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Date : 20230320


Dossier : T-1392-22

Référence : 2023 CF 372

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 20 mars 2023

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

AFSHAN NIKHAT

demanderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Mme Nikhat demande à la Cour d’annuler la décision par laquelle la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada [la division d’appel] a refusé de lui accorder l’autorisation d’interjeter appel de la décision de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada [la division générale] portant qu’elle n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler.

[2] Je conclus que la décision de la division d’appel est raisonnable. Par conséquent, comme je l’ai expliqué au cours de l’audience, la présente demande doit être rejetée.

[3] Mme Nikhat a reçu des prestations d’assurance-emploi d’urgence [PAEU] du 15 mars 2020 au 26 septembre 2020. À la fin de la période d’admissibilité aux PAEU, celles-ci sont automatiquement devenues des prestations régulières d’assurance-emploi pour la période du 27 septembre 2020 au 21 août 2021.

[4] Mme Nikhat devait remplir des déclarations pour prouver qu’elle avait droit à des prestations pour chaque semaine où elle en demandait. Elle a produit ces déclarations pour toute la période en cause dans lesquelles elle a indiqué qu’elle était disponible pour travailler.

[5] Mme Nikhat a communiqué avec la Commission de l’assurance-emploi du Canada [la Commission] le 1er septembre 2021 et, d’après ses déclarations, la Commission a déterminé qu’elle n’avait pas été disponible pour travailler à partir du 27 septembre 2020, car elle prenait soin de son fils. Elle avait déjà reçu des prestations pendant cette période, ce qui a donné lieu à un trop-payé de 23 500 $, qu’on lui a demandé de rembourser.

[6] Mme Nikhat a présenté une demande de révision de la décision de la Commission en vertu de l’article 112 de la Loi sur l’assurance-emploi, LC 1996 c 23. Elle a affirmé qu’elle n’était pas disponible pour travailler en raison de la pandémie et parce qu’elle s’occupait de ses enfants et qu’elle était endeuillée par le décès de son père. En février 2022, la Commission a rendu sa décision : elle a conclu que même si Mme Nikhat avait, inconsciemment, fait une fausse déclaration sur sa disponibilité et qu’aucune pénalité ne devait être imposée, elle n’était pas disponible pour travailler. La Commission a maintenu la décision initiale.

[7] Mme Nikhat a interjeté appel de la décision de révision devant la division générale. La division générale a conclu qu’elle n’était pas disponible pour travailler parce qu’elle s’occupait de son fils.

[8] Mme Nikhat a ensuite demandé l’autorisation d’interjeter appel devant la division d’appel. En juin 2022, la division d’appel a refusé l’autorisation d’appel au motif que l’appel n’avait aucune chance raisonnable d’être accueilli.

[9] La seule question à trancher est celle de savoir si la décision de la division d’appel est raisonnable.

[10] Mme Nikhat soutient qu’elle n’était pas disponible pour travailler de juin 2020 à septembre 2021 en raison de la pandémie. Elle a postulé en personne à des emplois pendant la pandémie, mais sans succès. La demanderesse a également perdu son père pendant la pandémie, ce qui, selon elle, l’aurait empêchée de retourner au travail.

[11] Mme Nikhat affirme qu’en tant qu’éducatrice de la petite enfance inscrite, elle doit travailler en présentiel, et qu’à cause de la pandémie, elle n’a pas pu le faire. Elle a présenté une demande d’assurance-emploi parce que tous les lieux de travail étaient fermés.

[12] Elle affirme qu’elle a décidé que son fils n’irait plus à l’école en mode présentiel, mais qu’il suivrait ses cours en ligne à temps plein de septembre 2020 à juin 2021 en raison du nombre élevé de cas de COVID-19 et qu’elle devait s’occuper de lui à la maison.

[13] Elle n’a pas accepté l’emploi offert par son ancien employeur en juillet, car on ne lui proposait pas un horaire de travail régulier comme avant la COVID-19. Elle dit qu’en septembre 2021, elle a postulé à des emplois, mais que sa candidature n’a pas été retenue. Elle a trouvé un emploi en octobre 2021.

[14] La division d’appel s’est appuyée sur l’arrêt Faucher c Canada (Commission de l’emploi et de l’immigration), [1997] ACF no 215 (QL) [Faucher] pour analyser la disponibilité. Les trois facteurs de l’arrêt Faucher sont les suivants : 1) le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable est offert; 2) l’expression de ce désir par des efforts pour trouver un emploi convenable; et 3) le non-établissement de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retourner sur le marché du travail : Oh c Canada (Procureur général), 2022 CAF 175 [Oh] au para 13.

[15] La division d’appel s’est attachée à juste titre au fait que la demanderesse avait admis avoir choisi de s’occuper de son enfant plutôt que de chercher du travail.

[16] Je suis d’accord avec le défendeur pour dire qu’il était raisonnable de la part de la division d’appel de rejeter l’argument de la demanderesse concernant la COVID-19 après avoir conclu que la pandémie ne la dispensait pas de l’obligation de démontrer qu’elle était disponible pour travailler. Elle n’avait pas à prouver qu’elle était disponible pour travailler du 15 mars 2020 au 26 septembre 2020 parce qu’elle recevait des PAEU. Toutefois, à partir du 27 septembre 2020, une fois ses PAEU converties en prestations régulières d’assurance-emploi, elle devait démontrer qu’elle était disponible pour travailler et qu’elle cherchait activement un emploi : Canada (Procureur général) c Leblanc, 2010 CAF 60 au para 5 ; Lamirande c Canada (Procureur général), 2004 CAF 311 au para 1. La pandémie de COVID-19 n’est pas un facteur à prendre en compte dans le critère relatif à la disponibilité : Commission de l’assurance-emploi du Canada c. SL, 2022 TSS 556, aux para 30 à 32. Selon les éléments de preuve présentés à la Cour, Mme Nikhat a postulé à des emplois seulement pendant qu’elle recevait des PAEU, puis après que ses prestations régulières d’assurance-emploi ont pris fin.

[17] Suivant l’analyse des facteurs énoncés dans l’arrêt Faucher correctement appliqués aux faits pertinents, la décision de la division d’appel était raisonnable. Premièrement, Mme Nikhat a refusé de retourner au travail lorsqu’on lui a offert un emploi à temps partiel en juin 2021 en raison de la pandémie, puis elle a refusé à nouveau en juillet 2021 parce que son père était décédé. Le premier refus démontre qu’elle n’avait pas le désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable devenait disponible, et rien n’indique qu’elle ait changé d’avis.

[18] Deuxièmement, rien ne prouve que Mme Nikhat ait cherché activement un emploi à partir du 27 septembre 2020. Elle soutient avoir postulé à des emplois en personne, mais n’a fourni aucune preuve démontrant qu’elle avait présenté des demandes d’emploi, communiqué avec des employeurs potentiels pour des possibilités d’emploi ou évalué les possibilités d’emploi. Compte tenu de l’absence de preuve, la conclusion de la division d’appel selon laquelle Mme Nikhat n’a pas fait d’efforts pour se trouver un emploi convenable est raisonnable.

[19] Troisièmement, à plusieurs reprises, Mme Nikhat a affirmé qu’elle n’était pas en mesure de retourner au travail parce qu’elle s’occupait de son enfant. Elle a affirmé qu’elle avait choisi d’enseigner à son fils à la maison de septembre 2020 à juin 2021 en raison des cas élevés de COVID-19 et qu’elle n’avait donc pas d’autre choix que de rester chez elle pour s’occuper de son fils. Elle soutient que, si ce n’était de la pandémie, elle aurait été disponible pour travailler.

[20] Je comprends bien la situation de Mme Nikhat. Or, en choisissant de faire l’école à la maison et de s’occuper de son fils, elle a établi des conditions personnelles qui ont limité sa capacité à retourner sur le marché du travail.

[21] La division d’appel a évalué de manière raisonnable les facteurs énoncés dans l’arrêt Faucher et a ajouté que la pandémie « n’élimin[ait] pas l’obligation de démontrer sa disponibilité au sens de la loi ».

[22] Il était raisonnablement de la part de la division d’appel de conclure que la preuve appuyait la conclusion de la division générale selon laquelle Mme Nikhat « n’a[vait] pas démontré qu’elle était disponible pour travailler et incapable de trouver un emploi convenable ». Par conséquent, la conclusion portant que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès est justifiée et la décision de refuser l’autorisation d’interjeter appel est raisonnable.

[23] Il est devenu évident au cours de l’audience que la réparation recherchée par Mme Nikhat était l’annulation du trop-payé, puisqu’elle n’a pas les moyens de rembourser cette somme. Malheureusement, dans sa décision, la division générale a laissé entendre que si elle souhaitait obtenir pareille réparation, elle devait le faire dans le cadre de la présente instance. C’est inexact. La Commission, et non la Cour ou le Tribunal de la sécurité sociale, a compétence pour radier un tel montant : Règlement sur l’assurance-emploi, DORS/96-332, art 56. Bien que l’incapacité de la demanderesse à rembourser le montant ait été soulevée au cours de l’audience devant la division générale, elle n’a présenté aucune demande à cet effet. À la demande de la Cour, l’avocat du défendeur dans l’affaire qui nous occupe a accepté d’informer Mme Nikhat par écrit des mesures qu’elle devrait prendre pour solliciter cette réparation maintenant.

[24] Par conséquent, la demande sera rejetée, sans dépens.

[25] À la demande du défendeur, l’intitulé de la cause sera modifié avec effet immédiat de manière à désigner le procureur général du Canada comme seul défendeur.


JUGEMENT dans le dossier T-1392-22

LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit : l’intitulé de la cause est modifié avec effet immédiat de manière à désigner le procureur général du Canada comme seul défendeur, et la présente demande est rejetée, sans dépens.

« Russel W. Zinn »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1392-22

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

AFSHAN NIKHAT c LA COMMISSION DE L’ASSURANCE-EMPLOI DU CANADA ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 MARS 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 20 MARS 2023

 

COMPARUTIONS :

Afshan Nikhat

 

POUR LA DEMANDERESSE

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

M. Joshua Toews

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Gatineau (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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