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Date : 20230308


Dossier : T-202-17

Référence : 2023 CF 319

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 8 mars 2023

En présence de madame la juge Walker

ENTRE :

TRAVEL LEADERS GROUP, LLC

demanderesse/défenderesse reconventionnelle

et

2042923 ONTARIO INC.

faisant affaire sous le nom de TRAVEL LEADERS

défenderesse/demanderesse reconventionnelle

JUGEMENT ET MOTIFS

Table des matières

I. Résumé 3

II. Les parties 4

III. Contexte et chronologie 5

IV. Historique des procédures 10

V. Témoins produits à l’instruction 14

1. Les témoins des faits de TLG 14

a) Stephen McGillivray 14

b) Mario Iafrate 15

c) Daryl Somes 15

d) Gul Mohammed 15

2. Le témoin expert de TLG 16

3. Le témoin des faits d’Ontario Inc. 17

VI. Questions en litige 17

VII. Dispositions pertinentes 18

VIII. Analyse 18

1. L’enregistrement est-il invalide? 18

a) Alinéa 18(1)c) — La marque de commerce a-t-elle été abandonnée? 20

b) Alinéa 18(1)a) — L’enregistrement contient-il une fausse déclaration importante quant à la date de premier emploi? 38

c) Alinéa 18(1)e) — La demande d’enregistrement a-t-elle été produite de mauvaise foi par Ontario Inc.? 42

2. TLG a-t-elle violé les droits conférés par l’enregistrement? 54

a) Article 19 — Violation du droit exclusif à l’emploi d’une marque déposée 55

b) Alinéa 20(1)a) — Violation du droit du propriétaire de la marque attribuable à l’emploi d’une marque qui crée de la confusion 58

c) Paragraphe 22(1) — Diminution de la valeur de l’achalandage attaché à la marque d’Ontario Inc. attribuable à TLG 61

3. Commercialisation trompeuse reprochée à TLG sur le fondement de l’alinéa 7b) 66

4. Commercialisation trompeuse reprochée à Ontario Inc. sur le fondement de l’alinéa 7b) 71

5. Mesures de réparation demandées 71

a) La radiation 71

b) L’injonction 72

c) Les dommages-intérêts symboliques 72

d) Les dommages-intérêts punitifs 73

6. Dépens 75

JUGEMENT DANS LE DOSSIER T‐202‐17 76

Annexe A 79

I. Résumé

[1] La principale question en litige dans la présente instance porte sur la validité de l’enregistrement d’une marque de commerce canadienne, soit l’enregistrement no LMC790523 (l’enregistrement) pour la marque de commerce TRAVEL LEADERS. La défenderesse/demanderesse reconventionnelle, 2042923 Ontario Inc. (Ontario Inc.), est la propriétaire de l’enregistrement. Selon la demanderesse/défenderesse reconventionnelle, Travel Leaders Group, LLC (TLG), l’enregistrement est invalide pour les raisons suivantes : il contient une fausse déclaration importante quant à la date de premier emploi, la marque de commerce a été abandonnée, et la demande d’enregistrement a été produite de mauvaise foi (Loi sur les marques de commerce, LRC (1985), c T-13 (la Loi), art 18(1)a), c) et e) respectivement). Ontario Inc. nie les allégations d’invalidité formulées par TLG et prétend que cette dernière a violé son droit exclusif, à titre de propriétaire, à l’emploi de la marque de commerce TRAVEL LEADERS, qu’elle a entraîné la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à la marque de commerce et qu’elle a commis des actes de commercialisation trompeuse en contravention à l’alinéa 7b) de la Loi.

[2] Pour les motifs exposés ci-après, j’ai conclu qu’Ontario Inc. avait abandonné la marque déposée TRAVEL LEADERS le 14 février 2017. Par conséquent, l’enregistrement sera radié du registre. J’ai également conclu qu’Ontario Inc. n’avait pas prouvé les moyens qu’elle avait soulevés à l’encontre de TLG sur le fondement de l’article 19, des paragraphes 20(1) et 22(1), et de l’alinéa 7b) de la Loi.

II. Les parties

[3] TLG est une société constituée en vertu des lois du Delaware dont le siège est situé à Plymouth, au Minnesota. Elle compte parmi les trois unités d’affaires d’Internova Travel Group (Internova) et exerce, elle aussi, ses activités par l’entremise d’un certain nombre de divisions, notamment Travel Leaders Network LLC (TL Network) qui, quant à elle, mène ses activités au Canada par l’intermédiaire de TL Network Canada Inc. (TL Network Canada).

[4] Les activités de TL Network se divisent en deux volets : les agences de voyages membres qui vendent des services de voyage directement aux consommateurs, et les partenaires privilégiés qui offrent des services de voyage (p. ex., hôtels, croisiéristes, voyagistes, agences de location de voitures et compagnies aériennes). TLG exploite également des agences de voyages sous la franchise TRAVEL LEADERS aux États-Unis, mais elle ne détient aucune franchise au Canada.

[5] En contrepartie de droits d’adhésion payés à TLG, les agences de voyages membres peuvent mettre leur pouvoir d’achat à profit afin de négocier des conditions avantageuses auprès des prestataires de services de voyage privilégiés. À titre d’exemple, les prestataires privilégiés offrent des commissions plus élevées aux agences membres de TLG qu’à celles qui n’en sont pas membres. TLG aide également les agences membres à bâtir leur entreprise en leur fournissant des logiciels de réservations, de la formation, des certifications, des évènements de réseautage et d’autres services aux entreprises. Ses principales sources de revenus proviennent de ses prestataires privilégiés qui lui versent 1) un faible pourcentage du chiffre d’affaires réalisé auprès des agences membres, et 2) des droits afin que TLG promeuve leurs services aux agences membres.

[6] Ontario Inc. a été constituée en société le 16 mars 2004 et compte deux actionnaires à parts égales : M. Amin Saleh, l’unique administrateur et dirigeant d’Ontario Inc. et son seul témoin dans la présente instance; et Mme Salehmohamed, la conjointe de M. Saleh. Mme Salehmohamed n’est pas, et n’a jamais été, une employée d’Ontario Inc. Elle travaille à temps plein pour une organisation bien établie sans lien avec Ontario Inc.

[7] Le ou vers le 10 mai 2004, Ontario Inc. a fait l’acquisition d’une agence de voyages autonome, soit K&S Travel Limited (K&S Travel). Au départ, la clientèle d’Ontario Inc. était constituée des anciens clients de K&S Travel, et l’entreprise exerçait ses activités dans les locaux existants de K&S Travel situés au 550, rue Ontario Sud, à Milton, en Ontario. Ontario Inc. a ensuite déménagé dans les locaux commerciaux situés au 400, rue Bronte Sud, bureau 203, toujours à Milton, en Ontario (les bureaux), où elle offrait des services d’agence de voyages directement aux consommateurs canadiens.

III. Contexte et chronologie

[8] Les faits et leur chronologie, qui suivent, sont fondés sur l’exposé conjoint des faits détaillé rédigé par les parties, les témoignages et les éléments de preuve documentaire présentés lors de l’instruction, et les extraits des interrogatoires préalables des parties. La présente partie donne un résumé de la preuve afin de mettre en contexte le litige qui oppose les parties. J’examinerai en profondeur les éléments de preuve pertinents dans mon analyse de fond des questions en litige.

[9] Ontario Inc. a commencé ses activités en 2004 à la suite de l’acquisition de K&S Travel, dont elle a repris le nom et les locaux ayant pignon sur rue. Vers 2006 ou 2007, Ontario Inc. a acheté les bureaux, soit une unité condominiale d’environ 700 pieds carrés située au deuxième étage d’un immeuble de faible hauteur.

[10] À la fin de 2004, M. Saleh a décidé de donner une nouvelle image à Ontario Inc. Le 8 novembre 2004, il a lancé une recherche pour les noms commerciaux « Travel Ways » et « Travel Leaders », puis a arrêté son choix sur « Travel Leaders ». Selon lui, ses recherches en ligne n’avaient relevé aucune entreprise faisant affaire sous le nom de Travel Leaders en Ontario.

[11] M. Saleh a obtenu un permis principal d’entreprise de l’Ontario pour le nom Travel Leaders le 8 novembre 2004 et a dit qu’il avait enregistré le nom de domaine travelleaders.ca le 9 novembre 2004. D’après son témoignage, il n’a pas envisagé d’utiliser un nom de domaine .com ni vérifié l’emploi de travelleaders.com. En janvier 2005, il a déposé une demande auprès du Travel Industry Council of Ontario [le Conseil de l’industrie du tourisme de l’Ontario] (TICO) et de l’Association du transport aérien international (IATA) afin de modifier le nom commercial d’Ontario Inc. pour « TRAVEL LEADERS ».

[12] Selon les documents publics du United States Patent and Trademark Office, l’une des sociétés qui ont précédé TLG, soit American Leisure Equities Corporation, a été la première à adopter la marque de commerce TRAVELEADERS, en 2001, puis a produit une demande d’enregistrement le 19 avril 2005. La marque a été enregistrée le 14 novembre 2006.

[13] L’enregistrement d’origine aux États-Unis a été modifié le 11 septembre 2008 afin que la marque s’écrive dorénavant en deux mots, « TRAVEL LEADERS ». TLG et ses prédécesseures ont employé le nom commercial et la marque de commerce TRAVEL LEADERS aux États-Unis depuis 2008.

[14] Le 18 août 2008, TLG a produit une demande pour l’enregistrement de la marque de commerce TRAVEL LEADERS au Canada en vue de l’emploi qu’elle y projetait (demande d’enregistrement au Canada no 1407622 (la demande d’enregistrement)). Cette demande a été annoncée le 10 juin 2009.

[15] Le 24 novembre 2009, Ontario Inc. a produit une déclaration d’opposition à l’égard de la demande d’enregistrement, et TLG n’a produit aucune contre-déclaration. En vue de mettre fin à la procédure d’opposition au moyen d’un règlement, TLG a offert à Ontario Inc. de lui acheter la marque de commerce TRAVEL LEADERS pour la somme de 4 000 $ en plus de lui octroyer une licence d’emploi, ajoutant qu’en l’absence d’un règlement, elle abandonnerait la demande et exercerait ses activités au Canada sous une marque de commerce différente. Ontario Inc. a rejeté l’offre.

[16] Selon le registraire des marques de commerce, la demande d’enregistrement a été réputée abandonnée le 29 mars 2010.

[17] Le 4 mai 2010, Ontario Inc. a produit une demande pour l’enregistrement de la marque de commerce TRAVEL LEADERS dans laquelle elle alléguait qu’elle l’employait au Canada depuis au moins le 22 mars 2005.

[18] Comme la demande d’Ontario Inc. n’a fait l’objet d’aucune opposition, la marque de commerce a été enregistrée le 14 février 2011 (enregistrement canadien portant le no LMC790523 (l’enregistrement)).

[19] Au milieu de l’année 2011, TLG a offert à Ontario Inc. de lui acheter l’enregistrement pour la somme de 25 000 $ en plus de lui permettre d’exercer ses activités au Canada à titre d’agence membre de TLG. Subsidiairement, TLG lui a offert l’option d’acheter l’entreprise à sa juste valeur marchande.

[20] Ontario Inc. lui a présenté une contre-offre, soit de lui vendre l’enregistrement pour la somme de 850 millions de dollars. TLG a répondu que la contre-offre était [traduction] « d’un amateurisme décevant ».

[21] En novembre et décembre 2015, Ontario Inc. a publié à ses frais une annonce de vente de l’enregistrement (l’annonce) pour la somme de 80 millions de dollars américains sur le site Web www.ustrademarkexchange.com. M. Saleh a rédigé l’annonce et payé les frais d’inscription sur cette plateforme pour une période d’un an. Le 7 décembre 2016, il a écrit aux responsables de la plateforme afin de demander le retrait de son inscription; malgré cette démarche, l’annonce a continué d’être affichée en ligne jusqu’en 2019. Après que TLG l’eut questionné à maintes reprises à ce sujet lors de l’interrogatoire préalable, M. Saleh a écrit aux responsables de la plateforme le 10 mai 2019 pour demander de nouveau le retrait de son inscription.

[22] Voici quelques extraits de l’annonce : [traduction] « OCCASION INCROYABLE », « Travel Leaders Group ne peut introduire sa franchise vedette Travel Leaders sur le marché canadien sans acheter cette marque de commerce ou en obtenir une licence d’emploi » et [traduction] « Selon Travel Leaders Group, l’entreprise regroupe plus de 30 % de l’ensemble des agences de voyages en Amérique du Nord, et son chiffre d’affaires brut s’élève à environ 20 milliards de dollars américains. » Dans l’annonce figuraient les liens vers deux articles de presse portant sur la valeur de l’entreprise TLG.

[23] Les documents publics de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada indiquent qu’en date du 14 février 2017, soit la date de production de la déclaration en l’espèce, TLG était propriétaire de 11 marques déposées et avait déposé 13 demandes d’enregistrement de marques de commerce qui étaient toujours en instance (les marques TLG). Les marques TLG comprenaient les demandes d’enregistrement en instance pour les marques TRAVEL LEADERS NETWORK, TL NETWORK et TL NETWORK & Dessin.

[24] Ontario Inc. s’est opposée aux deux demandes d’enregistrement des marques TL NETWORK.

[25] Dans sa décision du 16 août 2021, la Commission des oppositions des marques de commerce (COMC) a autorisé l’enregistrement de la marque verbale TL NETWORK (enregistrement canadien no LMC1114893). Après avoir conclu que la marque TL NETWORK ne créait pas de confusion avec TRAVEL LEADERS, la COMC a rejeté l’opposition qu’Ontario Inc. a formulée. Ontario Inc. n’a pas interjeté appel de la décision de la COMC.

IV. Historique des procédures

[26] Dans la déclaration qu’elle a produite le 14 février 2017 relativement à la présente instance, TLG allègue que l’enregistrement est invalide et doit être radié en vertu du paragraphe 57(1) de la Loi. Selon TLG, Ontario Inc. n’a pas employé la marque de commerce TRAVEL LEADERS depuis la date de premier emploi revendiquée dans la demande d’enregistrement et, en date du 14 février 2017, elle l’avait abandonnée. TLG a également allégué que l’enregistrement était invalide aux termes de l’alinéa 18(1)b) de la Loi, car la marque n’était pas distinctive; elle n’a toutefois pas donné suite à ce moyen ultérieurement.

[27] Ontario Inc. a produit sa défense le 31 mars 2017.

[28] L’action s’est poursuivie à titre d’instance à gestion spéciale, et les étapes habituelles, notamment la tenue d’interrogatoires préalables, ont eu lieu. M. Saleh a été soumis à un premier interrogatoire préalable les 28 et 29 novembre 2017. Le 23 mars 2018, la juge responsable de la gestion de l’instance a rendu une ordonnance enjoignant à Ontario Inc. de répondre à des questions auxquelles elle avait refusé de répondre ou s’était engagée à répondre lors des interrogatoires préalables tenus en novembre 2017.

[29] M. Saleh a également été interrogé le 13 juin 2018, le 7 août 2019, le 7 novembre 2019 et le 20 février 2020.

[30] En décembre 2018, Ontario Inc. a intenté une action distincte contre TLG (T‐2153‐18), laquelle a été réunie à la présente instance par l’ordonnance rendue le 11 février 2019. Les moyens soulevés dans l’action T‐2153‐18 ont été repris dans la demande reconventionnelle ordonnée relativement à la réunion de ces instances.

[31] Ontario Inc. a produit une défense et demande reconventionnelle modifiée le 28 février 2019.

[32] Le 8 mai 2019, TLG a produit une déclaration modifiée dans laquelle elle soulevait un moyen fondé sur le nouvel alinéa 18(1)e) de la Loi, selon lequel l’enregistrement était invalide au motif que la demande d’enregistrement avait été produite de mauvaise foi.

[33] Le 5 juin 2019, Ontario Inc. a produit une nouvelle défense et demande reconventionnelle modifiée dans laquelle elle soutenait que TLG avait usurpé sa marque déposée TRAVEL LEADERS, ce qui avait entraîné la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à cette marque.

[34] TLG a produit sa réponse et défense reconventionnelle le 15 juillet 2019.

[35] Le 13 mars 2020, les parties ont participé à une séance de médiation, mais elles ne sont pas parvenues à un règlement des actions réunies.

[36] La Cour a suspendu les procédures en mars 2020 en raison de la pandémie de COVID‐19, puis a repris les étapes préparatoires à l’instruction à la fin de 2020.

[37] L’instruction a eu lieu du 12 au 22 septembre 2022, les débats ayant été tenus en personne à Toronto. Les deux parties ont eu pleinement l’occasion de produire devant la Cour leurs témoins et leur preuve documentaire, de même que leurs observations finales par écrit et de vive voix. La Cour a répondu à l’ensemble des questions en litige entre les parties au terme de l’instruction. Il ne lui restera qu’à recevoir les observations au sujet des dépens une fois qu’elle aura rendu le présent jugement.

[38] Le 21 septembre 2022, soit l’avant-dernier jour d’audience, M. Saleh a demandé l’autorisation de s’adresser à la Cour au sujet de la conduite de l’affaire par son avocat. J’ai donné une directive dans laquelle je faisais savoir aux avocats des deux parties qu’ils auraient la possibilité de présenter leurs observations concernant la demande de M. Saleh le 22 septembre 2022, avant l’étape des exposés finals. Tôt dans la journée du 22 septembre 2022, M. Saleh a retiré sa demande, et les avocats ont présenté leurs exposés finals.

[39] Le 19 octobre 2022, une fois les débats clos, M. Saleh a déposé, au nom d’Ontario Inc., une requête demandant 1) l’autorisation, sur le fondement de l’article 120 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‐106 (les Règles), de représenter Ontario Inc.; et 2) l’autorisation d’apporter une preuve additionnelle dont pouvait disposer la Cour, mais qui n’avait pas été produite lors de l’instruction. Compte tenu du fait que M. Saleh n’avait pas qualité pour présenter la demande visée au deuxième point de sa requête et afin de préserver l’intégrité du système judiciaire, la Cour a avisé les parties qu’elle examinerait uniquement la demande d’autorisation fondée sur l’article 120 des Règles.

[40] Le 14 novembre 2022, j’ai rejeté la requête fondée sur l’article 120 des Règles présentée par Ontario Inc., après avoir conclu que cette société n’avait pas démontré qu’il existait des circonstances particulières justifiant d’accueillir la requête et d’autoriser M. Saleh à agir en qualité de représentant. Étant donné le rejet de la requête fondée sur l’article 120 des Règles, Ontario Inc. ne pouvait, dans la présente instance, se faire représenter que par un avocat, et la Cour n’a pas examiné la demande d’autorisation d’apporter une preuve additionnelle.

[41] Le 7 décembre 2022, l’avocat d’Ontario Inc., Me Baker, a déposé une requête en vue d’obtenir une ordonnance de cessation d’occuper en raison d’une rupture dans la relation avec son client. Ontario Inc. a fait savoir qu’elle ne donnerait pas suite à la requête. La juge responsable de la gestion de l’instance a fait droit à la requête présentée par Me Baker le 12 décembre 2022.

V. Témoins produits à l’instruction

1. Les témoins des faits de TLG

a) Stephen McGillivray

[42] M. Stephen McGillivray est le directeur du marketing de TLG depuis 2010 et il exerce ses fonctions à Alexandra, en Virginie. Il est à la tête de l’équipe américaine de marketing, qui compte environ 50 personnes. L’équipe a pour principale responsabilité d’aider les agences de voyages membres de TLG, en négociant des contrats et des prix préférentiels avec les prestataires de services de voyage privilégiés. M. McGillivray et son équipe assurent la gestion du budget de marketing de TLG et sont responsables d’environ 90 % des communications avec les membres canadiens de TL Network. Un collègue à Toronto les aide dans cette tâche.

[43] M. McGillivray a exposé de façon générale le modèle d’affaires de TLG ainsi que ses activités par l’intermédiaire de TL Network Canada. Dans son témoignage, il a dit que TLG avait élaboré des lignes directrices sur l’emploi du logo à l’intention de ses franchisés et agences de voyages membres situés aux États-Unis, et des lignes directrices distinctes pour les agences canadiennes membres de TL Network. Il a expliqué que les agences canadiennes membres de TLG avaient le droit d’employer la marque TL NETWORK MEMBER afin d’annoncer leur association à TL Network, mais qu’il leur était interdit d’employer TRAVEL LEADERS pour ce faire. De plus, les prestataires canadiens partenaires de TL Network peuvent employer la marque TL NETWORK SUPPLIER PARTNER. Par comparaison, les lignes directrices sur l’emploi du logo aux États-Unis permettent aux prestataires américains de publier une annonce dans laquelle ils se présentent comme un [traduction] « prestataire partenaire du réseau TRAVEL LEADERS ».

b) Mario Iafrate

[44] M. Mario Iafrate est un enquêteur privé à la retraire. En 1979, il a fondé Hallmark Investigation Services Inc. (Hallmark), une entreprise spécialisée dans les enquêtes visant les produits contrefaits et l’usurpation de marque de commerce. Entre 2016 et 2017, M. Iafrate a mené cinq enquêtes pour le compte de TLG dans le but d’évaluer si Ontario Inc. était une entreprise viable et en activité. Il a rédigé cinq rapports, un à l’issue de chacune des enquêtes. TLG a produit les rapports en preuve à l’instruction, et la Cour les a admis comme preuve de la véracité de leur contenu.

c) Daryl Somes

[45] M. Daryl Somes est un enquêteur privé agréé et le propriétaire majoritaire de Backlit Resource Group Incorporated (Backlit), une agence d’enquête spécialisée dans les enquêtes visant les produits contrefaits et concernant la propriété intellectuelle. Les avocats de TLG ont retenu les services de Backlit afin qu’elle réalise une série d’enquêtes sur l’état des activités d’Ontario Inc. entre 2019 et 2022. M. Somes a assuré la gestion des enquêtes et examiné les rapports rédigés par l’enquêteur agréé de Backlit.

d) Gul Mohammed

[46] M. Gul Mohammed est un enquêteur privé agréé au service de Backlit. Conformément aux directives que lui avait données M. Somes, il s’est rendu dans les bureaux d’Ontario Inc. à cinq reprises entre 2019 et 2022 afin de vérifier si une agence de voyages y exerçait ses activités. Il a rédigé un rapport détaillé pour chacune des cinq enquêtes qu’il a menées. TLG a produit ces rapports en preuve à l’instruction, et la Cour les a admis comme preuve de la véracité de leur contenu.

2. Le témoin expert de TLG

[47] M. Jon Purther est actuellement directeur des Renseignements sur le marché à Paiements Canada. Avant d’occuper ces fonctions, il était président et chef de l’exploitation de CorbinPartners Inc. (CorbinPartners), une entreprise offrant des services de recherche spécialisée et de veille stratégique principalement dans le contexte de litiges. Au cours de ses années au sein de CorbinPartners, il a conçu et mené une étude d’enquête visant à mesurer le degré de reconnaissance par les consommateurs de l’agence de voyages située à Milton et faisant affaire sous le nom de Travel Leaders (l’enquête).

[48] Dans son affidavit du 30 novembre 2018, M. Purther a confirmé qu’il avait signé le certificat requis à l’article 52.2 des Règles par lequel il attestait avoir pris connaissance du Code de déontologie régissant les témoins experts de la Cour fédérale et acceptait de s’y conformer. Il a également confirmé, lors de l’interrogatoire principal, qu’il comprenait qu’il avait l’obligation de fournir à la Cour des renseignements indépendants et impartiaux. Ontario Inc. ne s’est pas opposée à ce que la qualité d’expert soit reconnue à M. Purther.

[49] La Cour a reconnu que M. Purther pouvait témoigner sur les études de marché à titre d’expert particulièrement spécialisé dans la conception, la réalisation et l’analyse de travaux de recherche et d’enquêtes auprès des consommateurs en matière de propriété intellectuelle.

3. Le témoin des faits d’Ontario Inc.

[50] M. Saleh était le seul témoin qu’Ontario Inc. a fait entendre à l’instruction. Il est le président et chef de la direction d’Ontario Inc. et, comme il a été mentionné plus haut, il détient 50 % des actions en circulation de l’entreprise. Il a longuement témoigné lors de l’interrogatoire principal et a été soumis à un contre‐interrogatoire approfondi. Il a fourni des renseignements généraux sur Ontario Inc., sur les activités qu’elle exerce depuis 2004, sur l’adoption, l’emploi et l’enregistrement de la marque TRAVEL LEADERS, ainsi que sur le rôle qu’il avait lui-même dans l’entreprise et la tentative de vente de la marque déposée à TLG et à des tiers. Il a également décrit les mesures qu’il avait prises en 2004 dans le but de donner une nouvelle image à Ontario Inc., et expliqué comment son agence de voyages avait évolué depuis et le sort qu’elle a ensuite connu.

VI. Questions en litige

[51] Les questions auxquelles la Cour doit répondre sont les suivantes :

  1. L’enregistrement est-il invalide (pour un ou plusieurs des motifs suivants)?

  • a)La marque de commerce a-t-elle été abandonnée?

  • b)L’enregistrement contient-il une fausse déclaration importante quant à la date de premier emploi?

  • c)La demande d’enregistrement a-t-elle été produite de mauvaise foi par Ontario Inc.?

  1. Si l’enregistrement est valide, TLG a-t-elle violé les droits conférés par l’enregistrement?

  • a)La responsabilité de TLG est-elle engagée par les effets de l’article 19 ou du paragraphe 20(1) de la Loi?

  • b)TLG a-t-elle entraîné la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à la marque de commerce en contravention au paragraphe 22(1) de la Loi?

  1. TLG a-t-elle commis des actes de commercialisation trompeuse en contravention à l’alinéa 7b) de la Loi?

  2. Ontario Inc. a-t-elle commis des actes de commercialisation trompeuse en contravention à l’alinéa 7b) de la Loi?

  3. Quelles sont les mesures de réparation appropriées en l’espèce?

[52] Ontario Inc. a initialement fait valoir que l’action de TLG était irrecevable au titre du paragraphe 17(2) de la Loi, mais elle n’a pas donné suite à cet argument lors des débats.

VII. Dispositions pertinentes

[53] Voir l’annexe A jointe au présent jugement.

VIII. Analyse

1. L’enregistrement est-il invalide?

[54] TLG demande à la Cour de rendre une ordonnance radiant l’enregistrement en vertu du paragraphe 57(1) de la Loi au motif que l’enregistrement est invalide. Sa demande soulève deux questions préliminaires, qui peuvent toutes deux être examinées rapidement.

[55] En premier lieu, la Cour doit être d’avis que TLG a la qualité pour agir dans sa demande de radiation de l’enregistrement. Par souci de commodité, voici le paragraphe 57(1) de la Loi :

[56] Le registraire ou toute « personne intéressée » peut, relativement à une inscription dans le registre des marques de commerce, présenter une demande au titre du paragraphe 57(1). Selon l’article 2 de la Loi, le terme « personne intéressée » s’entend de « [...] quiconque est atteint ou a des motifs valables d’appréhender qu’il sera atteint par une inscription dans le registre, ou par tout acte ou omission, ou tout acte ou omission projetés, sous le régime ou à l’encontre de la présente loi ».

[57] La qualité de « personne intéressée » constitue un critère de minimis (Beijing Jingdong 360 du E‐commerce Ltd c Zhang, 2019 CF 1293 au para 11 (Beijing Jingdong); Advanced Purification Engineering Corporation (APEC Water Systems) c iSpring Water Systems, LLC, 2022 CF 388 au para 13 (APEC Water Systems)). Le terme « personne intéressée » doit recevoir une interprétation large et vise les parties dont les droits peuvent être restreints par l’enregistrement d’une marque ou qui craignent raisonnablement un préjudice, ou dont les activités commerciales risquent d’être gênées par l’enregistrement d’une marque (Apotex Inc c Registraire des marques de commerce, 2010 CF 291 au para 7; TLG Canada Corp c Product Source International LLC, 2014 CF 924 aux para 38‐39; voir aussi Beijing Jingdong, aux para 11‐13).

[58] Ontario Inc. ne conteste pas que TLG est une « personne intéressée » aux fins du paragraphe 57(1) de la Loi. TLG soutient qu’elle est une personne ayant un intérêt dans la marque TRAVEL LEADERS étant donné qu’elle l’emploie dans d’autres pays, notamment aux États-Unis où elle est propriétaire de l’enregistrement de la marque du même nom, et qu’Ontario Inc. la poursuit pour contrefaçon. Je suis d’accord. L’inscription de l’enregistrement dans le registre des marques de commerce nuit aux activités légitimes de TLG et fait naître chez elle une crainte raisonnable de préjudice.

[59] Je suis d’avis que TLG est une personne intéressée aux fins du paragraphe 57(1) de la Loi et qu’elle a qualité pour présenter sa demande de radiation.

[60] En second lieu, mon examen de la thèse de TLG portant que l’enregistrement est invalide a pour point de départ la présomption selon laquelle l’enregistrement de la marque de commerce est valide jusqu’à preuve du contraire (APEC Water Systems, au para 16; Beyond Restaurant Group LLC c Wang, 2020 CF 514 au para 24 (Beyond Restaurant Group)). L’existence de cette présomption fait en sorte qu’il incombe habituellement à la partie qui conteste la validité de l’enregistrement en cause de faire la preuve de son invalidité (Bedessee Imports Ltd c GlaxoSmithKline Consumer Healthcare (UK) IP Limited, 2019 CF 206 aux para 14‐15 (Bedessee CF) (conf par Bedessee Imports Ltd c GlaxoSmithKline Consumer Healthcare (UK) IP Limited, 2020 CAF 94) (Bedessee CAF)), citant l’arrêt Cheaptickets and Travel Inc c Emall.ca Inc, 2008 CAF 50 au para 12).

[61] Comme TLG est la partie qui allègue que l’enregistrement est invalide, elle doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’enregistrement de la marque TRAVEL LEADERS est invalide (Techno‐Pieux Inc c Techno Piles Inc, 2022 CF 721 au para 172, citant l’arrêt Bedessee CAF, au para 18).

a) Alinéa 18(1)c) — La marque de commerce a-t-elle été abandonnée?

[62] Selon l’alinéa 18(1)c) de la Loi, l’enregistrement d’une marque de commerce est invalide si la marque de commerce a été abandonnée. La date pertinente pour l’examen de la question de l’abandon de la marque de commerce est celle de la demande de radiation (Yiwu Thousand Shores E‐Commerce Co Ltd c Lin, 2021 CF 1040 au para 45 (Yiwu Thousand Shores); Bedessee CF , au para 43; Cross‐Canada Auto Body Supply (Windsor) Limited c Hyundai Auto Canada, 2007 CF 580 au para 10, conf par Cross‐Canada Auto Body Supply (Windsor) Ltd c Hyundai Auto Canada, 2008 CAF 98, demande d’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada (CSC) rejetée).

[63] Dans la présente instance, la date pertinente est le 14 février 2017, soit la date à laquelle TLG a déposé sa déclaration. Cette date sert également de point de repère afin d’évaluer si les mesures prises par Ontario Inc. après le 14 février 2017 visaient à renforcer ses activités en réponse à l’abandon invoqué par TLG ou si elles s’inscrivent dans le cours normal de ses activités.

[64] Pour que la Cour conclue à l’abandon de la marque de commerce, il faut 1) qu’elle ne soit plus employée au Canada et 2) que son propriétaire ait manifesté l’intention de l’abandonner (Promafil Canada Ltée c Munsingwear Inc, (1992) 44 CPR (3d) 59 (CAF), ACF no 611; Milano Pizza Ltd c 6034799 Canada Inc, 2022 CF 425 au para 111; Iwasaki Electric Co Ltd c Hortilux Schreder BV, 2012 CAF 321 au para 18 (Iwasaki)). Il est possible de déduire que le propriétaire avait l’intention d’abandonner la marque de commerce du fait qu’il ne l’a pas employée depuis longtemps (Iwasaki , au para 21); cela étant dit, il s’agit d’une décision factuelle, de sorte qu’il peut être conclu à son abandon sans qu’il y ait eu un défaut d’emploi sur une longue période (Beijing Jingdong , au para 24).

[65] Je tiens à souligner que j’ai appliqué deux autres paramètres à mon analyse de l’abandon soulevé par TLG.

[66] Premièrement, TLG a intenté son action en radiation au titre du paragraphe 57(1) de la Loi. La jurisprudence établit une distinction entre les procédures de radiation prévues aux articles 45 et 57. Le fardeau de la preuve qui pèse sur le propriétaire de la marque de commerce est plus léger dans le cas de la procédure de radiation prévue à l’article 45 que dans celui de la procédure fondée sur l’article 57 (Miller Thomson SENCRL, SRL c Hilton Worldwide Holding LLP, 2020 CAF 134 au para 139 (Hilton Worldwide)).

[67] Deuxièmement, une autre distinction revêt une importance capitale pour mon appréciation de la preuve. L’alinéa 18(1)c) porte sur l’abandon de la marque de commerce et non sur l’abandon des activités. Chacune des parties a produit des éléments de preuve à l’appui de son affirmation respective selon laquelle Ontario Inc. a – ou n’a pas – cessé d’exercer ses activités à titre d’agence de voyage à l’exception d’activités passives et minimales. Ces éléments de preuve fournissent l’important contexte qui me permet de répondre à la question de savoir si la marque TRAVEL LEADERS a été abandonnée. Les personnes veulent les conséquences naturelles et probables de leurs actes (Beijing Jingdong, au para 24). La cessation des activités d’Ontario Inc. permet de tirer la conclusion naturelle et probable qu’elle n’emploie plus sa marque de commerce et qu’elle l’a abandonnée. L’inverse n’est toutefois pas vrai. Le fait qu’Ontario Inc. conserve des enseignes commerciales et exerce des activités commerciales minimales en tant qu’agence de voyages – question sur laquelle je me pencherai ci-après – ne suffit pas pour faire la preuve qu’elle emploie la marque et qu’elle ne l’a pas abandonnée. L’emploi de la marque de commerce ne peut être établi que si la preuve démontre qu’elle est employée en liaison avec l’exécution des services et dans les communications avec les consommateurs visés, c’est-à-dire la clientèle des services d’agence de voyages qu’offre Ontario Inc.

[68] J’ai examiné attentivement la preuve produite par TLG à l’instruction, y compris la preuve présentée par ses enquêteurs et ses témoins experts, les extraits pertinents de l’exposé conjoint des faits, et celle présentée par Ontario Inc., notamment le témoignage que M. Saleh a rendu lors de son interrogatoire principal et de son contre‐interrogatoire. Dans mon évaluation des activités d’Ontario Inc., j’ai tenu compte du fait qu’elle avait subi d’importants effets négatifs depuis mars 2020 en raison de la pandémie de COVID‐19.

[69] Mes conclusions sont les suivantes.

[70] Année après année, le déficit d’Ontario Inc. n’a cessé d’augmenter. Elle a connu un ralentissement de ses activités et une détérioration de sa situation financière peu après l’acquisition de K&S Travel en 2004. Selon M. Saleh, l’adoption du nom TRAVEL LEADERS et de la nouvelle image en 2005 n’ont pas amélioré le sort de l’entreprise.

[71] Selon les données clés tirées des états financiers d’Ontario Inc. pour les années 2004 à 2016 inclusivement, l’entreprise a enregistré, pour l’année partielle de 2004, une perte nette de 43 568 $ et devait rembourser un prêt d’actionnaire de 139 715 $. En 2010, le déficit accumulé par Ontario Inc. s’élevait à près de 300 000 $. L’entreprise a subi une perte nette pour chacune des années suivantes de sorte qu’à la fin de l’année 2016, ses pertes et son déficit cumulés s’élevaient à 459 646 $ et le montant total du prêt d’actionnaire, à 562 703 $.

[72] Parmi les notes accompagnant les états financiers non vérifiés d’Ontario Inc. pour l’année 2006 figure la remarque suivante rédigée par son comptable : [TRADUCTION] « La capacité de l’entreprise à poursuivre ses activités dépend de sa capacité à augmenter suffisamment ses ventes pour couvrir ses dépenses ou à obtenir un financement supplémentaire auprès des actionnaires ou d’institutions financières. Si la direction estime que les ventes pour l’année 2007 augmenteront assez pour couvrir les dépenses de l’année et qu’au besoin, elle est en mesure de financer le fonds de roulement, il est toutefois impossible de prédire avec certitude qu’il en sera ainsi, ce qui laisse planer un doute sur la capacité de l’entreprise à poursuivre ses activités. »

[73] La même remarque figure sur l’ensemble des états financiers d’Ontario Inc. depuis 2006.

[74] Ontario Inc. a continué à enregistrer des pertes au cours des années qui ont suivi 2016. Ses états financiers pour l’exercice ayant pris fin en décembre 2019 font état d’une perte nette de 25 115 $ pour l’exercice et d’un déficit cumulé de 519 682 $. Ontario Inc. ne parvient pas à couvrir ses dépenses et elle ne peut maintenir le solde bancaire minimal exigé pour conserver son permis d’agence de voyages que grâce aux injections de fonds de la part de la conjointe de M. Saleh.

[75] Ontario Inc. n’a aucun plan d’affaires pour enrayer ses pertes ou générer des profits.

[76] Au cours des années antérieures à 2017, le départ d’agents de voyages a entraîné une contraction marquée des activités d’Ontario Inc. L’entreprise a licencié son dernier employé salarié en mars 2016 et elle n’a pas embauché de nouveaux employés depuis. Elle n’avait aucun employé en date du 14 février 2017.

[77] Ontario Inc. ne prévoit aucune nouvelle embauche.

[78] Mme Zoe Parchem est la seule entrepreneure indépendante qui a continué à travailler pour Ontario Inc. après mars 2016. Elle a atteint l’âge de la retraite. Elle ne vit pas à Milton, en Ontario, ni ne se présente aux bureaux. Son nom ne figure sur aucune des factures d’Ontario Inc. depuis janvier 2020.

[79] Mme Parchem possédait auparavant une agence de voyages du nom de C’Ville Travel. Son profil LinkedIn indique toujours qu’elle travaille pour C’Ville Travel.

[80] Dans son témoignage, M. Saleh a dit qu’une part importante des ventes réalisées par Ontario Inc. au cours des dernières années était attribuable à Mme Parchem. Il a également confirmé qu’elle utilisait une adresse courriel comportant le nom de domaine bell.net et non travelleaders.ca. Lors de l’interrogatoire préalable de M. Saleh mené le 7 août 2019, Ontario Inc. s’est engagée à produire les [traduction] « courriels échangés entre l’entreprise et ses clients » qui ne figuraient pas au dossier. Elle n’a par la suite produit que très peu de courriels, dont un de 2018 provenant d’un client de Mme Parchem. Le courriel en question était adressé à l’adresse courriel bell.net de Mme Parchem et son auteur ne fait aucun emploi ni mention de la marque de commerce TRAVEL LEADERS.

[81] Ontario Inc. n’a pas fait entendre Mme Parchem à l’instruction malgré le fait que M. Saleh ait dit, durant son témoignage, que, depuis 2016, elle était la dernière agente de voyages de l’entreprise, agissant à titre d’entrepreneure indépendante, et que la majorité des ventes lui étaient attribuables. Il ne fait aucun doute qu’il aurait été important que Mme Parchem témoigne sur la question de l’abandon de la marque de commerce d’Ontario Inc. et, de façon plus générale, sur l’exploitation de l’agence de voyages avant et après le 14 février 2017. Je tire une inférence défavorable du fait qu’Ontario Inc. ne l’a pas appelée à témoigner (Lickerish, Ltd c airG Inc, 2020 CF 1128 au para 30).

[82] S’agissant des plans envisagés pour les activités futures d’Ontario Inc., M. Saleh a dit, lors de son témoignage, qu’il devra [traduction] « recommencer à zéro » et recruter de nouveaux agents et de nouveaux clients.

[83] M. Saleh ne retire lui-même aucune somme d’argent d’Ontario Inc. ni n’en reçoit de cette dernière, et l’entreprise ne lui verse aucune commission. Lors de son témoignage, M. Saleh a mentionné que l’agence de voyages ne rapportait à personne.

[84] Selon son profil professionnel, M. Saleh est titulaire de permis de courtage immobilier et hypothécaire. Quant à son profil LinkedIn, il s’y présente comme étant un courtier immobilier et hypothécaire, et non un agent de voyages ou le propriétaire d’une agence de voyages.

[85] Passons à la preuve relative aux bureaux, à leur utilisation et à la pertinence de ses enseignes commerciales.

[86] Au printemps 2016, TLG a retenu les services de Hallmark afin que l’agence mène une série d’enquêtes dans le but d’évaluer si l’entreprise Travel Leaders était viable et en activité. M. Iafrate, le dirigeant principal de Hallmark, a réalisé cinq enquêtes entre mai 2016 et novembre 2017. Lors de sa première enquête, il a effectué des recherches en ligne au sujet d’Ontario Inc. D’après ses recherches, il a conclu que l’entreprise existait et exerçait des activités.

[87] Aux fins des quatre enquêtes suivantes, M. Iafrate s’est présenté aux bureaux, et à chaque visite, il n’y a observé aucune activité. Lors de deux visites, il a cogné à la porte, mais personne n’est venu lui répondre et, lors des deux autres, la porte était verrouillée. Il a indiqué qu’à deux occasions, il y avait du courrier à l’extérieur des bureaux. Il a téléphoné à Ontario Inc. à divers jours de la semaine et à différentes heures, mais ses appels sont tombés sur un message automatique, et personne ne l’a rappelé. Lorsque M. Iafrate a posé des questions aux occupants des locaux avoisinants au sujet d’Ontario Inc., ils lui ont répondu qu’ils ne savaient rien de l’entreprise. Lors de son contre‐interrogatoire, il a mentionné qu’une seule personne avait vu quelqu’un à la porte des bureaux; il a toutefois admis qu’il serait pratiquement impossible de voir quelqu’un marcher dans le couloir à partir des locaux avoisinants.

[88] En 2019, TLG a retenu les services de Backlit afin que cette seconde agence mène une nouvelle enquête dans le but d’évaluer si Ontario Inc. était toujours en activité. Backlit a réalisé une série de cinq enquêtes entre le 27 juin 2019 et le 31 mai 2022.

[89] M. Mohammed, enquêteur privé agréé au service de Backlit, s’est présenté aux bureaux à cinq reprises au cours de cette période afin de vérifier si une agence de voyages y exerçait ses activités. Durant ces visites, il a pris des photographies et des vidéos des locaux, et chaque fois, il est demeuré sur les lieux pendant une courte période.

[90] Lors de sa première visite, M. Mohammed est entré dans les bureaux et y a trouvé trois hommes qui travaillaient. Lorsqu’il leur a posé des questions au sujet de l’agence de voyages, l’un d’eux lui a dit que le propriétaire venait rarement et qu’il ne se souvenait pas de la dernière fois que M. Saleh s’était présenté aux bureaux. L’homme lui a fourni un numéro de téléphone où il pourrait rejoindre M. Saleh. M. Mohammed a appelé M. Saleh et s’est présenté comme un client potentiel qui souhaitait réserver des services de voyage. M. Saleh lui a semblé réticent et non disposé à lui répondre ou incapable de le faire. M. Saleh lui a conseillé de lui envoyer un courriel pour la réservation d’un billet. M. Mohammed ne lui en a pas envoyé.

[91] Lors des quatre autres visites des bureaux effectuées par M. Mohammed, les lumières étaient éteintes, et personne ne lui a répondu après qu’il eut frappé à la porte. M. Mohammed et Mme Humayoun (également une enquêtrice privée agréée au service de Backlit, qui l’a accompagné lors de l’une de ses visites des bureaux) ont appelé au numéro de téléphone indiqué sur le site Web d’Ontario Inc. Personne ne leur a répondu, et Mme Humayoun n’a pas laissé de message vocal.

[92] M. Saleh a contesté l’utilité des enquêtes menées à la demande de TLG pour démontrer l’abandon de la marque de commerce. Il a donné des explications pour justifier son absence des bureaux lors de certaines des visites effectuées par M. Mohammed entre 2019 et 2022. Il a fait observer que l’une de ces visites avait eu lieu un samedi (le 29 janvier 2022), soit en dehors des heures d’ouverture d’Ontario Inc. Il a dit que, dans le cas d’une autre visite, M. Mohammed s’était rendu aux bureaux à 17 h 30, donc après les heures d’ouverture, et que, dans le cas d’autres visites, il s’était brièvement absenté des bureaux ou avait quitté pour accompagner son fils à un rendez-vous. Il a également expliqué que les lumières des bureaux étaient généralement éteintes en raison de la lumière qui entrait par les fenêtres.

[93] Certes, M. Saleh a dit, lors de son témoignage, qu’il continuait de se rendre aux bureaux tous les jours ou dans la mesure du possible dans le but de ressusciter l’agence de voyages d’Ontario Inc., mais je suis d’avis que sa présence aux bureaux n’est pas constante. Il n’a expliqué ni contredit aucun des résultats des enquêtes menées par M. Iafrate avant le 14 février 2017 et peu après cette date. J’estime également que les explications données par M. Saleh au sujet de ses absences répétées ne sont pas convaincantes et qu’elles ne compromettent pas la portée des enquêtes réalisées par Backlit. Au total, les enquêteurs se sont rendus aux bureaux à neuf reprises entre 2016 et 2022, à divers jours de la semaine et à différentes heures. Ils n’y ont trouvé ni M. Saleh ni aucun autre employé ou entrepreneur indépendant d’Ontario Inc. Les bureaux étaient généralement fermés à clé, personne n’était venu répondre après que les enquêteurs eurent cogné à la porte, et les lumières étaient éteintes, à l’exception de la visite lors de laquelle M. Mohammed a rencontré trois personnes qui y travaillaient pour le compte du sous-locataire de l’époque d’Ontario Inc. Lors de deux visites, l’enquêteur a remarqué qu’il y avait du courrier à l’extérieur des bureaux. Les enquêteurs ont également tenté à plusieurs reprises de communiquer par téléphone avec Ontario Inc. entre 2016 et 2022. Seul l’appel direct à M. Saleh a reçu une réponse.

[94] Ontario Inc. ne dispose d’aucun relevé téléphonique étant donné qu’elle a remplacé le service de téléphonie fixe par celui de la téléphonie sur IP. Quant aux relevés de téléphone cellulaire produits par M. Saleh, ils n’indiquent pas qu’il est régulièrement aux bureaux pas plus qu’ils n’étayent la prétention qu’il reçoit entre 3 et 10 appels par jour en lien avec Ontario Inc. Lors de son témoignage, M. Saleh a mentionné qu’auparavant, une autre entreprise louait une partie des bureaux, mais qu’il n’y avait actuellement aucun sous‐locataire. M. Saleh a nié que les bureaux ne servaient qu’à faire voir ses enseignes. Il a soutenu que les bureaux visaient à attirer des clients.

[95] Au milieu de l’année 2018, Ontario Inc. a sous-loué une partie importante de ses bureaux (environ 600 pieds carrés) à MGM Consulting. Cette dernière n’a pas participé aux activités de l’agence de voyages d’Ontario Inc. et n’a pas renouvelé son contrat de sous-location en 2020. À l’heure actuelle, il n’y a aucun sous-locataire.

[96] Je conclus qu’Ontario Inc. n’a pas utilisé, et n’utilise toujours pas, les bureaux de façon régulière.

[97] Des enseignes sur lesquelles figure la marque de commerce TRAVEL LEADERS sont placées à l’extérieur de même que dans le hall d’entrée de l’immeuble dans lequel se situent les bureaux. La marque figure aussi sur une enseigne apposée dans l’une des fenêtres donnant vers l’extérieur de l’immeuble.

[98] Durant son témoignage, M. Saleh a mentionné que très peu de clients imprévus se présentaient aux bureaux. Lors de son contre-interrogatoire, il a reconnu que les bureaux n’aidaient en rien la situation d’Ontario Inc. et que sa clientèle avait considérablement diminué.

[99] J’ai conclu que les bureaux n’étaient pas, et non sont toujours pas, ouverts de façon régulière pour y exercer les activités d’Ontario Inc. Rien dans la preuve ne porte à croire que les consommateurs reconnaissent les enseignes, comme le montrerait le fait que des clients se présentent aux bureaux. Je reconnais que les enseignes étaient en place avant le 14 février 2017, mais leur simple existence ne permet pas de conclure que les consommateurs associent les services d’agence de voyages offerts par Ontario Inc. à la marque de commerce TRAVEL LEADERS.

[100] Ontario Inc. a présenté la preuve suivante en lien avec ses démarches publicitaires. La première annonce, parue dans un journal local daté du 6 mai 2005, indiquait que TRAVEL LEADERS était un nouveau membre de la chambre de commerce de Milton. Ontario Inc. a déposé des annonces ultérieures publiées dans des journaux en 2005 et 2006 ainsi qu’une autre parue en 2010. En 2011, l’entreprise a créé une page Facebook sous le nom de « TL Canada » et a publié une annonce dans les Pages Jaunes. Elle a produit deux autres annonces publiées dans les Pages Jaunes dont la parution date probablement de 2013. Rien n’indique qu’Ontario Inc. a entrepris d’autres démarches publicitaires entre la date de parution de ces dernières annonces et le 17 février 2017.

[101] Ontario Inc. a produit des annonces publiées sur Kijiji les 17 et 18 février 2017, soit après le début du présent litige, dans lesquelles l’entreprise offrait des visites à pied dans la ville de Milton. Ontario Inc. a continué à publier d’autres annonces entre 2017 et 2022, notamment des inscriptions dans le répertoire des entreprises de Milton, des annonces encadrées dans le journal de Milton, The Canadian Champion, de même que des annonces (parues en 2019, 2021 et 2022) dans le magazine Sideroads (North Halton).

[102] Le site Web www.travelleaders.ca exploité par Ontario Inc. est un site Web passif. Il comporte une section pour les réservations, mais elle n’a jamais été utilisable. M. Saleh a reconnu que la liste des services offerts par Ontario Inc. ne figurait pas sur la page d’accueil le 31 octobre 2016 et que l’entreprise l’avait ajoutée peu après le début du présent litige.

[103] Le 19 février 2006, la page [traduction] « Contactez-nous » du site Web indiquait que l’entreprise était ouverte en semaine de 8 h 30 à 17 h 30 et le samedi de 9 h à 12 h. Le 29 mars 2010, elle indiquait désormais qu’Ontario Inc. était ouverte en semaine et, uniquement sur rendez‐vous, le samedi et le dimanche. Le 22 février 2015, elle n’indiquait plus les heures d’ouverture de l’entreprise.

[104] Selon mon examen des éléments de preuve décrits dans les paragraphes précédents, je juge que TLG a démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’Ontario Inc. n’exerce aucune activité en tant qu’agence de voyages et que les seules démarches connexes entreprises depuis le début du présent litige le 14 février 2017 visaient à maintenir l’apparence de telles activités.

[105] La preuve recueillie au cours des enquêtes menées à la demande de TLG au sujet de l’utilisation des bureaux entre 2016 et 2017 et entre 2019 et 2022 démontre qu’Ontario Inc. ne les utilise pas de façon active. La preuve contraire présentée par Ontario Inc. n’est pas convaincante. Son argument selon lequel il n’est pas inhabituel de travailler à domicile n’est d’aucune utilité s’il n’est pas établi que le travail est réellement est effectué. Les données financières produites par Ontario Inc. montrent que les activités de l’entreprise ont connu un ralentissement marqué jusqu’en février 2017 qui s’est poursuivi par la suite. L’entreprise continue à déduire des dépenses telles que celles de téléphonie cellulaire et de publicité malgré des activités et des revenus de commissions négligeables.

[106] Ontario Inc. ne compte aucun employé. Mme Parchem est considérée comme une entrepreneure indépendante d’Ontario Inc. et sa seule agente de voyages active. Toutefois, elle n’a pas témoigné, et Ontario Inc. n’a présenté aucune preuve établissant que Mme Parchem avait employé la marque TRAVEL LEADERS dans ses activités ou communications avec des clients. Aux yeux des consommateurs, M. Saleh semble être un courtier hypothécaire. Les éléments de preuve produits par Ontario Inc. montrant qu’il avait, à titre d’agent de voyage, employé la marque de commerce datent de février 2017 (visites à pied offertes à Milton) et de 2021 (deux factures d’Air Canada et des échanges de courriels avec un centre de villégiature pour couples situé en Ontario). Ni le site Web passif d’Ontario Inc. ni les enseignes en place ne prouvent que l’entreprise exerce des activités commerciales.

[107] Il importe de souligner tout particulièrement que, d’une part, une preuve volumineuse établit qu’Ontario Inc. est inactive et que, d’autre part, cette dernière n’a fourni aucune preuve de son emploi de la marque de commerce TRAVEL LEADERS en liaison avec ses services d’agence de voyages.

[108] Ontario Inc. a fourni cinq factures datées du 22 mars 2005, une facture caviardée et des documents de voyage datant de mai 2016, deux factures caviardées datées des 14 et 20 février 2017, et deux factures datant de 2021. La marque TRAVEL LEADERS figure dans l’en-tête des factures. Aucune correspondance avec les clients en question, que ce soit avant ou après février 2017, établissant que les factures leur avaient été envoyées n’a été produite.

[109] Ontario Inc. a produit une série de courriels à l’intention de M. Saleh, datant de 2021, provenant d’un centre de villégiature pour couples et envoyés à l’adresse info@travelleader.com. Les courriels portent sur une réservation au centre de villégiature pour deux clients d’Ontario Inc. Ontario Inc. a également fourni une facture de 2021 qui correspond à la réservation du centre de villégiature et sur laquelle figure la marque TRAVEL LEADERS. Encore une fois, rien n’indique que la facture ou les courriels transmis par le centre de villégiature pour couples ont été envoyés aux clients.

[110] Lors de son contre‐interrogatoire, M. Saleh a dit que les factures de février 2017 n’avaient pas été envoyées aux clients et qu’un reçu leur avait plutôt été remis. Ontario Inc. n’a produit aucune copie de ces reçus ni fourni de preuve d’autres communications avec des clients ou des clients potentiels dans lesquelles figurent la marque TRAVEL LEADERS, à l’exception d’un courriel que M. Saleh a envoyé à un client en 2018 à partir de son adresse courriel amin@travelleaders.ca, qui comprend les mots de la marque. Enfin, comme je l’ai mentionné plus haut, rien n’indique que des clients ont visité les bureaux où les enseignes de la marque TRAVEL LEADERS sont visibles.

[111] Ontario Inc. a transmis à TLG des relevés de commission d’agent caviardés datant de 2016 et 2017, et ce, malgré l’ordonnance de la Cour lui enjoignant de produire les versions non caviardées de ces relevés. Les mots « Travel Leaders » (avec une combinaison de minuscules et de majuscules) ainsi que l’adresse des bureaux apparaissent dans la partie supérieure de chacun des relevés. Ontario Inc. n’a fourni aucun élément montrant que les relevés avaient été remis aux agents concernés; quoi qu’il en soit, les agents ne sont pas des clients d’Ontario Inc. Elle a également produit des états financiers sur lesquels figurent les mots « Travel Leaders ». Les états financiers ne constituent pas une preuve de l’emploi de la marque déposée en liaison avec les services d’agence de voyages offerts par Ontario Inc.

[112] Aux fins de mon analyse fondée sur l’alinéa 18(1)c), l’« emploi » de la marque de commerce TRAVEL LEADERS s’entend de l’affichage de la marque en liaison avec les produits ou services du propriétaire. L’emploi de la marque est fondamental en droit des marques de commerce (Hilton Worldwide, au para 6). Comme l’a souligné la CSC, les marques de commerce ont pour objet, sur le plan juridique, de distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’une autre et d’informer les consommateurs sur leur origine et leur qualité aux consommateurs (Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22 au para 2 (Mattel)). En matière de marque des commerce, « le mot d’ordre est de l’employer sous peine de la perdre » (Mattel, au para 5). Aux termes du paragraphe 4(2) de la Loi, « une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services “si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services »; le simple fait d’annoncer des services au Canada ne constitue pas un emploi en liaison avec un service (Hilton Worldwide, au para 7). Le propriétaire de la marque doit combler l’écart entre l’annonce, d’une part, et l’emploi de la marque en question et sa communication aux consommateurs ou clients canadiens, d’autre part. Certains éléments de preuve doivent montrer que les services sont fournis et qu’il y a « un degré suffisant d’interactivité entre le propriétaire de la marque de commerce et le consommateur canadien pour que l’emploi de la marque au Canada soit établi par l’utilisation de services » (Hilton Worldwide, au para 147).

[113] Ontario Inc. soutient qu’elle a démontré, au minimum, un certain emploi de la marque déposée et que cet emploi minimal est suffisant pour faire échec à l’abandon soulevé par TLG (Bedessee CF, au para 56). Je ne suis pas de cet avis. Ontario Inc. a établi qu’elle avait exercé des activités commerciales négligeables en 2016 et en 2017, mais n’a pas établi qu’elle avait employé la marque de commerce en liaison avec ses services avant la date pertinente. En revanche, dans l’affaire Bedessee FC, la demanderesse n’est pas parvenue à montrer que la défenderesse avait abandonné sa marque de commerce étant donné que les produits de cette dernière qu’a reçus le consommateur final portaient la marque en cause.

[114] Je suis d’avis que TLG s’est acquittée de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’Ontario Inc. n’avait pas employé la marque déposée TRAVEL LEADERS en liaison avec ses services d’agence de voyages pendant une longue période avant la date pertinente, soit le 14 février 2017, et que ce défaut d’emploi s’est poursuivi après cette date. Ontario Inc. n’a produit aucune preuve de son emploi de la marque de commerce TRAVEL LEADERS en liaison avec ses services d’agence de voyages au cours des années précédant février 2017. En d’autres termes, rien n’indique que ses clients ont vu la marque TRAVEL LEADERS. La seule preuve d’un tel emploi après la date pertinente est un courriel que M. Saleh a envoyé à un client en 2018. Le peu d’activités commerciales exercées par Ontario Inc. après le 14 février 2017 peuvent être considérées comme des activités entreprises en réponse à l’abandon soulevé par TLG.

[115] Je juge également que la preuve du défaut d’emploi étaye parfaitement l’inférence selon laquelle Ontario Inc. avait l’intention d’abandonner la marque de commerce étant donné qu’elle a progressivement réduit puis cessé ses activités commerciales de même que son utilisation des bureaux, et qu’elle a (et avait) une faible présence publicitaire et en ligne (voir, p. ex., Beijing Jingdong, au para 25).

[116] Par conséquent, je conclus que le 14 février 2017 Ontario Inc. avait abandonné la marque déposée TRAVEL LEADERS et que l’enregistrement doit être radié du registre.

b) Alinéa 18(1)a) — L’enregistrement contient-il une fausse déclaration importante quant à la date de premier emploi?

[117] Selon l’alinéa 18(1)a) de la Loi, l’enregistrement d’une marque de commerce est invalide si la marque de commerce n’était pas enregistrable à la date de l’enregistrement.

[118] Une fausse déclaration essentielle à une demande d’enregistrement peut avoir pour effet d’invalider l’enregistrement et de le rendre nul ab initio (Coors Brewing Company c Anheuser‐Busch, LLC, 2014 CF 716 au para 38; WCC Containers Sales Ltd c Haul‐All Equipment Ltd, 2003 CF 962 au para 25). Il a été reconnu qu’une fausse déclaration sur l’emploi est une fausse déclaration essentielle, parce qu’il n’aurait pas été possible d’obtenir l’enregistrement en l’absence de la fausse déclaration (Yiwu Thousand Shores, au para 50; APEC Water Systems, au para 58). Il n’est pas nécessaire d’établir l’existence d’une fraude ou d’une intention de tromper dans ces circonstances.

[119] Le 4 mai 2010, Ontario Inc. a produit sa demande pour l’enregistrement de la marque TRAVEL LEADERS dans laquelle elle revendiquait l’emploi de la marque depuis au moins le 22 mars 2005. Selon le paragraphe 30b) de la Loi, qui était en vigueur à la date de production de la demande, Ontario Inc. devait revendiquer une date pour le premier emploi de la marque de commerce.

[120] Selon TLG, la date de premier emploi revendiquée par Ontario Inc. est fausse et constitue une fausse déclaration essentielle qui justifie d’invalider l’enregistrement.

[121] TLG fait valoir que la preuve présentée par Ontario Inc. au sujet de la date de premier emploi se limite à cinq factures douteuses datées du 22 mars 2005 pour la fourniture de services, dont quatre ont été produites trois jours avant le début de l’instruction, et que rien n’indique qu’elles ont été envoyées à des clients.

[122] Les faits entourant la production tardive des quatre factures sont les suivants. Au cours de son interrogatoire préalable approfondi, M. Saleh a dit qu’Ontario Inc. ne possédait aucun document commercial antérieur à 2007 et qu’elle avait transmis l’ensemble de ses documents à TLG. Ontario Inc. a consenti à ce que les paragraphes suivants fassent partie de l’exposé conjoint des faits :

[traduction]
92. Avant et pendant l’interrogatoire préalable tenu le 7 août 2019, M. Amin Saleh a déclaré sous serment qu’il n’existait aucun document commercial antérieur à 2007 et qu’il ne les avaient plus.

93. Lors de son premier interrogatoire préalable tenu le 28 novembre 2017, M. Amin Saleh a donné la réponse suivante lorsqu’il lui a été demandé de s’engager à produire tout élément de preuve étayant son emploi de la marque à compter du 22 mars 2005 : « Je crois que nous avons produit tout ce que nous avons pu trouver. »

[123] Le 7 septembre 2022, après avoir assuré à maintes reprises au nom d’Ontario Inc. que tous les détails de la preuve avaient été fournis, M. Saleh a produit quatre factures datées du 22 mars 2005 pour des services de voyage et portant l’en-tête TRAVEL LEADERS. Il a également transmis à l’avocat de TLG une explication pour cette production tardive. Il a dit qu’en mai 2020, il avait récupéré une boîte de factures de l’entreprise de son beau‐frère et l’avait entreposée dans son sous‐sol. Son beau-frère est malheureusement décédé peu de temps après, et M. Saleh n’a découvert la boîte de factures que dans la soirée du 5 septembre 2022. Il y a trouvé les quatre factures en question et les a transmises à TLG deux jours plus tard.

[124] Chacune des factures en question – un imprimé d’ordinateur, flou mais lisible – dresse une liste d’achats de billets d’avion et porte en bas de page la mention [traduction] « MERCI D’AVOIR VOYAGÉ AVEC K & S TRAVEL », dont la police, la taille et la couleur sont les mêmes que dans le reste de la facture. L’en-tête de chaque facture comprend l’image d’un avion à réaction et les mots « TRAVEL LEADERS » (en caractères gras de couleur rouge) ainsi que l’adresse des bureaux. L’écriture dans l’en-tête est bien lisible et une police plus foncée et différente du reste de la facture y est utilisée.

[125] Ontario Inc. n’a présenté aucune preuve établissant que les factures avaient été envoyées aux clients.

[126] Lors de son contre‐interrogatoire, M. Saleh a reconnu que la mention inscrite en bas de page « MERCI D’AVOIR VOYAGÉ AVEC K & S TRAVEL » apparaissait sur les factures. Dans son témoignage, il a dit que cette mention n’avait pas encore été mise à jour à la date d’impression de ces factures. Il n’a pas expliqué pourquoi le logo de TRAVEL LEADERS apparaissait clairement, alors que le reste du texte apparaissant sur les factures était flou. Il a déclaré qu’il n’avait pas modifié les factures.

[127] Pour démontrer son emploi hâtif de la marque de commerce, Ontario Inc. a présenté une annonce de son inscription, sous le nom de TRAVEL LEADERS, comme nouveau membre de la chambre de commerce de Milton parue le 6 mai 2005 dans le The Canadian Champion, le journal local de Milton. L’annonce comprend l’adresse des bureaux et indique qu’Ontario Inc. se spécialise en voyages d’affaires et d’agrément. Lors de son témoignage, M. Saleh a dit qu’Ontario Inc. avait installé la nouvelle enseigne affichant les mots « TRAVEL LEADERS » sur la devanture des anciens locaux de K&S Travel le 23 mars 2005 ou juste avant cette date. Ontario Inc. a également produit des copies d’annonces encadrées datant de février, mars et juillet 2006, un permis principal d’entreprise de l’Ontario daté du 8 novembre 2004, et des demandes de changement de nom commercial et d’enregistrement (TICO et IATA) datant de janvier 2005 afin d’exercer ses activités sous le nom de « Travel Leaders ».

[128] Compte tenu de la validité présumée de l’enregistrement, TLG est tenue de prouver, selon la prépondérance des probabilités, son moyen selon lequel la demande d’enregistrement contenait une fausse déclaration importante quant à la date de premier emploi revendiquée. Malgré la production tardive de quatre des cinq factures datées du 22 mars 2005, je reconnais que la marque de commerce figure sur les factures, mais je souligne que rien n’indique qu’elles ont été envoyées à des clients. Les autres éléments de preuve présentés par Ontario Inc. n'établissent pas que la marque TRAVEL LEADERS faisait partie des communications directes avec la clientèle; ils semblent toutefois montrer que peu de temps après l’acquisition en 2004 de K&S Travel, qui était alors une entreprise viable, Ontario Inc. a entrepris des démarches pour lui donner une nouvelle image. Je reconnais que le 23 mars 2005, Ontario Inc. exerçait ses activités dans des locaux affichant une enseigne portant la marque TRAVEL LEADERS.

[129] Je suis consciente qu’il est difficile d’essayer de prouver l’inexistence d’un fait, à savoir qu’Ontario Inc. n’a pas employé la marque de commerce TRAVEL LEADERS au Canada à compter du 22 mars 2005. Cela étant dit, l’existence d’un doute quant à la validité de l’enregistrement doit jouer en faveur de la validité (Beyond Restaurant Group, para 24; Bedessee CF, au para 13). En l’espèce, la preuve n’est pas concluante. La preuve factuelle présentée par TLG ne me permet pas de conclure, selon la prépondérance des probabilités, qu’Ontario Inc. a fait une fausse déclaration importante dans sa demande d’enregistrement.

c) Alinéa 18(1)e) — La demande d’enregistrement a-t-elle été produite de mauvaise foi par Ontario Inc.?

[130] À la suite de la réunion, en février 2019, de l’action initiale de TLG et de l’action intentée par Ontario Inc., TLG a déposé une déclaration modifiée dans laquelle elle a ajouté un moyen soulevant l’invalidité sur le fondement du nouvel alinéa 18(1)e) de la Loi.

[131] Aux termes de l’alinéa 18(1)e), l’enregistrement d’une marque de commerce est invalide si la demande d’enregistrement a été produite de mauvaise foi.

[132] Si la Loi ne définit pas ce qui constitue de la mauvaise foi, il ne s’agit toutefois pas d’un nouveau concept en droit canadien des marques de commerce. La COMC et la Cour ont reconnu que la mauvaise foi constituait un motif permettant de repousser la demande d’enregistrement d’une marque de commerce dans des procédures d’opposition fondées sur l’ancien alinéa 30i) de la Loi. Selon cette disposition, maintenant abrogée, la demande d’enregistrement devait renfermer une déclaration portant que le requérant était convaincu qu’il avait droit d’employer la marque de commerce. Aux paragraphes 31 à 38 de la décision Cerveceria Modelo, SA de CV c Marcon, [2008] COMC no 131 (Cerveceria Modelo), la COMC s’est penchée sur l’intention qu’avait le requérant lorsqu’il a produit sa demande d’enregistrement et sur la question de savoir s’il avait tenté de profiter de la réputation établie d’autres marques bien connues. La Cour a reconnu la pertinence des décisions comme Cerveceria Modelo dans le contexte de l’alinéa 18(1)e) (Norsteel Building Systems Ltd c Toti Holdings Inc, 2021 CF 927 aux para 64‐68).

[133] Aux paragraphes 30 à 39 de la décision Beijing Judian Restaurant Co Ltd c Meng, 2022 CF 743 (Beijing Judian), la juge Furlanetto a procédé à une analyse détaillée du sens du terme « mauvaise foi », figurant à l’alinéa 18(1)e). Elle a fait remarquer que, selon le droit du Royaume-Uni et de l’Union européenne en matière de marques de commerce, la mauvaise foi à la date de production de la demande d’enregistrement d’une marque de commerce ne se limitait pas au comportement malhonnête du requérant. Elle « peut aussi comprendre des [agissements qui ne répondent pas aux] normes [d’un] comportement commercial acceptabl[e, respectées par] des personnes raisonnables et expérimentées [dans le secteur particulier examiné] » (Beijing Judian, au para 35). Ce passage sous-entend que l’examen ne doit pas porter uniquement sur la question de savoir si la demande avait pour seul but de tirer parti de la valeur de l’achalandage d’un tiers et va dans le même sens que l’énoncé formulé par la CSC selon lequel la mauvaise foi est une notion flexible en droit canadien (Entreprises Sibeca Inc c Frelighsburg (Municipalité), 2004 CSC 61 au para 25 (Entreprises Sibeca)). La mauvaise foi doit être interprétée en tenant compte du contexte dans lequel le terme est utilisé, et elle peut avoir un caractère économique (Blossman Gas, Inc c Alliance Autopropane Inc, 2022 CF 1794 au para 120 (Blossman Gas), citant MT c J‐YT, 2008 CSC 50 au para 26, et Entreprises Sibeca au para 25).

[134] Comme TLG est la partie qui allègue la mauvaise foi, il lui incombe d’en faire la preuve, selon la prépondérance des probabilités, au moyen d’une preuve claire et convaincante (FH c McDougall, 2008 CSC 53 aux para 40, 45‐46). Pour apprécier le comportement d’Ontario Inc., je dois tenir compte de l’intention subjective qu’elle avait lorsqu’elle a produit sa demande en fonction des circonstances objectives propres à la présente affaire (Beijing Judian, au para 35).

[135] La date pertinente aux fins de mon analyse est celle de la demande présentée par Ontario Inc. pour l’enregistrement de la marque TRAVEL LEADERS, soit le 4 mai 2010.

[136] L’affaire dont je suis saisie diffère de celle où le requérant qui n’exerce aucune activité commerciale présente sa demande – alors qu’il sait qu’un tiers emploie dans l’exercice de ses activités commerciales la marque de commerce (ou plusieurs marques) dont il demande l’enregistrement – dans le but d’extorquer de l’argent à ce tiers (Beijing Judian), ou de celle où le requérant qui a déjà une relation avec le propriétaire de la marque de commerce demande sciemment l’enregistrement de la même marque (Blossman Gas).

[137] En l’espèce, le 4 mai 2010, Ontario Inc. exploitait une agence de voyages, bien qu’elle battît de l’aile financièrement. Lorsqu’elle a produit sa demande d’enregistrement, elle savait très bien que TLG, une entreprise prospère, employait déjà la marque de commerce aux États-Unis en liaison avec des services de voyage et que TLG projetait d’employer la marque dans l’expansion de ses activités sur le marché canadien. Au cours des années qui ont suivi l’enregistrement, les activités d’Ontario Inc. ont connu un ralentissement jusqu’à leur arrêt complet, ce qui a mené l’entreprise à la ruine; parallèlement, son comportement par rapport à la marque et à TLG s’est détérioré au point de devenir un comportement visant à nuire aux activités de TLG.

[138] La question que la Cour doit trancher est celle de savoir si le fait qu’Ontario Inc. a adopté ce comportement sur une longue période démontre qu’elle a produit de mauvaise fois sa demande d’enregistrement, comme l’exige le paragraphe 18(1)e) de la Loi.

[139] Je commence mon analyse par l’examen de l’alinéa 18(1)e) qui est ainsi libellé : « L’enregistrement d’une marque de commerce est invalide dans les cas [où] la demande d’enregistrement a été produite de mauvaise foi. »

[140] Les principes régissant l’interprétation des lois sont bien établis et exigent que les tribunaux tiennent compte du libellé, du contexte et de l’objet de la disposition en cause pour en déterminer le sens. Le libellé de l’alinéa 18(1)e) vise les demandes d’enregistrement. Selon le sens ordinaire des mots, le tribunal a l’obligation de tenir compte de l’intention qu’avait le requérant à la date à laquelle il a produit sa demande d’enregistrement de la marque en question. Le comportement adopté par le requérant après la date de production de la demande d’enregistrement peut être examiné s’il permet de prouver les raisons qui l’ont mené à produire sa demande (Beijing Judian, au para 38).

[141] Les autres dispositions de l’article 18 et les autres motifs pour lesquels l’enregistrement d’une marque de commerce peut être jugé invalide fournissent le contexte le plus pertinent aux fins de l’interprétation de l’alinéa 18(1)e). Le libellé de chacune des autres dispositions vise une date en particulier à laquelle doit être effectué l’examen des faits. Ce contexte renforce l’importance de la date pertinente dans l’analyse de la mauvaise foi.

[142] Enfin, l’objet que poursuivait le législateur lorsqu’il a adopté l’alinéa 18(1)e) était de limiter le squattage de marques de commerce. Selon le résumé législatif du 14 décembre 2018 portant le numéro de publication 42‐1‐C86‐F, à la section 2.5.7.2, sous-section B : modifications apportées à la Loi sur les marques de commerce, la disposition vise à « empêcher l’enregistrement d’une marque de commerce dans le seul but de tirer parti du fait d’empêcher d’autres de l’utiliser ». Dans le même ordre d’idées, M. Dan Ruimy, député, a donné en exemple lors de la lecture finale du projet de loi C‐86, le cas où « les demandes d’enregistrement [sont] faites dans la seule intention de recevoir une rémunération » du tiers propriétaire de la marque de commerce (projet de loi C‐86, 3e lecture, Débats de la Chambre des communes, 42-1, no 361 (29 novembre 2018) à la p 1155). Ces énoncés mettent en valeur l’intention qu’avait le requérant au moment où il a produit sa demande d’enregistrement.

[143] Ontario Inc. était au courant de l’existence de TLG, de ses activités d’agence de voyages aux États-Unis, de ses grands plans d’expansion au Canada et de la demande antérieure que celle-ci avait produite pour l’enregistrement de la marque de commerce TRAVEL LEADERS lorsqu’elle a produit sa propre demande pour l’enregistrement de la marque du même nom le 4 mai 2010. Ontario Inc. ne conteste pas ce fait. M. Saleh avait pris connaissance du projet d’expansion de TLG au Canada en 2008‐2009. Avant le 4 mai 2010, Ontario Inc. s’était opposée à la demande d’enregistrement produite par TLG. Le fait qu’Ontario Inc. était au courant des droits existants de TLG afférents à la marque de commerce ou de son emploi par TLG est un facteur pertinent dont je dois tenir compte dans mon analyse de la mauvaise foi (Blossman Gas, au para 121).

[144] Avant le 4 mai 2010, Ontario Inc. avait également rejeté l’offre d’achat de la marque de commerce que lui avait présentée TLG, offre qui comprenait l’octroi d’une licence d’emploi de la marque en Ontario. En décembre 2009, en vue de mettre fin, au moyen d’un règlement, à la procédure d’opposition qu’Ontario Inc. avait engagée à l’égard de sa demande d’enregistrement, TLG a offert à Ontario Inc. de lui acheter la marque pour la somme de 4 000 $ et de lui octroyer une licence d’emploi. TLG a ajouté qu’en l’absence d’un règlement, elle abandonnerait sa demande d’enregistrement et emploierait une marque de commerce différente. Ontario Inc. a rejeté l’offre, disant qu’elle aurait été disposée à lui vendre la marque et le nom de domaine [traduction] « pour une somme réaliste qui refl[était] la valeur qu’[avaient] la marque et le nom de domaine pour Travel Leaders Group ».

[145] Les négociations ont pris fin, et selon le registraire des marques de commerce, la demande d’enregistrement de TLG a été réputée abandonnée le 29 mars 2010. Peu après, Ontario Inc. a produit sa demande pour l’enregistrement de la marque TRAVEL LEADERS.

[146] À la fin de l’année 2010, comme Ontario Inc. n’avait pas été rentable au cours des six dernières années, elle avait accumulé un déficit totalisant près de 300 000 $. Les états financiers de l’exercice se terminant le 31 décembre 2010 indiquent cependant qu’Ontario Inc. est demeurée active grâce aux sommes importantes que ses deux actionnaires lui ont prêtées.

[147] Selon TLG, Ontario Inc. n’était plus une entreprise viable à la date de production de la demande d’enregistrement et son seul but était de tirer profit de l’enregistrement canadien aux dépens de TLG. Je ne suis pas de cet avis. Les démarches qu’Ontario Inc. a multipliées pour exploiter l’agence de voyages étaient peut‐être irréalistes, mais elles étaient continues et se sont poursuivies bien après mai 2010.

[148] Passons au comportement d’Ontario Inc. et de M. Saleh après le 4 mai 2010. En juin 2011, TLG a essayé à nouveau d’obtenir le droit d’employer la marque de commerce TRAVEL LEADERS au Canada en offrant d’acheter l’enregistrement pour la somme de 25 000 $ en plus d’accorder à Ontario Inc. un droit d’adhésion au réseau d’agents de voyages de TLG. Subsidiairement, TLG a offert d’acheter l’entreprise d’Ontario Inc., y compris la marque de commerce, à sa juste valeur marchande. Ontario Inc. a rejeté les offres de TLG et lui a soumis une contre-offre de 850 millions de dollars.

[149] Quatre ans plus tard, en novembre 2015, Ontario Inc. a publié sur le site Web www.ustrademarkexchange.com l’annonce de vente de l’enregistrement pour la somme de 80 millions de dollars américains. Dans l’annonce, elle décrivait la vente proposée comme une occasion incroyable étant donné que TLG ne pouvait introduire ses franchises TRAVEL LEADERS sur le marché canadien sans acheter la marque de commerce ou en obtenir une licence d’emploi. Ontario Inc. avait joint à l’annonce deux articles au sujet de TLG, dont un qui comportait l’extrait suivant : [traduction] « Barry Liben, chef de la direction de Travel Leaders Group, règne sur un empire du voyage de 17 milliards de dollars. » Peu après avoir publié l’annonce, M. Saleh a contacté le chef de la direction d’Expedia ainsi que le président d’Expedia CruiseShipCentres de l’époque, afin de leur proposer d’acheter l’enregistrement. Lors de l’instruction, M. Saleh a admis qu’à ce stade, il ressentait une colère grandissante envers TLG et a confirmé qu’il n’avait pas effectué de démarches auprès de TLG. Il a dit que si l’une de ces deux autres sociétés avait acheté l’enregistrement, [traduction] « cela aurait empêché TLG d’entrer sur le marché canadien ».

[150] Le ou vers le 28 novembre 2017, après que TLG eut déposé sa déclaration, Ontario Inc. a adopté le nom de domaine www.travelleadersnetwork.ca. M. Saleh a mis à jour la page Web de www.travelleadersnetwork.ca afin d’y ajouter la mention suivante : [traduction] « Nous avons classé nos services par catégories afin de mieux répondre à vos besoins en matière de voyage au Canada sous l’enseigne de Travel Leaders Network, aussi connu sous le nom de “TL Network”. »

[151] Le 1er janvier 2020, M. Saleh a déposé une plainte officielle au TICO, alléguant que « Travel Leaders Group » exerçait ses activités sans être inscrite auprès du TICO et sans détenir le permis d’agence de voyages requis. Le TICO lui a répondu, faisant les observations suivantes : [traduction] « Travel Leaders Group exploite un site Web axé sur l’industrie du voyage sur lequel elle ne vend aucun service de voyage [au Canada] [...] À moins que cette organisation ne vende des services de voyage sur ses sites Web (ce qui n’est pas le cas), elle n’a pas besoin d’obtenir un permis auprès du TICO ... »

[152] La jurisprudence récente de la Cour impose un critère exigeant auquel doit satisfaire la partie qui cherche à démontrer que le requérant a agi de mauvaise foi (Beijing Judian, APEC Water Systems, Yiwu Thousand Islands). Dans la décision Beijing Judian, la juge Furlanetto a conclu que le défendeur avait enregistré la marque de commerce dans l’intention d’extorquer de l’argent à la demanderesse ou d’utiliser la réputation de la famille de marques de commerce de la demanderesse pour obtenir de l’argent de tiers (au para 46).

[46] [...] Une semaine après l’enregistrement du dessin‐marque JU DIAN, le défendeur a contacté la demanderesse pour lui proposer d’acheter la marque pour 1 500 000 $, une somme bien supérieure à tous les coûts associés à l’obtention de la marque. Lorsque la demanderesse a refusé d’acheter la marque, le défendeur a menacé de nuire à son entreprise. Il a ensuite placé une annonce publique sur le site VanSky pour vendre l’enregistrement de la marque, et il a par la suite échangé avec un acheteur potentiel à qui il a offert d’acquérir des droits de franchise au coût de 100 000 $ par année. Lorsqu’il a échangé avec l’acheteur potentiel du dessin-marque JU DIAN, le défendeur a invoqué la réputation des restaurants de la demanderesse pour justifier l’importance de la somme demandée pour l’enregistrement de la marque.

[153] Dans la décision APEC Water Systems (aux para 54, 56), la Cour a jugé qu’il était possible que le requérant dans cette affaire ait fait montre d’« aveuglement volontaire », mais que la preuve ne démontrait pas qu’il savait que la partie adverse employait la marque de commerce au Canada ou qu’il avait l’intention de nuire aux activités commerciales de cette partie. Dans la décision Yiwu Thousand Shores (au para 54), la Cour a refusé d’invalider l’enregistrement d’une marque suivant l’alinéa 18(1)e) malgré qu’elle fût d’avis que les actes du défendeur pouvaient laisser croire à « l’émergence d’un comportement dont il est possible de déduire un acte de mauvaise foi ».

[154] Ontario Inc. savait que TLG employait la marque de commerce identique aux États-Unis et projetait d’exercer ses activités au Canada en liaison avec la marque TRAVEL LEADERS lorsqu’elle a produit sa demande d’enregistrement le 4 mai 2010. TLG a amorcé une série de négociations informelles en vue de mettre fin à la procédure d’opposition qu’Ontario Inc. avait engagée relativement à sa demande d’enregistrement de 2008.

[155] Ontario Inc. a par la suite pris des mesures pour protéger son agence de voyages périclitante. TLG insiste sur la perte cumulée de 300 000 $ d’Ontario Inc. et les années consécutives de perte jusqu’en 2010. Elle soutient que comme aucun fondement rationnel ne sous-tendait la décision d’Ontario Inc. de dépenser des ressources supplémentaires pour demander l’enregistrement vu le déclin de ses activités, Ontario Inc. l’a fait uniquement pour lui extorquer de l’argent. Ainsi que je l’ai mentionné plus haut, je ne suis pas disposée à faire une telle extrapolation. Certes, les démarches entreprises par Ontario Inc. dans le but de poursuivre ses activités et de protéger son emploi de la marque de commerce peuvent sembler irrationnelles, mais elles ne démontrent pas que sa seule ou principale intention le 4 mai 2010 était d’extorquer de l’argent à TLG ou de nuire à ses activités au Canada. Ontario Inc. n’a pas communiqué avec TLG au cours de la période qui a immédiatement suivi la date de l’enregistrement – le 14 février 2011 – pour lui demander de l’argent en échange de la marque de commerce. C’est en fait TLG qui a relancé les négociations en juin 2011. À mon avis, il s’agit d’une distinction importante.

[156] Je suis d’avis qu’Ontario Inc. visait probablement un double objectif lorsqu’elle a demandé l’enregistrement de la marque de commerce TRAVEL LEADERS le 4 mai 2010 : elle voulait, en premier lieu, protéger son droit de continuer d’employer la marque en liaison avec son agence de voyages en difficulté et, en second lieu, empêcher TLG d’employer la même marque aux fins de son expansion au Canada. J’estime également que le fait qu’Ontario Inc. a rejeté l’offre d’achat de la marque non déposée que lui avait faite TLG en 2009, lui disant que la valeur qu’avait la marque pour TLG devait entrer en ligne de compte dans les négociations, n’est pas suffisant pour démontrer la mauvaise foi visée à l’alinéa 18(1)e).

[157] Le comportement adopté par Ontario Inc. en juin 2011 ne possède pas les caractéristiques de la mauvaise foi. Je suis d’accord avec TLG pour dire qu’Ontario Inc. a fait preuve d’un manque de professionnalisme lorsqu’elle a présenté sa contre-offre de 850 millions de dollars en réponse à l’offre que TLG lui avait soumise, soit l’achat de la marque de commerce pour la somme de 25 000 $ en plus d’une autorisation à exercer ses activités à titre d’agence membre de TLG, mais je retiens le témoignage de M. Saleh selon lequel la contre-offre n’était pas censée être prise au sérieux. Elle visait plutôt à faire comprendre qu’Ontario Inc. ne considérait pas le prix d’achat proposé par TLG comme une offre sérieuse. Il ne fait aucun doute que l’antipathie de M. Saleh à l’égard de TLG s’intensifiait à mesure que les activités d’Ontario Inc. continuaient à diminuer. Cependant, les négociations tenues en 2011, soit plus d’un an après la date de la demande d’enregistrement produite par Ontario Inc., et le fait que ce n’est pas Ontario Inc. qui les a relancées atténuent l’importance que la position catégorique adoptée par Ontario Inc. pourrait jouer pour démontrer qu’elle a agi de mauvaise foi en mai 2010.

[158] Ontario Inc. et M. Saleh ont tenté de vendre l’enregistrement à la fin de 2015, soit environ quatre ans après la date de l’enregistrement et cinq ans après la date de production de la demande d’enregistrement de la marque de commerce. Dans l’annonce, Ontario Inc. établissait un lien clair entre la valeur associée à l’enregistrement et la valeur de l’entreprise de TLG, et le texte traduit l’intention qu’avait Ontario Inc. de faire obstacle au projet d’expansion de TLG au Canada. Lors de son témoignage, M. Saleh a parlé de la frustration et de la colère qu’il a ressenties envers TLG au cours de cette période alors que les activités d’Ontario Inc. poursuivaient leur déclin. Il a délibérément fait des démarches auprès d’importants compétiteurs de TLG afin de leur proposer d’acheter la marque de commerce.

[159] L’intention d’Ontario Inc. de nuire aux activités de TLG au Canada est devenue de plus en plus évidente lorsque, après que TLG eut déposé sa déclaration en l’espèce, elle a adopté le nom de domaine www.travelleadersnetwork.ca et mis à jour la page Web de manière à ce qu’elle y soit désormais désignée sous le nom « TL Network ». À l’instruction, M. Saleh n’a fourni aucune raison convaincante pour justifier ces mesures, et je suis d’avis qu’elles ont été entreprises en réponse directe à l’action en radiation de TLG et sans but commercial véritable. Je tire la même conclusion de la plainte déposée en 2020 par Ontario Inc. auprès du TICO.

[160] TLG, qui s’appuie sur la détérioration du comportement d’Ontario Inc. et de M. Saleh, demande à la Cour de reconnaître que le comportement adopté bien après la date de production de la demande est une indication significative et fiable de l’intention qu’avait Ontario Inc. lorsqu’elle a demandé l’enregistrement de la marque. Cependant, la date à laquelle Ontario Inc. a demandé l’enregistrement de la marque de commerce TRAVEL LEADERS est le point de départ de mon analyse au titre de l’alinéa 18(1)e). Le libellé, le contexte et l’objet de l’alinéa sont clairs sur ce point. La preuve entourant la demande d’enregistrement produite par Ontario Inc. le 4 mai 2010 révèle tout au plus une décision commerciale discutable. Ni les négociations informelles tenues en 2009 ni l’offre d’achat présentée en juin 2011 n’étaient à l’initiative d’Ontario Inc. Si l’insistance d’Ontario Inc. pour que la valeur associée à la marque de commerce soit évaluée selon la valeur de TLG laissait présager les mesures qu’elle a prises ultérieurement, je suis toutefois d’avis que les réponses d’Ontario Inc. aux deux offres de TLG ne démontrent pas que la mauvaise foi était la seule ou principale raison l’ayant motivée à produire sa demande d’enregistrement.

[161] Les mesures ultérieures entreprises par Ontario Inc. peuvent raisonnablement être considérées comme un comportement empreint de mauvaise foi. À partir de 2015, le comportement d’Ontario Inc. a pris la forme d’une série d’incidents visant à nuire aux activités de TLG. Néanmoins, selon moi, l’intervalle de cinq ans qui s’est écoulé entre la date de sa demande d’enregistrement et la date à laquelle Ontario Inc. a annoncé la mise en vente de l’enregistrement constitue un intervalle important. Je ne crois pas que le comportement d’Ontario Inc. permette de démontrer qu’elle a produit sa demande d’enregistrement de mauvaise foi.

[162] Par conséquent, je conclus que la preuve au dossier ne permet pas de dire qu’il y a eu mauvaise foi, aux termes de l’alinéa 18(1)e), d’Ontario Inc. à la date de production de sa demande visant l’enregistrement de la marque de commerce TRAVEL LEADERS.

2. TLG a-t-elle violé les droits conférés par l’enregistrement?

[163] Comme j’ai conclu que l’enregistrement était invalide suivant l’alinéa 18(1)a) de la Loi, les moyens relatifs à la contrefaçon qu’Ontario Inc. reproche à TLG dans sa demande reconventionnelle, fondés sur l’article 19 et les paragraphes 20(1) et 22(1), doivent être rejetés.

[164] Même si mes conclusions concernant la radiation sont erronées, je suis tout de même convaincue que TLG n’a pas violé les droits qu’Ontario Inc. détient sur la marque de commerce TRAVEL LEADERS et qu’elle n’a pas employé la marque de commerce d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage qui lui est attaché.

a) Article 19 — Violation du droit exclusif à l’emploi d’une marque déposée

[165] L’article 19 de la Loi confère au propriétaire de la marque déposée le droit exclusif à l’emploi de celle-ci, dans tout le Canada, en liaison avec les produits ou services énumérés dans l’enregistrement.

[166] Dans le cas d’une action en violation du droit exclusif conféré par l’article 19, c’est la marque telle qu’elle est enregistrée qui détermine la portée de ce droit (Mr. Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd, (1987) [1988] 3 CF 91 (CAF) à la p 98). Récemment, dans l’arrêt Sandhu Singh Hamdard Trust c Navsun Holdings Ltd, 2019 CAF 295 (Hamdard Trust 2019), la Cour d’appel fédérale a confirmé qu’un moyen fondé sur l’article 19 doit viser l’emploi par le défendeur d’une marque de commerce identique à la marque de commerce déposée du demandeur (au para 20). Partant, l’emploi par TLG de sa marque TL NETWORK au Canada n’est pas pertinent pour le moyen qu’Ontario Inc. invoque sur le fondement de l’article 19.

[167] Je tiens d’abord à souligner qu’Ontario Inc. a admis que la publicité indirecte par l’effet de l’emploi par TLG de sa marque déposée TRAVEL LEADERS aux États-Unis ne ciblait pas directement les Canadiens. La marque de TLG n’est associée à aucun service offert par TLG au Canada.

[168] Ontario Inc. prétend que TLG a violé son droit exclusif à l’emploi de la marque TRAVEL LEADERS au Canada parce qu’elle a communiqué directement avec des consommateurs canadiens par courrier électronique. Ontario Inc. s’appuie sur des courriels de TLG, dont un que M. Saleh a reçu après qu’il eut envoyé des questions à un agent membre de TL NETWORK au sujet de la possibilité d’achat de services de voyage. Les courriels en question sont envoyés aux clients canadiens des agences membres de TL NETWORK. Les clients sont invités à donner leur avis sur la qualité des services de voyage qu’ils ont reçus de l’agence membre et de l’agent concernés. La partie des courriels qui comporte les adresses indique que TLG renvoie à Travel Leader.

[169] Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services (art 4(2) de la Loi). Je suis d’avis que l’utilisation dans l’en-tête d’un courriel des mots « Travel Leaders » dans l’adresse de TLG ne constitue pas l’emploi d’une marque de commerce au Canada en liaison avec les services offerts par TLG. TLG n’offre ni ne fournit aucun service au Canada au moyen des courriels en question. Elle n’utilise pas les mots dans le but de préciser l’origine des services; elle utilise simplement sa dénomination sociale. Les courriels envoyés à M. Saleh par l’agent de voyages au Canada indiquent seulement qu’il est membre de TL NETWORK.

[170] Ontario Inc. soutient également que l’emploi occasionnel de la marque de commerce TRAVEL LEADERS par les agences ou agents membres de TLG au Canada constitue un emploi de la marque, par TLG, au Canada. Cet argument repose sur les profils d’agents membres de TL NETWORK sur canadiantravelagents.ca comprenant les mots « Travel Leaders ».

[171] L’argument et la preuve présentés par Ontario Inc. ne me convainquent pas.

[172] M. McGillivray a expliqué que les agences canadiennes membres de TLG ont le droit d’employer la marque TL NETWORK MEMBER afin d’annoncer leur association à TL Network et qu’il ne leur est pas permis d’employer TRAVEL LEADERS. Lorsque des consommateurs ayant une adresse IP canadienne visitent le site Web de TLG, travelleaders.com, ils sont redirigés vers le site Web canadiantravelagents.ca. Les agents et agences membres de TL Network peuvent créer des profils personnalisés sur canadiantravelagents.ca afin de promouvoir leurs services de voyage auprès des clients. Les agences membres se présentent sous leur propre nom commercial et utilisent la marque TL NETWORK pour souligner qu’ils sont membres du réseau. Lorsque TLG apprend qu’un agent ou une agence membre emploie une marque inappropriée dans son profil, par exemple TRAVEL LEADERS, elle contacte le membre en question, l’informe de sa contravention à la convention d’adhésion et lui demande de modifier son profil et d’y employer la marque TL NETWORK, pour laquelle il détient une licence d’emploi. Quoi qu’il en soit, ce sont les agents ou agences membres qui emploient la marque TRAVEL LEADERS et non TLG.

[173] M. Saleh a reconnu que lorsqu’Ontario Inc. a informé TLG d’un cas particulier d’emploi inapproprié de « TRAVEL LEADERS », TLG a pris des mesures pour assurer le retrait de la référence par l’agent concerné.

[174] Je suis également d’avis que l’association de TLG à Globespan Travel Management (Globespan) n’emporte pas emploi de la marque TRAVEL LEADERS au Canada, comme le prétend Ontario Inc. Je me prononcerai pleinement sur cette prétention un peu plus loin, dans mon analyse fondée sur le paragraphe 22(1) de la Loi.

[175] Je conclus que TLG n’a pas violé les droits que l’article 19 de la Loi confère à Ontario Inc. en tant que propriétaire de la marque de commerce TRAVEL LEADERS.

b) Alinéa 20(1)a) — Violation du droit du propriétaire de la marque attribuable à l’emploi d’une marque qui crée de la confusion

[176] Selon l’alinéa 20(1)a) de la Loi, le droit du propriétaire d’une marque de commerce déposée à l’emploi exclusif de cette dernière est réputé être violé dans les cas où une personne non admise à l’employer vend, distribue ou annonce des produits ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion. Une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les services liés à ces marques sont exécutés par la même personne (art 6(1) et (2) de la Loi).

[177] Le critère de la confusion est bien établi dans la jurisprudence. Le critère applicable est celui de « la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé [...] alors qu’il n’a qu’un vague souvenir [de la marque de commerce déposée] et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur » (Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23 au para 20 (Veuve Clicquot)).

[178] Lorsqu’elle se prononce sur l’existence de la confusion, la Cour doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi à savoir : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce. Cette liste n’est pas exhaustive, et le poids accordé à chaque facteur dépendra des faits et du contexte de l’affaire (Veuve Clicquot, au para 21).

[179] J’ai conclu que l’emploi non autorisé de la marque de commerce TRAVEL LEADERS par les agents et agences de voyages membres de TLG ne constituait pas un emploi de la marque par TLG. Je suis également d’avis que l’association de TLG à Globespan n’emporte pas emploi de la marque TRAVEL LEADERS au Canada, comme le prétend Ontario Inc. Je me prononcerai pleinement sur ce moyen un peu plus loin, dans mon analyse fondée sur le paragraphe 22(1) de la Loi.

[180] Au Canada, TLG exploite son entreprise de regroupement d’agences de voyages sous la marque TL NETWORK. Elle n’exerce pas ses activités sous la marque de commerce TRAVEL LEADERS et elle ne l’emploie pas. Comme TLG est propriétaire de la marque de commerce maintenant déposée TL NETWORK, elle a le droit de l’employer au Canada.

[181] Qui plus est, je suis d’avis que la marque de commerce TL NETWORK de TLG ne crée pas de confusion avec la marque TRAVEL LEADERS d’Ontario Inc.

[182] En premier lieu, le facteur qui est souvent susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion est le degré de ressemblance entre les deux marques en cause (Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27 au para 49). En l’espèce, les deux marques ne se ressemblent que très peu. Je reconnais, certes, que les lettres « TL » peuvent être interprétées comme une référence à « Travel Leaders », mais, en l’absence de preuve contraire, je suis d’avis que le consommateur ordinaire plutôt pressé qui ne s’arrête pas pour réfléchir n’est pas susceptible d’établir ce lien.

[183] En second lieu, les services offerts au Canada par les parties sont différents, tout comme le sont les voies commerciales qu’elles empruntent. Ontario Inc. exploite une agence de voyages au détail qui offre des services de voyage aux consommateurs canadiens. Quant à TLG, elle exploite au Canada une plateforme interentreprises et n’offre aucun service de voyage aux consommateurs canadiens; ses clients sont des agences de voyages. TLG offre une gamme de services à ses membres. Elle négocie notamment des commissions avantageuses auprès de grands prestataires de services de voyage pour le compte des agences membres et de leurs agents, que ceux-ci touchent lorsqu’ils vendent les services de ces prestataires (billets d’avion, croisières, hôtels, forfaits vacances, etc.) aux consommateurs. Le TICO reconnaît la nature différente des deux entreprises. Dans sa réponse à la plainte déposée par Ontario Inc. en 2020, il a expliqué que TLG n’avait pas besoin d’obtenir un permis auprès de lui concernant les activités de TL NETWORK, puisqu’elle ne vendait aucun service de voyage au Canada.

[184] Je conclus que TLG n’a pas violé les droits que le paragraphe 20(1) de la Loi confère à Ontario Inc. en tant que propriétaire de la marque de commerce TRAVEL LEADERS.

c) Paragraphe 22(1) — Diminution de la valeur de l’achalandage attaché à la marque d’Ontario Inc. attribuable à TLG

[185] Le propriétaire d’une marque de commerce déposée tire du paragraphe 22(1) de la Loi le droit d’intenter une action contre toute personne qui emploie cette marque d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage qui y est attaché.

[186] Celui qui intente une action sur le fondement du paragraphe 22(1) doit démontrer les éléments suivants : (i) le défendeur a employé la marque de commerce déposée en liaison avec des produits ou services; (ii) la marque était suffisamment connue pour que l’achalandage qui y est attaché soit appréciable; (iii) l’emploi de la marque est susceptible d’avoir une incidence sur cet achalandage (c.‐à‐d. de faire surgir un lien); et (iv) cette incidence sera probablement la diminution de la valeur de l’achalandage (c.‐à‐d. un préjudice) (Veuve Clicquot, au para 46). Le demandeur n'est pas tenu d’établir l’existence d’un risque de confusion (H‐D USA LLC v Varzari, 2021 CF 620 au para 44, citant Veuve Clicquot, au para 38; et Hamdard Trust (2019), au para 34).

[187] Le paragraphe 22(1) de la Loi porte sur la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à une marque de commerce déposée. Il s’ensuit que ce deuxième facteur de la liste tirée de l’arrêt Veuve Clicquot constitue, bien évidemment, le point de départ de mon analyse. Ontario Inc. doit démontrer que sa marque de commerce TRAVEL LEADERS est suffisamment connue pour que l’achalandage qui y est attaché soit appréciable.

[188] Dans son évaluation de l’achalandage pour les besoins de l’article 22, la Cour peut tenir compte du degré de reconnaissance de la marque, du volume des ventes, du degré de pénétration du marché, de l’étendue et de la durée de la publicité, du caractère distinctif inhérent ou acquis, des voies de commercialisation, et de la mesure dans laquelle la marque est perçue comme un gage de qualité (Veuve Clicquot, au para 54).

[189] Ontario Inc. a produit peu d’éléments de preuve au sujet des ventes ou de la pénétration du marché, d’une quelconque forme d’interaction avec la clientèle, ou de la publicité ou d’activités de marketing destinées à la clientèle visée et dans lesquels figure la marque de commerce TRAVEL LEADERS. À tous égards importants, l’agence de voyages d’Ontario Inc. n’existe plus et a été abandonnée. Rien dans la preuve ne porte à croire que les consommateurs de la population de référence – soit les consommateurs de services de voyage de l’ensemble de la région de Halton – reconnaissent la marque de commerce.

[190] Ontario Inc. n’a déposé aucune preuve d’expert par sondage. En revanche, TLG a retenu les services de CorbinPartners afin que l’entreprise mène l’enquête, laquelle a permis de mesurer le degré de reconnaissance par les consommateurs de l’agence de voyages Travel Leaders située à Milton, dans la région de Halton, en Ontario. La portée géographique de l’enquête est un aspect important, car l’examen de l’existence d’un achalandage est axé sur les clients potentiels du propriétaire de la marque de commerce : « À l’égard de qui l’entreprise possède‐t‐elle un achalandage? » (Dragona Carpet Supplies Mississauga c Dragona Carpet Supplies Ltd, 2022 CF 1042 aux para 100‐101 (Dragona Carpet)).

[191] M. Purther, qui était alors le dirigeant principal de CorbinPartners, a été reconnu lors de l’instruction comme témoin expert (voir le paragraphe 49 du présent jugement) en matière d’études de marché. Il a présenté en détail la méthodologie utilisée pour concevoir l’enquête, ses paramètres et ses contrôles, et a expliqué son analyse des résultats de l’enquête.

[192] Selon moi, le champ d’application de l’enquête conjugué aux contrôles utilisés pour isoler les facteurs non pertinents susceptibles d’influencer les réponses des participants rendent ses résultats fiables. Parmi le groupe de personnes interrogées, 96 % ne connaissaient pas d’entreprise offrant des services de voyage et faisant affaire sous le nom de « Travel Leaders ». Aucun des participants compris dans le dernier 4 % n’a indiqué qu’une telle entreprise était située à Milton. Selon les conclusions de l’enquête, Ontario Inc. ne jouissait d’aucune reconnaissance mesurable auprès des consommateurs de services d’agence de voyages dans la région de Halton, abstraction faite des facteurs non pertinents (p. ex., les suppositions).

[193] Je conclus qu’Ontario Inc. ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa marque de commerce TRAVEL LEADERS était suffisamment connue pour que l’achalandage qui y est attaché soit appréciable. En l’absence d’achalandage attaché à la marque de commerce, Ontario Inc. ne peut démontrer que l’emploi allégué par TLG a une incidence sur l’achalandage ou en diminue la valeur.

[194] S’agissant du premier facteur de l’analyse au titre du paragraphe 22(1) de la Loi, je suis également d’avis qu’Ontario Inc. n’a pas démontré que TLG avait employé la marque de commerce TRAVEL LEADERS au Canada.

[195] Premièrement, j’ai conclu que l’emploi non autorisé de la marque de commerce TRAVEL LEADERS dans le contenu personnalisé des agents et agences de voyages membres de TL Network Canada sur canadiantravelagents.ca ne constituait pas un emploi de la marque au Canada par TLG.

[196] Deuxièmement, je ne souscris pas à l’argument avancé par Ontario Inc. selon lequel TLG emploie la marque de commerce TRAVEL LEADERS au Canada par l’intermédiaire de son association à Globespan, qui est une entreprise ayant son siège au Canada et qui exerce ses activités à l’échelle internationale.

[197] Travel Leaders Corporate, la branche d’Internova spécialisée dans les services de voyage d’affaires, n’est pas exploitée au Canada. Elle gère l’accord de licence entre Internova et Globespan au Canada, qui fait partie d’une série d’accords en vertu desquels des agences de voyages indépendantes conviennent d’aider les multinationales clientes de TLG dans la résolution de problèmes locaux en matière de voyage. Globespan s’est engagée, en vertu de l’accord de licence, à offrir des services et de l’aide aux entreprises clientes de TLG lors de leurs voyages au Canada. Par exemple, si l’employé d’une entreprise européenne cliente de TLG rencontre des problèmes lors de son voyage au Canada, il peut demander l’aide de Globespan. Elle se présente sous le nom de « Globespan » lorsqu’elle offre ses services à ces voyageurs d’affaires. L’accord de licence autorise Globespan à employer les marques de commerce TRAVEL LEADERS, TL et TLN (les marques). Cette autorisation est assujettie à des normes d’emploi, dont l’une prévoit que [traduction] « le partenaire ne prendra aucune mesure qui pourrait avoir pour effet d’affaiblir les marques ou est incompatible avec les droits de propriété du concédant ». TLG n’est pas propriétaire de la marque de commerce TRAVEL LEADERS au Canada, et l’accord de licence ne vise pas à donner à Globespan l’autorisation d’employer cette marque au Canada.

[198] Lors de son témoignage, M. Saleh a dit qu’il avait visité les bureaux de Globespan situés à Toronto et rencontré M. Moretta, copropriétaire et président de Globespan. M. Moretta a remis à M. Saleh sa carte professionnelle, sur laquelle figure l’adresse du site Web www.travelleaderscorporate.com, et un exemplaire vierge de l’accord que Globespan conclut avec ses clients. Selon Ontario Inc., la mention de l’adresse du site Web sur la carte montre que TLG emploie la marque de commerce TRAVEL LEADERS par l’intermédiaire de son licencié dans le but d’obtenir des clients au Canada.

[199] M. Moretta emploie le titre de « directeur général, TL Network », mais il n’est pas un employé de TLG ni de TL NETWORK. Lors de son témoignage, M. McGillivray a dit que les cartes professionnelles que TLG fournissait à ses licenciés canadiens portaient la mention « TL NETWORK ».

[200] Globespan est une licenciée de TLG, et il lui est interdit, en vertu de son accord de licence, d’employer les marques déposées (TRAVEL LEADERS, TLN et TL) d’une manière incompatible avec les droits de propriété de TLG, lesquels ne s’étendent pas à la propriété de la marque TRAVEL LEADERS au Canada. À mon avis, le fait que Globespan utilise la mention « travelleaderscorporate » dans l’adresse de courriel ou de site Web apparaissant au bas d’une carte professionnelle ne démontre pas en soi que TLG a employé la marque au Canada aux fins de l’analyse fondée sur le paragraphe 22(1) de la Loi.

[201] Je conclus qu’Ontario Inc. n’a pas démontré que TLG avait employé au Canada la marque de commerce TRAVEL LEADERS, marque pour laquelle j’ai conclu qu’aucun achalandage n’y était attaché.

[202] Par conséquent, je rejette le moyen que soulève Ontario Inc. à l’encontre de TLG sur le fondement du paragraphe 22(1) de la Loi.

3. Commercialisation trompeuse reprochée à TLG sur le fondement de l’alinéa 7b)

[203] L’alinéa 7b) de la Loi interdit à quiconque d’appeler l’attention du public sur ses produits, ses services ou son entreprise de manière à vraisemblablement causer de la confusion au Canada entre ses produits, ses services ou son entreprise et ceux d’un autre. Ontario Inc. a demandé une injonction et des dommages‐intérêts pour commercialisation trompeuse sur le fondement de l’alinéa 7b) de la Loi compte tenu de l’emploi par TLG de la marque de commerce TRAVEL LEADERS ou de l’acronyme « TL ».

[204] Pour démontrer qu’il y a eu commercialisation trompeuse en common law ou selon l’alinéa 7b), Ontario Inc. doit faire la preuve de trois éléments : premièrement, l’existence d’un achalandage attaché à sa marque de commerce TRAVEL LEADERS; deuxièmement, le fait que TLG a induit le public en erreur par une représentation trompeuse; et troisièmement, qu’Ontario Inc. a subi un préjudice réel ou subira un préjudice éventuel en raison des agissements de TLG (Kirkibi AG c Gestions Ritvik Inc 2005 CSC 65 au para 66, citant Ciba‐Geigy Canada Ltd c Apotex Inc, [1992] 3 RCS 120 à la p 132; Sadhu Singh Hamdard Trust c Navsun Holdings Ltd, 2016 CAF 69 au para 20 (Hamdard Trust (2016)). Afin de faire la preuve de son moyen fondé sur l’alinéa 7b) de la Loi, Ontario Inc. doit également prouver qu’elle possédait une marque de commerce valide opposable, déposée ou non, au moment où TLG a commencé à attirer l’attention du public sur ses propres services (Hamdard Trust (2019) au para 39 (voir aussi TFI Foods Ltd c Every Green International Inc, 2021 CF 241 au para 38 (TFI Foods)). Cette quatrième exigence n’existe pas en common law.

[205] Le moment pertinent visé à l’alinéa 7b) est le moment où TLG a adopté son comportement qui aurait créé de la confusion (Dragona Carpet Supplies, au para 96).

[206] Je souligne d’abord que, selon mes conclusions, TLG n’a pas employé la marque TRAVEL LEADERS au Canada. Partant, le moment pertinent en l’espèce se situe en 2017, soit lorsque TLG a commencé à utiliser la marque de commerce TL NETWORK au Canada. Avant cette date, les activités de TLG au Canada étaient connues sous les noms de vacation.com et Nexion.

[207] La possession d’une marque de commerce valide et opposable est une condition préalable pour qu’un moyen fondé sur l’alinéa 7b) soit retenu. Pour être considérée comme valide et opposable, la marque de commerce TRAVEL LEADERS d’Ontario Inc. doit avoir été employée par Ontario Inc. en 2017 dans le but de distinguer ses produits ou services de ceux des autres (Hamdard Trust 2019). Cependant, Ontario Inc. n’a produit que peu ou pas d’éléments de preuve de l’emploi de la marque en 2017 ou aux alentours de cette année. En fait, j’ai conclu qu’Ontario Inc. avait abandonné la marque TRAVEL LEADERS le 14 février 2017.

[208] De plus, le moyen soulevé par Ontario Inc. ne satisfait à aucun des éléments du critère à trois volets applicable à la commercialisation trompeuse.

[209] L’enregistrement par TLG de la marque de commerce TL NETWORK le 16 août 2021 constitue une défense absolue à l’encontre du moyen fondé sur la commercialisation trompeuse soulevé par Ontario Inc. étant donné que TLG emploie cette marque au Canada depuis la date de l’enregistrement (Group III International Ltd c Travelway Group International Ltd, 2020 CAF 210 aux para 46‐47; Beijing Judian, au para 53; TFI Foods, au para 35).

[210] Les paragraphes suivants traitent de la période postérieure à 2017 et antérieure au 16 août 2021.

[211] L’évaluation de l’achalandage dans le contexte d’une action pour commercialisation trompeuse fondée sur l’alinéa 7b) et l’évaluation de la diminution de la valeur de l’achalandage visée au paragraphe 22(1) n’ont pas le même objectif, bien que les facteurs pris en compte puissent se recouper (Hamdard Trust (2019), au para 48) :

[48] Pour déterminer l’existence d’une réputation ou d’un achalandage pour les besoins de la commercialisation trompeuse, les tribunaux ont tenu compte de facteurs comme le caractère distinctif inhérent, le caractère distinctif acquis, la durée de l’utilisation, les sondages, les ventes, l’étendue et la durée de la publicité et de la commercialisation et la copie intentionnelle : voir l’ouvrage de Kelly Gill, Fox on Canadian Law of Trade‐Marks and Unfair Competition, 4e éd. (Toronto, Thomson Reuters, 2019) (feuilles volantes, mise à jour 2019, version 5), chapitre 4, pages 4‐77 à 4‐81. Plusieurs de ces facteurs recoupent ceux mentionnés dans l’arrêt Veuve Clicquot ou correspondent à ceux‐ci. Il est vrai qu’on tient compte de ces facteurs à des fins différentes dans les deux cas : en cas de commercialisation trompeuse, on doit démontrer qu’une marque est distinctive et qu’elle possède une réputation, alors que dans le cas de l’article 22, on prend en compte le caractère distinctif et la réputation pour évaluer si l’achalandage peut se déprécier. Toutefois, le recours à un facteur pertinent n’est pas interdit simplement parce qu’il est également pertinent à d’autres fins.

[212] Essentiellement pour les motifs énoncés dans mon analyse fondée sur le paragraphe 22(1) de la Loi, je conclus qu’Ontario Inc. n’a pas démontré l’existence d’un achalandage suffisant, ou d’une réputation appréciable, attaché à sa marque de commerce TRAVEL LEADERS qui permet de fonder une action en commercialisation trompeuse. Même si une grande partie de l’analyse est la même, j’ai examiné les facteurs pertinents pour le premier volet du critère relatif à la commercialisation trompeuse, et la question de savoir si la marque TRAVEL LEADERS a acquis une réputation. Le peu de ventes ou de démarches actives et soutenues de publicité ou de marketing de la part d’Ontario Inc. et l’absence de preuve de l’existence d’un achalandage, d’une réputation ou d’une reconnaissance acquise par Ontario Inc., ses activités commerciales ou la marque dans la région de Halton entraînent le rejet de son action fondée sur l’alinéa 7b) (Kirkbi AG, au para 69).

[213] En plus de conclure que la marque de commerce TRAVEL LEADERS d’Ontario Inc. n’a acquis aucun achalandage, je suis d’avis qu’Ontario Inc. n’a pas satisfait au deuxième volet du critère, à savoir la représentation trompeuse par TLG. Afin de satisfaire au deuxième volet, Ontario Inc. doit démontrer que TLG a employé en liaison avec ses services une marque de commerce de manière à vraisemblablement causer de la confusion avec sa marque TRAVEL LEADERS (Hamdard Trust (2016), au para 21).

[214] Premièrement, je souligne de nouveau que j’ai conclu que TLG n’avait pas employé la marque de commerce TRAVEL LEADERS au Canada. En outre, il n’y a aucune preuve que l’emploi simultané par TLG de la marque TRAVEL LEADERS aux États-Unis a créé de la confusion auprès des consommateurs canadiens ou des clients potentiels de l’agence de voyages d’Ontario Inc.

[215] Deuxièmement et pour les mêmes motifs que ceux énoncés dans mon analyse fondée sur le paragraphe 20(1) de la Loi, je conclus que l’emploi par TLG de la marque de commerce TL NETWORK au Canada ne crée vraisemblablement aucune confusion entre les deux marques ou les deux entreprises. La confusion est peu vraisemblable étant donné que chaque partie offre des services différents qui attirent des catégories distinctes de consommateurs. Troisièmement, il incombe à Ontario Inc. de démontrer qu’il y a eu une forme de représentation trompeuse ou que le public a été induit en erreur par l’emploi de la marque TL NETWORK, mais elle ne l’a pas fait.

[216] Enfin, Ontario Inc. n’a présenté aucun élément de preuve d’un préjudice réel ou possible découlant de l’emploi par TLG de la marque de commerce TL NETWORK au Canada.

[217] En résumé, je conclus qu’Ontario Inc. n’a pas établi que TLG avait commis le délit de commercialisation trompeuse visé à l’alinéa 7b) de la Loi.

4. Commercialisation trompeuse reprochée à Ontario Inc. sur le fondement de l’alinéa 7b)

[218] En 2017‐2018, à la suite de l’introduction de la présente action par TLG, Ontario Inc. a adopté le nom de domaine www.travelleadersnetwork.ca, créé un site Web et y a indiqué que son entreprise était également appelée TL Network. Lors de son contre‐interrogatoire, M. Saleh a dit qu’il avait supprimé le site Web sur les conseils de son avocat. Il a également dit qu’il n’était pas d’accord avec son avocat à cet égard, car, selon lui, TLG n’avait pas le droit d’employer le nom TL Network. Lors de son dernier interrogatoire préalable en février 2020, M. Saleh a dit qu’il possédait toujours le nom de domaine www.travelleadersnetwork.ca.

[219] Je suis d’avis que l’emploi délibéré par Ontario Inc. de la marque de commerce TL NETWORK, qui appartient à TLG, constituait une tentative d’induire le public en erreur par une représentation trompeuse.

[220] TLG reconnaît que les agissements d’Ontario Inc. n’ont créé aucune confusion auprès des consommateurs pertinents et qu’ils ne lui ont causé aucun préjudice réel. Partant, je conclus que TLG n’a pas établi qu’Ontario Inc. avait commis le délit de commercialisation trompeuse visé à l’alinéa 7b) de la Loi. Je reviendrai sur l’emploi de la marque TL NETWORK dans mon analyse des mesures de réparation demandées par TLG.

5. Mesures de réparation demandées

a) La radiation

[221] L’enregistrement de la marque TRAVEL LEADERS sera radié pour cause d’invalidité aux termes de l’alinéa 18(1)c) de la Loi.

b) L’injonction

[222] L’injonction est une réparation en equity de nature discrétionnaire (Google Inc c Equustek Solutions Inc, 2017 CSC 34 aux para 22‐23). En règle générale, une injonction est accordée lorsque le demandeur prouve l’existence d’une cause d’action. Cependant, la « méthode d’analyse n’est pas toujours suivie dans les affaires de propriété intellectuelle » de manière à tenir compte de la « raison d’être de la délivrance quasi automatique d’une injonction [qui] est la protection de la demanderesse contre la nécessité d’intenter une nouvelle action si la défenderesse contrefait de nouveau ses marques » (Lululemon Athletica Canada Inc c Campbell, 2022 CF 194 au para 30).

[223] Ontario Inc. a délibérément employé la marque de commerce TL NETWORK de TLG alors qu’elle savait que TLG l’employait largement au Canada. Le site Web travelleadernetwork.ca a été supprimé, mais il y a lieu de s’interroger sur les agissements futurs d’Ontario Inc. à cet égard, compte tenu de l’animosité et de l’hostilité qu’Ontario Inc. et son dirigeant manifestent envers TLG. Compte tenu de la conduite d’Ontario Inc., je suis d’avis qu’il est nécessaire d’accorder une injonction, puisque le risque de préjudice ultérieur pour TLG le justifie.

c) Les dommages-intérêts symboliques

[224] TLG n’a pas présenté d’éléments de preuve démontrant que l’emploi de la marque TL NETWORK par Ontario Inc. a entraîné une perte pécuniaire réelle et elle reconnaît que la conduite d’Ontario Inc. n’a créé aucune confusion chez les consommateurs pertinents ni causé de préjudice réel. TLG soutient que la présente affaire se prête à des dommages-intérêts symboliques pour l’emploi délibéré, en guise de représailles, de la marque TL NETWORK par Ontario Inc.

[225] Je suis d’accord avec TLG. L’octroi de dommages-intérêts symboliques est une mesure appropriée en l’espèce afin de réaliser les objectifs de dissuasion qui y sont associés compte tenu de la conduite d’Ontario Inc., pour laquelle M. Saleh n’a fourni aucune justification convaincante. Selon moi, l’octroi de dommages-intérêts de 2 000 $ payables par Ontario Inc. serait approprié dans les circonstances de l’espèce et compte tenu de la situation d’Ontario Inc., financière et générale, et de celle de ces actionnaires.

d) Les dommages-intérêts punitifs

[226] TLG réclame également des dommages‐intérêts punitifs. TLG fait valoir qu’Ontario Inc. a adopté une conduite malveillante et abusive, notamment lorsqu’elle a décidé de demander l’enregistrement de la marque TRAVEL LEADERS.

[227] Les dommages-intérêts punitifs sont une mesure réparatrice qui doit être exceptionnellement accordée lorsqu’une partie adopte une conduite malveillante, opprimante et abusive qui choque le sens de la dignité de la Cour (Whiten c Pilot Insurance Co, 2002 CSC 18 au para 36 (Whiten)) et lorsque les autres mesures ne permettraient pas de réaliser les objectifs de châtiment, dissuasion et dénonciation (Young c Thakur, 2019 CF 835 au para 52; voir aussi Louis Vuitton Malletier SA c Singga Enterprises (Canada) Inc, 2011 CF 776 aux para 163‐164). Les facteurs à prendre en compte pour décider s’il y a lieu d’accorder des dommages-intérêts punitifs et pour en déterminer le montant comprennent : le fait que la conduite répréhensible ait été préméditée et délibérée, l’intention et la motivation du défendeur, le caractère prolongé ou dissimulé de la conduite répréhensible, et le fait que le défendeur savait ou non que ses actes étaient fautifs (Whiten, aux para 112‐113; Chanel S de RL c Lam Chan Kee Company Ltd, 2016 CF 987 aux para 49, 56, conf par 2017 CAF 38 aux para 11, 13).

[228] Bien que je n’aie pas conclu à la mauvaise foi d’Ontario Inc., je suis d’avis que l’adjudication de dommages-intérêts punitifs est une mesure appropriée en l’espèce. Les agissements délibérés d’Ontario Inc. au cours des années qui ont suivi sa demande d’enregistrement – à savoir sa tentative, en 2015, de vendre la marque TRAVEL LEADERS aux compétiteurs de TLG pour empêcher cette dernière de l’employer au Canada; sa conduite à la suite de l’introduction de la présente action; son emploi de la marque TL NETWORK qui appartient à TLG; et sa plainte non fondée auprès du TICO – peuvent être considérés comme prémédités, malveillants et abusifs. La motivation qui a conduit Ontario Inc. à agir de la sorte était celle de nuire aux activités de TLG sur le marché canadien et à la possibilité qu’elle ait gain de cause dans la présente instance.

[229] S’agissant du montant des dommages-intérêts punitifs, je garde à l’esprit qu’Ontario Inc. est une petite entreprise financée par les fonds personnels de M. Saleh et de sa conjointe et qu’elle a pesé lourdement sur leurs finances. Partant, je fixe à 20 000 $ le montant des dommages-intérêts punitifs que doit payer Ontario Inc.

6. Dépens

[230] À la fin de l’instruction, les parties ont demandé la possibilité de présenter des observations sur les dépens une fois que la Cour aurait rendu le présent jugement.

[231] Je les encourage à en arriver à une entente à ce sujet. Si elles ne peuvent y parvenir, elles pourront présenter des observations écrites en respectant le calendrier suivant :

  • a)dans les 20 jours suivant la date du présent jugement, TLG pourra déposer des observations dans une lettre ne dépassant pas 5 pages, à laquelle elle pourra joindre en annexe un mémoire de frais;

  • b)dans les 10 jours suivant la réception des observations de TLG, Ontario Inc. pourra déposer des observations dans une lettre ne dépassant pas 5 pages, à laquelle elle pourra joindre en annexe un mémoire de dépens ou un document, d’au plus 2 pages, portant sur des articles précis du mémoire de dépens de TLG (si elle en a déposé un);

  • c)dans les 5 jours suivant la réception des observations d’Ontario Inc., TLG pourra déposer des observations en réplique dans une lettre ne dépassant pas 2 pages, à laquelle elle pourra joindre en annexe un document, d’au plus 2 pages, portant sur des articles précis du mémoire de dépens d’Ontario Inc. (si elle en a déposé un).

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T‐202‐17

LA COUR STATUE :

  1. L’enregistrement canadien no LMC790523 pour la marque de commerce TRAVEL LEADERS est déclaré invalide et sera radié du registre canadien des marques de commerce par le registraire.

  2. La demande reconventionnelle est rejetée.

  3. Il est interdit de façon permanente à 2042923 Ontario Inc. (Ontario Inc.) ainsi qu’à ses dirigeants, administrateurs, actionnaires, mandataires, préposés, employés, successeurs et ayants droit d’effectuer les actes suivants, que ce soit directement ou indirectement :

  • a)employer la marque de commerce TL NETWORK, portant le numéro d’enregistrement canadien LMC1114893, ou une marque de commerce ou un nom commercial qui crée de la confusion avec cette marque, en liaison avec la vente, l’offre en vente, la publicité ou la promotion de services de voyage et d’agences de voyages, ou en liaison avec l’exercice de quelque activité connexe;

  • b)employer la marque de commerce TL NETWORK, portant le numéro d’enregistrement canadien LMC1114893, ou une marque de commerce ou un nom commercial qui crée de la confusion avec cette marque, d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à cette marque de commerce;

  • c)appeler l’attention du public sur ses produits, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada entre ses produits, ses services ou son entreprise et ceux de Travel Leaders Group, LLC (TLG), de la société mère, des filiales et des sociétés affiliées de TLG ou d’entreprises connexes, notamment par l’adoption, l’emploi ou la promotion du nom TL NETWORK, ou d’une marque de commerce ou d’un nom commercial qui crée de la confusion avec cette marque, pour composer, en tout ou en partie, une marque de commerce, un nom commercial, une dénomination sociale, un nom de domaine ou un nom de compte de média social;

  • d)employer le nom de domaine www.travelleadersnetwork.ca et tout autre nom de domaine ou nom de compte de média social détenu ou contrôlé par Ontario Inc., que ce soit directement ou indirectement, qui contient la marque de commerce TL NETWORK, est composé de celle-ci, ou crée de la confusion avec celle-ci.

  1. Ontario Inc. versera à TLG des dommages-intérêts symboliques de 2 000 $, somme qui portera intérêt après jugement au taux de 2,0 % par an à compter de la date du présent jugement.

  2. Ontario Inc. versera à TLG des dommages-intérêts punitifs de 20 000 $, somme qui portera intérêt après jugement au taux de 2,0 % par an à compter de la date du présent jugement.

  3. Les parties peuvent présenter des observations sur les dépens conformément au calendrier exposé dans les motifs du jugement.

« Elizabeth Walker »

Juge

Traduction certifiée conforme

L. Brisebois

 


Annexe A

Loi sur les marques de commerce, LRC (1985), c T‐13

Trademarks Act, RSC, 1985, c T‐13

Définitions

Definitions

2 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

2 In this Act,

créant de la confusion Sauf aux articles 11.13 et 11.21, s’entend au sens de l’article 6 lorsque employé à l’égard d’une marque de commerce ou d’un nom commercial.

confusing, when applied as an adjective to a trademark or trade name, means, except in sections 11.13 and 11.21, a trademark or trade name the use of which would cause confusion in the manner and circumstances described in section 6;

[...]

...

Quand une marque de commerce est réputée employée

When deemed to be used

4 (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

4 (1) A trademark is deemed to be used in association with goods if, at the time of the transfer of the property in or possession of the goods, in the normal course of trade, it is marked on the goods themselves or on the packages in which they are distributed or it is in any other manner so associated with the goods that notice of the association is then given to the person to whom the property or possession is transferred.

[...]

...

Marque de commerce créant de la confusion avec une autre

Confusion — trademark with other trademark

6 (2) L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.

6 (2) The use of a trademark causes confusion with another trademark if the use of both trademarks in the same area would be likely to lead to the inference that the goods or services associated with those trademarks are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the goods or services are of the same general class or appear in the same class of the Nice Classification.

[...]

...

Quand l’enregistrement est invalide

When registration invalid

18 (1) L’enregistrement d’une marque de commerce est invalide dans les cas suivants :

18 (1) The registration of a trademark is invalid if

a) la marque de commerce n’était pas enregistrable à la date de l’enregistrement;

(a) the trademark was not registrable at the date of registration;

b) la marque de commerce n’est pas distinctive à l’époque où sont entamées les procédures contestant la validité de l’enregistrement;

(b) the trademark is not distinctive at the time proceedings bringing the validity of the registration into question are commenced;

c) la marque de commerce a été abandonnée;

(c) the trademark has been abandoned;

d) sous réserve de l’article 17, l’auteur de la demande n’était pas la personne ayant droit d’obtenir l’enregistrement;

(d) subject to section 17, the applicant for registration was not the person entitled to secure the registration;
or

e) la demande d’enregistrement a été produite de mauvaise foi.

(e) the application for registration was filed in bad faith.

[...]

...

Compétence exclusive de la Cour fédérale

Exclusive jurisdiction of Federal Court

57 (1) La Cour fédérale a une compétence initiale exclusive, sur demande du registraire ou de toute personne intéressée, pour ordonner qu’une inscription dans le registre soit biffée ou modifiée, parce que, à la date de cette demande, l’inscription figurant au registre n’exprime ou ne définit pas exactement les droits existants de la personne paraissant être le propriétaire inscrit de la marque de commerce.

57 (1) The Federal Court has exclusive original jurisdiction, on the application of the Registrar or of any person interested, to order that any entry in the register be struck out or amended on the ground that at the date of the application the entry as it appears on the register does not accurately express or define the existing rights of the person appearing to be the registered owner of the trademark.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-202-17

 

INTITULÉ :

TRAVEL LEADERS GROUP, LLC c 2042923 ONTARIO INC. faisant affaire sous le nom de TRAVEL LEADERS

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Du 12 au 22 septembre 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS

LA JUGE WALKER

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 8 MARS 2023

 

COMPARUTIONS :

May Cheng

Daniel J. Hnatchuk

Ryan Howes

 

POUR LA DEMANDERESSE/DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

Samuel R. Baker, c.r.

Baker Law Firm

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE/DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Osler, Hoskin & Harcourt LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE/DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

 

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