Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20230210

Dossier : IMM-548-22

Référence : 2023 CF 196

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 10 février 2023

En présence de monsieur le juge Pentney

ENTRE:

DINGSHAN ZHENG

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le demandeur, Dingshan Zheng, affirme qu’il a fui la Chine afin de pouvoir pratiquer le Falun Gong à l’abri de la persécution du gouvernement. Il sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a refusé de faire droit à l’appel qu’il avait interjeté à l’encontre de la décision de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de rejeter sa demande d’asile.

[2] La SPR et la SAR ont conclu que l’allégation du demandeur selon laquelle il était un adepte du Falun Gong manquait de crédibilité. Dans les deux décisions, il y avait trois raisons de douter de la crédibilité du demandeur : (i) son témoignage incohérent sur la façon dont il avait commencé à pratiquer le Falun Gong et, en particulier, sur la façon dont son épouse en était venue à accepter sa pratique, étant donné les risques pour les adeptes du Falun Gong en Chine; (ii) son incapacité à décrire ce que la pratique signifiait pour lui et le fait qu’il ne pouvait que réciter certains éléments du texte qu’il a lu, combinés au fait qu’il ne pouvait nommer qu’un seul autre membre du groupe avec lequel il disait avoir pratiqué quotidiennement au Canada pendant deux ans et demi; et (iii) l’incohérence entre l’exposé circonstancié de son formulaire Fondement de la demande et son témoignage concernant le moment où son passeport a été photocopié, l’absence de passeport et son arrivée au Canada.

[3] La SAR a examiné en détail chacun des arguments du demandeur sur ces points et a conclu que la SPR n’avait pas commis d’erreur dans son évaluation de la crédibilité. La SAR a jugé que le début de la pratique du Falun Gong par le demandeur était un moment crucial, étant donné que son épouse et lui savaient que cela était interdit en Chine. Par conséquent, elle a conclu que le défaut du demandeur de raconter de façon cohérente qui avait persuadé son épouse d’accepter qu’il pratique le Falun Gong avait miné sa crédibilité. De même, elle a souscrit à la conclusion de la SPR selon laquelle, même si le demandeur connaissait la doctrine et les pratiques du Falun Gong, une connaissance qu’il a affirmé avoir acquise en lisant un texte, son incapacité à décrire ce que cela signifiait pour lui personnellement ou comment cela l’avait aidé dans sa vie jetait un doute sur l’authenticité de sa croyance. La SAR a également conclu que le témoignage du demandeur selon lequel il avait pratiqué quotidiennement et avait assisté à des séances d’étude chaque semaine avec le même groupe au Canada était remis en question par son incapacité à nommer plus d’un autre membre de ce groupe. Selon la SAR, cela a également miné sa crédibilité.

[4] Enfin, la SAR a convenu avec la SPR que la crédibilité du demandeur était compromise par l’incohérence du récit de son arrivée au Canada et de la disparition de son passeport. Le demandeur a produit une photocopie de certaines parties de son passeport chinois, affirmant que le passeur qui l’avait fait entrer clandestinement au Canada avait pris son passeport original après leur arrivée, mais que celui-ci avait fait une copie de quelques pages une fois rendu en sol canadien.

[5] Le problème pour le demandeur est que la copie de la page qu’il a produite montrait son visa canadien, mais aucun timbre confirmant son entrée au Canada. Le demandeur a reconnu qu’il s’était trompé quant au moment où la copie avait été faite, mais la SAR a conclu que cette erreur avait miné la crédibilité de son allégation selon laquelle il avait eu recours aux services d’un passeur pour fuir la Chine parce qu’il craignait les autorités.

[6] De plus, la SAR n’a pas tenu compte de la preuve documentaire produite par le demandeur parce qu’elle n’était pas suffisante pour réfuter les conclusions défavorables en matière de crédibilité. Elle a également rejeté l’argument du demandeur concernant sa demande d’asile sur place et a souscrit à la conclusion de la SPR selon laquelle le demandeur n’avait pas réussi à établir une telle demande.

[7] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision de la SAR.

[8] La seule question à trancher est celle de savoir si la décision de la SAR est raisonnable selon le cadre établi dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] (voir Apena c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 91 au para 30).

[9] La question déterminante en l’espèce est de savoir si les conclusions de la SAR en matière de crédibilité sont raisonnables, c’est-à-dire si elles sont fondées sur la preuve et expliquées de façon adéquate.

[10] Les arguments du demandeur ne me convainquent pas. La décision est raisonnable.

[11] Le demandeur reprend en grande partie les arguments qu’il a avancés en vain devant la SAR. En résumé, il soulève les points suivants :

  1. La conclusion que la SPR a tirée quant à la crédibilité de la preuve relative au consentement de l’épouse à ce que le demandeur pratique le Falun Gong est déraisonnable.

  2. Le fait que la SPR a exigé du demandeur qu’il fournisse une explication ésotérique des raisons pour lesquelles il avait adhéré au Falun Gong est également déraisonnable.

  3. La SPR a commis une erreur en concluant que l’incapacité du demandeur à donner le nom des membres du groupe de pratique quotidienne minait sa crédibilité, puisque le demandeur connaissait la doctrine du Falun Gong.

  4. La SPR a accordé trop d’importance à la conclusion relative au passeport; en particulier, elle a confondu le moment où le passeur avait « fait » une copie du passeport du demandeur avec le moment où il lui avait « donné » une copie.

[12] Bien que, dans ses observations, le demandeur se soit référé presque exclusivement à la transcription de l’audience devant la SPR et à la décision qui en a résulté, il affirme que ses arguments s’appliquent également à la décision de la SAR, puisqu’il s’agit d’une [traduction] « copie conforme » de la décision de la SPR.

[13] Je ne puis conclure que l’un des arguments qui précèdent justifie l’annulation de la décision. La SAR a examiné attentivement et en profondeur les arguments du demandeur au sujet des erreurs qu’il prétend que la SPR a commises dans l’évaluation des trois points mentionnés plus haut. La SAR a expliqué pourquoi elle rejetait ces arguments, en des termes clairs et logiques. Même si la SAR n’a pas souscrit à quelques-unes des conclusions de la SPR, elle a approuvé en grande partie ses conclusions de fond en matière de crédibilité.

[14] Par conséquent, la SAR a raisonnablement conclu que les origines de la pratique alléguée du Falun Gong par le demandeur constituaient un moment crucial de son récit et que les incohérences dans son témoignage au sujet de cette période importante minaient sa crédibilité. En outre, elle a raisonnablement conclu que même si le demandeur était capable de mémoriser certains enseignements et certains points de doctrine du Falun Gong, il n’était pas en mesure d’expliquer ce que la pratique signifiait dans sa vie, ce qui jetait un doute sur l’authenticité de sa croyance. La SAR a aussi raisonnablement évalué l’incapacité du demandeur à nommer plus d’un membre du groupe avec lequel il a déclaré avoir pratiqué quotidiennement au Canada pendant plus de deux ans.

[15] Je conclus également que le traitement, par la SAR, de la preuve documentaire et de la demande sur place est raisonnable.

[16] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[17] Il n’y a pas de question de portée générale à certifier.


JUGEMENT dans le dossier IMM-548-22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a pas de question de portée générale à certifier.

« William F. Pentney »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-548-22

INTITULÉ :

DINGSHAN ZHENG c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario) (et par vidéoconférence)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 février 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PENTNEY

DATE DES MOTIFS :

LE 10 février 2023

COMPARUTIONS :

Leonard Borenstein

Pour le demandeur

Pavel Filatov

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Leonard Borenstein

Avocat

Toronto (Ontario)

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.