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Date : 20230220


Dossier : IMM-8145-21

Référence : 2023 CF 245

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 20 février 2023

En présence de madame la juge Pallotta

ENTRE :

GBENGA LANREWAJU STEPHEN ODERINDE

OLUFUNKE FATIMA ODERINDE

OREOFE CROWTHER ODERINDE

IDUNNU GREATNESS ODERINDE

AYOOLUWALEY AWESOME ODERINDE

 

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Les demandeurs, une famille du Nigéria, ont demandé l’asile à leur arrivée au Canada au motif qu’ils craignaient de subir de la persécution ou un préjudice de la part des membres de leur famille élargie, qui s’opposent à leur conversion de l’islam au christianisme. Dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, les demandeurs contestent la décision par laquelle la Section d’appel des réfugiés (la SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté leur appel et a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) portant qu’ils n’étaient ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

[2] La SAR a rejeté l’appel des demandeurs principalement pour des motifs de crédibilité. Elle a également conclu que les demandeurs n’avaient pas établi que leurs agents de persécution étaient toujours motivés à leur causer un préjudice.

[3] Les demandeurs font valoir que la décision de la SAR est déraisonnable. Selon eux, la SAR a eu tort de douter de leur crédibilité en employant une approche qui ne tenait pas compte d’éléments de preuve corroborants importants et en s’appuyant sur des incohérences mineures pour rejeter un témoignage sous serment, sans fournir de motifs concrets. Les demandeurs affirment que l’approche employée par la SAR a entaché son appréciation de la preuve, selon laquelle les agents de persécution étaient très motivés à les punir pour apostasie.

[4] Pour les motifs qui suivent, je conclus que les demandeurs n’ont pas établi que la décision de la SAR est déraisonnable. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

II. Question en litige et norme de contrôle applicable

[5] La seule question en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si la décision de la SAR est déraisonnable compte tenu des erreurs que celle‑ci aurait commises dans son évaluation de la crédibilité des demandeurs et de la motivation de leurs agents de persécution.

[6] Le caractère raisonnable de la décision de la SAR est susceptible de contrôle selon les principes directeurs énoncés dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]. La norme de la décision raisonnable commande un contrôle empreint de déférence, mais rigoureux : Vavilov, aux para 12‑13, 75 et 85. Lorsqu’elle procède à un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la cour de révision détermine si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité : Vavilov, au para 99. Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti : Vavilov, au para 85. Il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable : Vavilov, au para 100.

III. Contexte

[7] M. Gbenga Lanrewaju Stephen Oderinde, son épouse Olufunke Fatima Oderinde et deux de leurs enfants sont citoyens du Nigéria. Le plus jeune enfant du couple est né après que la famille a fui le Nigéria et est citoyen des États‑Unis.

[8] M. et Mme Oderinde se sont convertis au christianisme. Après la naissance de leur premier enfant, la famille élargie de M. Oderinde s’est rendu compte que ce dernier avait changé de confession. Le père de M. Oderinde, un imam, et son oncle, un cheikh haut placé, étaient furieux de la décision de M. Oderinde et de son refus de redevenir un fidèle de l’islam. M. Oderinde affirme que son père et son oncle l’ont menacé en lui disant qu’il subirait le même sort que sa sœur et que son cousin en raison de sa conversion au christianisme. Les demandeurs croient que le père et l’oncle de M. Oderinde sont à l’origine d’un accident de voiture qui a causé la mort de la sœur de M. Oderinde ainsi que de la mystérieuse disparition du cousin de M. Oderinde, événements qui seraient survenus après leur conversion au christianisme.

[9] Les demandeurs affirment qu’il y a eu introduction par effraction à leur domicile en octobre 2013, mais que, curieusement, rien n’a été volé. Les demandeurs ont déménagé dans une autre ville et ont appris par d’anciens voisins que des membres de la famille de M. Oderinde les recherchaient et avaient menacé un voisin, qui refusait de révéler l’endroit où ils se trouvaient. Les demandeurs affirment qu’ils ont été retrouvés en octobre 2015, moment où un autre oncle de M. Oderinde a confronté Mme Oderinde à leur nouveau domicile pendant que ce dernier était en voyage d’affaires. L’oncle aurait proféré des menaces de mort contre M. Oderinde pour avoir fait honte à sa famille.

[10] Après cet événement, les demandeurs ont commencé à planifier leur départ du Nigéria. Ils ont présenté des demandes de visa états‑unien, mais celles‑ci ont été rejetées.

[11] M. Oderinde affirme avoir été enlevé sous la menace d’une arme à feu en février 2016 par trois hommes qu’il n’a pas reconnus, qui lui ont bandé les yeux et qui l’ont emmené dans un endroit où il a été détenu. M. Oderinde soutient que, lorsqu’on lui a retiré son bandeau, il a vu son père, son oncle et d’autres guides religieux musulmans. Il affirme qu’on l’a enchaîné et qu’on a menacé de le tuer s’il n’acceptait pas de se convertir immédiatement à l’islam. M. Oderinde affirme avoir été gardé en captivité pendant trois semaines avant de réussir à s’échapper.

[12] Mme Oderinde dit avoir signalé la disparition de son époux à la police et être retournée voir les policiers accompagnée de celui‑ci après qu’il a réussi à s’échapper. Selon M. et Mme Oderinde, la police a procédé à des arrestations le lendemain, mais a relâché les hommes quelques jours plus tard. Ils croient que la police a agi ainsi parce que l’oncle de M. Oderinde est très influent.

[13] M. et Mme Oderinde ont décidé de se rendre au Kenya avec leurs enfants afin d’établir des antécédents de déplacements avant de présenter de nouvelles demandes de visa états‑unien. À leur retour du Kenya, ils ont présenté de nouvelles demandes et ont obtenu des visas en août 2016, mais n’ont pas quitté le Nigéria immédiatement, car ils devaient économiser.

[14] Selon les demandeurs, en septembre 2016, la voiture familiale a été intentionnellement emboutie par l’arrière et poussée hors de la route. Les demandeurs ont réservé des vols à destination de New York le mois suivant et sont arrivés aux États‑Unis le 25 décembre 2016.

[15] Les demandeurs affirment qu’ils avaient l’intention de demander l’asile aux États‑Unis. Toutefois, comme ils craignaient que leur demande d’asile soit rejetée compte tenu des politiques d’immigration états‑uniennes, ils ont plutôt suivi les conseils d’amis, qui ont suggéré au couple de divorcer afin que M. Oderinde épouse une États‑Unienne qui le parrainerait, ses enfants et lui. Le plan a échoué lorsque les autorités de l’immigration ont commencé à se douter que le nouveau mariage de M. Oderinde était frauduleux. Les demandeurs sont arrivés au Canada en décembre 2019 et ont demandé l’asile.

IV. Analyse

A. La SAR a‑t‑elle commis une erreur en mettant en doute la crédibilité des demandeurs?

[16] Les demandeurs font valoir que la SAR a commis une erreur en s’appuyant sur des incohérences discutables portant sur des éléments mineurs pour mettre en doute leur crédibilité globale et conclure que leur récit n’était pas crédible. Les incohérences en question sont les suivantes :

  1. Une incohérence entre le témoignage de M. Oderinde, dans lequel il a déclaré que ses ravisseurs lui avaient apporté de la nourriture le premier jour de sa captivité, après les prières du matin, et le formulaire de fondement de la demande d’asile, dans lequel il a affirmé que ses ravisseurs ne l’avaient pas nourri pendant les quatre premiers jours. Les demandeurs soutiennent qu’il s’agit d’un détail mineur qui s’explique facilement par la faillibilité de la mémoire humaine, surtout dans un contexte de torture (Niyongira c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 911 [Niyongira] au para 16) et dans la situation de M. Oderinde, qui a été enlevé, enchaîné et forcé de se reconvertir à l’islam sous peine d’être tué.

  2. Une incohérence entre le témoignage de Mme Oderinde, dans lequel elle a déclaré ne pas être entrée dans les détails au sujet de la famille de M. Oderinde et ne pas avoir dit si elle soupçonnait le père ou l’oncle de M. Oderinde d’être à l’origine de la disparition lorsqu’elle a fait le signalement à la police, et le rapport de police, selon lequel elle a affirmé, dans son récit des événements, que son époux avait été menacé par sa famille pour s’être converti au christianisme et qu’elle soupçonnait qu’il avait été enlevé. Les demandeurs admettent qu’il s’agit d’une incohérence, mais ils soutiennent qu’il serait déraisonnable qu’une seule véritable incohérence nuise à leur crédibilité compte tenu des autres motifs déraisonnables invoqués par la SAR pour mettre en doute leur crédibilité.

  3. Une incohérence entre le témoignage de Mme Oderinde, dans lequel elle a affirmé que la police avait emmené M. Oderinde à Ibadan et avait arrêté le père et les oncles de M. Oderinde le lendemain du jour où elle et son époux lui avaient signalé l’enlèvement, et la déclaration qu’elle a faite à son psychothérapeute, selon laquelle son époux et elle « [étaient] allés voir la police pour déposer une plainte officielle; cependant, la police a[vait] refusé de recueillir leur plainte, car elle ne s’opposera[it] jamais aux militants religieux musulmans ». Les demandeurs soutiennent que l’affirmation portant que « la police a[vait] refusé de recueillir leur plainte » était simplement un raccourci de langage qui, en réalité, ne contredit pas le témoignage de Mme Oderinde. Ils affirment que les attentes de la SAR concernant le contenu du rapport du thérapeute étaient fondées sur des conjectures, et que celle‑ci avait fait preuve d’un zèle excessif pour trouver des incohérences.

[17] De plus, les demandeurs font valoir que la SAR a commis une erreur en n’accordant aucun poids à la lettre d’un policier ayant supervisé l’enquête sur l’enlèvement de M. Oderinde au motif que la lettre n’avait pas été rédigée sur du papier à en‑tête de la police, que la signature sur la lettre ne correspondait pas à la signature du policier sur sa pièce d’identité, et que le nom du policier ne figurait nulle part dans les rapports de police. Les demandeurs soutiennent que la SAR ne s’est pas penchée sur leur argument selon lequel il était déraisonnable pour la SPR de s’attendre à ce qu’une lettre traitant de l’échec d’une enquête policière soit rédigée sur du papier à en-tête officiel de la police. Ils soutiennent également que la SAR a présumé que la signature figurant sur la pièce d’identité du policier devait être celle du porteur plutôt que celle de la personne autorisée à délivrer le document et que les noms de tous les policiers ayant participé à l’enquête devaient figurer dans les rapports de police.

[18] Enfin, les demandeurs font valoir que la SAR a eu tort de mettre en doute leur crédibilité au motif qu’ils n’avaient pas demandé l’asile au Kenya et qu’ils avaient tardé à quitter le Nigéria. Ils affirment que leur séjour au Kenya faisait partie de leur plan visant ultimement à fuir le Nigéria et qu’il était très arbitraire pour la SAR de présumer qu’ils auraient modifié leur plan en cours s’ils avaient réellement craint d’être persécutés. Les demandeurs affirment également avoir raisonnablement expliqué pourquoi ils avaient tardé à quitter le Nigéria : les billets d’avion étaient chers et ils devaient économiser pour subvenir à leurs besoins. Ils font valoir qu’il était particulièrement déraisonnable pour la SAR de s’appuyer sur le fait qu’une période de deux mois et demi s’était écoulée entre la date d’achat des billets d’avion et la date de leur départ, étant donné que la SPR ne leur avait pas précisément posé de questions à ce sujet à l’audience et que, dans tous les cas, le fait qu’ils avaient besoin d’argent pour subvenir à leurs besoins une fois aux États‑Unis justifiait raisonnablement cette période. Les demandeurs renvoient à des décisions dans lesquelles la Cour a exprimé des doutes sur la question de savoir si le défaut de demander l’asile lors d’un passage dans un autre pays indiquait une absence de crainte subjective : Tung c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] ACF no 292 (CAF) [Tung]; Ahani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] ACF no 5 (CF 1re inst) [Ahani]; Soueidan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 956 [Soueidan]. Ils soutiennent également que la SAR s’est fondée sur des conclusions d’invraisemblance alors que leurs explications n’étaient pas manifestement invraisemblables : Sheikh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2000 CanLII 15200 (CF) au para 23.

[19] Je ne suis pas convaincue que la SAR a commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu’elle a tiré ses conclusions sur la crédibilité des demandeurs. Elle ne s’est pas fondée sur des incohérences mineures ni sur des incohérences secondaires dans le cadre de la demande d’asile des demandeurs, et a expliqué que c’était les incohérences dans leur ensemble qui minaient la crédibilité de ces derniers.

[20] À mon avis, l’affaire Niyongira se distingue de l’espèce. Dans cette affaire, la Cour a conclu que la SAR avait porté son attention sur des détails secondaires et n’avait pas tâché de savoir si la torture subie par le demandeur avait influé sur la manière dont il avait témoigné. La Cour a conclu que la SAR avait pu avoir des raisons de douter des prétentions du demandeur, mais que le raisonnement de celle‑ci ne faisait pas le poids face à un examen rigoureux; en d’autres mots, la décision pouvait être justifiable, mais la SAR ne l’avait pas justifiée au moyen des motifs. En l’espèce, la SAR ne s’est pas appuyée sur des détails secondaires, et les motifs qu’elle a formulés justifient sa conclusion générale défavorable à l’égard de la crédibilité des demandeurs.

[21] La SAR a conclu que la privation de nourriture était un élément essentiel du récit de M. Oderinde selon lequel il avait été détenu et maltraité, et que l’incohérence quant à la durée de cette privation de nourriture était importante. Dans sa décision, la SPR a pris acte du témoignage de M. Oderinde sur les traitements qu’il avait subis pendant sa captivité, à savoir qu’il avait été enchaîné et forcé à boire une préparation et qu’il s’était fait raser la tête. M. Oderinde a déclaré qu’il n’avait pas été battu et que les mauvais traitements qu’il avait subis étaient la torture mentale décrite. La privation de nourriture était un aspect clé des allégations formulées par M. Oderinde relativement aux mauvais traitements subis durant sa captivité et, à mon avis, il était loisible à la SAR de conclure que l’incohérence à cet égard était importante.

[22] Je ne suis pas convaincue qu’il était déraisonnable pour la SAR de conclure que le témoignage de Mme Oderinde contredisait des déclarations que celle-ci avait faites à son psychothérapeute. La principale réserve de la SAR concernait l’écart entre le témoignage de Mme Oderinde et la preuve documentaire. À cet égard, la SAR a fait remarquer la différence entre le témoignage de Mme Oderinde concernant le récit qu’elle avait rapporté à la police et les détails de son récit consignés dans le rapport de police. Les demandeurs ont admis qu’il s’agissait là d’une véritable incohérence. La conclusion de la SAR selon laquelle le témoignage de Mme Oderinde contredisait ce que cette dernière avait dit à son psychothérapeute constituait une incohérence supplémentaire liée au même événement.

[23] En ce qui concerne la lettre du policier, les demandeurs ont fait valoir dans leur mémoire écrit que le policier avait peut‑être choisi sciemment de ne pas utiliser le papier à en‑tête officiel et d’employer une autre signature afin de montrer que la lettre était de nature personnelle, étant donné qu’il y dénonçait les pratiques du service de police. À mon avis, il s’agit de conjectures qui ne permettent pas d’établir que la SAR a commis une erreur susceptible de contrôle dans son analyse. La lettre n’est pas de nature personnelle. Elle indique expressément les renseignements d’identification du policier et l’adresse du quartier général du service de police, et mentionne que le policier était chargé de l’enquête sur l’enlèvement qui s’était produit en février 2016. La lettre est datée du 18 février 2020, soit la même date que celle de l’extrait du registre des crimes qui contient, sur du papier à en‑tête de la police, le récit rapporté par M. et de Mme Oderinde au sujet de l’enlèvement de février 2016. À mon avis, les demandeurs n’ont pas établi qu’il était déraisonnable pour la SAR de se demander pourquoi la lettre du policier n’avait pas été rédigée sur du papier à en‑tête de la police.

[24] À l’audience, les demandeurs ont fait valoir qu’il était déraisonnable pour la SAR de supposer que la signature sur la pièce d’identité du policier était celle de ce dernier. Les demandeurs n’ont pas présenté d’éléments de preuve permettant d’établir que la signature sur la pièce d’identité est en fait celle d’une autre personne; toutefois, même si la SAR avait commis une erreur en supposant que la signature sur la pièce d’identité était celle du policier, je ne suis pas convaincue que cette erreur aurait constitué une lacune rendant sa décision déraisonnable.

[25] Le contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable nécessite d’examiner la décision contestée dans son ensemble et ne constitue pas une « une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur » : Vavilov, aux para 99, 102. Avant de pouvoir infirmer une décision au motif qu’elle est déraisonnable, la cour de révision doit être convaincue que les lacunes invoquées sont suffisamment capitales ou importantes pour rendre la décision déraisonnable : Vavilov, au para 100. Comme je le fais remarquer plus haut, la SAR a conclu que les incohérences dans la preuve des demandeurs minaient leur crédibilité. La lettre du policier a été présentée pour corroborer le témoignage de M. Oderinde concernant son enlèvement et, à mon avis, les demandeurs n’ont pas démontré que la SAR avait commis une erreur en ne lui accordant aucun poids à titre d’élément de preuve à l’appui des allégations de M. Oderinde. Les décisions de la SAR concernant le poids qu’elle accorde aux éléments de preuve sont des conclusions de fait qui relèvent de sa compétence et qui ne devraient être modifiées que dans des circonstances exceptionnelles : Vavilov, au para 125.

[26] Je ne suis pas convaincue que la SAR a eu tort de conclure que le défaut de présenter une demande d’asile au Kenya et le départ tardif du Nigéria avaient miné la crédibilité des demandeurs, notamment à l’égard de leur crainte subjective. Je ne suis pas d’accord avec les demandeurs pour dire qu’ils avaient pleinement mis en œuvre leur plan de fuite lorsqu’ils s’étaient rendus au Kenya plusieurs mois avant d’obtenir des visas états‑uniens. À mon avis, les affaires Tung, Ahani et Soueidan se distinguent de l’espèce parce que les demandeurs n’avaient pas pour destination finale les États‑Unis lorsqu’ils se sont rendus au Kenya. Les demandeurs sont rentrés au Nigéria après leur séjour au Kenya et ont toujours eu l’intention d’y retourner. La SAR a fait remarquer que les demandeurs étaient retournés à leur résidence, que connaissaient le père et l’oncle de M. Oderinde et où ce dernier avait été enlevé, et qu’ils y étaient restés huit mois avant de partir pour les États‑Unis. Le dossier et les motifs de la SAR appuient raisonnablement sa conclusion selon laquelle les demandeurs n’avaient aucune crainte subjective puisqu’ils n’avaient pas demandé l’asile au Kenya et avaient tardé à quitter le Nigéria.

[27] Comme les demandeurs admettent que la conclusion générale de la SAR sur leur crédibilité suffirait à rejeter leur demande si elle était confirmée, il n’est pas nécessaire que je me penche sur leurs autres observations.

V. Conclusion

[28] Pour conclure, les demandeurs n’ont pas établi que la décision de la SAR est déraisonnable. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[29] Aucune partie n’a proposé de question à certifier, et je conviens que la présente affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-8145-21

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Christine M. Pallotta »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-8145-21

INTITULÉ :

GBENGA LANREWAJU STEPHEN ODERINDE, OLUFUNKE FATIMA ODERINDE, OREOFE CROWTHER ODERINDE, IDUNNU GREATNESS ODERINDE, AYOOLUWALEY AWESOME ODERINDE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 5 OCTOBRE 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE PALLOTTA

DATE DES MOTIFS :

LE 20 FÉVRIER 2023

COMPARUTIONS :

Adam Wawrzkiewicz

POUR LES DEMANDEURS

Nur Muhammed‑Ally

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lewis & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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