

[6] Le présent recours collectif a été introduit par la Bande indienne Tk'emlúps te Secwépemc et la Nation shíshálh en août 2012. En juillet 2016, le Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee) s'est joint au présent litige en tant que nation subventionnaire. Les avocats du groupe ont accepté de partager le risque du litige avec les nations subventionnaires en travaillant à des taux horaires considérablement réduits, qui étaient soumis à un plafond de financement.

[7] Le 18 janvier 2023, les parties ont signé la convention de règlement.

[8] Le 21 janvier 2023, notre Cour a ordonné, avec le consentement des parties, que le défendeur paie des frais anticipés de 500 000 $ aux représentants demandeurs afin de constituer une entité à but non lucratif pour recevoir les fonds du règlement (Gottfriedson c. Le Roi, 2023 CF 104).

[9] Les affidavits suivants ont été déposés à l'appui de la présente requête en approbation par la Cour de l'entente sur les honoraires :

  • l'affidavit de Peter Grant, l'un des avocats du groupe demandeur, souscrit le 20 février 2023;

  • l'affidavit de Matthew Coon Come, ancien grand chef du Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee), souscrit le 23 février 2023;

  • l'affidavit de Shane Gottfriedson, représentant demandeur et ancien chef élu de la Bande indienne Tk'emlúps te Secwépemc, souscrit le 21 février 2023;

  • l'affidavit de Jasmine Paul, vice-présidente de la négociation, de la gouvernance et des politiques à Castlemain, engagée par la Nation shíshálh pour examiner ses dépenses pour les réclamations du groupe des bandes, souscrit le 22 février 2023;

  • l'affidavit de Matthew Swallow, trésorier du Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee), souscrit le 22 février 2023;

  • l'affidavit de Travis Anderson, gestionnaire financier autochtone certifié et directeur général des finances de la Bande indienne Tk'emlúps te Secwépemc, souscrit le 22 février 2023.

II. Les modalités principales de l'entente sur les honoraires

[10] Les principales modalités de l'entente sur les honoraires sont les suivantes :

  • L'article 3 dispose que le Canada versera la somme forfaitaire de 20 000 000 $ aux avocats du groupe en fiducie pour les frais juridiques, les débours et les taxes applicables payés dans le but d'intenter et de poursuivre le recours collectif, de négocier et de mettre en œuvre la convention de règlement, ainsi que de verser les honoraires aux représentants demandeurs;

    • oLes débours comprennent les frais des nations subventionnaires, ainsi que les coûts des avocats du groupe pour la poursuite du présent recours collectif;

  • L'article 4 prévoit le versement d'honoraires de 15 000 $ aux deux représentants demandeurs, l'ancien chef Shane Gottfriedson et l'ancien chef Garry Feschuk, pour les bandes membres du groupe.

[11] L'entente sur les honoraires tient compte des sommes déjà versées par le Canada pendant le présent recours collectif, y compris les frais anticipés.

III. Les questions en litige

[12] La présente requête soulève les questions suivantes :

  1. l'approbation de l'entente sur les honoraires;

  2. l'approbation des honoraires à verser aux représentants demandeurs.

IV. Analyse

A. L'approbation de l'entente sur les honoraires

Principes généraux

[13] L'article 334.4 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, dispose que la Cour approuve tous les honoraires des avocats dans un recours collectif.

[14] Le critère appliqué par la Cour lors d'une requête en approbation des honoraires de l'avocat consiste à déterminer si les honoraires sont « justes et raisonnables » dans l'ensemble des circonstances (McLean c. La Reine, 2019 CF 1077, au paragraphe 2 (McLean)).

[15] Les facteurs liés au caractère « juste et raisonnable » ont été exposés comme suit au paragraphe 25 de la décision McLean :

La Cour fédérale dispose d'un ensemble établi de facteurs non exhaustifs qui lui permet de déterminer ce qui est « juste et raisonnable ». Dans les décisions Condon c Canada, 2018 CF 522, au paragraphe 82, 293 ACWS (3d) 697 [Condon]; Merlo c Canada, 2017 CF 533, aux paragraphes 78 à 98, 281 ACWS (3d) 702 [Merlo]; et Manuge, au paragraphe 28, les facteurs comprenaient : les résultats obtenus, le risque assumé, le temps consacré, la complexité des questions, l'importance du litige pour les demandeurs, le niveau de responsabilité assumée par les avocats, les qualités et compétences des avocats, la capacité de payer du groupe, les attentes du groupe, et les honoraires approuvés dans des affaires comparables. Les observations de la Cour suivent, mais il convient de garder à l'esprit que les facteurs ont un poids différent d'une affaire à l'autre et que le risque et les résultats demeurent les facteurs essentiels (Condon, au paragraphe 83).

[16] Les avocats du groupe dans le présent recours collectif n'avaient pas accepté des honoraires conditionnels. Ils ont plutôt travaillé selon un taux horaire fixe et réduit, jusqu'à un maximum de 1 800 000 $. Toutes les heures de travail qui excédaient ce plafond ont été supportées par les avocats du groupe eux-mêmes.

[17] L'absence d'une convention d'honoraires conditionnels est un élément distinctif dans l'examen et l'évaluation des facteurs liés au caractère « juste et raisonnable » mentionnés ci‑dessus. Cependant, je pense qu'il est toujours nécessaire d'examiner ces facteurs par rapport aux frais que l'on cherche à faire approuver.

(a) Les résultats obtenus

[18] Les objectifs des représentants demandeurs en vue de la résolution du recours collectif étaient les suivants :

  • (a)une solution générationnelle à la perte de langues et de culture des membres du groupe, en réponse à des générations de préjudices causés par les pensionnats;

  • (b)une solution qui donne aux peuples autochtones l'autonomie sur les programmes et les initiatives qu'ils développent pour revitaliser les langues et les cultures autochtones;

  • (c)une résolution fondée sur les quatre piliers.

[19] La convention de règlement des bandes membres du groupe a atteint et dépassé ces objectifs. La convention de règlement crée un fonds de 2,8 milliards de dollars, qui assure des initiatives dirigées par des Autochtones pour soutenir des initiatives de revitalisation de la langue, de la culture et du patrimoine pour les bandes membres du groupe. Le fonds sera géré par une entité à but non lucratif composée d'administrateurs autochtones.

[20] Les bandes membres du groupe choisiront et prépareront leurs propres programmes et initiatives de revitalisation linguistique et culturelle, en mettant l'accent sur les besoins de leurs communautés respectives. Ces programmes seront financés comme indiqué dans la convention de règlement. Le règlement assurera un financement durable pendant 20 ans, ce qui permettra de revitaliser la langue et la culture autochtones à l'échelle d'une génération.

[21] En l'espèce, l'entente sur les honoraires a été négociée indépendamment de la convention de règlement. Le fait d'isoler ces conventions a permis de garantir que même si l'entente sur les honoraires n'était pas approuvée, la convention de règlement (si elle est approuvée) pourrait néanmoins être mise en œuvre. Les deux conventions sont également financées de manière indépendante par le Canada.

(b) Le risque assumé

[22] Il s'agissait d'un contentieux risqué et la réussite était loin d'être assurée. Le recours collectif soulevait des questions juridiques nouvelles et sans précédent visant à obtenir des dommages-intérêts pour la perte de la langue et de la culture. Le Canada a opposé une défense vigoureuse au présent recours collectif et a soulevé plusieurs moyens de défense, notamment la prescription, les renonciations dans la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens (la CRRPI) et l'inexistence d'une obligation de diligence. Le présent recours collectif était contentieux jusqu'à la veille du procès et les parties se sont longuement préparées.

[23] Le risque de non-recouvrement des frais juridiques des bandes membres du groupe et des avocats du groupe était élevé. Les avocats du groupe ont néanmoins poursuivi la présente procédure et ont accepté le risque de n'être payés que selon leurs taux réduits, jusqu'à concurrence du plafond de financement, si l'affaire n'était pas menée à bien. Les avocats du groupe décrivent cela comme un accord de partage des risques. Le plafond de contribution des nations subventionnaires avait déjà été atteint avant le procès, ce qui signifie que les avocats du groupe étaient disposés à plaider le procès sur les questions communes d'une durée de dix semaines sans être payés.

[24] En outre, deux des principaux avocats du groupe, Peter Grant et Diane Soroka, exercent seuls, sans collègues pour partager le risque du contentieux.

[25] L'affidavit de Peter Grant résume comme suit le risque lié au contentieux dans le présent recours collectif :

[traduction]

25. La réclamation des bandes membres du groupe repose sur les actes du Canada pendant les 77 années de la période visée par le recours collectif, soit de 1920 à 1997, en ce qui concerne 139 pensionnats indiens situés dans dix provinces et territoires et gérés en partenariat avec plusieurs entités religieuses différentes. La réclamation des bandes membres du groupe vise à obtenir des dommages‑intérêts pour les répercussions collectives que ces pensionnats ont eues sur 325 bandes situées dans l'ensemble du Canada.

26. Tout au long du contentieux, le Canada a régulièrement utilisé cette portée et cette complexité pour contester le principe même de la réclamation des bandes membres du groupe, en soutenant continuellement que cette complexité signifiait que les questions communes de droit ou de fait ne pouvaient tout simplement pas faire l'objet d'une réponse commune. En fait, le Canada a indiqué dans le mémoire du procès du défendeur qu'en raison de cette complexité, l'autorisation du recours collectif devrait être annulée.

27. Le litige des bandes membres du groupe comportait des risques et des incertitudes importants, principalement parce que les questions soulevées étaient tout à fait nouvelles. Les questions suivantes, entre autres, n'avaient jamais été examinées par une cour au Canada :

a) La perte de la langue et de la culture est‑elle un préjudice donnant droit à des dommages‑intérêts?

b) Existe‑t‑il un droit général à la langue et à la culture autochtones en vertu de l'article 35 de la Constitution?

c) Les Premières Nations et les autres groupes autochtones peuvent‑ils réclamer des dommages‑intérêts pour la perte de la langue et de la culture pour l'ensemble de la collectivité?

d) Qui détient les droits collectifs en matière de langue et de culture?

e) Un tribunal peut‑il établir le montant convenable des dommages‑intérêts pour la perte collective de la langue et de la culture? Dans l'affirmative, comment les établir?

f) Quels sont les dommages‑intérêts pour la perte collective de la langue et de la culture?

28. Une défaite sur l'une ou l'autre de ces questions aurait pu être fatale à l'ensemble de l'affaire.

[26] Le fait qu'aucune autre réclamation n'ait été faite au Canada au nom des bandes indiennes pour les préjudices collectifs causés par les pensionnats, ou pour la perte de la langue et de la culture en raison des pensionnats, met en évidence l'incertitude qui entourait ces réclamations et les risques pris par les avocats du groupe en consacrant des années de temps et de ressources pour poursuivre l'action.

(c) Le temps consacré

[27] Le litige dure depuis plus d'une décennie. Les questions juridiques étaient complexes et la réussite n'était pas assurée.

[28] La convention de règlement a été conclue tout juste avant le début prévu du procès sur les questions communes en septembre 2022. On a fait énormément de travail afin de préparer ce dossier pour le procès, Les avocats du groupe ont présenté un affidavit détaillé où est décrit le travail qu'ils ont accompli et ils y ont annexé des copies des bordereaux où figure la ventilation des tâches exécutées, les noms des personnes qui les ont effectuées et le temps qui y a été consacré.

[29] De mars 2021 à janvier 2023, les avocats du groupe ont consigné plus de 8 500 heures de travail. Leur travail juridique se poursuivra, puisqu'ils fourniront des services juridiques lors de la mise en œuvre de la convention de règlement et de la création de l'entité à but non lucratif qui administrera le fonds de règlement. Ce travail s'ajoute à tout travail juridique rémunéré au titre de l'entente sur les honoraires des anciens élèves externes, à la suite du règlement des réclamations du groupe des survivants et du groupe des descendants dans le présent recours collectif (Gottfriedson c. La Reine, 2021 CF 1020).

[30] Compte tenu des risques et des obligations assumés par les avocats du groupe et du succès obtenu pour les bandes membres du groupe, je n'ai aucune hésitation à conclure que les avocats du groupe ont largement mérité le droit à une prime d'honoraires dépassant le décompte des heures.

(d) La complexité des questions

[31] On ne peut exagérer la complexité du présent recours collectif, comme l'explique en plus de détails l'ordonnance approuvant la convention de règlement. Les réclamations présentées étaient nouvelles et sans précédent. La preuve était historique et volumineuse.

[32] Comme l'indique l'affidavit de Me Grant :

[traduction]

34. En fait, après l'autorisation, seules 98 des 640 nations ont choisi de participer à la présente instance. Pendant les négociations intenses de 2016‑2017, le retour au litige et la période précédant le procès, aucune autre action de nature similaire n'a été engagée. Aucune bande n'ayant pas choisi de participer à la présente instance n'a intenté sa propre action contre le Canada pour les préjudices collectifs causés par les pensionnats.

35. Ces faits indiquent fortement qu'au sein de la communauté juridique des avocats spécialisés dans les recours collectifs et des avocats spécialisés dans le droit autochtone, personne n'avait envie de prendre les risques énormes liés à la présentation des revendications nouvelles dans le présent recours.

(e) L'importance du litige pour les demandeurs

[33] Le préjudice à la langue, à la culture et au patrimoine des Premières Nations par les pensionnats au Canada est décrit dans le rapport de la Commission de vérité et réconciliation comme un génocide culturel. Ces pertes n'ont pas été reconnues dans les contentieux antérieurs relatifs aux pensionnats, mais les effets sur les bandes membres du groupe se font encore sentir dans ces communautés aujourd'hui.

[34] Les affidavits des représentants demandeurs, le chef Shane Gottfriedson et le chef Garry Feschuk, déposés à l'appui de la requête en approbation de la convention de règlement attestent de l'importance du présent litige pour leurs communautés.

[35] Peter Grant, l'un des avocats du groupe, a noté ceci dans son affidavit :

[traduction]

31. D'après mon expérience avec les Premières Nations et mes observations des avocats des recours collectifs au sujet des pensionnats et des appréhensions d'enfants autochtones, il est remarquable qu'au cours des trente années qui se sont écoulées depuis que les poursuites concernant les pensionnats ont réellement commencé, il n'y ait eu aucune autre poursuite intentée par des avocats, spécialisés ou non en recours collectifs, en dommages‑intérêts pour les préjudices collectifs causés aux collectivités autochtones dans leur ensemble, du fait des politiques du Canada en matière de pensionnats indiens.

32. De même, à l'exception des Cris de la baie James dans la présente poursuite, aucune autre Première Nation ou collectivité autochtone au Canada n'a accepté de se joindre aux représentants demandeurs et de prendre en charge le recours pour les préjudices collectifs découlant des politiques du Canada en matière de pensionnats indiens.

[36] Il est important de noter que la convention de règlement démontre que le Canada a modifié sa compréhension et son traitement de la langue et de la culture autochtones en tant que droits collectifs.

(f) Le niveau de responsabilité assumée par les avocats et les qualités et compétences des avocats

[37] Les avocats du groupe forment une équipe d'avocats très expérimentés, qui ont réuni leurs expertises en matière de droit autochtone et de recours collectifs. Les trois avocats principaux ont participé à la CRRPI et on leur a expressément demandé de s'occuper de la présente affaire en raison de leur expertise précise.

[38] Les avocats du groupe se sont clairement engagés dans le recours collectif et ont poursuivi les réclamations avec diligence, en dépit d'obstacles procéduraux et juridiques importants, et étaient disposés à faire avancer le litige même au risque de ne pas recevoir d'honoraires.

[39] En fin de compte, après de nombreuses années, les avocats du groupe ont réussi à obtenir un règlement qui a atteint et dépassé les objectifs des bandes membres du groupe. Les avocats continueront de fournir des services juridiques lors de la mise en œuvre de la convention de règlement et de la constitution de l'entité à but non lucratif chargée d'administrer le fonds de règlement.

(g) La capacité de payer du groupe et les attentes du groupe

[40] Les affidavits du chef Shane Gottfriedson, l'un des représentants demandeurs, et de Matthew Coon Come, ancien grand chef du Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee), soutiennent l'approbation de l'entente sur les honoraires et confirment que la convention sur les honoraires est conforme à leurs attentes au sujet des honoraires à payer en cas de réussite du recours collectif. Ils confirment également que, selon eux, les honoraires sont justes et raisonnables.

[41] Aucune objection à l'entente sur les honoraires n'a été formulée lors de la requête.

[42] Comme indiqué, les avocats du groupe ont reçu des honoraires pour les services rendus plutôt que d'accepter des honoraires conditionnels. L'affidavit de Peter Grant, avocat du groupe, et les affidavits de Matthew Coon Come et du chef Shane Gottfriedson fournissent des détails sur les mandats de représentation et les ententes de financement des nations subventionnaires.

[43] L'affidavit de Me Grant décrit les ententes de financement et les mandats de la façon suivante :

[traduction]

136. L'entente pécuniaire entre les trois nations et les avocats du groupe a été modifiée après la conclusion de la Convention de règlement relative aux anciens élèves externes, à la demande des trois nations. Les trois nations ont accepté de financer les débours et les honoraires juridiques à des taux fixes et réduits jusqu'à un maximum de 1 800 000 $ jusqu'à l'achèvement de la première phase du procès sur les questions communes. Les avocats du groupe prendraient en charge tous les montants qui excèdent ce maximum.

[...]

152. Comme décrit ci‑dessus, nous avons convenu avec les [trois nations] que leur contribution aux honoraires et aux débours pour la première phase du procès sur les questions communes serait plafonnée à 1,8 million de dollars. En raison de la manière dont le ministère de la Justice a mené le litige, des coûts imprévus liés à la réouverture de la période pour se joindre au recours collectif, et de la portée et de l'importance de la réclamation des bandes membres du groupe, nos honoraires et débours réels s'élèvent à 4 838 837 $, ce qui dépasse largement le financement de 1 800 000 $ fourni par les trois nations. Il restait donc un montant non financé de plus de 3 millions de dollars pour les honoraires et les débours qui n'était pas payé par les trois nations et que les avocats du groupe ont supporté. S'il y avait eu un procès, le montant non financé aurait été au moins égal à ce montant, voire plus, pour un procès complet avec tous les coûts liés aux déplacements des témoins et des experts à Vancouver, coûts qui auraient tous été supportés par les avocats du groupe.

153. Le recours collectif a été mené jusqu'à la veille même du procès. Étant donné que nous avions épuisé la contribution versée par les [trois nations] avant le début du procès, les avocats du groupe devaient être disposés à plaider un procès d'une durée de dix semaines sur des questions communes sans être payés, et ils étaient effectivement disposés à le faire.

[44] Dans son affidavit, le chef Shane Gottfriedson a déclaré :

[traduction]

Les nations Tk'emlúps te Secwépemc et shíshálh ont négocié un mandat de représentation avec les avocats du groupe selon lequel le risque du litige reposait d'une part sur les avocats du groupe, qui ont accepté d'assumer le fardeau d'un procès risqué, très complexe et d'une durée de plusieurs années et à des taux horaires fortement réduits, et d'autre part sur les nations Tk'emlúps te Secwépemc et shíshálh, qui ont accepté de fournir un financement continu afin de rendre la poursuite possible, compte tenu des pressions financières qui reposent sur nos communautés.

[45] Les représentants demandeurs ont négocié des honoraires horaires fortement réduits avec les avocats du groupe, sous réserve d'un plafond. Une fois le plafond atteint, les avocats du groupe ont pris en charge les frais juridiques non payés. En outre, les frais juridiques ont été pris en charge à parts égales par les trois nations subventionnaires afin de faciliter la poursuite du recours et de répartir la charge financière. Aucune des bandes indiennes qui ont choisi de ne pas participer à la présente action collective n'a intenté sa propre action en vue d'une indemnisation collective.

(h) Les honoraires approuvés dans des affaires comparables

[46] La valeur totale du règlement s'élève à 2,8 milliards de dollars. Par conséquent, les frais juridiques de 20 millions de dollars représentent moins de 1 % du règlement.

[47] À titre de comparaison, dans l'affaire McLean, le règlement relatif aux externats indiens s'élevait à environ 2 milliards de dollars et les honoraires approuvés étaient de 55 millions de dollars, auxquels s'ajoutaient 7 millions de dollars pour les services rendus pendant quatre ans par la suite.

[48] Dans l'affaire Riddle c. Canada, 2018 CF 641, [2018] 4 R.C.F. 491, un recours collectif au sujet de la « rafle des années 1960 », le règlement s'est élevé à 750 millions de dollars et la Cour a approuvé une entente sur les honoraires de 75 millions de dollars.

[49] En l'espèce, les frais juridiques dont on demande l'approbation sont modestes par rapport aux frais dans des affaires similaires.

[50] Dans l'ensemble, je conclus que l'entente sur les honoraires est juste et raisonnable.

B. L'approbation d'honoraires aux représentants demandeurs

[51] Notre Cour a noté qu'il convient d'indemniser les représentants demandeurs s'il y a eu des services qui dépassent les fonctions habituelles d'un représentant demandeur (Merlo c. La Reine, 2017 CF 533, au paragraphe 73 (Merlo)).

[52] La liste des facteurs pertinents pour décider si les représentants demandeurs devraient recevoir des honoraires comprend les facteurs suivants : un préjudice personnel important, une participation active au début du litige et au choix d'un avocat, le temps consacré et les activités entreprises pour le litige, les communications et les contacts avec les autres membres du groupe, et la participation aux diverses étapes du litige (Merlo, au paragraphe 72, Toth c. La Reine, 2019 CF 125, au paragraphe 96).

[53] Le litige a exigé des efforts exceptionnels de la part des représentants demandeurs, qui ont passé 11 ans à supporter le fardeau du présent litige difficile et psychologiquement éprouvant. L'ancien chef Shane Gottfriedson et l'ancien chef Garry Feschuk ont continué à participer activement au présent litige pendant des années après la fin de leur mandat en tant que chefs élus de leurs nations respectives.

[54] Le chef Shane Gottfriedson et le chef Garry Feschuk ont tous deux fourni des affidavits personnels pour le procès, exposant en détail leurs expériences personnelles et celles de leurs familles dans les pensionnats. Ils ont subi des contre‑interrogatoires et étaient prêts à témoigner ouvertement lors du procès. Ce faisant, ils se sont exposés à un nouveau traumatisme au prix d'un effort personnel considérable, mais dans l'intérêt collectif des membres du groupe.

[55] L'affidavit de Me Grant décrit ces contre‑interrogatoires de la façon suivante :

[traduction]

Les deux représentants demandeurs ont été interrogés pendant de nombreuses heures sur les questions suivantes, entre autres :

a) les expériences des membres de leurs familles et des membres de la communauté dans les pensionnats;

b) les traumatismes subis par leur famille et les membres de leur communauté, y compris les abus physiques, sexuels et émotionnels;

c) les effets des politiques d'assimilation du Canada sur leurs langues, leurs cultures et leurs religions (avant et pendant la période visée par le recours);

d) le déclin des langues et des pratiques culturelles de leurs nations au cours de la période visée par le recours.

[56] Les représentants demandeurs ont passé beaucoup de temps à se rendre à des réunions, à rassembler et à examiner des documents, à assister à des interrogatoires et à des audiences, et à étudier des documents afin de rester informés de l'état d'avancement du litige. Les représentants demandeurs ont rencontré régulièrement les avocats du groupe pour recevoir des mises à jour et donner des directives.

[57] Ils ont également participé à des entrevues avec les médias au sujet du présent recours collectif. Lors de l'audience d'approbation du règlement, la Cour a également entendu des membres des bandes qui ont loué la vision, l'engagement et la conviction dont ont fait preuve les chefs Gottfriedson et Feschuk pour mener à bien ces réclamations.

[58] Dans ces circonstances, je n'ai aucune difficulté à conclure qu'il est approprié de reconnaître les efforts extraordinaires des représentants demandeurs et j'approuve des honoraires de 15 000 $ chacun aux chefs Gottfriedson et Feschuk.

V. Conclusion

[59] Pour les raisons mentionnées ci‑dessus, l'entente sur les honoraires, y compris les honoraires aux représentants demandeurs, est approuvée.


 

ORDONNANCE dans le dossier T-1542-12

LA COUR ORDONNE :

  1. L'entente sur les honoraires jointe à l'annexe « A » est juste et raisonnable et est approuvée au titre de l'article 334.4 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, et sera mise en œuvre conformément à ses modalités.

  2. Dans les 30 jours suivant la date de mise en œuvre, le défendeur versera la somme forfaitaire de 19 500 000 $ (soit les honoraires de 20 millions de dollars, moins les frais anticipés déjà versés par le défendeur) aux avocats du groupe en fiducie pour les frais juridiques, les débours et les taxes applicables payés pour la poursuite de la réclamation des bandes membres du groupe et pour les honoraires aux représentants demandeurs.

  3. Les honoraires de 15 000 $ aux deux représentants demandeurs pour les bandes membres du groupe, soit l'ancien chef Shane Gottfriedson et l'ancien chef Garry Feschuk, sont approuvés et seront payés par les avocats du groupe à même le montant des honoraires.

  4. Aucuns dépens ne sont adjugés à l'égard de la présente requête.

en blanc

« Ann Marie McDonald »

en blanc

Juge


 

Annexe A

[traduction]

No du dossier de la Cour : T-1542-12

COUR FÉDÉRALE

RECOURS COLLECTIF

ENTRE :

LE CHEF SHANE GOTTFRIEDSON, au nom de la BANDE INDIENNE TK'EMLÚPS TE SECWÉPEMC, la BANDE INDIENNE TK'EMLÚPS TE SECWÉPEMC, le CHEF GARRY FESCHUK, au nom de la BANDE INDIENNE SECHELT, et la BANDE INDIENNE SECHELT

demandeurs

et

SA MAJESTÉ LE ROI DU CHEF DU CANADA, représenté par LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

ENTENTE SUR LES HONORAIRES POUR LE GROUPE DES BANDES

1. Entente sur les honoraires

1.01 L'entente sur les honoraires pour le groupe des bandes (l'« entente sur les honoraires ») est l'accord juridique autonome au sujet des frais juridiques, des honoraires et des débours au sens de la convention de règlement du groupe des bandes proposée dans le recours collectif autorisé portant le numéro de dossier de la Cour T‑1542‑12, Gottfriedson et al. c. Sa Majesté le Roi du chef du Canada (la « convention de règlement »).

1.02 L'entente sur les honoraires a été négociée indépendamment de la convention de règlement. Tous les frais juridiques, débours, taxes et dépens, en plus des honoraires proposés pour les représentants demandeurs, font l'objet de l'entente sur les honoraires, qui est assujettie à l'examen et à l'approbation de la Cour.

1.03 L'approbation par la Cour de l'entente sur les honoraires est distincte de l'approbation par la Cour de la convention de règlement. Si la Cour n'approuve pas l'entente sur les honoraires, en tout ou en partie, cela n'aura aucun effet sur l'approbation ou la mise en œuvre de la convention de règlement.

1.04 Si la Cour n'approuve pas la convention de règlement, l'entente sur les honoraires est nulle.

2. Définitions

2.01 Les définitions de la convention de règlement s'appliquent également à l'entente sur les honoraires.

2.02 Dans la présente entente sur les honoraires, les définitions supplémentaires suivantes s'appliquent :

« frais anticipés » La somme de 500 000 $ à payer par le Canada pour les coûts de la constitution et du fonctionnement de la fiducie ou de l'entité à but non lucratif avant la date d'entrée en vigueur;

« honoraires » La rétribution, sous réserve de l'approbation de la Cour, à chacun des représentants demandeurs pour le groupe des bandes pour tenir compte de leurs contributions en temps et en efforts au litige.

3. Frais juridiques, débours, taxes et dépens

3.01 Le Canada accepte de payer la somme forfaitaire de 20 000 000 $ au titre des frais juridiques, des débours et des taxes pour intenter et poursuivre l'action, et pour négocier et mettre en œuvre la convention de règlement, et au titre des honoraires des représentants demandeurs.

3.02 Il est entendu que les débours comprennent ce qui suit :

3.02.1 les frais des avocats du groupe pour le compte du groupe lors de la poursuite de l'action;

3.02.2 les frais de la Nation Tk'emlúps te Secwépemc, la Nation shíshálh et le Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee) lors de la poursuite de l'action;

3.02.3 Les frais anticipés sont notamment :

3.02.3.1 les frais pour retenir les services d'un avocat pour fournir des services et des conseils juridiques;

3.02.3.2 les frais pour le recrutement, l'embauche et la rémunération du personnel par intérim, notamment un directeur administratif et un adjoint de direction par intérim;

3.02.3.3 les frais pour l'obtention et la location d'espaces de bureaux;

3.02.3.4 les frais pour l'ouverture d'un compte à une institution financière canadienne agréée pour recevoir les fonds pour la fiducie;

3.02.3.5 les frais pour les services de conseillers financiers pour fournir des conseils de placements.

3.03 Les frais anticipés sont versés conformément à l'ordonnance de la Cour fédérale du 21 janvier 2023 à Waddell Phillips PC en fiducie.

3.04 La somme indiquée à l'article 3.01, à l'exception des frais anticipés, est versée à Waddell Phillips PC en fiducie dans les 30 jours suivant la mise en œuvre.

4. Honoraires des représentants demandeurs

4.01 On demandera à la Cour d'approuver des honoraires de 15 000 $ chacun aux anciens chefs Garry Feschuk et Shane Gottfriedson en reconnaissance du temps et des efforts extraordinaires qu'ils ont consacrés au litige. Les honoraires sont prélevés sur la somme visée à l'article 3.01.

4.02 Si la demande est approuvée, Waddell Phillips PC verse les honoraires aux représentants demandeurs dans les sept jours suivant le paiement de la somme visée à l'article 3.01.

4.03 Si la Cour n'approuve pas les honoraires en tout ou en partie, cela n'aura aucun effet sur l'approbation ou la mise en œuvre de la convention de règlement ou sur les autres dispositions de la présente entente.

5. Aucuns autres frais ou débours

5.01 Les parties conviennent qu'elles souhaitent que le paiement du fonds à la fiducie soit effectué sans retenue au titre des frais juridiques ou des débours, sauf les frais de fonctionnement courants de la fiducie ou de l'entité à but non lucratif après la date de mise en œuvre, y compris les honoraires professionnels.

6. Exemplaires

6.01 La présente entente sur les honoraires peut être signée en plusieurs exemplaires, dont chacun sera considéré comme un original et dont l'ensemble sera réputé être une seule et même convention.

EN FOI DE QUOI les parties ont signé la présente entente sur les honoraires le 3 février 2023.

Pour les demandeurs

Peter R. Grant Law Corporation

par Peter R. Grant

Avocat du groupe

Pour les demandeurs

Waddell Phillips Professional Corporation

par John K. Phillips, c.r.

Avocat du groupe

Pour les demandeurs

Diane Soroka Avocate Inc.

par Diane H. Soroka

Avocate du groupe

Bess, Darlene

Signé numériquement par Bess, Darlene

 

Date : 2023.02.08 15:22:39 -0500

Pour le défendeur

Darlene Bess

Dirigeante principale des finances, des résultats et de l'exécution

Relations Couronne‑Autochtones et Affaires du Nord Canada

 

COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

T-1542-12

 

INTITULÉ :

LE CHEF SHANE GOTTFRIEDSON ET AL. c. SA MAJESTÉ LE ROI DU CHEF DU CANADA

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 28 février 2023

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE MCDONALD

 

DATE DES MOTIFS :

Le 16 mars 2023

 

COMPARUTIONS :

Peter R. Grant

Diane Soroka

John Kingman Phillips, c.r.

W. Cory Wanless

Jonathan Schachter

Flora Yu

 

Pour les demandeurs

 

Travis Henderson

Ainslie Harvey

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Peter Grant Law

Avocat

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour les demandeurs

 

 

Diane Soroka

Avocate

Westmount (Québec)

 

 

 

Waddell Phillips Professional Corporation

Toronto (Ontario)

 

 

Procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le défendeur

 

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