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Date : 20230310


Dossier : IMM-1549-22

Référence : 2023 CF 318

Ottawa (Ontario), le 10 mars 2023

En présence de madame la juge St-Louis

ENTRE :

JOSE JAVIER NATAREN LEIVA

ANGEL JAVIER NATAREN ORELLANA

ERIKA ELICENA ORELLANA DOMINGUEZ

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Les demandeurs, M. Jose Javier Nataren Leiva, son épouse Mme Erika Elicena Orellana Dominguez et leur fils mineur, citoyens du Honduras, demandent le contrôle judiciaire de la décision de la Section d’appel des réfugiés [SAR] ayant rejeté leur appel et ayant confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR].

[2] En bref, la SAR détermine que la SPR a eu raison de conclure que les demandeurs n’ont pas qualité de réfugiés au sens de la Convention, ni celle de personne à protéger, selon les articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi sur l’immigration].

[3] La SPR et la SAR concluent toutes les deux que la demande ne peut être examinée sous l’article 96 de la Loi sur l’immigration et que la crédibilité est un élément déterminant. Plus particulièrement, la SAR examine les questions liées aux arguments soulevés par les demandeurs devant elle, soit : (1) l’équité procédurale et le principe de justice naturelle dans la conclusion que les demandeurs ne sont pas persécutés en raison de leurs opinions politiques selon l’article 96 de la Loi sur l’immigration; (2) la considération des documents soumis en preuve; et (3) les spéculations soulevées pour tirer des conclusions quant à la crédibilité du demandeur principal.

[4] Devant la Cour, les demandeurs plaident que la SAR (1) a violé le principe de justice naturelle et d’équité procédurale; (2) a erré dans sa conclusion selon laquelle le dossier présent n’a aucun lien avec l’un des cinq motifs de la Convention au sens de l’article 96 de la Loi sur l’immigration; (3) a erré dans l’analyse de la preuve soumise au dossier; (4) a erré dans l’appréciation de la crédibilité; et (5) a erré dans sa conclusion selon laquelle les demandeurs ont un comportement incompatible avec leurs craintes subjectives.

[5] Cependant, et tel que discuté lors de l’audience, les arguments des demandeurs peuvent être plutôt regroupés et articulés ainsi, soit: que la décision serait déraisonnable puisque la SAR a erré (1) en refusant d’examiner la demande d’asile sous l’article 96 de la Loi sur l’immigration; et (2) dans son évaluation de la crédibilité.

[6] Devant la Cour, les demandeurs ont soulevé aussi que la SAR aurait dû examiner le risque prospectif en dépit du fait qu’eux-mêmes ne l’avaient pas inclus dans leurs motifs d’appel à la SAR. Les demandeurs plaident à cet égard que la SAR doit examiner de novo toute la demande d’asile sans être contrainte par les motifs soulevés par les appelants devant elle.

[7] D’emblée, je ne souscris pas à la position des demandeurs sur ce dernier point. D’abord, la Cour a effectivement reconnu que la SAR doit effectuer sa propre analyse du dossier afin de décider si la SPR a commis les erreurs alléguées par un appelant. Cependant, la Cour a aussi précisé que ceci ne veut toutefois pas dire qu’elle est tenue de reprendre l’analyse à zéro, puisque l’appel auprès de la SAR ne constitue pas un véritable processus de novo (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93 aux para 79, 98, 103; Bautista Montero c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1432 au para 15). Ensuite, la Cour a aussi reconnu que les conclusions de la SPR qui n’ont pas été contestées en appel par les demandeurs, ne peuvent pas constituer le fondement du contrôle judiciaire de la décision de la SAR (Akintola c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 971 au para 21; Abdulmaula c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 14 aux para 13-16). Les demandeurs n’ont pas soulevé d’arguments en lien avec le risque prospectif devant la SAR; par conséquent, la SAR n’était pas tenue de l’examiner dans son analyse et la Cour ne peut le considérer dans le cadre du présent contrôle judiciaire.

[8] Les demandeurs demandent à la Cour d’accueillir leur demande, de casser la décision de la SAR et de renvoyer l’affaire aux fins d’un nouvel examen.

[9] Après avoir lu et entendu les arguments des parties, et après avoir considéré les motifs de la SAR, le dossier d’appel qui lui a été présenté et le droit applicable, je ne trouve aucun motif qui justifie l’intervention de la Cour. Les demandeurs n’ont pas démontré que la décision de la SAR est déraisonnable.

II. Contexte

[10] Le 26 septembre 2017, le demandeur principal, sélectionné et embauché par une compagnie canadienne, reçoit son visa de visiteur du Canada à titre de travailleur et, le 19 octobre 2017, il arrive au Canada et il reçoit son permis de travail.

[11] Le 6 mars 2018, le demandeur principal demande l’asile au Canada. Il allègue alors craindre de retourner dans son pays, car sa vie est en danger aux mains de membres de la Mara qui exigent qu’il reste silencieux après avoir été témoin d’un vol. En effet, dans son narratif, le demandeur principal souligne que, le 15 juin 2015, quatre jeunes hommes armés non identifiés ont fait un vol à main armée à l’entreprise où il travaillait comme gardien de sécurité. Il ajoute que ces hommes l’ont sommé de jeter son arme et de se coucher par terre et, avant de partir, l’ont informé qu’ils le surveilleraient pour ne pas qu’il parle. Deux semaines plus tard, deux des quatre hommes non identifiés se sont présentés devant sa maison et y sont restés deux minutes. Dès le lendemain afin de fuir ces hommes, le demandeur et son épouse, enceinte à ce moment, déménagent dans un autre quartier, à 45 minutes de distance. Le 15 juillet 2015, le demandeur principal allègue avoir été la cible d’un tireur alors qu’il quittait son quartier, ce qui l’a motivé à déménager à nouveau dans un autre quartier et à quitter son emploi le 7 août 2015. À plusieurs reprises, des membres de la Mara du quartier où il a déménagé l’auraient intercepté en lui pointant la tempe avec un fusil pour l’interroger à savoir d’où il venait.

[12] Le 11 juillet 2019, la demanderesse et son fils mineur obtiennent des visas américains à entrées multiples valides pour 10 ans, tandis que, vers la même période, leurs deux demandes successives de visas de visiteur pour le Canada sont refusées. Le 25 octobre 2019, la demanderesse et son fils mineur quittent le Honduras pour les États-Unis et le 13 décembre 2019, ils arrivent au Canada et y demandent l’asile. Dans son narratif, la demanderesse souligne qu’en décembre 2017 elle a été accostée par un homme qui l’a questionnée à propos de son mari et qu’elle s’est enfuie. En juin 2018, deux hommes armés se seraient présentés chez la demanderesse affirmant qu’ils étaient toujours à la recherche du demandeur et qu’il devait continuer de garder le silence. À la suite à cette rencontre, la demanderesse indique avoir déménagé chez sa mère dans la même ville. Elle ajoute qu’en janvier 2019, les membres d’un gang commencent à lui extorquer la somme de 500 lempiras par semaine puisque son époux est à l’étranger et qu’à ce jour, les demandeurs continuent de payer ce pot-de-vin par l’entremise de la mère de la demanderesse.

[13] Le 1er septembre 2021, la SPR conclut que les demandeurs n’ont pas qualité de réfugiés au sens de la Convention tel que décrit à l’article 96 de la Loi sur l’immigration, ni celle de personnes à protéger tel que décrit au paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration.

[14] La SPR détermine d’abord que (1) sur une balance de probabilités, les gestes des demandeurs ne manifestent pas un rejet de l’idéologie des Maras et ne sont pas politiques; et (2) les personnes victimes de criminalité ne répondent pas aux critères permettant d’établir l’existence d’un groupe social selon l’article 96 de la Loi sur l’immigration (Canada (PG) c Ward, 1990 2 CF 667). La SPR conclut que les demandeurs ne sont pas visés en raison de l’un des cinq motifs de la Convention et que l’article 96 de la Loi sur l’immigration ne peut trouver application.

[15] La SPR analyse donc la demande sous le paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration, considère que la question déterminante de la demande d’asile est celle de la crédibilité et détermine que le demandeur principal n’est pas crédible quant aux éléments centraux de sa demande. La SPR note particulièrement (1) le témoignage incohérent quant à la motivation des agents de préjudices; (2) des comportements incompatibles avec le comportement d’une personne qui allègue faire face aux risques au sens de l’article 97; et (3) le témoignage vague afin de prouver, sur une balance des probabilités, l’identité des agents de préjudice, du moins leur association avec les Maras.

[16] La SPR confirme avoir pris en considération la preuve documentaire soumise par les demandeurs (preuve d’emploi de monsieur au Honduras, maltraitance par l’employeur canadien et preuve pour corroborer la cuotoa payée par la mère de la demanderesse), mais ne leur accorde pas de poids et conclut qu’ils ne surmontent pas les conclusions négatives de crédibilité.

[17] Les demandeurs interjettent appel de cette décision de la SPR. Ils soulèvent alors, à l’encontre de la décision de la SPR, les mêmes arguments que ceux qu’ils soulèvent devant la Cour à l’encontre de la décision de la SAR. Soit que la SPR (1) a violé le principe de justice naturelle et d’équité procédurale; (2) a erré dans sa conclusion selon laquelle le dossier présent n’a aucun lien avec l’un des cinq motifs de la Convention au sens de l’article 96 de la Loi sur l’immigration, puisque le demandeur aurait dû se voir reconnaitre une opinion politique imputée, citant le document UNHCR Eligibility Guidelines for Assessing the International Protection Needs of Asylum-Seekers from Honduras de l’onglet 1.5 du Cartable national de documentation pour le Honduras; (3) a erré dans l’analyse de la preuve soumise au dossier; (4) a erré dans l’appréciation de la crédibilité; et (5) a erré dans sa conclusion selon laquelle les demandeurs ont un comportement incompatible avec leurs craintes subjectives.

[18] De façon particulière, les demandeurs soulèvent alors que le fait qu’ils soient menacés pour qu’ils gardent le silence et extorqués par un gang criminel fait en sorte qu’ils ont une « opinion politique imputée » et qu’ils se qualifient pour une demande sous l’article 96 de la Loi sur l’immigration.

[19] Le 27 avril 2022, la SAR rejette l’appel des demandeurs. En lien avec la demande d’asile des demandeurs sous l’article 96 de la Loi sur l’immigration, basée sur l’opinion politique imputée, la SAR note les arguments des demandeurs et examine le passage de l’onglet 1.5 du Cartable national de documentation pour le Honduras (avril 2021) auquel les demandeurs réfèrent.

[20] La SAR détermine que le passage précise que la position énoncée en lien avec l’opinion politique imputée est dépendante des circonstances du dossier et que la SPR a noté, à bon droit, qu’il n’y a pas eu d’agissements de la part des demandeurs qui laisseraient croire à une contestation des demandes des gangs. La SAR note aussi qu’il ne s’agit pas ici d’un cas d’individus témoins d’actes criminels impliquant des acteurs étatiques et elle conclut que la décision de la SPR quant à l’absence de persécution en raison des opinions politiques est correcte.

[21] La SAR examine ensuite les conclusions de la SPR quant aux documents soumis en preuve et conclut que la SPR a erré dans la considération des preuves liées à l’emploi et dans son évaluation des protocoles locaux, mais pas sur les autres éléments.

[22] La SAR analyse ces documents en tenant pour avérés certains événements vécus par les demandeurs. Par exemple, la SAR affirme que, selon la balance des probabilités : (1) les demandeurs ont été victimes de criminalité au Honduras; (2) le demandeur principal aurait été témoin d’un vol sur les lieux de son travail en 2015 perpétré par des hommes inconnus; (3) les membres d’un gang auraient tenté de l’intimider devant chez lui deux semaines plus tard; (4) il aurait été la cible des tirs d’un gang opposé après avoir déménagé en 2015; et (5) la demanderesse et sa mère se seraient fait soutirer des pots-de-vin du gang qui contrôle leur voisinage à partir de 2019.

[23] Cependant, la SAR note qu’il n’y a pas lieu de conclure que tous ces événements sont liés au premier. Elle précise que les événements se sont déroulés dans des endroits éloignés les uns des autres et qu’ils sont espacés dans le temps. La SAR conclut donc que les événements vécus par les demandeurs sont, selon la balance des probabilités, liés à la criminalité au Honduras, et non liés entre eux.

[24] Enfin, la SAR conclut que la SPR n’a pas erré en jugeant le comportement des demandeurs comme incompatible avec leurs craintes alléguées. Elle souligne alors notamment le délai encouru pour quitter le pays tant pour le demandeur principal que pour son épouse et les explications qui ont été présentées.

III. Décision

A. Norme de contrôle

[25] Les demandeurs soulèvent deux arguments liés à l’équité procédurale et la justice naturelle. À l’audience, ils ont confirmé que l’un de ces arguments n’est pas du ressort de la Cour et l’ont abandonné séance tenante. Quant à l’autre argument, il s’agit plutôt d’un argument lié à l’analyse qu’a faite la SAR en lien avec l’article 96 de la Loi sur l’immigration et je conclus qu’il ne s’agit pas d’une question d’équité procédurale ou de justice naturelle.

[26] Ainsi, toutes les questions soulevées par les demandeurs doivent être examinées à l’aune de la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]). Sous cette norme, la Cour doit d’examiner les motifs qu’a donnés le décideur administratif et déterminer si la décision est fondée sur « une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle » et est « justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov au para 85). La Cour doit tenir compte « du résultat de la décision administrative eu égard au raisonnement sous-jacent à celle-ci afin de s’assurer que la décision dans son ensemble est transparente, intelligible et justifiée » (Vavilov au para 15). La Cour donc se demander « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci » (Vavilov au para 99, citant Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 aux para 47, 74 et Catalyst Paper Corp c North Cowichan (District), 2012 CSC 2 au para 13).

[27] En ce qui concerne l’évaluation de la crédibilité par la SAR, je note les propos de mon collègue le juge Gascon dans sa décision Lawani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 924 au paragraphe 15 :

Cette approche empreinte de retenue est particulièrement nécessaire lorsque, comme en l’espèce, les conclusions contestées se rapportent à la crédibilité et à la vraisemblance du récit d’un demandeur d’asile. Il est bien établi que les conclusions de la SPR à cet égard exigent un degré élevé de retenue de la part des juges lors du contrôle judiciaire, compte tenu du rôle du juge des faits attribué au tribunal administratif (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 [Khosa], aux para 59 et 89; Lawal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 155, au para 9). Les conclusions sur la crédibilité vont au cœur même de l'expertise de la SPR et ont d'ailleurs été décrites comme « l’essentiel » de la compétence de la SPR » (Siad c Canada (Secrétaire d'État), [1997] 1 CF 608 (CAF), au para 24; Gomez Florez, au para 19; Soorasingam, au para 16; Lubana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 116 [Lubana], aux para 7 et 8). La SPR est mieux placée pour évaluer la crédibilité d’un demandeur d’asile puisque les membres du tribunal voient le témoin à l’audience, observent son comportement et entendent son témoignage. Les membres du tribunal ont donc la possibilité et la capacité d’évaluer le témoin, sur le plan de la franchise, de la spontanéité avec laquelle il a répondu, de la cohérence et de l’uniformité de son témoignage devant eux (Navaratnam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 856, au para 23). De plus, la SPR a l’avantage de profiter des connaissances spécialisées de ses membres pour évaluer la preuve liée aux faits qui relèvent de leur domaine d’expertise (El-Khatib c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 471, au para 6).

[28] C’est donc par cette lentille que la Cour doit contrôler la décision de la SAR.

B. Article 96 de la Loi sur l’immigration : opinion politique imputée

[29] Les demandeurs, s’appuyant sur un extrait de l’onglet 1.5 du Cartable national de documentation, soumettent que vu la preuve objective, les circonstances comme en l’espèce doivent être nécessairement analysées selon l’article 96 de la Loi sur l’immigration. Ils soumettent d’abord que les circonstances des demandeurs permettent de considérer l’opinion politique imputée, et aussi l’appartenance à un groupe social.

[30] Cependant, et tel que le souligne le Ministre, les demandeurs portent le fardeau d’établir un lien entre leur situation et une opinion politique, ce qui n’a pas été fait dans ce dossier. Ils doivent aussi démontrer, au moyen d’éléments de preuve crédibles, que leurs craintes avaient un lien avec un motif énoncé de la Convention (Tobias Gomez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1093 au para 25; Casteneda c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1012 au para 14).

[31] Or, selon le passage même de l’onglet 1.5 cité par les demandeurs, c’est le fait de contester, de résister au recrutement d’un gang ou de refuser de payer le pot-de-vin demandé qui, selon les circonstances, peut être perçu comme une opinion politique imputée. Or, en l’instance, la preuve au dossier révèle plutôt que les demandeurs n’ont pas contesté les demandes de se taire et de payer et qu’ils continuent d’ailleurs de le faire. Au surplus, les demandeurs n’ont pas identifié d’éléments de preuve qui indiqueraient que les membres des gangs sont des acteurs étatiques.

[32] Ainsi, selon la preuve documentaire et les faits au dossier, tout indique que la SAR a raisonnablement conclu que l’article 96 de la Loi sur l’immigration n’était pas applicable à la situation des demandeurs.

C. Crédibilité

[33] Tel que le souligne le Ministre, les demandeurs, dans leur mémoire, réitèrent les allégations de risque et les conditions relatives au Honduras. Ils demandent en fait à la Cour de soupeser de nouveau la preuve pour en arriver à une autre conclusion en regard de la conclusion de la SAR qu’il y a une absence de lien entre les évènements de 2015 et ceux de 2019 et en regard du comportement des demandeurs jugé incompatible avec une crainte subjective. En fait, les demandeurs n’identifient pas les erreurs qui auraient été commises par la SAR, mais ils expriment plutôt leur désaccord quant aux conclusions.

[34] Or, en contrôle judiciaire, le rôle de la Cour n’est pas soupeser la preuve ou de remplacer la conclusion de la SAR par une autre qu’elle préfère (Latif c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2020 CF 104 au para 55; Vavilov au para 125; Oladihinde c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1246 au para 16). La Cour doit plutôt de veiller à ce que toute la preuve présentée soit raisonnablement prise en compte et elle doit déterminer si la conclusion de la SAR est raisonnable au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov au para 85).

[35] Compte tenu des circonstances et de la preuve au dossier, je n’ai pas été convaincue que les conclusions de la SAR sont ici déraisonnables. Les motifs de la SAR quant à chacun des éléments soulevés par les demandeurs font état d’une analyse rationnelle et ne révèlent pas une faille décisive dans la logique globale (Vavilov aux para 102-103). La conclusion quant à l’opinion politique imputée est soutenue par la documentation objective, compte tenu que la preuve révèle que les demandeurs n’ont pas contesté les demandes des gangs. La preuve confirme que les évènements décrits par les demandeurs se sont effectivement déroulés dans des endroits éloignés les uns des autres et qu’ils sont espacés dans le temps; il n’est pas déraisonnable d’inférer qu’ils ne sont pas liés et qu’ils sont plutôt liés à la criminalité. Enfin, la SAR pouvait aussi tirer des inférences quant au comportement des demandeurs qui ont tardé à quitter le pays et aux explications qu’ils ont fournies. Les demandeurs peuvent être en désaccord avec les conclusions de la SAR, mais ceci ne justifie pas l’intervention de la Cour.

[36] Répétons qu’il n’appartient pas à la Cour de réexaminer ou de soupeser à nouveau la preuve afin de tirer des conclusions qui leur seraient favorables (Vavilov au para 125; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 59). Les conclusions de la SAR sont raisonnables et justifiées, il n’y a aucune raison pour la Cour d’intervenir.


JUGEMENT dans le dossier IMM-1549-22

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

  3. Aucun dépens n’est accordé.

« Martine St-Louis »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1549-22

INTITULÉ :

JOSE JAVIER NATAREN LEIVA, ANGEL JAVIER NATAREN ORELLANA, ERIKA ELICENA ORELLANA DOMINGUEZ et LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 février 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ST-LOUIS

DATE DES MOTIFS :

LE 10 mars 2023

COMPARUTIONS :

Me Susan Ramirez

Me Emmanuel Roy-Allain

Pour le demandeur

Me Mathieu Laliberté

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Susan Ramirez

Montréal (Québec)

Pour le demandeur

Procureur Général du Canada

Montréal (Québec)

Pour le défendeur

 

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