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Date : 20230217

Dossier : T-1542-12

Référence : 2023 CF 237

[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 17 février 2023

En présence de madame la juge McDonald

RECOURS COLLECTIF

ENTRE :

LE CHEF SHANE GOTTFRIEDSON, au nom de la

BANDE INDIENNE TK’EMLUPS TE SECWÉPEMC et la

BANDE INDIENNE TK’EMLUPS TE SECWÉPEMC, et

LE CHEF GARRY FESCHUK, au nom de BANDE INDIENNE SECHELTE et la BANDE INDIENNE SECHELTE

 

demandeurs

et

SA MAJESTÉ LE ROI DU CHEF DU CANADA

représentée par LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défenderesse

et

LA PREMIÈRE NATION DE SALT RIVER No 195

intervenante proposée

ORDONNANCE ET MOTIFS

VU LA REQUÊTE présentée par la Première Nation de Salt River no 195, l’intervenante proposée, en vue d’obtenir une ordonnance l’autorisant à intervenir dans l’audience relative au recours collectif et à l’approbation du règlement en l’espèce prévue pour le 27 février 2023;

ET APRÈS LECTURE de l’avis de requête, de l’affidavit de Brad Laviolette, fait sous serment le 13 février 2023, de l’affidavit de Kendra Schaefer-Bourke, fait sous serment le 13 février 2023, de l’affidavit d’Elizabeth Westwell, fait sous serment le 11 février 2023, et de l’affidavit de Caroline Douma, fait sous serment le 13 février 2023;

ET APRÈS LECTURE des observations écrites de la Première Nation de Salt River no 195;

ET APRÈS AVOIR ÉTÉ AVISÉE par les avocats que les demandeurs et la défenderesse s’opposent à la présente requête;

ET VU ma conclusion selon laquelle la présente requête doit être rejetée pour les motifs suivants :

[1] La présente instance a été autorisée comme recours collectif en 2015 (Gottfriedson c Canada, 2015 CF 706 [l’ordonnance d’autorisation]).

[2] L’ordonnance d’autorisation confirme, au paragraphe 3, que la procédure régissant les demandes présentées par le groupe des bandes reposait sur la notion d’adhésion :

La procédure de recours collectif [de la Cour fédérale] repose sur la notion de retrait plutôt que sur celle d’adhésion, mais les demandeurs proposent aussi que les bandes indiennes sur les terres desquelles se trouvaient les pensionnats puissent adhérer au recours.

[3] Le groupe des bandes est défini ainsi :

la bande indienne Tk’emlúps te Secwépemc et la bande shíshálh ainsi que toute autre bande indienne :

(i) qui compte ou comptait des membres du groupe des survivants ou au sein de laquelle se trouve ou se trouvait un pensionnat;

(ii) qui est explicitement ajoutée au présent recours collectif en lien avec un ou plusieurs pensionnats désignés expressément.

[4] Même si le recours collectif en cause ici est en instance depuis 2015 et que les bandes ont donc eu de nombreuses années pour choisir d’y adhérer, deux ordonnances récentes de la Cour ont porté précisément sur la capacité des bandes indiennes d’adhérer au recours collectif avant la clôture de la période d’adhésion.

[5] Tout d’abord, dans l’ordonnance du 8 février 2022, la période d’adhésion pour le groupe des bandes a été prolongée jusqu’au 31 mai 2022.

[6] Ensuite, dans l’ordonnance du 15 juin 2022, au paragraphe 1, la date de clôture de la période d’adhésion au groupe des bandes a encore une fois été repoussée, au 30 juin 2022.

[7] Ces deux ordonnances confirment que les avocats du groupe devaient prendre des mesures afin d’aviser du délai d’adhésion prolongé les bandes indiennes qui ne faisaient pas encore partie du groupe des bandes. Ils devaient notamment afficher la nouvelle date de clôture de la période d’adhésion sur les sites Web liés au recours collectif et envoyer un courriel à toutes les bandes indiennes connues des avocats du Canada et du groupe qui n’avaient pas encore décidé d’adhérer au recours collectif.

[8] Je suis convaincue que les avocats du groupe ont fait le nécessaire pour communiquer la prolongation des délais d’adhésion aux membres potentiels du groupe des bandes dans tout le Canada.

[9] Dans son avis de requête, la Première Nation de Salt River no 195 affirme qu’elle demande l’autorisation d’intervenir dans le recours collectif en cause ici en vertu de l’article 109 des Règles des cours fédérales, DORS/98-106. Toutefois, un examen des documents joints à la requête montre que la Première Nation de Salt River no 195 demande en fait l’autorisation d’adhérer au recours collectif. Il ressort clairement, après lecture des paragraphes 2(a), (b), (c) et (d) de l’avis de requête, que la Première Nation de Salt River no 195 cherche à être ajoutée au groupe des bandes.

[10] Cependant, la date fixée pour adhérer au recours collectif est passée.

[11] Au moment de l’autorisation du recours collectif relativement au groupe des bandes, en 2015, il était clair que la procédure reposait sur la notion de participation plutôt que sur celle de retrait.

[12] Étant donné que la Première Nation de Salt River no 195 n’a pas pris les mesures nécessaires pour adhérer au recours collectif avant l’échéance prorogée du 30 juin 2022, le délai pour ce faire est maintenant dépassé.

[13] Je vais me tourner brièvement vers la demande d’intervention.

[14] Dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c Conseil canadien pour les réfugiés, 2021 CAF 13 au para 6 [Conseil canadien], la Cour d’appel fédérale a établi le critère encadrant l’autorisation d’intervenir au titre de l’article 109 des Règles :

I. La personne qui se propose d’intervenir fournira d’autres observations, précisions et perspectives utiles qui aideront la Cour à se prononcer sur les questions juridiques soulevées par les parties à l’instance, et non sur de nouvelles questions. Pour déterminer l’utilité, il faut poser quatre questions :

a) Quelles sont les questions que les parties ont soulevées?

b) Quelles observations l’intervenant éventuel a-t-il l’intention de présenter concernant ces questions?

c) Les observations de l’intervenant éventuel sont-elles vouées à l’échec?

d) Les observations défendables de l’intervenant éventuel aideront-elles la Cour à trancher les véritables questions en jeu dans l’instance?

II. La personne qui se propose d’intervenir doit avoir un véritable intérêt dans l’affaire dont la Cour est saisie de façon à ce que la Cour puisse être certaine que la personne qui se propose d’intervenir a les connaissances, les compétences et les ressources nécessaires et qu’elle les appliquera à la question devant la Cour;

III. Il est dans l’intérêt de la justice que l’intervention soit autorisée.

[15] Étant donné que la Première Nation de Salt River no 195 ne fait pas partie du groupe des bandes, elle n’est pas directement visée par l’issue du recours collectif. De toute façon, je suis convaincue que les intérêts privés et publics soulevés par la Première Nation de Salt River no 195 seront adéquatement représentés à l’audience d’approbation du règlement par les 325 membres du groupe des bandes qui ont choisi d’adhérer au recours collectif.

[16] En outre, la Première Nation de Salt River no 195 propose de contester la validité du régime d’adhésion. Cette question n’a pas été soulevée par les parties en lien avec l’audience d’approbation du règlement. La seule question à trancher par la Cour dans cette audience est celle de savoir si la convention de règlement proposée est dans l’intérêt supérieur des membres du groupe des bandes.

[17] En dernier lieu, considérant que la demande d’intervention de la Première Nation de Salt River no 195 est présentée une fois le délai échu, il n’est pas dans l’intérêt de la justice que l’intervention soit autorisée. Le recours collectif en cause ici est en instance depuis 2015, et l’audience d’approbation du règlement est fixée aux dates suivantes : les 27 et 28 février ainsi que le 1er mars 2023. Les interventions tardives peuvent perturber le bon déroulement d’une affaire et causer un préjudice important aux parties (Conseil canadien, au para 21). Si la Première Nation de Salt River no 195 était autorisée à intervenir, elle aurait à présenter des observations, puis les parties seraient tenues de déposer une réponse en plus d’accomplir les autres préparatifs nécessaires pour l’audience d’approbation du règlement.

[18] Par contre, en déposant promptement sa requête, « l’intervenant éventuel montre qu’il surveille de près la sphère, qu’il s’y intéresse vivement et qu’il s’y consacre » (Conseil canadien, au para 21). Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale au paragraphe 22 de l’arrêt Conseil canadien :

L’intervention est un privilège accordé aux personnes compétentes et engagées qui contribueront réellement à trancher une véritable instance en cours. Les intervenants n’ont pas le droit de perturber les intérêts des personnes directement concernées par l’instance depuis le début, souvent à grands frais. Aucun intervenant n’est si important que la Cour l’autorisera à intervenir tardivement dans une instance, quel que soit le préjudice susceptible d’être causé à autrui ou à lui-même.

[19] Le fait d’autoriser l’intervention de la Première Nation de Salt River no 195 à ce stade-ci de l’instance perturberait le déroulement de l’affaire et pourrait porter préjudice aux intérêts des membres du groupe des bandes, dont certains participent au recours collectif depuis le début.

[20] De toute façon, je ne suis pas convaincue que la Première Nation de Salt River no 195 a fourni une explication raisonnable pour justifier son retard dans la présente affaire. Comme je l’ai précisé, les avocats du groupe ont déployé d’énormes efforts pour communiquer avec toutes les bandes indiennes connues des avocats du Canada et du groupe. En outre, les médias ont abondamment parlé du recours collectif en cause.

[21] Je ne suis pas convaincue que la Première Nation de Salt River no 195 peut expliquer de façon justifiable pourquoi elle présente sa demande d’adhésion au recours collectif à la veille de l’audience d’approbation du règlement.

[22] La demande de la Première Nation de Salt River no 195 en vue d’être autorisée à intervenir est rejetée.


 

ORDONNANCE DANS LE DOSSIER T-1542-12

LA COUR ORDONNE le rejet de la requête.

 

« Ann Marie McDonald »

En blanc

Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Corbeil

 

COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

T-1542-12

 

INTITULÉ :

LE CHEF SHANE GOTTFRIEDSON, au nom de la BANDE INDIENNE TK’EMLUPS TE SECWÉPEMC et la BANDE INDIENNE TK’EMLUPS TE SECWÉPEMC, et LE CHEF GARRY FESCHUK, au nom de la BANDE INDIENNE SECHELTE et la BANDE INDIENNE SECHELTE c SA MAJESTÉ LE ROI DU CHEF DU CANADA, représentée par LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR ÉCRIT EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO), CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE MCDONALD

 

DATE DES MOTIFS :

LE 17 février 2023

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

K. Colleen Verville, c.r.

Dale C. Lysak

POUR L’INTERVENANTE PROPOSÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Peter Grant Law

Avocats

Vancouver (C.-B.)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Diane Soroka Avocate Inc.

Avocats

Westmount (Québec)

 

 

Waddell Phillips

Société professionnelle

Toronto (Ontario)

 

 


 

Procureur général du Canada

Vancouver (C.-B.)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

MLT Aikins LLP

Edmonton (Alberta)

POUR L’INTERVENANTE PROPOSÉE

 

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