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Date : 20230307


Dossier : T‐1783‐22

Référence : 2023 CF 313

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Calgary (Alberta), le 7 mars 2023

En présence de madame la juge Aylen

ENTRE :

ENWELIKU CALVIN OSSAI

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] L’Agence du revenu du Canada [l’ARC] a décidé que le demandeur avait cotisé en trop à son compte d’épargne libre d’impôt [CELI] au cours des années d’imposition 2020 et 2021 et a fixé un impôt à payer sur ses cotisations excédentaires. Le demandeur a demandé une renonciation à cet impôt, mais sa demande a été rejetée au terme du premier et du deuxième examen. Dans la présente demande, le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue le 2 août 2022 à l’issue du deuxième examen et demande : a) l’annulation de l’impôt de 1 956,52 $ à payer sur sa cotisation excédentaire pour l’année d’imposition 2021, ainsi que des intérêts courus sur ce montant; b) le remboursement de l’impôt de 1 294,26 $ payé sur sa cotisation excédentaire pour l’année d’imposition 2020; c) l’inclusion de son plafond de cotisation au CELI dans son avis de cotisation de la « déclaration de revenus »; et d) des dommages‐intérêts compensatoires de 5 000 $ pour difficultés psychologiques, physiques, émotionnelles et financières.

[2] Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie, car je suis convaincue que les motifs de la décision sont inintelligibles et qu’ils ne sont pas suffisamment justifiés et transparents en ce qui concerne les années d’imposition 2020 et 2021. L’affaire sera renvoyée à un autre agent de l’ARC pour qu’il rende une nouvelle décision.

II. Contexte et décision contestée

[3] Le demandeur est devenu résident permanent du Canada en 2013 et a donc acquis le droit de cotiser à un CELI. Cependant, bien qu’il n’ait pas été résident canadien de 2009 à 2012, l’ARC lui a fourni par erreur des renseignements selon lesquels il avait accumulé un droit de cotisation au CELI pour ces années‐là. Le total du droit de cotisation indiqué par erreur s’élevait à 20 000 $.

[4] Le demandeur s’est fondé sur ces renseignements erronés fournis par l’ARC pour verser des sommes importantes à son CELI en 2020. Cela a entraîné par inadvertance une cotisation en trop à son CELI ou un « CELI excédentaire » au mois de mars 2020.

[5] Le 2 décembre 2020, l’ARC a corrigé son erreur concernant la date à laquelle le demandeur est devenu résident permanent et a réduit de 20 000 $ le droit de cotisation de ce dernier à son CELI. Le demandeur allègue qu’il n’a pas été avisé en temps opportun de ce changement, et je constate qu’il n’y a rien dans le dossier certifié du tribunal qui indique que l’ARC a informé le demandeur, avant le 2 août 2022, de la raison de cette réduction de son droit de cotisation au CELI.

[6] Cela dit, à un moment donné en avril 2021, le demandeur a appris, grâce à ses propres démarches, que son droit de cotisation au CELI avait été réduit et qu’en conséquence, il avait involontairement cotisé en trop à son CELI. Le 26 avril 2021, il a retiré 29 000 $ de son CELI (même si sa cotisation excédentaire n’était que de 20 000 $).

[7] Entre le 31 mai et le 13 juillet 2021, le demandeur a versé au total 6 133,12 $ à son CELI.

[8] Le 20 juillet 2021, il a reçu un avis de cotisation au titre du CELI fixant un impôt à payer de 1 273,87 $ sur les cotisations faites en trop pour l’année d’imposition 2020. En outre, suivant ce même avis de cotisation, son droit inutilisé de cotisation au CELI à la fin de 2020 s’élevait à « (19 978,85 $) » et son droit de cotisation au CELI au 1er janvier 2021, compte tenu du plafond de 6 000 $ fixé pour 2021, s’élevait à « (13 978,85 $) »; les chiffres figurant entre parenthèses indiquent que le demandeur avait cotisé en trop. D’après l’avis de cotisation, au 20 juillet 2021, le demandeur n’avait pas remédié à la cotisation en trop.

[9] Le 30 novembre 2021, le demandeur a retiré 3 854,34 $ de son CELI. Ce n’est ensuite qu’à cette date que l’ARC a finalement conclu que le demandeur avait retiré toutes les cotisations faites en trop au CELI.

[10] Le demandeur a déposé une opposition auprès de la Division des appels relativement à son avis de cotisation pour 2020 et, le 17 septembre 2021, un agent des appels a confirmé la cotisation.

[11] Le 13 novembre 2021, le demandeur a acquitté avec intérêts l’impôt sur la cotisation faite en trop pour 2020. Toutefois, il a poursuivi le processus d’annulation de l’impôt, demandant à l’ARC de renoncer à l’impôt sur les cotisations excédentaires faites au CELI.

[12] Le 18 janvier 2022, le demandeur a reçu une lettre de refus de l’ARC concernant sa demande d’annulation de l’impôt à payer sur ses cotisations excédentaires au CELI en 2020. L’ARC a conclu que, le demandeur n’ayant pas retiré toutes les sommes excédentaires restantes dans un délai raisonnable, elle ne pouvait faire droit à une demande d’annulation d’impôt dans son cas.

[13] Le 30 mars 2022, le demandeur a reçu une lettre de refus de l’ARC concernant l’annulation de l’impôt à payer sur les cotisations faites en trop au CELI pour l’année d’imposition 2021. Encore une fois, l’ARC a jugé que le demandeur n’avait pas retiré toutes les sommes excédentaires restantes dans un délai raisonnable et qu’elle ne pouvait donc pas faire droit à une demande de renonciation à l’impôt à payer.

[14] Le 5 avril 2022, le demandeur a reçu un avis de cotisation fixant à 1 956,52 $ l’impôt à payer sur les montants excédentaires du CELI pour l’année d’imposition 2021. En outre, selon ce même avis de cotisation, son droit inutilisé de cotisation au CELI à la fin de 2021 était de « (24 311,97 $) », compte tenu de retraits de 32 385,34 $ au total de son CELI en 2021 et de l’ajout de 6 000 $ à son droit de cotisation pour 2022, ce qui donnait un droit de cotisation total au CELI de 14 451,37 $ au 1er janvier 2022. À cette date, le demandeur a institué un deuxième différend officiel auprès de l’ARC.

[15] Le 4 mai 2022, le demandeur a formulé une deuxième demande en vertu des dispositions d’allègement concernant une annulation de l’impôt fixé sur les cotisations faites en trop au CELI pour les années d’imposition 2020 et 2021.

[16] Dans une lettre datée du 2 août 2022, l’ARC (agissant au nom du ministre) a rejeté la deuxième demande d’examen du demandeur dans les termes suivants :

[traduction]

Nous faisons suite à votre demande du 4 mai 2022, dans laquelle vous demandiez un deuxième examen en application des dispositions d’allègement en ce qui concerne l’annulation de l’impôt fixé sur les cotisations faites en trop au CELI pour les années d’imposition 2020 et 2021.

 

La Loi de l’impôt sur le revenu nous autorise à annuler tout ou partie de l’impôt fixé sur les cotisations faites en trop au CELI. Pour qu’une telle annulation soit accordée, l’impôt doit faire suite à une erreur raisonnable et le particulier doit avoir agi immédiatement pour retirer de son CELI les cotisations faites en trop.

 

Un autre fonctionnaire de l’ARC, qui n’avait pas pris part à la décision initiale, a examiné attentivement les circonstances et les faits de votre dossier au regard de la Loi de l’impôt sur le revenu. Nous avons conclu que nous ne pouvons pas faire droit à votre demande d’annulation de l’impôt dans votre cas particulier.

Dans votre lettre, vous avez déclaré qu’en avril 2020, lorsque vous avez [produit] vos déclarations de revenus, vous aviez prévu de verser le montant maximal admissible à votre CELI. Vous avez mentionné que les droits de cotisation suivants avaient été fournis pour votre CELI :

  • -Droit de cotisation pour 2020 24 521,15 $

  • -Droit de cotisation pour 2019 45 321,15 $

  • -Droit de cotisation pour 2018 52 500 $

  • -Droit de cotisation pour 2017 52 000 $

  • -Droit de cotisation pour 2016 46 500 $

  • -Droit de cotisation pour 2015 41 000 $

  • -Droit de cotisation pour 2014 31 000 $

  • -Droit de cotisation pour 2013 25 500 $

  • -Droit de cotisation pour 2012 20 000 $

  • -Droit de cotisation pour 2011 15 000 $

  • -Droit de cotisation pour 2010 10 000 $

  • -Droit de cotisation pour 2009 5 000 $

Vous avez affirmé que lorsque vous avez [produit] votre déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2021, vous avez remarqué que le total de votre droit de cotisation avait été rajusté de manière à éliminer le droit de cotisation pour les années d’imposition 2009 à 2012. Vous avez expliqué que vous êtes venu au Canada en 2013 et que vous avez obtenu par erreur un droit de cotisation pour les années où vous n’étiez pas au Canada. Vous avez déclaré que les avis de cotisation pour les années d’imposition 2020 et 2021 sont injustes, car vous ne devriez pas avoir à payer des impôts sur une erreur commise par l’ARC. Vous avez expliqué que vous avez obtenu un droit de cotisation de 20 000 $ pour les années d’imposition 2009 à 2012 alors que vous n’étiez pas au Canada, et que vous avez pris vos décisions financières sur la base de ces renseignements.

Si vous devenez non‐résident du Canada ou êtes considéré comme étant non‐résident aux fins de l’impôt sur le revenu :

  • -Vous serez autorisé à conserver votre CELI et vous ne serez pas imposé au Canada sur les gains du compte ou sur les retraits de celui‐ci;

  • -Aucun droit de cotisation au CELI ne s’accumulera pour une année durant laquelle vous êtes un non‐résident du Canada;

  • -Tout retrait effectué au cours de la période où vous étiez non‐résident sera ajouté à nouveau à votre droit de cotisation au CELI au cours de l’année suivante, mais vous ne pourrez vous prévaloir de celui‐ci que si vous rétablissez votre statut de résident canadien à des fins fiscales.

Vous pouvez cotiser à un CELI jusqu’à la date à laquelle vous devenez non‐résident du Canada. Le plafond annuel en dollars des cotisations au CELI n’est pas calculé au prorata de l’année d’émigration ou d’immigration.

Si vous faites une cotisation autre qu’un transfert admissible ou une cotisation exemptée, alors que vous êtes non‐résident, vous serez assujetti à un impôt de 1 % pour chaque mois où la cotisation reste dans le compte. Vous pouvez également devoir payer d’autres impôts.

Un examen de votre situation et de nos dossiers montre que le retrait des cotisations excédentaires du CELI n’a pas été effectué dans un délai raisonnable. L’ARC vous a envoyé un avis de cotisation daté du 20 juillet 2021 pour les cotisations excédentaires versées dans votre compte en 2020. Les cotisations excédentaires n’ont été retirées de votre compte que le 30 novembre 2021.

Votre statut de résidence a été mis à jour le 2 décembre 2020 pour inclure une date d’immigration du 30 décembre 2013.

Nous devons donc confirmer, après examen des documents que vous nous avez envoyés et des renseignements qui sont à notre disposition, qu’aucune circonstance ne justifie l’annulation de l’impôt à payer sur vos cotisations excédentaires au CELI.

Les avis de cotisation initiaux sont justes; par conséquent, nous ne modifierons pas votre formulaire RC243 de 2020 ou 2021, Déclaration compte d’épargne libre d’impôt (CELI).

[Non souligné dans l’original.]

[17] Le 1er septembre 2022, le demandeur a institué la présente demande de contrôle judiciaire.

III. Question en litige et norme de contrôle

[18] La seule question soulevée dans la présente demande est de savoir si la décision de l’ARC de refuser d’annuler l’impôt sur les cotisations excédentaires au CELI ou d’y renoncer pour chacune des années d’imposition 2020 et 2021 était déraisonnable.

[19] Le défendeur soutient, et je suis du même avis, que lorsqu’une cour de justice examine une décision administrative sur le fond, la norme de contrôle présumée s’appliquer est celle de la décision raisonnable. Aucune exception à cette présomption n’a été soulevée ni ne s’applique [voir l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 23 et 25].

[20] Dans l’arrêt Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67, le juge Rowe a expliqué les critères d’une décision raisonnable et de l’examen par un tribunal selon la norme de la décision raisonnable. Il a déclaré :

[31] La décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, par. 85). Par conséquent, lorsqu’elle procède au contrôle d’une décision selon la norme de la décision raisonnable, « une cour de révision doit d’abord examiner les motifs donnés avec “une attention respectueuse”, et chercher à comprendre le fil du raisonnement suivi par le décideur pour en arriver à [l]a conclusion » (Vavilov, par. 84, citant Dunsmuir, par. 48). Les motifs devraient être interprétés de façon globale et contextuelle afin de comprendre « le fondement sur lequel repose la décision » (Vavilov, par. 97, citant Newfoundland Nurses).

[32] La cour de révision devrait se demander si la décision dans son ensemble est raisonnable : « ... ce qui est raisonnable dans un cas donné dépend toujours des contraintes juridiques et factuelles propres au contexte de la décision particulière sous examen » (Vavilov, par. 90). Elle doit se demander « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‐ci » (Vavilov, par. 99, citant Dunsmuir, par. 47 et 74, et Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District), 2012 CSC 2, [2012] 1 R.C.S. 5, par. 13).

[33] Lors d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, « [i]l incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable » (Vavilov, par. 100). La partie qui conteste la décision doit convaincre la cour de justice que « la lacune ou la déficience [invoquée] [...] est suffisamment capitale ou importante pour rendre [la décision] déraisonnable » (Vavilov, par. 100).

IV. Analyse

[21] Le paragraphe 207.06(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu [LIR] prévoit un allègement discrétionnaire de tout impôt de la partie XI.01 à payer sur les cotisations faites en trop à un CELI. Le paragraphe 207.06(1) de la LIR dispose :

Renonciation

(1) Le ministre peut renoncer à tout ou partie de l’impôt dont un particulier serait redevable par ailleurs en vertu de la présente partie par l’effet des articles 207.02 ou 207.03, ou l’annuler en tout ou en partie, si, à la fois :

a) le particulier convainc le ministre que l’obligation de payer l’impôt fait suite à une erreur raisonnable;

b) sont effectuées sans délai sur un compte d’épargne libre d’impôt dont le particulier est titulaire une ou plusieurs distributions dont le total est au moins égal au total des sommes suivantes :

(i) la somme sur laquelle le particulier serait par ailleurs redevable de l’impôt,

(ii) le revenu, y compris le gain en capital, qu’il est raisonnable d’attribuer, directement ou indirectement, à la somme visée au sous‐alinéa (i).

 

Waiver of tax payable

(1) If an individual would otherwise be liable to pay a tax under this Part because of section 207.02 or 207.03, the Minister may waive or cancel all or part of the liability if

(a) the individual establishes to the satisfaction of the Minister that the liability arose as a consequence of a reasonable error; and

(b) one or more distributions are made without delay under a TFSA of which the individual is the holder, the total amount of which is not less than the total of

(i) the amount in respect of which the individual would otherwise be liable to pay the tax, and

(ii) income (including a capital gain) that is reasonably attributable, directly or indirectly, to the amount described in subparagraph (i).

[22] Par conséquent, un contribuable qui demande une renonciation à l’impôt de la partie XI.01 doit établir, à la satisfaction du ministre : a) que le montant excédentaire ou le montant excédentaire cumulatif sur lequel l’impôt est fondé fait suite à une erreur raisonnable; b) que des mesures ont été prises pour retirer sans délai les cotisations excédentaires au CELI.

[23] Ainsi qu’il ressort d’un examen de la décision de l’ARC, cette dernière n’a contesté que le délai qu’il a fallu au demandeur pour retirer les cotisations excédentaires au CELI pour 2020 et 2021, admettant par le fait même que les cotisations excédentaires faisaient suite à une erreur raisonnable.

[24] Dans son examen de ce qui est fait « sans délai » aux fins de l’alinéa 207.06(1)b), la Cour a accepté que le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire pour définir « sans délai » comme étant une période de 30 jours suivant le moment où le contribuable prend connaissance de la cotisation excédentaire [voir la décision Posmyk c Canada (Procureur général), 2021 CF 393 au para 4].

[25] En ce qui a trait à la cotisation faite en trop en 2020, le demandeur a déclaré dans son affidavit qu’en avril 2021, il a découvert (dans son relevé de compte de Simplii Financial) que l’ARC avait rajusté son droit de cotisation au CELI et l’avait réduit de 20 000 $. Il a retiré 29 000 $ de son CELI le même mois, soit dans les 30 jours suivant le moment où il a pris connaissance (grâce exclusivement à ses propres démarches) de la cotisation excédentaire.

[26] Le défendeur soutient que le demandeur a pris connaissance de la cotisation excédentaire au CELI pour 2020 au plus tard au mois de juillet 2021, date à laquelle il a reçu son avis de cotisation, et qu’il n’a entièrement remédié à la cotisation excédentaire que le 30 novembre 2021. Le défendeur affirme qu’aux fins de déterminer les cotisations excédentaires, le paragraphe 207.01(1) de la LIR définit les « droits inutilisés de cotisation » en référence à la « fin d’une année civile » et que le droit de cotisation n’est donc calculé qu’à la fin d’une année civile. Par conséquent, le défendeur affirme que l’ARC a décidé que le demandeur a continué de cotiser en trop lorsqu’il a fait en mai et en juillet 2021 des cotisations supplémentaires totalisant 6 133,12 $. Le défendeur affirme qu’en conséquence, le demandeur a maintenu des montants excédentaires dans son CELI pendant tous les mois jusqu’en novembre 2021, nonobstant le retrait important effectué en avril 2021. Le demandeur n’ayant retiré le reste des montants que le 30 novembre 2021, le défendeur affirme qu’il n’a pas agi « sans délai ».

[27] Autrement dit, le défendeur soutient essentiellement que, même si le demandeur a remédié à la cotisation faite en trop de 20 000 $ en avril 2021 en retirant 29 000 $ de son CELI, la correction de cette cotisation faite en trop a été effectivement « viciée » par les cotisations supplémentaires qu’il a faites en mai et juillet 2021, car il n’était pas autorisé à faire d’autres cotisations à son CELI en 2021, étant donné que le droit inutilisé de cotisation n’est calculé qu’à la fin de 2021 conformément au paragraphe 207.01(1) de la LIR.

[28] Là où l’argument du défendeur pose problème, c’est que, comme ce dernier l’a concédé à juste titre, le paragraphe 207.06(1) (qui prévoit l’allègement pour contribuables en question) n’inclut pas la définition de « droits inutilisés de cotisation à un CELI » énoncée au paragraphe 207.01(1). Le défendeur n’a présenté à la Cour aucune source ni aucun document, tel que des manuels ou des documents internes de l’ARC, pour étayer son argument selon lequel la définition s’applique à la disposition d’allègement pour les contribuables.

[29] Par ailleurs, et plus important encore, cette raison pour laquelle le demandeur n’a pas été « crédité » pour avoir retiré 29 000 $ (montant supérieur à la cotisation excédentaire) en avril 2021 (à une date qui se situait dans le délai de 30 jours) ne figure nulle part dans la décision. La décision n’offre aucune explication sur la façon dont l’ARC a décidé que le demandeur n’a remédié à la cotisation excédentaire que le 30 novembre 2021 et sur la raison pour laquelle le retrait effectué en avril 2021 n’a eu aucune incidence sur la décision de l’ARC concernant la rapidité avec laquelle le demandeur a remédié à la situation.

[30] Il est particulièrement difficile de comprendre la thèse de l’ARC selon laquelle le demandeur n’a pas remédié à sa cotisation faite en trop en temps opportun alors qu’il a retiré l’intégralité de la cotisation faite en trop de son CELI avant même que l’ARC ne lui ait dit qu’elle avait corrigé son erreur et, par conséquent, jugé qu’il avait fait une cotisation en trop.

[31] En ce qui concerne l’année d’imposition 2021, si le défendeur explique maintenant pourquoi les cotisations faites au CELI du demandeur en mai et juillet 2021 constituaient de nouvelles cotisations excédentaires (à savoir, parce que les droits inutilisés de cotisation pour 2021 ne sont calculés qu’à la fin de l’année), cette explication ne figure cependant nulle part dans les motifs de décision.

[32] Dans de telles circonstances, je conclus que la décision se rapportant aux années d’imposition 2020 et 2021 est inintelligible et qu’elle n’est pas suffisamment justifiée et transparente. Il s’ensuit que la demande de contrôle judiciaire doit être accueillie.

[33] Quant à la réparation, je le répète, le demandeur demande : a) l’annulation de l’impôt de 1 956,52 $ fixé sur sa cotisation excédentaire pour l’année d’imposition 2021, ainsi que les intérêts courus sur ce montant; b) le remboursement de l’impôt de 1 294,26 $ payé sur sa cotisation excédentaire pour l’année d’imposition 2020; c) l’inclusion de son plafond de cotisation au CELI dans son avis de cotisation de la « déclaration de revenus »; et d) des dommages‐intérêts compensatoires de 5 000 $ pour difficultés mentales, physiques, émotionnelles et financières. Toutefois, une telle réparation ne peut être accordée par la Cour dans la présente demande. Ainsi que la Cour l’a déclaré dans la décision Kapil c Agence du revenu du Canada, 2011 CF 1373 au para 20 et confirmé dans la décision Gekas c Canada (Procureur général), 2019 CF 1031 au para 32 :

En droit, la Cour n’a pas compétence pour ordonner au ministre de renoncer aux taxes, aux pénalités et aux intérêts débiteurs. La compétence de la Cour se limite à ordonner au ministre de réexaminer en détail ses décisions de renoncer aux taxes et aux pénalités et intérêts afférents. Le demandeur doit donc comprendre que, même si la Cour se prononçait en sa faveur, il n’aurait pas automatiquement droit à une renonciation et à un remboursement. La Cour doit s’en tenir à la question de savoir si l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre lorsqu’il a rejeté les demandes de renonciation était légitime, et non substituer sa décision à celle du ministre [...]. [Renvoi omis.]

[34] Par conséquent, la décision est infirmée et l’affaire sera renvoyée à un autre agent de l’ARC pour qu’il rende une nouvelle décision.

[35] Le demandeur n’ayant pas demandé ses dépens dans la présente demande, aucuns dépens ne seront adjugés.

 


JUGEMENT dans le dossier T‐1783‐22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. L’intitulé de la cause est modifié de manière à ce que le procureur général du Canada y soit désigné à titre de défendeur.

  2. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  3. La décision rendue par l’Agence du revenu du Canada au terme du deuxième examen concernant la demande du demandeur de renonciation à l’impôt fixé sur les cotisations excédentaires sur son compte d’épargne libre d’impôt pour les années d’imposition 2020 et 2021 est infirmée et l’affaire est renvoyée à un autre agent de l’Agence du revenu du Canada pour qu’il rende une nouvelle décision.

  4. Aucuns dépens ne sont adjugés dans la présente demande.

« Mandy Aylen »

Juge

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‐1783‐22

 

INTITULÉ :

ENWELIKU CALVIN OSSAI c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

CALGARY (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 6 MARS 2023

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LA JUGE AYLEN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 7 MARS 2023

 

COMPARUTIONS :

Enweliku Calvin Ossai

 

Pour le demandeur

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Alexander S. Millman

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

 

Pour le défendeur

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

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