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Date : 20230315


Dossier : IMM-4174-20

Référence : 2023 CF 337

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 15 mars 2023

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

RAMAZ AZARIASHVILI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

MOTIFS ET JUGEMENT

  • [1]M. Ramaz Azariashvili (le demandeur) demande le contrôle judiciaire de la décision de Section de l’immigration (la SI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié de prendre une mesure d’expulsion prise contre lui.

  • [2]Le demandeur a incorrectement désigné le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration à titre de défendeur. La question a été soulevée au début de l’audience, et l’intitulé est corrigé pour désigner le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile en tant que défendeur (le défendeur).

  • [3]La SI a conclu qu’il y avait des motifs sérieux de croire que le demandeur avait été complice de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre et qu’il était interdit de territoire au Canada au titre de l’alinéa 35(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2021, c 27 (la Loi).

  • [4]Le demandeur est citoyen de la Géorgie et il est devenu résident permanent du Canada en novembre 2018. Avant d’entrer au Canada, il a travaillé au ministère des Affaires intérieures de la Géorgie de décembre 2005 à août 2008. Il était affecté au Département de la sécurité constitutionnelle (le DSC). Dans l’affidavit qu’il a produit à l’appui de la présente demande, le demandeur a affirmé qu’il était entraîneur en conditionnement physique à temps partiel pour l’unité des forces spéciales du DSC et qu’il n’offrait pas de formation au combat.

  • [5]En juin 2016, un agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs de l’Agence des services frontaliers du Canada a interviewé le demandeur. Un rapport en vertu du paragraphe 44(1) de la Loi a par la suite été rédigé, et le cas du demandeur a été renvoyé à la SI pour enquête. Une mesure d’expulsion a été prise après une audience qui s’est étalée sur plusieurs jours devant la SI, en novembre 2019.

  • [6]Dans sa décision, la SI a conclu que le demandeur était au courant des crimes contre l’humanité commis par le DSC, qu’il avait apporté une contribution significative à son dessein criminel, et qu’il avait agi volontairement.

  • [7]Le demandeur soutient maintenant que la question de savoir si l’alinéa 35(1)a) exige la commission d’une infraction est une question d’interprétation législative, qui est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte.

  • [8]Le défendeur n’est pas de cet avis et prétend qu’il n’y a aucune raison de déroger à la norme de contrôle présumée de la décision raisonnable.

  • [9]Le demandeur soutient que la SI a commis une erreur en concluant que l’alinéa 35(1)a) comprend la complicité de crimes contre l’humanité. De plus, il prétend que le défendeur a omis de démontrer qu’il avait commis un quelconque acte qui constituerait une infraction aux termes de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, LC 2000, c 24.

  • [10]En outre, le demandeur affirme que, si l’alinéa 35(1)a) comprend la complicité, il s’ensuit que la SI a déraisonnablement appliqué le critère énoncé dans l’arrêt Ezokola c Canada (Citoyenneté et Immigration), [2013] 2 RCS 678. Il prétend que la preuve ne démontre rien de plus que la complicité par association.

  • [11]Le défendeur soutient que le demandeur, sans motif légitime, demande à la Cour de soupeser à nouveau la preuve et que la décision est raisonnable.

  • [12]Je souscris aux observations formulées par le défendeur en ce qui concerne la norme de contrôle qui s’applique. Il n’y a aucune raison de s’écarter des instructions données dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, [2019] 4 RCS 653,selon lesquelles la norme de contrôle présumée est la norme de la décision raisonnable.

  • [13]Lorsqu’elle procède au contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la Cour doit se demander si la décision « possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci »; voir l’arrêt Vavilov, précité, au paragraphe 99.

  • [14]Dans l’arrêt Ezokola, précité, au paragraphe 68, la Cour suprême a conclu que, « [e]n droit pénal international, on ne peut conclure à la complicité d’une personne que si elle a consciemment (ou, du moins, par insouciance) apporté une contribution significative au crime ou au dessein criminel d’un groupe ».

  • [15]Dans la décision Talpur c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 822, le juge Manson a confirmé que le critère de complicité défini dans l’arrêt Ezokola, précité, s’applique à une conclusion d’interdiction de territoire tirée au titre de l’alinéa 35(1)a) de la Loi.

  • [16]La décision de la SI fait problème non pas en ce qui concerne le choix du critère, mais plutôt pour ce qui est des motifs donnés à l’appui de la décision.

  • [17]La façon dont la SI a traité les fonctions exercées et les activités menées par le demandeur au sein du DSC n’est pas « justifiée, intelligible et transparente », comme l’exige l’arrêt Vavilov, précité.

  • [18]J’estime que la SI n’a pas expliqué les raisons pour lesquelles et en quoi les activités menées par le demandeur avaient apporté une contribution significative au dessein criminel du DSC. Cette lacune rend la décision déraisonnable.

  • [19]Le fait d’apprécier le processus de raisonnement suivi et les motifs donnés par la SI n’équivaut pas à « apprécier à nouveau » la preuve.

  • [20]En fin de compte, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision de la SI sera annulée et l’affaire sera renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SI pour nouvelle décision. Il n’y a pas de question à certifier.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-4174-20

LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit :

  1. L’intitulé est par le présent jugement modifié pour désigner le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile comme défendeur.

  2. La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié est annulée, et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour nouvelle décision.

  3. Il n’y a pas de question à certifier.

« E. Heneghan »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4174-20

 

INTITULÉ :

RAMAZ AZARIASHVILI c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 29 SEPTEMBRE 2022

MOTIFS ET JUGEMENT :

LA JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :

LE 15 MARS 2023

COMPARUTIONS :

Mark Rosenblatt

POUR LE DEMANDEUR

Michael Butterfield

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Rosenblatt Immigration Law

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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