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Date : 20230223


Dossiers : IMM-9733-21
IMM-9280-21

Référence : 2023 CF 263

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 23 février 2023

En présence de madame la juge Go

Dossier : IMM-9733-21

ENTRE :

DOMENICO CUGLIARI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET
DE L’IMMIGRATION

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeurs

Dossier : IMM-9280-21

ET ENTRE :

DOMENICO CUGLIARI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, Domenico Cugliari, est un citoyen italien qui est entré au Canada à titre de visiteur en juillet 2019.

[2] Le demandeur a des accusations criminelles en instance en Italie pour « appartenance à une organisation criminelle, vol à main armée et recel ». L’accusation d’appartenance à une organisation criminelle reposait sur sa participation à une organisation de type mafieux, à savoir la ’Ndrangheta [la Ndrangheta].

[3] Le 16 août 2020, l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] a établi un rapport contre le demandeur en vertu du paragraphe 44(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. L’ASFC a allégué que le demandeur est interdit de territoire pour criminalité organisée aux termes de l’alinéa 37(1)a) de LIPR en raison de son appartenance à la Ndrangheta. Le 25 août 2020, le dossier du demandeur a été déféré à la Section de l’immigration [la SI] pour enquête, laquelle s’est tenue sur une période de six jours entre mars et mai 2021 [l’enquête].

[4] Le 2 octobre 2020, le demandeur a aussi présenté une demande d’asile à l’égard de l’Italie, laquelle a été suspendue en attendant l’issue de l’enquête.

[5] Le 23 novembre 2021, la SI a conclu que le demandeur était interdit de territoire aux termes de l’alinéa 37(1)a) de la LIPR en raison de son appartenance à la Ndrangheta, dont il existe des motifs sérieux de croire qu’elle se livre ou s’est livrée à des activités criminelles organisées [la décision de la SI].

[6] Compte tenu de la décision de la SI, l’ASFC a mis fin à la demande d’asile du demandeur le 1er décembre 2021, car celle-ci n’était pas jugée recevable pour faire l’objet d’une décision par la Section de la protection des réfugiés, conformément au paragraphe 100(1) de la LIPR [la décision de l’ASFC].

[7] Le demandeur conteste les décisions de la SI et de l’ASFC. Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision de la SI est raisonnable. Il s’ensuit que la contestation de la décision de l’ASFC par le demandeur doit aussi être rejetée. Par conséquent, je rejette les deux demandes.

II. Questions en litige et norme de contrôle

[8] La principale question en litige est celle de savoir si la décision de la SI était raisonnable.

[9] Le demandeur ne conteste pas la conclusion de la SI selon laquelle la Ndrangheta est un groupe criminel organisé aux termes de l’article 37 de la LIPR. Il conteste plutôt la conclusion de la SI selon laquelle il est membre de la Ndrangheta. En particulier, il fait valoir ce qui suit :

  1. Il était déraisonnable de la part de la SI de se fonder sur le témoignage d’opinion de la police;

  2. La SI s’est appuyée sur des articles de journaux et des organigrammes à titre de « preuve » sans évaluer la crédibilité et la fiabilité de ces documents;

  3. La SI n’a pas rendu de décision concernant la crédibilité du témoignage du demandeur, qui est présumé véridique;

  4. La SI n’a pas procédé à une analyse de l’équivalence en ce qui concerne les infractions criminelles que le demandeur aurait commises.

[10] Les parties conviennent que la décision est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable conformément à l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov].

[11] La norme de la décision raisonnable est une norme de contrôle rigoureuse, mais empreinte de déférence : Vavilov, aux para 12–13. La cour de révision doit examiner si la décision faisant l’objet du contrôle, y compris son raisonnement et son résultat, est transparente, intelligible et justifiée : Vavilov, au para 15. La décision raisonnable est celle qui, d’une part, est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle, et qui, d’autre part, est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti : Vavilov, au para 85. Le caractère raisonnable d’une décision dépend du contexte administratif pertinent, du dossier dont le décideur était saisi et de l’incidence de la décision sur les personnes touchées par ses conséquences : Vavilov, aux para 88-90, 94 et 133-135.

[12] Pour qu’une décision soit jugée déraisonnable, le demandeur doit démontrer qu’elle comporte des lacunes suffisamment capitales ou importantes : Vavilov, au para 100. Les erreurs que comporte une décision, ou les préoccupations qu’elle soulève, ne justifient pas toutes une intervention. La cour de révision doit s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve examinée par le décideur et, à moins de circonstances exceptionnelles, ne doit pas modifier les conclusions de fait de celui‑ci : Vavilov, au para 125. Les lacunes ou insuffisances reprochées ne doivent pas être simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision, ou constituer une « erreur mineure » : Vavilov, au para 100.

III. Analyse

[13] La disposition législative régissant l’interdiction de territoire pour appartenance à une organisation criminelle est énoncée à l’alinéa 37(1)a) de la LIPR. La norme de contrôle au regard de laquelle la SI doit évaluer l’interdiction de territoire est énoncée à l’article 33 de la LIPR. Les deux dispositions sont retranscrites à l’annexe A.

[14] L’article 33 de la LIPR établit que les faits emportant interdiction de territoire au titre de l’article 37 sont « appréciés sur la base de motifs raisonnables de croire qu’ils sont survenus, surviennent ou peuvent survenir ». La jurisprudence confirme que l’expression « motifs raisonnables de croire » exige « davantage qu’un simple soupçon, mais rest[e] moins stricte que la prépondérance des probabilités applicable en matière civile [...] La croyance doit essentiellement posséder un fondement objectif reposant sur des renseignements concluants et dignes de foi » : Mugesera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 40 au para 114.

[15] Dans le cadre d’une enquête sur l’interdiction de territoire, il incombe au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile [le ministre] d’établir que le demandeur est visé par l’alinéa 37(1)a).

[16] Enfin, aux termes des alinéas 173c) et d) de la LIPR, la SI n’est pas liée par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve, et peut recevoir des éléments qu’elle juge crédibles ou dignes de foi en l’occurrence et fonder sur eux sa décision.

[17] Les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si la SI a commis une erreur en appliquant les principes mentionnés précédemment lorsqu’elle a tranché l’affaire.

A. La SI s’est-elle fondée, de façon déraisonnable, sur la preuve d’opinion de la police?

[18] À titre d’information, la preuve non contredite dont la SI était saisie confirme que la Ndrangheta fait partie des groupes criminels organisés les plus riches et les plus puissants au monde. Elle tire ses racines dans la région de la Calabre, en Italie. À l’heure actuelle, elle dispose de structures opérationnelles locales appelées « locales », qui s’étendent à travers le monde, mais qui relèvent toujours de l’autorité du [traduction] « crimine calabrais ».

[19] Lors de l’enquête, le ministre a cherché à faire admettre en preuve un rapport préparé par la légion des Carabiniers de Calabre, commandement provincial de Vibo Valentia, service des opérations – unité d’enquête, daté du 14 janvier 2020 [le rapport des Carabiniers].

[20] Le ministre a allégué que le demandeur est membre de la locale de Sant’Onofrio, qui est dirigée par la famille Bonavota; trois membres de la famille Bonavota ont été reconnus coupables de meurtre par des tribunaux italiens.

[21] Le ministre a cité comme témoin le capitaine Alessandro Bui; l’agent des Carabiniers à Vibo Valentia qui était responsable de l’enquête sur le demandeur. Le capitaine Bui a témoigné au cours de quatre séances dans le cadre de l’enquête. Le ministre a aussi présenté une déclaration solennelle émanant du capitaine Bui.

[22] Lorsqu’elle a conclu que le demandeur était interdit de territoire, la SI a accordé un poids important au rapport des Carabiniers ainsi qu’au témoignage et à la déclaration solennelle du capitaine Bui.

[23] Le demandeur se fonde sur les principes énoncés à l’article 33 selon lesquels le décideur ne peut pas « simplement s’appuyer sur des opinions vagues ou non fondées, même lorsqu’elles sont émises par des policiers d’expérience » pour contester l’appréciation de cette preuve par la SI : Demaria c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 489 [Demaria] aux para 122-123, tel qu’ils ont été appliqués dans la décision Canada c Dean, 2022 CanLII 74357, [2022] DSAI no 244 au para 62.

[24] Le demandeur se fonde aussi sur la décision Ariyarathnam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 162 pour faire valoir que le seuil relatif aux motifs raisonnables de croire requiert des « faits [...] exacts », et « ne justifie pas une absence des faits pour appuyer la croyance raisonnable » : au para 70.

[25] Le demandeur soutient que, même si le rapport des Carabiniers fait référence aux événements allégués qui sont à la base des accusations, il ne précise pas comment la police a pris connaissance de ces événements. Il affirme que ce rapport énonce l’opinion de la police plutôt que des faits. Il se fonde sur la décision Demaria, dans laquelle la Cour a conclu que l’analyse de l’appartenance du demandeur à la Ndrangheta, qui reposait sur le témoignage d’opinion de la police, était déraisonnable (au para 149).

[26] Le demandeur soutient en outre que le rapport des Carabiniers ne fait référence à aucune preuve à partir de laquelle il est possible d’établir la fiabilité du fondement factuel, comme des témoins, des écoutes téléphoniques, des photos ou des aveux. Le demandeur soutient qu’« il faut établir une distinction entre le fait de se fonder sur le fait qu’une personne a été accusée d’une infraction criminelle et le fait de se fonder sur la preuve qui sous-tend les accusations en question » : Thuraisingam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 607 au para 35 [italiques dans l’original].

[27] Je rejette les arguments du demandeur. Contrairement à ce qu’affirme le demandeur, le rapport des Carabiniers fait référence à des éléments de preuve et à des faits sous-jacents qui ont mené à la conclusion selon laquelle il est membre de la Ndrangheta. Il s’agit notamment des éléments de preuve et des faits sous-jacents suivants :

  • Les plus de 100 [traduction] « contrôles sur le territoire » enregistrés dans la base de données de la police entre avril 2012 et juin 2017, dans lesquelles le nom du demandeur apparaît. Ces contrôles sur le territoire ont permis de recenser des occasions où le demandeur a été aperçu en compagnie de personnes qui sont des membres ou des proches du clan Bonavota selon les dires de la police;

  • Le permis d’un bar enregistré au nom de la belle-mère d’un membre du clan Bonavota, Nicola Bonavota, a été révoqué par la municipalité locale le 27 octobre 2015. Deux jours plus tard, le 29 octobre 2015, l’entreprise a rouvert au nom du demandeur. Ce bar ne serait qu’une [traduction] « façade » pour blanchir de l’argent issu d’activités criminelles;

  • Un informateur de la police a présenté des renseignements concernant le demandeur et son appartenance au clan Bonavota. Un extrait de la déclaration de l’informateur, compris dans le rapport des Carabiniers, indiquait que le demandeur accompagnait des membres de la famille Bonavota lors de visites en prison;

  • La surveillance d’un véhicule immatriculé au nom du demandeur aurait permis de découvrir l’existence de ces visites en prison;

  • Le 15 juillet 2016, le demandeur a été déclaré coupable d’avoir cultivé illégalement environ 800 plants de cannabis.

[28] Bien que le demandeur a contesté, devant la SI, l’importance de ces faits dans le contexte de l’enquête dont il faisait l’objet, il n’en reste pas moins qu’il s’agissait là de faits. Le seul fait que le demandeur a expressément nié est la déclaration de l’informateur de la police relative à son appartenance au clan Bonavota. En l’espèce, le rapport des Carabiniers comprenait non seulement le nom de l’informateur, mais aussi l’extrait pertinent de sa déclaration, qui fournissait à la SI une preuve sur laquelle s’appuyer.

[29] Le demandeur fait une distinction entre la présente affaire et la décision Pascal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 751 [Pascal], dans laquelle un rapport de police avait été reconnu en tant que preuve factuelle convenable aux fins de l’article 33. Dans la décision Pascal, la SI a expressément conclu que les rapports de police en question étaient « crédibles et dignes de confiance », déclaré qu’elle ne s’appuyait pas sur les accusations elles-mêmes, et fait référence à des renseignements précis consignés dans les rapports : au para 30.

[30] Tout d’abord, je fais remarquer que, dans la présente affaire, la SI a émis des commentaires semblables en ce qui concerne les rapports de police et les témoignages de policiers en cause.

[31] En l’espèce, je ne suis pas non plus convaincue que la SI s’est uniquement fondée sur les accusations portées contre le demandeur. Elle a plutôt fait référence à des faits précis qui étaient présentés dans le rapport des Carabiniers, notamment les contrôles sur le territoire, le transfert de propriété du bar d’un membre de la famille Bonavota au demandeur en 2015, ainsi que les renseignements fournis par l’informateur de la police au sujet des visites en prison. Par conséquent, les circonstances de l’espèce sont semblables à celles de la décision Pascal.

[32] Je fais aussi remarquer les commentaires émis par le juge McHaffie au paragraphe 15 de la décision Pascal :

Le besoin d’information « crédible » soulève la troisième question en litige pertinente, soit la question de savoir quels éléments de preuve peuvent établir les éléments de la criminalité organisée. L’article 173 de la LIPR prévoit que la SI n’est « pas liée par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve », mais qu’elle « peut recevoir les éléments qu’elle juge crédibles ou dignes de foi en l’occurrence et fonder sur eux sa décision ». Cette souplesse en matière de preuve permet à la SI d’examiner des éléments de preuve provenant de sources qui pourraient ne pas être acceptables devant un autre tribunal. Elle laisse aussi expressément à la SI le pouvoir discrétionnaire de tirer des conclusions quant à la crédibilité et à la fiabilité : c’est ce qu’« elle juge » crédible, dans les circonstances, qui compte. Néanmoins, ce pouvoir discrétionnaire n’est pas « absolu ». Comme tout pouvoir discrétionnaire conféré par la loi, il doit être exercé de manière raisonnable : Demaria, par. 121.

[33] À mon avis, la SI a dûment appliqué cette souplesse en matière de preuve lorsqu’elle a admis et évalué le rapport des Carabiniers.

[34] Le demandeur fait également une distinction entre la présente affaire et l’arrêt Sittampalam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CAF 326 [Sittampalam (CAF)], où la Cour d’appel fédérale [la CAF] a conclu que la Section d’appel de l’immigration avait tenu compte de la « preuve recueillie par la police », y compris les circonstances sous-jacentes aux accusations en cause, et qu’elle ne s’était pas contentée d’examiner le témoignage d’opinion de la police en tant que tel : aux para 51-53. De la même façon, comme je l’ai déjà mentionné, je ne suis pas convaincue que la SI a simplement tenu compte de l’opinion de la police sans examiner les faits sous-jacents énoncés dans le rapport des Carabiniers dans la présente affaire.

[35] Le demandeur cite le paragraphe 149 de la décision Demaria pour faire valoir que la SI a conclu que le rapport des Carabiniers était fiable uniquement parce qu’il avait été préparé par la police, et qu’elle a favorisé ce rapport au détriment de son témoignage pour ce même motif.

[36] Je conclus que l’argument du demandeur dénature la conclusion de la SI.

[37] La SI n’a pas conclu que le rapport des Carabiniers était fiable simplement parce qu’il avait été préparé par la police. Elle a plutôt fait remarquer qu’il avait été préparé par « la force de police qui enquête sur la Ndrangheta, et sur M. Cugliari en particulier, depuis maintenant plusieurs années ».

[38] La SI a également souligné que le rapport des Carabiniers comprend des renseignements détaillés concernant les accusations et allégations précises auxquelles le demandeur fait face en Italie, et qu’il résume la preuve recueillie par la police pour étayer sa poursuite criminelle contre le demandeur. Plus important encore, la SI a fait remarquer que « certains de ces éléments de preuve concernent des faits ou des événements dont l’existence n’a pas été contestée par [le demandeur], même s’il conteste que ces faits et événements sont des indicateurs de l’implication dans la criminalité organisée ».

[39] De plus, comme le soutient le défendeur, la SI a expressément sollicité et obtenu des réponses auprès du capitaine Bui relativement à la [traduction] « preuve concrète » qui était à l’origine des allégations figurant dans le rapport des Carabiniers, contrairement à l’affirmation du demandeur selon laquelle la SI a tenu pour avéré le témoignage d’opinion de la police.

[40] Par exemple, la décision faisait référence à l’explication du capitaine Bui relative aux méthodes d’enquête utilisées afin de constituer la preuve contre le demandeur, comme le démontrent certaines parties du témoignage du capitaine Bui :

[traduction]

[Capitaine Bui] Au cours des enquêtes, en raison du... on a pu conclure que M. Cugliari participe à ces activités criminelles. Nous devons cette conclusion à l’interception de communications téléphoniques et d’enregistrements vidéo, ainsi qu’à des déclarations de la part de collaborateurs, à savoir des personnes ayant participé à des activités criminelles qui ont décidé de collaborer avec les autorités, qui faisaient partie de l’association, et aussi grâce aux éléments qui sont ressortis après l’enquête sur le vol de banque.

[41] Le défendeur soutient aussi que la SI était néanmoins en droit de se fonder sur le rapport des Carabiniers en tant que tel dans la mesure où elle considérait que les renseignements qu’il contenait étaient crédibles et dignes de foi. Il fait valoir que la jurisprudence confirme qu’il est loisible à la SI de prendre en compte le contenu d’un mandat, d’un rapport d’incident criminel ou d’une accusation, d’une preuve par ouï-dire ou d’une preuve d’un informateur de la police.

[42] Bien que toutes les affaires citées par le défendeur ne soient pas, à mon avis, pertinentes, je retiens l’arrêt Xie c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 250 [Xie], dans lequel la CAF a confirmé qu’un mandat chinois relatif à un détournement de fonds et à l’existence d’une richesse inexpliquée constituait une preuve suffisante pour conclure à l’existence de raisons sérieuses de penser que la demanderesse avait commis un crime grave. La CAF a fait remarquer ce qui suit au paragraphe 23 de l’arrêt Xie :

L’avocat ajoute que, tout comme le mandat ne constitue pas une preuve de criminalité, la richesse inexpliquée de l’appelante ne prouve pas non plus qu’elle a commis un acte criminel. Une richesse inexpliquée n’a rien de criminel; elle est tout simplement inexpliquée. Ce n’est pas un crime de posséder une fortune énigmatique et ce ne sont pas tous ceux qui ont une richesse inexpliquée qui l’ont acquise par des moyens criminels. Je conviens qu’une richesse inexpliquée ne constitue pas en soi une preuve de criminalité. Toutefois, dans le contexte d’une accusation de détournement de fonds se chiffrant à plusieurs millions de dollars, la richesse inexpliquée acquiert une certaine valeur probante. Elle ne constitue peut-être pas une preuve de criminalité suffisante, mais on ne saurait prétendre qu’elle ne constitue aucune preuve. En dernière analyse, c’est la combinaison du mandat accusant l’appelante du détournement d’une somme d’argent considérable et la possession, par l’appelante, d’une somme d’argent d’un ordre de grandeur comparable pour laquelle elle n’a aucune explication satisfaisante à fournir qui est probante, même si, pris isolément, chacun de ces éléments n’est peut-être pas probant. Pour ces motifs, la Commission n’a pas commis d’erreur en concluant qu’il existait de sérieuses raisons de penser que l’appelante avait commis un crime grave. Le fait que cet élément de preuve ne satisfasse pas à la norme de preuve appliquée dans les affaires criminelles est sans importance, étant donné que la question qui se pose n’est pas celle de savoir si l’appelante a effectivement commis le crime dont elle est accusée. La question à résoudre est celle de savoir s’il existe des questions sérieuses de penser qu’elle a commis un tel crime. Or, la preuve soumise à la Commission permettait à cette dernière de tirer cette conclusion.

[Non souligné dans l’original.]

[43] La conclusion tirée par la CAF dans l’arrêt Xie repose sur les faits de cette affaire, mais son analyse n’en est pas moins révélatrice. Compte tenu de la preuve présentée en l’espèce, il était loisible à la SI de se fonder sur le rapport des Carabiniers pour conclure qu’il existait des motifs sérieux de croire que le demandeur est membre de la Ndrangheta.

[44] Je fais aussi remarquer que, dans la décision Demaria, une affaire sur laquelle le demandeur s’appuie fortement, la Cour a souligné l’existence d’une preuve pertinente qui soulevait « de forts soupçons » quant à l’appartenance du demandeur à la Ndrangheta : au para 146. La Cour a fait état d’une conversation, interceptée au moyen de l’écoute électronique, entre le demandeur et un autre membre de la Ndrangheta, ainsi que d’un article de journal comprenant un schéma dans lequel figurait le nom du demandeur : Demaria, au para 146. En l’espèce, le rapport des Carabiniers comprend une preuve plus exhaustive – comparativement au rapport de police dans la décision Demaria – sur laquelle la police italienne s’est fondée pour arriver à sa conclusion selon laquelle le demandeur est membre de la Ndrangheta.

[45] Le défendeur soutient que le demandeur s’est indûment fondé sur la décision Demaria. Il fait remarquer que, dans la décision Pascal, la Cour a rejeté des arguments semblables qui visaient à établir une analogie avec la décision Demaria au motif qu’il était « peu utile » de s’appuyer sur d’autres affaires dans lesquelles la nature de la preuve et l’appréciation de celle-ci par la SI diffèrent : au para 44. La Cour a expliqué ce qui suit au paragraphe 44 de la décision Pascal :

Aucune de ces décisions ne peut ni ne doit prédéterminer l’issue de l’évaluation par la SI des éléments de preuve fournis par l’agent Petersen dans le cas qui nous occupe, pas plus que le rejet d’éléments de preuve dans d’autres affaires ne rend leur admission déraisonnable en l’espèce. Il en est ainsi même si ces éléments de preuve ont en commun certaines des qualités ou des restrictions citées par d’autres décideurs.

[46] Je suis d’accord avec le défendeur, même si je tiens à souligner qu’il semble adopter la même stratégie dans certaines affaires sur lesquelles il se fonde.

[47] Enfin, je prends acte de la proposition du demandeur selon laquelle la jurisprudence a « évoluée » en ce qui concerne la fiabilité des éléments de preuve recueillis par la police. En particulier, le demandeur laisse entendre que la Cour est de plus en plus critique à l’égard des décideurs qui considèrent le [traduction] « témoignage d’opinion » de la police comme un « fait » dans leur évaluation au titre de l’article 33. Je ne suis pas convaincue de l’existence d’une telle évolution dans la jurisprudence. Chaque affaire doit plutôt être évaluée en fonction des faits qui lui sont propres.

[48] Quoiqu’il en soit, pour les motifs qui précèdent, je rejette l’argument du demandeur selon lequel la SI s’est déraisonnablement fondée sur l’opinion de la police en acceptant que le rapport des Carabiniers était fiable simplement parce qu’il avait été rédigé par la police.

B. La SI s’est-elle fondée sur des articles de journaux et des organigrammes en tant « qu’éléments de preuve » sans évaluer la crédibilité et la fiabilité de ces documents?

[49] Au cours de l’enquête, le ministre a présenté un certain nombre d’articles de journaux, dont certains ont été rejetés par la SI parce qu’ils n’étaient pas particulièrement fiables. En ce qui concerne les autres articles publiés dans des médias comme le National Post, le New York Times et The Guardian, la SI a déclaré qu’elle n’avait « aucune raison » de douter de leur fiabilité.

[50] La SI a également admis en preuve un organigramme tiré d’extraits d’une présentation PowerPoint portant sur la locale de Sant’Onofrio [l’organigramme]. Ces extraits, qui ont été transmis à l’ASFC par un agent de police d’Interpol Italie, exposaient la structure de la locale et désignaient le demandeur en tant que membre de la « componente militare ». L’organigramme était accompagné de la déclaration solennelle de Sylvain Laroche, l’agent de liaison de l’ASFC, confirmant la source de ce document.

[51] Le demandeur soutient que la SI n’a pas évalué la fiabilité de l’organigramme et des articles de journaux avant d’admettre leur contenu comme des « faits » aux termes de l’article 33 de LIPR. Il fait valoir que la SI aurait dû déterminer la fiabilité de la preuve par l’intermédiaire des cinq critères énoncés au paragraphe 340 de la décision Almrei (Re), 2009 CF 1263 [Almrei] : l’autorité intellectuelle, l’exactitude, l’objectivité, l’actualité et la couverture.

[52] Bien que l’organigramme était accompagné de la déclaration solennelle non assermentée de l’agent Laroche indiquant qu’il l’avait reçu d’un agent de police d’Interpol Italie, le demandeur fait remarquer qu’il n’y avait aucune indication à savoir qui a préparé l’organigramme ou la preuve sur laquelle il reposait. Il fait donc valoir que la SI a commis une erreur en omettant d’évaluer les critères de fiabilité énoncés dans la décision Almrei lorsqu’elle a admis l’organigramme comme un fait pour l’application de l’article 33.

[53] Je reconnais que la Cour a, dans certains cas, adopté le cadre énoncé dans la décision Almrei pour évaluer la fiabilité d’un élément de preuve : voir Kablawi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 888 au para 43; Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Edom, 2021 CF 1220 au para 18; Demaria, aux para 139‑140. Cependant, je conviens avec le défendeur que, dans la décision Almrei, le juge Mosley a laissé entendre que ce cadre peut être utile, mais que les décideurs ne sont pas tenus de l’utiliser pour évaluer chaque élément de preuve.

[54] D’abord, en ce qui concerne les articles de journaux, je conclus que l’observation du demandeur n’est pas convaincante. Je souligne que la SI, bien que brièvement, a confirmé qu’elle avait jugé les articles comme étant fiables avant de les admettre en preuve.

[55] De plus, je souligne que la SI a fait référence aux articles de journaux dans le contexte de ses conclusions factuelles relatives à la Ndrangheta comme organisation criminelle internationale, ce que le demandeur ne conteste pas, et non de l’appartenance de celui-ci à la Ndrangheta. Le demandeur n’a pas non plus relevé, dans ces articles de journaux, une erreur factuelle susceptible d’avoir une incidence négative sur la conclusion de la SI concernant son admissibilité. Par conséquent, je ne vois aucune raison d’intervenir dans le traitement de ces articles de journaux comme éléments de preuve par la SI.

[56] En ce qui concerne l’organigramme, je conviens avec le défendeur que celui-ci faisait partie d’une déclaration solennelle qui en précisait la source, et que le capitaine Bui a parlé de son contenu dans son témoignage et a affirmé qu’il avait été réalisé par son bureau. Cette information permet de répondre à la question de savoir « qui » l’a préparé.

[57] Fait intéressant, dans la décision Demaria, la Cour avait conclu qu’un organigramme semblable, préparé par un média d’information, faisait partie d’une preuve qui soulevait de sérieux soupçons quant à l’appartenance du demandeur au crime organisé : au para 146.

[58] Cependant, je conviens avec le demandeur que la SI ne semble pas avoir évalué la fiabilité de l’organigramme avant de l’admettre en preuve. Même si la SI n’était pas tenue d’appliquer le cadre énoncé dans la décision Almrei en particulier, elle devait néanmoins déterminer si la preuve en question était crédible ou digne de foi conformément à l’article 173 de la LIPR.

[59] Cela dit, l’organigramme figurait parmi les éléments de preuve examinés par la SI lorsqu’elle a fait référence au témoignage du capitaine Bui selon lequel le demandeur était le « chef du clan » de la « componente militare » de la locale, dont il est « présumé membre ». Il n’est pas question de l’organigramme ailleurs dans la décision de la SI. Par conséquent, la mesure à laquelle la SI s’est appuyée sur ce document dans son évaluation globale demeure incertaine.

[60] Je suis d’accord avec le demandeur pour dire que la SI a commis une erreur dans la mesure où elle s’est appuyée sur l’organigramme sans en évaluer la fiabilité au préalable. Toutefois, pour les motifs suivants, je conclus que cette erreur à elle seule ne fait pas en sorte que la décision dans son ensemble est déraisonnable.

C. La SI a-t-elle omis de rendre une décision concernant la crédibilité du témoignage du demandeur, qui est présumé véridique?

[61] Le demandeur soutient aussi que la SI n’a tiré aucune conclusion concernant sa crédibilité, formulée en [traduction] « termes clairs et explicites », pour justifier sa préférence pour le témoignage d’opinion de la police plutôt que son témoignage. Il affirme que son témoignage est présumé véridique.

[62] Le demandeur soutient que la seule conclusion claire tirée par la SI en matière de crédibilité portait sur sa déclaration de culpabilité relative aux 800 plants de cannabis, c’est-à-dire qu’elle avait qualifié d’« invraisemblable » son explication selon laquelle il cultivait les plantes pour son usage personnel. Cette conclusion en matière de crédibilité a amené la SI à conclure qu’il était plus probable que le contraire que la culture de cannabis du demandeur était liée à sa participation dans la Ndrangheta. Le demandeur soutient que la conclusion d’invraisemblance ainsi que le lien entre la déclaration de culpabilité et la Ndrangheta reposaient sur des hypothèses.

[63] Le demandeur fait référence à son témoignage selon lequel son ami et lui ont reçu davantage de plants de cannabis qu’ils n’en avaient commandé, et qu’ils les ont ensuite plantés pour leur usage personnel. Le demandeur fait aussi remarquer que l’accusation relative au cannabis n’était pas liée à son appartenance à une organisation criminelle, et que la peine qui lui avait été infligée, à savoir deux jours de détention à domicile, était mineure.

[64] Le demandeur soutient que le point de vue critique de la Cour à l’égard des conclusions d’invraisemblance signifie que de telles conclusions peuvent uniquement être tirées dans les cas les plus manifestes. Par exemple, dans la décision Zaiter c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 908, la Cour a indiqué qu’« [i]l ne faudrait pas tirer de conclusions défavorables quant à la crédibilité fondées sur la vraisemblance tout simplement parce qu’il est peu probable que les événements se soient produits selon la description qu’en a faite le demandeur », et qu’« [i]l en faut plus pour juger qu’un demandeur d’asile n’est pas crédible » : au para 9. Le demandeur soutient qu’il faut tenir compte de facteurs comme les témoignages incohérents, les contradictions ou les réponses évasives au moment de tirer une conclusion d’invraisemblance, et que les conclusions de la SI sont hypothétiques et déraisonnables parce qu’elle a omis de le faire : voir Aguilar Valdes c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 959 au para 46.

[65] Je conclus que l’argument du demandeur n’est pas convaincant. La SI a pris en compte le témoignage du demandeur concernant la manière dont lui et ses coaccusés ont été amenés à cultiver autant de plants de marijuana. La SI a poursuivi affirmant ce qui suit :

Il est très difficile d’admettre ce témoignage, car il est très invraisemblable que deux personnes se donnent la peine de cultiver plus de 800 plants de cannabis, sachant que leurs actes sont illégaux et très risqués, simplement pour le plaisir. Le capitaine Bui a déclaré que, même si cette déclaration de culpabilité n’était pas enregistrée comme une infraction liée à une association mafieuse, en Italie, les groupes criminels organisés sont toujours impliqués dans la production de drogue. Le trafic de drogue est l’une des principales sources de profits de la ’Ndrangheta. Par conséquent, il est plus probable que le contraire que, si M. Cugliari a cultivé ces 800 plants de cannabis, c’était en raison de son implication dans la ’Ndrangheta, et non pas pour sa consommation personnelle, comme il l’a affirmé.

[66] Les motifs présentés par la SI tenaient compte du témoignage du demandeur selon lequel il avait cultivé 800 plants [traduction] « pour passer le temps et pour s’amuser ». Elle a aussi examiné le témoignage du capitaine Bui concernant l’important trafic de drogue de la Ndrangheta avant de tirer sa conclusion. Ainsi, contrairement à ce qu’affirme le demandeur, la SI n’a pas tiré une conclusion d’invraisemblance simplement parce qu’il était peu probable que les choses se soient produites telles qu’il les avait racontées.

[67] Le demandeur soutient en outre que la SI a confondu la question du poids avec celle de la crédibilité lorsqu’elle a conclu qu’il tentait simplement de clamer son innocence et de se défendre contre les accusations en cause lorsqu’il a réfuté les allégations du ministre.

[68] Le demandeur met en exergue des passages précis de son témoignage, qui contredisent plusieurs aspects des allégations contenues dans le rapport des Carabiniers, notamment le fait qu’il nie son appartenance à la locale de Sant’Onofrio de la Ndrangheta ainsi que sa participation à un vol de banque; qu’il connaissait des membres de gang uniquement parce qu’ils vivaient dans le même village et non en raison de leurs activités criminelles; qu’il nie avoir agi en tant que « prête-nom » pour un bar appartenant à un membre de la famille Bonavota.

[69] Le demandeur soutient que, dans la décision Demaria, la Cour a contesté le fait que la SI a rejeté la dénégation, par le demandeur, d’allégations semblables sans établir la fiabilité et l’authenticité de la source des éléments de preuve à la base des allégations : aux para 113-114.

[70] Le demandeur fait remarquer que la présomption criminelle de véracité des témoignages a été importée dans la jurisprudence en droit de l’immigration : Maldonado c Le ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1980] 2 CF 302 (CAF) au para 5. Il soutient que la jurisprudence en droit de l’immigration a renforcé cette présomption en exigeant des décideurs qu’ils expliquent clairement pourquoi ils rejettent le témoignage d’un demandeur : Hilo c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] ACF no 228 (CA) au para 6.

[71] Je reconnais la présomption bien établie en ce qui concerne la véracité des témoignages. Cependant, comme le souligne le défendeur, il était loisible à la SI de préférer la preuve du ministre au témoignage du demandeur.

[72] Je conviens aussi avec le défendeur que la SI avait le droit de préférer la preuve détaillée des forces de police italiennes aux affirmations du demandeur selon lesquelles il était innocent sans déterminer précisément si chacun des démentis du demandeur était crédible ou non.

[73] Bien que l’arrêt Kanagendren c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CAF 86 s’intéressait au paragraphe 34(1), je conclus que les commentaires émis par la CAF aux paragraphes 36 à 38 sont particulièrement pertinents en l’espèce :

[36] Toutefois, le droit est bien fixé : il n’est pas nécessaire que le décideur fasse référence à chaque élément de preuve. Plus important encore, la Section de l’immigration disposait d’éléments de preuve contradictoires. Il ressort des motifs de la Section de l’immigration que la commissaire a passé au crible le dossier, et qu’elle a bien compris que l’appelant contestait la fiabilité de certains documents. Les conclusions de la Section de l’immigration étaient amplement confirmées par le dossier mis à la disposition de la Section de l’immigration.

[37] L’article 33 de la Loi exige seulement qu’il y ait des « motifs raisonnables de croire » qu’il existe des faits donnant lieu à interdiction de territoire. Selon moi, la conclusion de la Section de l’immigration qu’il existait des « motifs raisonnables de croire » en l’espèce appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. La décision était donc raisonnable.

[74] En l’espèce, la SI a reconnu que le demandeur a répondu aux allégations du ministre en disant « qu’il n’est pas coupable des accusations portées contre lui » et en niant son appartenance à la Ndrangheta. Cependant, la SI a, à juste titre, fait remarquer ce qui suit au paragraphe 76 de sa décision :

M. Cugliari a le droit de se défendre contre les accusations dont il fait l’objet, mais c’est aux tribunaux italiens qu’il incombe de statuer sur la culpabilité ou l’innocence de M. Cugliari à son procès criminel. Le rôle du tribunal en l’espèce consiste simplement à déterminer s’il y a suffisamment d’éléments de preuve permettant d’établir qu’il y a des motifs raisonnables d’accorder foi aux allégations. Le tribunal conclut qu’il doit accorder plus de poids aux éléments de preuve détaillés provenant de la police italienne qu’aux affirmations de M. Cugliari lorsqu’il affirme être innocent.

[75] Je fais aussi remarquer que la Cour a déclaré ce qui suit dans la décision Ferguson c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1067 [Ferguson], une affaire citée par le demandeur et par le défendeur :

[23] Comme la Cour d’appel l’a souligné dans Carrillo, tous les éléments de preuve n’ont pas la même qualité. Par conséquent, même si un demandeur s’est acquitté de sa charge de présentation de la preuve parce qu’il a présenté des éléments de preuve pour chaque fait essentiel, il pourrait ne pas s’être acquitté de la charge de persuasion parce que la preuve présentée n’établit pas les faits requis, selon la prépondérance de la preuve […]

[24] La question de savoir si la preuve présentée permet au demandeur de s’acquitter de sa charge de persuasion dépendra beaucoup du poids accordé à la preuve qu’il a présentée.

[76] La Cour affirme ensuite ce qui suit au paragraphe 27 de la décision Ferguson :

La preuve présentée par un témoin qui a un intérêt personnel dans la cause peut aussi être évaluée pour savoir quel poids il convient d’y accorder, avant l’examen de sa crédibilité, parce que généralement, ce genre de preuve requiert une corroboration pour avoir une valeur probante. S’il n’y a pas corroboration, alors il pourrait ne pas être nécessaire d’évaluer sa crédibilité puisque son poids pourrait ne pas être suffisant en ce qui concerne la charge de la preuve des faits selon la prépondérance de la preuve. Lorsque le juge des faits évalue la preuve de cette manière, il ne rend pas de décision basée sur la crédibilité de la personne qui fournit la preuve; plutôt, le juge des faits déclare simplement que la preuve qui a été présentée n’a pas de valeur probante suffisante, soit en elle‑même, soit combinée aux autres éléments de preuve, pour établir, selon la prépondérance de la preuve, les faits pour lesquels elle est présentée. Selon moi, c’est l’analyse qu’a menée l’agent dans la présente affaire.

[77] À mon avis, il est possible de tirer la même conclusion en ce qui concerne l’évaluation, par la SI, de la dénégation catégorique du demandeur concernant les allégations du ministre, laquelle n’a pas une valeur probante suffisante pour établir, selon la prépondérance des probabilités, les faits qui réfutent les allégations.

[78] Le demandeur a aussi fait valoir que la SI n’avait pas tiré de conclusion explicite en matière de crédibilité lorsqu’elle a accepté le témoignage du capitaine Bui plutôt que son témoignage sous serment, dans lequel il réfutait chacune des allégations soulevées par le capitaine Bui.

[79] Le demandeur soutient que la question de la crédibilité de la personne en cause est primordiale lorsqu’il s’agit de tirer des conclusions d’appartenance à une organisation criminelle aux termes de l’alinéa 37(1)a) de la LIPR. Le demandeur se fonde sur la conclusion tirée par la Cour dans la décision Sittampalam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1211, selon laquelle le décideur avait correctement évalué la preuve puisqu’il avait tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité de la personne concernée : au para 30, confirmé dans l’arrêt Sittampalam (CAF). Le demandeur souligne que le capitaine Bui a déclaré, dans son témoignage, qu’il n’avait jamais eu de contact personnel avec lui.

[80] Le demandeur passe en revue les passages de son témoignage où il nie que les allégations découlant du témoignage du capitaine Bui, comme l’allégation selon laquelle il est un membre bien en vue du clan Bonavota en tant que comptable, ou qu’il entretient une relation avec Mme Capparotta, la fille d’un éminent membre de la Ndrangheta, sont liées à son appartenance à cette organisation. Le demandeur a affirmé qu’il n’avait jamais été comptable ou reçu une formation dans ce domaine, et que sa relation avec Mme Capparotta était due au fait qu’ils habitaient dans un petit village. Il reconnaît qu’il était loisible à la SI de rejeter son témoignage sous serment à cet égard au motif qu’il n’était pas crédible, mais soutient que son défaut de le faire crée des lacunes dans son raisonnement, lesquelles sont déraisonnables selon l’arrêt Vavilov (au para 96).

[81] À l’audience, le demandeur a fait valoir que le capitaine Bui n’avait pas participé à l’opération « Rinascita Scott », qui a donné lieu à l’arrestation de plus de 300 personnes, dont le demandeur, et que le mandat qui a conduit à son arrestation n’était pas compris dans le dossier. Le demandeur a fait valoir que le témoignage du capitaine Bui se résume à des allégations de faits en l’absence d’éléments de preuve à l’appui comme des bandes d’écoute électronique et des déclarations de témoins.

[82] Je conclus que l’observation du demandeur à cet égard n’est pas fondée, notamment en raison des divers motifs que j’ai déjà énoncés : les conclusions de la SI étaient étayées par une preuve non contestée, la SI a le droit de soupeser la preuve, et les affirmations du demandeur étaient insuffisantes pour établir les faits pour lesquels elles ont été formulées.

[83] De plus, le défendeur fait valoir que la SI avait le droit de prendre en compte le témoignage du capitaine Bui même si celui-ci n’a jamais rencontré le demandeur, et il a souligné que la SI avait expressément conclu (motifs à l’appui) que le témoignage du capitaine Bui était crédible et conforme à la preuve documentaire. Le défendeur soutient que, par ses arguments, le demandeur demande à la Cour de soupeser la preuve à nouveau. Je suis d’accord.

[84] Je conclus aussi que le demandeur a mal interprété la preuve. Par exemple, je fais remarquer que le capitaine Bui a précisé que le terme « comptable » fait essentiellement référence à une personne qui reçoit des directives du patron de la mafia.

[85] Je conclus que la SI a clairement exposé les motifs à l’appui de sa conclusion selon laquelle le capitaine Bui est un témoin crédible, et elle a souligné qu’il avait témoigné de manière spontanée, directe et crédible relativement à sa connaissance personnelle de l’enquête menée par son unité au sujet du demandeur. La SI fait observer que la déclaration solennelle du capitaine Bui et son témoignage renvoyaient aux rapports d’écoute électronique de la police, qui étaient joints en annexe à sa déclaration solennelle, mais qui n’ont pas été reproduits en raison de préoccupations liées aux coûts. La SI a aussi accepté le témoignage du capitaine Bui au sujet d’enquêtes qui n’avaient pas été entreprises par son service.

[86] À mon avis, la SI a raisonnablement évalué la preuve du capitaine Bui et reconnu les limites de celle-ci. Je ne vois donc aucune raison de modifier les conclusions de la SI.

D. La SI a-t-elle commis une erreur en n’effectuant pas d’analyse de l’équivalence relativement aux infractions criminelles que le demandeur aurait commises?

[87] Le demandeur soutient que le défaut de la SI d’effectuer une analyse de l’équivalence au moment d’appliquer l’alinéa 37(1)a) aux infractions commises à l’étranger constitue une lacune fatale qui rend sa décision déraisonnable. Le demandeur conteste le fait que la SI a simplement supposé que les éléments des infractions italiennes correspondaient à ceux du Code criminel, LRC 1985, c C-46 parce que leur nomenclature était semblable.

[88] Le demandeur soutient plutôt que la Cour aurait dû tenir compte du critère permettant d’établir l’équivalence des infractions criminelles énoncé dans l’arrêt Hill c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1987] ACF no 47 (CA).

[89] Je rejette l’argument du demandeur. Je conclus que la SI n’a pas commis d’erreur en ne procédant pas à une analyse de l’équivalence. Comme le fait remarquer le défendeur, la SI a expressément indiqué dans la décision que les accusations en instance contre le demandeur constitueraient des actes criminels au Canada.

[90] De plus, la jurisprudence confirme que la SI n’est pas toujours tenue d’effectuer une analyse de l’équivalence.

[91] Dans l’arrêt Lai c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CAF 21 [Lai], la Cour d’appel fédérale a confirmé la conclusion de la Cour selon laquelle il n’est pas toujours nécessaire de procéder à une analyse de l’équivalence aux fins de l’interdiction de territoire pour criminalité organisée. La Cour a expliqué que, « lorsque les infractions reprochées sont d’une gravité telle que, peu importe le pays, la plupart des nations civilisées auraient des lois pour condamner la conduite ainsi prohibée, il serait ridicule de s’attendre à ce qu’une preuve d’expert s’impose dans un tel cas » : Lai, au para 8. La CAF a fait remarquer ce qui suit au paragraphe 9 de ce même arrêt :

Quant à l’affaire dont il était saisi, le juge a conclu que le dossier dont disposait la Section de l’immigration « révèle une preuve abondante selon laquelle les triades à Macao se sont livrées à diverses activités que tout pays civilisé trouverait illégales et criminelles, notamment le meurtre commis de sang‑froid en public, l’extorsion, l’agression et plus encore. Une analyse distincte était donc inutile » (motifs, au paragraphe 25). Nous souscrivons à cette conclusion et sommes d’avis que celle‑ci est conforme à la jurisprudence de notre Cour.

[92] En l’espèce, la preuve dont la SI est saisie confirme que la Ndrangheta mène un large éventail d’activités criminelles, notamment les enlèvements, le trafic de drogues, le blanchiment d’argent, la corruption, le vol de biens publics, le vol qualifié, l’extorsion, le prêt usuraire, le trafic d’armes, la prostitution, les crimes contre l’environnement, les crimes électoraux et les actes de violence criminels, y compris le meurtre. Tel que la Cour d’appel fédérale l’a conclu dans l’arrêt Lai, bon nombre de ces crimes, sinon la plupart d’entre eux, seraient considérés comme « illég[aux] et criminel[s] » dans un pays civilisé comme le Canada. Je conclus que la SI n’était pas tenue d’effectuer une analyse de l’équivalence dans le cadre d’une affaire comme l’espèce.

E. La décision devrait-elle être annulée advenant que la SI ait commis une erreur relativement à un élément de preuve?

[93] Le demandeur fait référence au paragraphe 54 de la décision, où la SI a affirmé ce qui suit : « Aucun élément de preuve unique n’a été jugé déterminant pour ce qui est de démontrer que M. Cugliari est membre de l’organisation criminelle; les éléments de preuve ont plutôt été examinés dans leur ensemble. » Le demandeur se fonde sur le paragraphe 147 de la décision Demaria pour faire valoir que la décision dans son ensemble doit être annulée dans le cas où la SI a commis une erreur dans son évaluation d’un élément de preuve.

[94] À mon avis, le demandeur a sorti de son contexte l’observation présentée par le juge Russell dans la décision Demaria. Après avoir énoncé les conclusions tirées par le commissaire de la SI au sujet du demandeur dans cette affaire, le juge Russell a déclaré ce qui suit au paragraphe 71 de sa décision :

Il est important de souligner ici que l’« opinion » du commissaire ne repose pas sur des aspects séparés ou « fragmenté[s] » de la preuve, mais plutôt, comme il l’affirme, sur les éléments examinés selon « une vue d’ensemble ».

[95] Le juge Russell a ensuite analysé la décision du commissaire et a conclu que celui-ci s’était appuyé sur l’opinion de la police plutôt que sur des éléments de preuve (au para 79) :

Le dossier montre également qu’à des endroits clés de son témoignage, le détective Moore admet franchement qu’il n’a aucune preuve pour étayer certaines des opinions qu’il a formulées.

[96] J’ouvre une parenthèse pour mentionner que le capitaine Bui n’a pas fait un tel aveu en l’espèce.

[97] Le juge Russell a ensuite répondu aux préoccupations du demandeur concernant la preuve relative à une conversation interceptée, sur laquelle le commissaire s’était fondé, ainsi qu’un rapport en italien que le détective Moore n’avait jamais lu. Le juge Russell n’a toutefois pas accepté toutes les préoccupations du demandeur, et il a fait remarquer ce qui suit aux paragraphes 85 et 87 de sa décision :

[85] En dépit des critiques formulées par le demandeur, il ressort clairement de la décision que le commissaire ne se fonde pas uniquement sur le témoignage du détective Moore pour évaluer la conversation interceptée et l’article de journal.

[…]

[87] Comme l’indique clairement le commissaire, cette preuve n’est pas considérée isolément et, malgré les critiques du demandeur, il serait naïf de penser qu’elle n’aide pas, en quelque sorte, à établir un lien entre le demandeur et la ’Ndrangheta.

[98] Le juge Russell a poursuivi en présentant une analyse détaillée de la preuve avant de conclure que le commissaire ne pouvait pas simplement s’appuyer sur « des opinions vagues ou non fondées, même lorsqu’elles sont émises par des policiers d’expérience. Le problème vient du fait que le commissaire n’évalue pas les éléments de preuve de sources policières qui sous‑tendent ces opinions » : au para 122.

[99] Le juge Russell a relevé certains éléments de preuve permettant de nourrir de forts soupçons quant à la participation du demandeur au crime organisé, mais il a affirmé ce qui suit aux paragraphes 146 et 147 de sa décision :

[146] […] Toutefois, compte tenu des erreurs évidentes commises par le commissaire à l’égard d’autres éléments de preuve et du fait qu’il s’est fié à l’opinion non fondée des policiers, la question de savoir si ces éléments de preuve fournissent des faits suffisants pour dépasser les simples soupçons et prouver l’existence de motifs raisonnables de croire que le demandeur s’est livré au crime organisé constitue une toute autre question. Le commissaire semble croire que tel n’est pas le cas.

[147] En effet, dans la décision, le commissaire indique clairement que ce sont ces éléments de preuve examinés selon « une vue d’ensemble » et non « de façon fragmentée » (paragraphe 51) qui sous‑tendent sa conclusion finale selon laquelle le demandeur « est membre de la ’Ndrangheta à Toronto et qu’il y occupe un poste de haut niveau ».

[100] Par conséquent, contrairement à ce qu’affirme le demandeur, je conclus que la décision Demaria n’appuie pas la proposition selon laquelle la décision dans son ensemble doit être annulée advenant que la SI ait commis une erreur dans son traitement de la preuve, puisqu’elle est présumée s’être fondée sur la preuve [traduction] « dans son ensemble ». Dans la décision Demaria, la Cour a plutôt conclu que la SI avait commis plusieurs erreurs, notamment lorsqu’elle s’est appuyée sur l’opinion non fondée des policiers, et elle a annulé la décision pour ce motif. À mon avis, la SI n’a pas commis une telle erreur en l’espèce, et elle n’a pas commis d’autres erreurs dans son appréciation de la preuve hormis en ce qui concerne l’organigramme.

[101] De plus, bien que je convienne avec le demandeur que la SI n’a pas évalué la fiabilité de l’organigramme avant de l’admettre en preuve, j’ai déjà souligné qu’il n’était pas clair dans quelle mesure cette preuve avait été prise en compte dans l’évaluation globale de la SI quant à son appartenance à la Ndrangheta. La Cour a expliqué ce qui suit au paragraphe 21 de la décision Rinchen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 437 :

Je reconnais qu’une décision administrative ne doit pas forcément être parfaite et qu’une décision imparfaite comportant des erreurs sans importance peut tout de même être raisonnable si les autres parties de l’analyse du décideur sont valides et que les erreurs ne sont pas déterminantes quant à l’issue de la décision. Il est également vrai que la cour de révision a le pouvoir discrétionnaire de refuser d’accorder la réparation sollicitée par le demandeur au motif que l’erreur qu’aurait commise le décideur administratif est sans importance (Mines Alerte Canada c Canada (Pêches et Océans), 2010 CSC 2 [Mines Alerte] au para 52; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Patel, 2002 CAF 55 aux para 3‑6; Sutherland c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1212 au para 31). Toutefois, dans son analyse de l’importance d’une erreur, la cour de révision s’attarde au résultat de la décision administrative et doit examiner si le demandeur pouvait s’attendre à un autre résultat en l’absence de l’erreur […]

[102] Après avoir examiné la décision dans son ensemble, y compris tous les éléments de preuve présentés à la SI et son évaluation de la preuve, je conclus que l’omission de la SI d’évaluer la fiabilité de l’organigramme avant de l’admettre en preuve était sans importance. Je conclus que le demandeur ne pouvait pas s’attendre à ce que l’issue de l’affaire eût été différente en l’absence de cette erreur.

[103] Par conséquent, je conclus que l’erreur ne fait pas en sorte que la décision de la SI est déraisonnable dans son ensemble, et j’exerce mon pouvoir discrétionnaire de ne pas accorder la réparation sollicitée par le demandeur.

[104] Par conséquent, la décision SI, ainsi que la décision de l’ASFC qui en découle, est raisonnable.

IV. Conclusion

[105] Les demandes de contrôle judiciaire sont rejetées.

[106] Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT dans les dossiers IMM-9733-21 et IMM-9280-21

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. Les demandes de contrôle judiciaire sont rejetées.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Avvy Yao-Yao Go »

Juge


ANNEXE A

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LC 2001, c 27)
Immigration and Refugee Protection Act (SC 2001, c 27)

Interdictions de territoire

Inadmissibility

Interprétation

Rules of interpretation

33 Les faits — actes ou omissions — mentionnés aux articles 34 à 37 sont, sauf disposition contraire, appréciés sur la base de motifs raisonnables de croire qu’ils sont survenus, surviennent ou peuvent survenir.

33 The facts that constitute inadmissibility under sections 34 to 37 include facts arising from omissions and, unless otherwise provided, include facts for which there are reasonable grounds to believe that they have occurred, are occurring or may occur.

Activités de criminalité organisée

Organized criminality

37 (1) Emportent interdiction de territoire pour criminalité organisée les faits suivants :

37 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of organized criminality for

a) être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle se livre ou s’est livrée à des activités faisant partie d’un plan d’activités criminelles organisées par plusieurs personnes agissant de concert en vue de la perpétration d’une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation ou de la perpétration, hors du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une telle infraction, ou se livrer à des activités faisant partie d’un tel plan […]

(a) being a member of an organization that is believed on reasonable grounds to be or to have been engaged in activity that is part of a pattern of criminal activity planned and organized by a number of persons acting in concert in furtherance of the commission of an offence punishable under an Act of Parliament by way of indictment, or in furtherance of the commission of an offence outside Canada that, if committed in Canada, would constitute such an offence, or engaging in activity that is part of such a pattern…


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-9733-21

INTITULÉ :

DOMENICO CUGLIARI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION, LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

ET DOSSIER :

IMM-9280-21

INTITULÉ :

DOMENICO CUGLIARI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 JANVIER 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE GO

DATE DES MOTIFS :

LE 23 FÉVRIER 2023

COMPARUTIONS :

Ronald Poulton

POUR LE DEMANDEUR

Gregory George

POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ronald Poulton

Poulton Law

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

 

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