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Date : 20230209


Dossier : IMM-1961-22

Référence : 2023 CF 194

Ottawa (Ontario), le 9 février 2023

En présence de monsieur le juge Sébastien Grammond

ENTRE :

ALEKSANDRA SAVIT

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Mme Savit sollicite le contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel des réfugiés [SAR] qui a rejeté sa demande d’asile. Elle soutient que la SAR a violé l’équité procédurale en se prononçant sur des questions que la Section de la protection des réfugiés [SPR] n’avait pas abordées. Je rejette sa demande. Dans un cas, la SAR a donné un avis de son intention et la prétendue nouvelle question découlait de la réponse de Mme Savit à cet avis. Dans les autres cas, les questions abordées par la SAR ne sont pas véritablement nouvelles, puisqu’elles étaient directement liées aux motifs de la SPR.

I. Contexte

[2] Mme Savit est citoyenne de la Russie. En août 2017, elle est venue au Canada et y a demandé l’asile en se fondant sur les faits suivants qui se sont déroulés en février 2017. Elle participait à une fête dans un restaurant avec des collègues de travail. Alors qu’elle était sortie fumer en compagnie d’une collègue nommée Ekaterina, elle a été témoin d’une agression. Elle a appris plus tard que l’une des victimes serait décédée de ses blessures. Elle a été convoquée au poste de police et a donné sa version des faits. Au poste de police, elle a reconnu l’un des agresseurs, qui se comportait comme s’il était en position d’autorité par rapport aux policiers qui étaient présents. Dans les jours suivants, un inconnu s’est présenté chez elle pour la menacer et lui demander de retirer sa déposition. Sa collègue Ekaterina, qui a aussi donné une déposition, est disparue au cours des jours suivants. On a retrouvé son cadavre quelques mois plus tard.

[3] Le mari et les deux enfants de Mme Savit sont demeurés en Russie et sont déménagés dans une autre ville. En août ou en septembre 2019, deux inconnus auraient questionné agressivement le mari pour savoir où Mme Savit se trouvait. Leur fils aurait été blessé au bras lors de cet incident. En octobre 2019, le mari et les deux enfants ont quitté la Russie pour se rendre aux États-Unis, puis au Canada, où ils ont demandé l’asile.

[4] La SPR a rejeté la demande d’asile de Mme Savit, de son mari et de leurs enfants en raison de l’existence d’une possibilité de refuge interne [PRI] à Vladivostok. Elle a accepté le fait que Mme Savit avait été témoin d’un acte criminel et qu’elle avait été harcelée et menacée afin qu’elle retire sa déclaration à la police. Cependant, la SPR a affirmé que rien ne démontrait que les criminels qui pourchassaient Mme Savit était associés à la police ou auraient accès aux banques de données de la police afin de la retrouver. Bien que la SPR eût cru qu’Ekaterina était décédée, elle a conclu que rien ne permettait d’associer sa mort à l’événement dont elle et Mme Savit ont été témoins. Enfin, la SPR a noté des contradictions importantes dans le témoignage du mari de Mme Savit concernant l’incident d’août ou de septembre 2019. Pour ces raisons, la SPR a conclu que Mme Savit disposait d’une PRI à Vladivostok, puisque les personnes qui la recherchaient n’auraient pas les moyens de l’y retrouver.

[5] En raison des circonstances de l’arrivée des différents membres de la famille au Canada, seule Mme Savit disposait d’un droit d’appel à la SAR. En appel, Mme Savit soutenait notamment que la SPR avait erré en refusant de reconnaître que l’homme qui avait participé au crime et qu’elle avait revu au poste de police était lui-même un policier ou qu’il avait des liens avec la police. Elle affirmait également qu’en raison de l’omniprésence de la corruption en Russie, les criminels n’auraient aucun mal à soudoyer la police afin d’obtenir des informations leur permettant de retracer Mme Savit.

[6] Avant de trancher l’affaire, la SAR a avisé Mme Savit de son intention de traiter de questions qui n’avaient pas été abordées par la SPR. La SAR a demandé à Mme Savit d’expliquer les incohérences entre son formulaire de fondement du droit d’asile [FDA] et son témoignage concernant la rencontre de l’homme au poste de police. La SAR a relevé le fait que dans son FDA initial et son témoignage, Mme Savit a affirmé que cet homme était habillé en civil, alors que dans son FDA modifié, elle a écrit qu’il « portait un rang plus élevé ». Dans sa réponse, Mme Savit a affirmé que l’homme était habillé en civil, mais qu’en raison de son comportement, il était évident qu’il avait une position d’autorité par rapport aux policiers. Elle a ajouté qu’elle et sa collègue n’étaient pas au poste de police en même temps, mais qu’elles ont discuté de leurs impressions par la suite.

[7] La SAR a rejeté l’appel de Mme Savit. Elle a conclu que Mme Savit n’avait pas expliqué de façon satisfaisante les incohérences relevées dans l’avis qu’elle lui avait transmis. De plus, la SAR a noté que dans sa réponse, Mme Savit a affirmé avoir parlé à Ekaterina après son passage au poste de police, bien qu’elle eût déclaré à l’audience qu’elle n’avait pas communiqué avec elle après la nuit du crime. La SAR a également exprimé son accord avec les conclusions de la SPR concernant l’incident au cours duquel le fils de Mme Savit a été blessé. Elle a ajouté que le rapport médical concernant la blessure était daté de septembre 2019, alors que Mme Savit a déclaré à la SPR que cet incident avait eu lieu en août 2019. Enfin, la SAR a confirmé les conclusions de la SPR relativement à la PRI. En plus des motifs identifiés par la SPR, la SAR a fait remarquer qu’il était peu probable que les agents de préjudice soient toujours à la recherche de Mme Savit cinq ans après les événements.

[8] Mme Savit sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la décision de la SAR.

II. Analyse

[9] Mme Savit soulève deux types d’arguments pour demander le contrôle de la décision de la SAR. Elle affirme d’abord que le processus suivi par la SAR n’était pas équitable, puisque celle-ci a fondé sa décision sur des motifs qui n’avaient pas été abordés par la SPR. Même si la SAR a donné un avis de son intention de soulever de nouvelles questions, elle s’est fondée sur des questions qui débordaient le cadre de l’avis. De plus, elle soutient que la SAR a rendu une décision déraisonnable en faisant abstraction de la corruption qui sévit en Russie.

[10] Je rejette la demande de Mme Savit. Étant donné que la SAR a avisé Mme Savit qu’elle entendait se pencher sur les événements au poste de police, elle n’avait pas à donner un nouvel avis lorsqu’elle a constaté que la réponse de Mme Savit contredisait son témoignage. Les autres questions qu’elle a abordées n’étaient pas véritablement nouvelles. Par ailleurs, Mme Savit n’a pas fait la démonstration que la décision était déraisonnable quant au fond.

A. Les principes régissant l’examen de nouvelles questions par la SAR

[11] En matière d’équité procédurale, « la question fondamentale demeure celle de savoir si le demandeur connaissait la preuve à réfuter (the case to meet) et s’il a eu possibilité complète et équitable d’y répondre » : Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, au paragraphe 56, [2019] 1 RCF 121. Ce principe doit être appliqué en tenant compte de deux caractéristiques de la SAR. Premièrement, la SAR doit procéder à sa propre analyse du dossier : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93, aux paragraphes 58, 59 et 103, [2016] 4 RCF 157. Ce faisant, elle peut examiner de nouvelles questions ou se fonder sur un raisonnement différent de celui de la SPR. Deuxièmement, la SAR tranche habituellement l’affaire sans tenir d’audience. Elle ne peut donc saisir cette occasion pour demander à l’appelant de réagir aux nouveaux motifs qu’elle entend invoquer.

[12] En raison de ces particularités, notre Cour a statué que l’équité procédurale exige que la SAR donne un avis aux parties si elle entend soulever des questions qui n’ont pas été tranchées par la SPR. Ainsi, « [l]a SAR ne peut pas invoquer d’autres motifs fondés sur son propre examen du dossier si le demandeur d’asile n’a pas eu la possibilité de les aborder » : Kwakwa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 600, au paragraphe 22 [Kwakwa].

[13] Afin de mettre en œuvre ce principe, notre Cour se fonde sur l’arrêt R c Mian, 2014 CSC 54, [2014] 2 RCS 689 [Mian], même s’il porte sur un appel dans le contexte criminel. Dans cette affaire, la Cour suprême du Canada a défini ainsi le concept de nouvelle question, au paragraphe 30 :

Une question est nouvelle lorsqu’elle constitue un nouveau fondement sur lequel on pourrait s’appuyer — autre que les moyens d’appel formulés par les parties — pour conclure que la décision frappée d’appel est erronée. Les questions véritablement nouvelles sont différentes, sur les plans juridique et factuel, des moyens d’appel soulevés par les parties [...] et on ne peut pas raisonnablement prétendre qu’elles découlent des questions formulées par les parties. Vu cette définition, dans le cas de nouvelles questions, il faudra aviser les parties à l’avance pour qu’elles puissent en traiter adéquatement.

[14] Appliquant le critère de l’arrêt Mian, notre Cour a conclu, à titre d’exemple, que la SAR ne peut, sans donner d’avis, accueillir la revendication en se fondant sur un motif de persécution que la SPR n’avait pas abordé : Aghedo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 450; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Alazar, 2021 CF 637. Elle ne peut non plus rejeter la revendication en se fondant sur un motif juridique qui n’avait pas été invoqué devant la SAR, comme l’absence de risque prospectif ou l’existence d’une PRI : Ojarikre c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 896; Gonzalez Jimenez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 479.

[15] Le droit à un avis prend une importance particulière lorsque la nouvelle question porte sur la crédibilité du demandeur. Puisque celui-ci ne témoigne pas devant la SAR, celle-ci ne peut le questionner pour clarifier un témoignage qui semble contradictoire. Par contre, « [l]a SPR a l’obligation générale de confronter les demandeurs d’asile aux incohérences de leur témoignage et de leur donner l’occasion de se justifier » : Mohamed c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1379, au paragraphe 21. Le manquement à cette obligation peut, selon les circonstances, rendre la procédure inéquitable : Gracielome c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1989), 9 Imm LR (2d) 237 (CAF); Guo c Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 1996 CarswellNat 1420; Shaiq c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 149, au paragraphe 77; Ananda Kumara c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1172.

[16] Par conséquent, si la SAR entend tirer des conclusions négatives quant à la crédibilité du demandeur, alors que la SPR ne l’avait pas mise en doute, il est nécessaire de donner un avis, sans quoi le demandeur serait privé de l’occasion de se justifier : Ching c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 725; López Santos c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1281. Il en va de même si la SAR tire des conclusions au sujet d’un élément de preuve que la SPR n’avait pas abordé : Daodu c Canada (Citoyenneté et Immgration), 2021 CF 316; Ali c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 442.

[17] Cependant, la jurisprudence adopte une approche réaliste et reconnaît que la SAR n’est pas tenue de donner un avis lorsqu’elle ne fait qu’étayer une conclusion négative de crédibilité par des faits qui se trouvaient déjà au dossier : voir notamment Sary c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 178, au paragraphe 31 [Sary]; Oluwaseyi Adeoye c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 246; Bari c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2022 CF 896, au paragraphe 28. Ce principe a été résumé ainsi dans l’affaire Corvil c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 300, au paragraphe 13 :

[...] lorsque la crédibilité du demandeur d’asile est au cœur de la décision de la SPR et des motifs d’appel devant la SAR, cette dernière est habilitée à tirer des conclusions indépendantes à cet égard, et ce, sans avoir à interroger le demandeur à ce sujet ou encore à lui donner autrement la possibilité de présenter des observations.

[18] De la même manière, un demandeur ne peut se plaindre du fait que la SAR répond à un argument qu’il invoque. Par exemple, si le demandeur attire l’attention de la SAR sur certains documents, celle-ci peut en apprécier la crédibilité : Ahmad c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 14; He c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 744. La même règle s’applique lorsque le demandeur présente une nouvelle preuve à la SAR : Uddin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 117.

B. Application à l’espèce

[19] Me fondant sur ces principes, je peux maintenant examiner les trois conclusions de la SAR qui, selon Mme Savit, n’avaient pas été abordées par la SPR.

(1) La communication avec Ekaterina

[20] Mme Savit s’en prend à la partie des motifs de la SAR qui lui reproche de s’être contredite au sujet du moment où elle a parlé à Ekaterina pour la dernière fois. Elle affirme que la SAR n’avait pas identifié cette question dans l’avis qu’elle lui a transmis. Il était donc inéquitable que la SAR fonde sa décision sur cette contradiction sans lui donner l’occasion de s’expliquer. Le ministre, quant à lui, soutient que la SAR n’était même pas tenue de donner un avis, puisque la question générale de la crédibilité de Mme Savit était en jeu devant la SAR.

[21] Quant à moi, j’estime que la SAR était tenue de donner l’avis qu’elle a envoyé à Mme Savit. En effet, dans sa décision, la SPR ne met pas en doute la crédibilité de Mme Savit, même si elle exprime des doutes quant à celle de son mari. En somme, la SPR croit son récit, mais estime que le lien entre les criminels et la police relève de la spéculation. Remettre en cause la crédibilité de Mme Savit en raisons de contradictions entre son FDA et son témoignage constituait donc une question factuelle différente, pour reprendre les termes de l’arrêt Mian. Il était donc nécessaire que la SAR avise Mme Savit de son intention de se pencher sur cette question.

[22] Une fois l’avis donné, cependant, le moment du dernier contact avec Ekaterina ne constituait plus une question distincte. À cet égard, il faut rappeler que la SAR a informé Mme Savit de ses doutes quant à sa crédibilité et précisé qu’elle s’intéressait à l’homme aperçu au poste de police. C’est Mme Savit qui a pris l’initiative d’ajouter qu’elle s’était entretenue avec Ekaterina « par la suite » et que celle-ci avait eu la même impression concernant cet homme.

[23] Dans ces circonstances, Mme Savit ne peut reprocher à la SAR d’avoir relevé la contradiction entre cette nouvelle déclaration et son témoignage devant la SPR. Elle ne pouvait non plus exiger que la SAR lui envoie un second avis. La contradiction relevée par la SAR porte sur des faits qui font partie de la trame factuelle identifiée dans l’avis initial. En fait, si Mme Savit a contredit son témoignage initial en répondant aux préoccupations soulevées par la SAR, elle ne peut reprocher à celle-ci de s’en être rendue compte. Comme mon collègue le juge Simon Noël l’a fait remarquer dans l’affaire D’Amico c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 470, au paragraphe 53, « [u]n demandeur, à qui revient l’obligation de vérité dans ses réponses, n’a pas à se voir confronter à ses propres contradictions ». L’obligation de donner un avis n’exige pas que la SAR entretienne un dialogue avec Mme Savit : Bouchra c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 1063, au paragraphe 41.

(2) L’agression du fils

[24] Comme je l’ai souligné plus haut, la SPR a relevé d’importantes contradictions dans le témoignage du mari de Mme Savit concernant l’agression dont son fils aurait été victime. La SAR a exprimé son accord avec les motifs de la SPR. Elle a ajouté que le rapport médical faisant état des blessures du fils était daté de septembre 2019, alors que Mme Savit a affirmé que l’incident avait eu lieu au mois d’août. La SAR n’a pas avisé Mme Savit qu’elle formulerait une telle conclusion.

[25] Contrairement à ce que soutient Mme Savit, j’estime que la SAR n’a pas adopté un processus inéquitable en tirant une telle conclusion, non parce que Mme Savit est censée « connaît[re] le contenu des documents qu’elle a elle-même déposés en preuve », comme l’affirme la SAR, mais plutôt parce que la question soulevée par la SAR n’est pas nouvelle selon le critère de l’arrêt Mian.

[26] En effet, la SPR avait exprimé de sérieux doutes quant à cet événement. En soulignant l’incohérence concernant la date du rapport médical, la SAR « a simplement fait référence à un autre élément de preuve contenu au dossier du tribunal et qui venait appuyer les conclusions de la SPR sur le manque de crédibilité » : Sary, au paragraphe 31.

[27] De toute manière, dans les observations qu’elle a présentées à la SAR, Mme Savit n’a pas contesté les conclusions de la SPR à ce sujet. Il est donc difficile de comprendre comment elle peut se plaindre du fait que la SAR a énoncé un motif additionnel pour étayer une conclusion non contestée.

(3) La motivation des agents de persécution

[28] Mme Savit s’en prend également à l’affirmation de la SAR selon laquelle les agents de préjudice ne seraient pas intéressés à la retrouver cinq ans après les faits. Encore une fois, la SAR aurait tiré une conclusion concernant un sujet que la SPR n’avait pas abordé.

[29] Or, il n’en est rien. Le passage incriminé fait partie d’une section des motifs de la SAR qui porte sur la volonté et la capacité des agents de préjudice à retrouver Mme Savit où que ce soit en Russie. Cette question a été abordée par la SPR au moment d’évaluer le premier volet du critère de la PRI. La SPR a mentionné plusieurs autres éléments de preuve pour étayer sa conclusion que Mme Savit ne serait pas exposée à un risque sérieux à Vladivostok. En ajoutant que le passage du temps réduisait davantage ce risque, la SAR ne soulève pas une question différente sur les plans juridique et factuel, pour reprendre les termes de l’arrêt Mian.

C. Le caractère raisonnable de la décision

[30] Bien que son mémoire des faits et du droit porte entièrement sur des questions d’équité procédurale, Mme Savit a indiqué à l’audience qu’elle contestait également le caractère raisonnable de la décision de la SAR concernant la question de la corruption. Si je comprends bien, Mme Savit prétend que toute personne peut soudoyer les policiers russes afin d’obtenir accès à des banques de données qui permettraient de la retracer.

[31] Mme Savit avait présenté cet argument à la SAR. Celle-ci a conclu que même si la corruption était endémique en Russie, il était peu probable que les agents de préjudice cherchent à soudoyer des policiers, puisqu’ils n’ont entrepris aucune démarche afin de retracer Mme Savit dans sa ville natale ou en communiquant avec des membres de sa famille.

[32] Il est bien établi que la SAR « peut apprécier et évaluer la preuve qui lui est soumise et qu’à moins de circonstances exceptionnelles, les cours de révision ne modifient pas ses conclusions de fait » : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, au paragraphe 125, [2019] 4 RCS 653. À l’étape du contrôle judiciaire, il ne suffit pas de réitérer les arguments présentés à la SAR. Il faut plutôt démontrer que la SAR s’est fondamentalement méprise sur la preuve. Or, Mme Savit n’a pas cherché à faire une telle démonstration.

III. Conclusion

[33] Pour ces motifs, je conclus que la SAR n’a pas violé l’équité procédurale en tirant des conclusions sur des questions que la SPR n’avait pas abordées. La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-1961-22

LA COUR STATUE que

1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2. Aucune question n’est certifiée.

« Sébastien Grammond »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-1961-22

 

INTITULÉ :

ALEKSANDRA SAVIT c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 2 février 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GRAMMOND

 

DATE DES MOTIFS :

LE 9 FÉVRIER 2023

 

COMPARUTIONS :

Stéphanie Valois

 

Pour la demanderesse

 

Suzon Létourneau

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stéphanie Valois

Avocate

Montréal (Québec)

 

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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