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Date : 20230316


Dossier : T-1057-21

Référence : 2023 CF 354

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 16 mars 2023

En présence de monsieur le juge Pentney

ENTRE :

WISEAU STUDIO, LLC

 

demanderesse

et

RICHARD HARPER, FERNANDO FORERO MCGRATH, MARTIN RACICOT,

faisant affaire sous le nom de ROCKHAVEN PICTURES, ROOM FULL OF SPOONS INC., PARKTOWN STUDIOS INC., RICHARD STEWART TOWNS

défendeurs

 

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La demanderesse interjette appel de la décision par laquelle le juge adjoint Horne a radié l’action qu’elle avait intentée contre les défendeurs au motif que l’action était irrecevable en raison du principe de l’autorité de la chose jugée; plus précisément, en raison de la préclusion fondée sur la cause d’action.

I. Le contexte

[2] Comme l’historique de l’affaire est relaté en détail dans la décision visée par l’appel, il n’est pas nécessaire de le répéter en l’espèce. Pour les besoins de la présente décision, seuls les points essentiels sont nécessaires, notamment les suivants : Tommy Wiseau a fait un film intitulé The Room et il affirme avoir cédé le droit d’auteur sur le film à la société des défendeurs; les défendeurs ont fait un documentaire sur ce film et sur M. Wiseau, intitulé Room Full of Spoons; le documentaire contient des séquences du film de la demanderesse.

[3] En raison de l’utilisation de ces séquences par les défendeurs, la demanderesse, se fondant sur les articles 27, 14.1 et 28.1 de la Loi sur le droit d’auteur, LRC (1985), c C-43 [la Loi], a intenté une action contre ceux-ci devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario, action dans laquelle elle alléguait que le documentaire portait atteinte à son droit d’auteur et à ses droits moraux. Cette action a été rejetée dans son intégralité, et les appels de la demanderesse ont été rejetés.

[4] La demanderesse a, par la suite, intenté deux autres actions : une action devant la Cour de justice de l’Ontario et la présente action devant la Cour. Dans l’action intentée en Ontario, elle a allégué que les défendeurs avaient fait de fausses déclarations qui avaient induit la cour en erreur dans l’action antérieure. Dans l’action intentée devant la Cour, elle a allégué que les défendeurs avaient contrevenu à l’article 41.1 de la Loi en contournant les mesures techniques de protection (parfois appelées « verrous numériques ») qui avaient été mises en place sur les disques Blu-ray contenant son film. La présente action repose principalement sur le fait que les défendeurs ont obtenu les séquences du film The Room utilisées dans leur documentaire en contournant les mesures de protection et en téléchargeant les séquences à partir de l’un des disques Blu-ray.

[5] La deuxième action intentée en Ontario a été rejetée au motif qu’elle constituait un abus de procédure. Le juge saisi de cette affaire a refusé de statuer sur l’action intentée devant la Cour.

[6] Les défendeurs ont ensuite déposé, devant le juge adjoint Horne, une requête en rejet ou suspension définitive de l’action intentée devant la Cour pour des motifs de préclusion fondée sur la cause d’action.

II. La décision faisant l’objet de l’appel

[7] La requête des défendeurs a été accueillie. Dans la décision Wiseau Studio, LLC c Harper, 2022 CF 568, le juge adjoint Horne a conclu que les conditions préalables à la préclusion fondée sur la cause d’action, telles qu’elles ont été énoncées dans l’arrêt de principe Grandview c Doering, 1975 CanLII 16 (CSC), [1976] 2 RCS 621 [Grandview], étaient réunies :

  • une décision définitive avait été rendue dans l’action antérieure (après que la Cour suprême du Canada eut rejeté la demande d’autorisation);

  • les deux affaires mettaient en cause les mêmes parties;

  • la cause d’action dans l’action antérieure et celle dans l’action en cours n’étaient pas distinctes; et

  • le fondement de l’action en cours avait été ou aurait pu être plaidé dans l’action antérieure.

[8] Comme il ressortira de l’analyse qui suit, la partie essentielle du raisonnement porte sur la question de savoir si les deux causes d’action sont distinctes. Le raisonnement du juge adjoint Horne à ce sujet est exposé ainsi :

[33] En l’espèce, la demanderesse avait allégué dans l’action intentée en Ontario des violations du droit d’auteur fondées sur les articles 27, 14.1 et 28.1. La présente action vise aussi des violations du droit d’auteur et est fondée sur l’article 41.1. Les deux procédures concernent les mêmes œuvres originales et le même documentaire qui est censé avoir porté atteinte aux œuvres originales. Elles visent toutes deux à obtenir une ordonnance de restitution des mêmes œuvres.

[34] Accepter l’argument de la demanderesse selon lequel différents articles de la Loi sur le droit d’auteur représentent des causes d’action distinctes qui peuvent justifier des procédures distinctes concernant les mêmes œuvres va directement à l’encontre de l’approche adoptée dans l’arrêt Grandview, où l’on s’attendait à ce que toutes les questions relatives aux actions de la municipalité concernant un barrage et une rivière qui avaient des conséquences sur les terres d’un agriculteur soient présentées dans une seule instance. Toutes les causes d’action de la demanderesse ont une source commune, à savoir la Loi sur le droit d’auteur. Les dépôts multiples de la demanderesse pour la même cause d’action générale (violation du droit d’auteur) visant les mêmes œuvres sont précisément le genre de méfait que la préclusion fondée sur la cause d’action vise à prévenir.

[9] La demanderesse interjette appel, alléguant que le juge adjoint Horne a commis une erreur en concluant que la cause d’action à l’origine de la présente action est la même que celle à l’origine de l’action antérieure.

III. La question en litige et la norme de contrôle applicable

[10] La principale question dont est saisie la Cour est de savoir si la conclusion selon laquelle le principe de l’autorité de la chose jugée s’applique à l’action intentée par la demanderesse en raison de la préclusion fondée sur la cause d’action équivaut à une erreur manifeste et dominante. Une question préliminaire a été soulevée, à savoir s’il y avait lieu d’accorder rétroactivement à la demanderesse une prorogation de délai.

[11] La question préliminaire peut être tranchée rapidement. La demanderesse sollicite une prorogation rétroactive du délai pour engager la présente procédure, ce à quoi les défendeurs consentent. Dans les circonstances, j’accorderai la prorogation du délai, nunc pro tunc.

[12] En ce qui concerne le fond de l’appel, la question de savoir si la même cause d’action sous-tend les deux actions est une question mixte de fait et de droit. La norme de contrôle qui s’applique aux conclusions discrétionnaires tirées par des juges adjoints à l’égard de questions mixtes de fait et de droit est la norme de « l’erreur manifeste et dominante » (Feeney c Canada, 2022 CAF 190 au para 4; Corporation de soins de la santé Hospira c Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215).

IV. Analyse

[13] La demanderesse soutient que le juge adjoint Horne a commis une erreur manifeste et dominante lorsqu’il a conclu que les causes d’action dans l’action antérieure et dans la présente action n’étaient pas distinctes. Elle fait valoir que le fait de contourner des mesures techniques de protection en contravention du paragraphe 41.1(1) de la Loi constitue un méfait complètement différent du concept généralement reconnu de violation du droit d’auteur. Bien que la question n’ait pas été traitée dans la jurisprudence, la demanderesse souligne que, dans une décision portant sur cette nouvelle disposition, Nintendo of America Inc. c King, 2017 CF 246 [Nintendo], la société a invoqué la violation du droit d’auteur et le contournement des mesures techniques de protection en tant que causes d’action distinctes dans sa déclaration et que la Cour les a traitées comme telles au moment d’évaluer les mesures de réparation (para 2 et 126).

[14] La demanderesse souligne aussi que, dans l’action antérieure intentée en Ontario, le juge Schabas a refusé de traiter de l’argument concernant la violation du paragraphe 41.1(1) de la Loi. Il a déclaré ce qui suit au paragraphe 166 :

[traduction]

[166] Dans ses observations finales, l’avocat des demandeurs a présenté un argument supplémentaire pour appuyer la prétention de violation. Il a fait valoir que les défendeurs, en « extrayant » des séquences de The Room d’un disque Blu‑ray, avaient contourné une « mesure technique de protection » en violation du paragraphe 41.1(1) de la Loi sur le droit d’auteur et qu’ils avaient donc également commis une violation du droit d’auteur des demandeurs, comme le prévoit le paragraphe 41.1(2). Ce point n’a pas été plaidé dans la déclaration et constitue, à mon avis, une cause d’action distincte par rapport à la question de la violation du droit d’auteur. Bien que le paragraphe 41.1(2) porte que « le titulaire du droit d’auteur sur une œuvre » pour laquelle une mesure technique de protection a été contournée « est admis [...] à exercer [...] tous les recours [...] que la loi prévoit ou peut prévoir pour la violation d’un droit d’auteur », il s’agit d’une mesure législative adoptée pour traiter de la question de l’utilisation des verrous numériques, et non d’une autre forme de violation du droit d’auteur. La violation aurait dû être plaidée de manière à ce que les défendeurs puissent avoir l’occasion de l’aborder dans la preuve, y compris la question de savoir si une mesure technique de protection a été contournée, et de soulever tout moyen de défense contre la question du contournement.

[15] La demanderesse s’appuie sur la conclusion tirée par le juge Schabas selon laquelle la violation des paragraphes 41.1(1) et 41.1(2) constitue [traduction] « une cause d’action distincte par rapport à la question de la violation du droit d’auteur ». Elle reconnaît toutefois que la conclusion énoncée par le juge Schabas à la dernière phrase du paragraphe cité ci-dessus, selon laquelle [traduction] « [l]a violation aurait dû être plaidée [dans cette action] [...] », appuie la conclusion voulant que la quatrième des conditions énoncées dans l’arrêt Grandview s’applique en l’espèce. En effet, à l’audience, la demanderesse a admis que la prétention sur laquelle elle s’appuyait en l’espèce aurait pu être plaidée dans l’action antérieure. Cependant, elle affirme que cela ne porte pas un coup fatal à son action puisqu’elle est fondée sur une cause d’action distincte.

[16] Les défendeurs font valoir que la demanderesse ne devrait pas être autorisée à faire durer ce litige, déjà long et onéreux, simplement en faisant valoir un nouveau motif pour plaider une violation de la Loi. Selon eux, la conclusion du juge Schabas selon laquelle le contournement des mesures techniques de protection aurait dû être plaidé plus tôt devrait guider l’analyse en l’espèce. Cette conclusion repose, en partie, sur la réponse donnée par M. Harper lors du contre-interrogatoire sur son affidavit, mené le 23 août 2019 (soit longtemps avant le procès). La transcription de ce contre-interrogatoire contient l’échange suivant au sujet de la source des séquences du film The Room qui ont été utilisées dans le documentaire des défendeurs :

[traduction]

Q. D’où provenait ce contenu?

R. Nous l’avons extrait du disque Blu-ray.

Q. Vous dites que vous l’avez extrait du disque Blu-ray. Pouvez-vous nous donner plus de détails?

R. Oui. Nous avons extrait le film d’un disque Blu-ray sur notre ordinateur, puis nous l’avons intégré au documentaire à l’aide du logiciel Adobe Premiere.

[17] Les défendeurs prétendent que ce témoignage fournissait à la demanderesse tous les renseignements dont elle avait besoin pour modifier son acte de procédure de façon à plaider une violation du paragraphe 41.1(1) de la Loi, compte tenu de sa preuve qui montrait que tous les disques Blu-ray contenant son film étaient protégés par des mesures techniques de protection. Ils soutiennent que le défaut de la demanderesse de prendre cette mesure dans l’action antérieure porte un coup fatal à sa tentative de faire valoir cet argument devant la Cour.

[18] Comme je l’ai souligné à l’audience, bien que les deux parties semblent convenir que la question principale en l’espèce est de savoir si les deux actions sont fondées sur des causes d’action identiques ou distinctes, ni l’une ni l’autre n’a fourni de définition du concept dans ses observations.

[19] La question principale dont je suis saisi est de savoir si le juge adjoint Horne a commis une erreur manifeste et dominante en concluant que les deux causes d’action ne sont pas distinctes. Les parties conviennent qu’il n’a commis aucune erreur en concluant que les autres circonstances énoncées dans l’arrêt Grandview étaient réunies. Il y a donc lieu d’amorcer l’analyse en examinant celle que le juge adjoint Horne a faite de cette question dans sa décision.

[20] Le juge adjoint Horne commence cette partie de la décision en examinant les motifs dissidents et majoritaires exposés dans l’arrêt Grandview. Il applique ensuite le principe aux faits de l’espèce. L’essentiel de son raisonnement est que bien que les deux affaires concernent des dispositions différentes de la Loi, « [l]es deux procédures concernent les mêmes œuvres originales et le même documentaire qui est censé avoir porté atteinte aux œuvres originales ». En outre, il souligne que les deux actions visent à obtenir une ordonnance de « restitution » des copies du documentaire. Il est d’avis que « [l]es dépôts multiples de la demanderesse pour la même cause d’action générale (violation du droit d’auteur) visant les mêmes œuvres sont précisément le genre de méfait que la préclusion fondée sur la cause d’action vise à prévenir ».

[21] Je ne suis pas convaincu que cette conclusion soit entachée d’une quelconque erreur, encore moins une erreur qui pourrait être qualifiée de « manifeste et dominante » au sens où l’entend la jurisprudence (voir Canada c South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165 au para 46; Mahjoub c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157, [2018] 2 RCF 344 aux para 62, 64-65.

[22] L’affaire qui nous occupe porte sur le concept de la « cause d’action », reconnu pour être particulièrement flou. Comme le terme « compétence », le terme « cause d’action » est parfois employé de manière inexacte. Il m’est sans doute arrivé de le faire. Il pourrait être utile d’établir la distinction entre le sens usuel du terme, soit le fondement juridique d’une action, et la définition plus précise établie dans la jurisprudence. Par exemple, dans l’arrêt Danyluk c Ainsworth Technologies Inc, 2001 CSC 44, [2001] 2 RCS 460 [Danyluk], un arrêt qui fait autorité sur la question de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée (l’autre élément du principe de l’autorité de la chose jugée), le juge Binnie a énoncé la définition suivante du terme « cause d’action » au paragraphe 54 :

Traditionnellement, on définit la cause d’action comme étant tous les faits que le demandeur doit prouver, s’ils sont contestés, pour étayer son droit d’obtenir jugement de la cour en sa faveur : Poucher c. Wilkins (1915), 33 O.L.R. 125 (C.A.). Pour que le demandeur ait gain de cause, chacun de ces faits (souvent qualifiés de faits substantiels) doit donc être établi. Il est évident que des causes d’action différentes peuvent avoir en commun un ou plusieurs faits substantiels. En l’espèce, par exemple, l’existence d’un contrat de travail est un fait substantiel commun au recours administratif et à l’action pour congédiement injustifié intentée au civil par l’appelante. L’application de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée signifie simplement que, dans le cas où le tribunal judiciaire ou administratif compétent a conclu, sur le fondement d’éléments de preuve ou d’admissions, à l’existence (ou à l’inexistence) d’un fait pertinent — par exemple un contrat de travail valable — , cette même question ne peut être débattue à nouveau dans le cadre d’une instance ultérieure opposant les mêmes parties. En d’autres termes, la préclusion vise les questions de fait, les questions de droit ainsi que les questions mixtes de fait et de droit qui sont nécessairement liées à la résolution de cette « question » dans l’instance antérieure.

[23] Dans le même ordre d’idées, le Black’s Law Dictionary (8e éd.) définit une cause d’action de la façon suivante : [TRADUCTION] « [un] ensemble de faits pertinents donnant lieu à un ou plusieurs motifs de poursuite; une situation de fait permettant à une personne d’obtenir réparation en cour [...] ». Sous la même rubrique, le Black’s Law Dictionary définit le terme « nouvelle cause d’action » de la façon suivante : [traduction] « [u]ne action qui ne découle pas de l’opération, de l’événement ou du comportement énoncé dans l’acte de procédure original, ou qui n’y est pas liée [...] » (voir Shoolestani v Ichikawa, 2017 BCSC 139 au para 18).

[24] Dans The Doctrine of Res Judicata (5e éd.), au chapitre 3 de la partie 3, les auteurs déclarent [traduction] « [qu’une] cause d’action correspond aux faits qui donnent à une personne le droit de solliciter une réparation en cour ». Ils ajoutent ce qui suit :

[traduction]

Le fait d’avancer une nouvelle théorie juridique dans une deuxième action, comme la responsabilité délictuelle plutôt que la responsabilité contractuelle, en présentant de façon différente la même combinaison de faits que ceux présentés dans la première action, n’aura pas pour effet de créer une cause d’action distincte.

La question à se poser est la suivante : « Les faits dont le défendeur a été déclaré responsable dans la première action sont-ils essentiellement les mêmes que les faits en cause dans la deuxième action? » Si la réponse à cette question est « oui », la préclusion fondée sur la cause d’action s’applique à la deuxième action [...]

[Renvois omis.]

[25] Dans ses observations orales, la demanderesse a avancé une hypothèse qui, selon elle, décrit la raison pour laquelle le contournement des mesures techniques de protection et les activités habituellement associées à la violation du droit d’auteur doivent être considérés comme des causes d’action distinctes. Elle a fait valoir qu’il s’agissait d’une situation analogue à celle d’une personne qui serait en possession d’une toile de très grande valeur qu’elle conserverait dans un coffre-fort dans sa boutique. Une personne qui arriverait à ouvrir le coffre-fort et le laisserait ouvert sans prendre la toile se rendrait coupable d’un délit différent de celui d’un voleur qui entrerait ensuite dans la boutique et s’emparerait de la toile dans le coffre-fort ouvert.

[26] Je trouve pertinente l’analogie faite par la demanderesse, mais seulement par contraste, puisque ce n’est pas ce qu’elle reproche aux défendeurs en l’espèce. Sa présente action n’est pas fondée sur la découverte du fait que les défendeurs ont contourné les verrous protégeant son film sur les disques Blu-ray, rendant ainsi le film accessible à tous. Au contraire, la faute qu’elle reproche aux défendeurs dans la présente action est exactement la même que celle qu’elle leur reprochait dans la première action, à savoir qu’ils ont extrait des séquences du film The Room et les ont intégrées à leur documentaire. Le fondement de la présente action est que la demanderesse a trouvé une nouvelle théorie juridique qui découle exactement des mêmes faits et pour laquelle elle cherche à obtenir réparation.

[27] Je suis d’accord avec la conclusion du juge adjoint Horne, soit que la présente action concerne les mêmes parties, la même faute et le même préjudice pour la demanderesse. La demanderesse ne se plaint pas que son film, qui était jusque là « protégé », a été rendu accessible à tous par le contournement du verrou numérique, en contravention du paragraphe 41.1(1) de la Loi. Elle soutient plutôt que les défendeurs ont violé son droit d’auteur en [traduction] « extrayant » du disque Blu-ray des séquences du film The Room et en les intégrant à leur documentaire. La prétention qui sous-tend les deux actions de la demanderesse est fondée [traduction] « essentiellement sur les mêmes faits », et je ne vois aucune erreur dans la conclusion du juge adjoint Horne selon laquelle le principe de la préclusion fondée sur la cause d’action s’applique de manière à rendre irrecevable l’action introduite par la demanderesse devant la Cour.

[28] Pour ces motifs, l’appel de la demanderesse sera rejeté.

[29] Les dépens suivent normalement l’issue de la cause, et rien ne justifie de s’écarter de cette pratique en l’espèce. Les défendeurs ont sollicité des dépens [traduction] « selon l’échelle la plus élevée », mais je ne vois aucune raison d’adjuger de tels dépens. Bien que les défendeurs puissent être, à juste titre, vexés par le comportement de la demanderesse, le litige a été mené sans retard ni frais inutiles, et le simple fait qu’il ait été conclu que le principe de l’autorité de la chose jugée s’applique à l’action de la demanderesse ne justifie pas, à lui seul, d’adjuger des dépens supérieurs.

[30] Compte tenu de la nature et de la complexité de l’appel, du fait que l’appel a été mené sans retard indu ni querelles procédurales inutiles, et des autres facteurs établis pour orienter l’exercice du pouvoir discrétionnaire que me confère l’article 400 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, des dépens d’un montant forfaitaire global de 1 500 $ sont adjugés aux défendeurs.


JUGEMENT dans le dossier T-1057-21

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande présentée par la demanderesse visant la prorogation du délai pour interjeter le présent appel est accueillie, nunc pro tunc.

  2. L’appel interjeté par la demanderesse est rejeté.

  3. La demanderesse doit verser aux défendeurs des dépens d’un montant forfaitaire global de 1 500 $.

« William F. Pentney »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

 

T-1057-21

INTITULÉ :

WISEAU STUDIO, LLC c RICHARD HARPER, FERNANDO FORERO MCGRATH, MARTIN RACICOT, faisant affaire sous le nom de ROCKHAVEN PICTURES, ROOM FULL OF SPOONS INC., PARKTOWN STUDIOS INC., RICHARD STEWART TOWNS

LIEU DE L’AUDIENCE :

Audience tenue par vidéoconférence

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 21 février 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PENTNEY

DATE DES MOTIFS :

Le 16 mars 2023

COMPARUTIONS :

Daniel Brinza

Pour la demanderesse

Matthew Diskin

Kristin AuCoin

Pour les défendeurs

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Daniel Brinza Law Professional Corporation

Oakville (Ontario)

Pour la demanderesse

Dentons Canada LLP

Toronto (Ontario)

Pour les défendeurs

 

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