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Date : 20230131

Dossier : IMM-2241-22

Référence : 2023 CF 143

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 31 janvier 2023

En présence de monsieur le juge adjoint Benoit M. Duchesne

ENTRE :

Malkeet Singh VIRK et

Amandeep Kaur VIRK

 

demandeurs

 

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS ET ORDONNANCE

[1] Le 12 décembre 2022, les demandeurs ont présenté une requête pour faire révoquer le désistement réputé de leur demande d’autorisation et de contrôle judiciaire (DACJ) produite en vertu du paragraphe 72(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et pour obtenir une ordonnance pour que leur dossier de demande, qu’ils affirment avoir signifié et présenté de façon appropriée le 11 avril 2022, soit accepté pour dépôt.

[2] Les demandeurs ont déposé leur DACJ le 9 mars 2022. La Cour a conclu qu’ils étaient réputés s’en être désistés le 6 décembre 2022, car la DACJ n’avait pas été mise en état dans les délais prévus par l’article 10 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22 (RCFCIPR). Le désistement réputé a entraîné l’application automatique de la pratique administrative de la Cour selon laquelle les demandeurs dont la DACJ n’a pas été mise en état sont réputés s’en être désistés, conformément à l’Avis à la communauté juridique de la Cour du 6 décembre 2022 intitulé « Désistement réputé des demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire non mises en état dans les instances en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés » (pratique du désistement réputé).

[3] Dans les présents motifs, la Cour examine le critère qui s’applique à la requête en révocation du désistement réputé découlant de l’application de la pratique du désistement réputé de la Cour, en réouverture de l’instance et en prorogation du délai afin de mettre une DACJ en état. Bien que cela n’ait rien à voir avec le dépôt de la présente requête, le 6 décembre 2022, la pratique du désistement réputé a été modifiée le 22 décembre 2022 afin de viser également les DACJ déposées sous le régime de la Loi sur la citoyenneté.

[4] Pour les motifs qui suivent, la requête des demandeurs est rejetée.

I. La preuve présentée à la Cour

[5] La preuve des demandeurs consiste en deux affidavits. Le premier est l’affidavit du demandeur M. Malkeet Singh Virk souscrit le 12 décembre 2022. Le second est l’affidavit de Makhan Singh, souscrit le 12 décembre 2022.

[6] L’affidavit de Makhan Singh se limite au fait qu’il parle couramment l’anglais et le pendjabi, qu’il a lu la version anglaise de l’affidavit du demandeur au demandeur en pendjabi, et que le demandeur a signé son affidavit après en avoir entendu la traduction.

[7] La preuve du demandeur, M. Virk, est que lui et son épouse, la demanderesse Amandeep Kaur Virk, ont cherché à retenir les services d’un avocat pour les représenter après avoir reçu une décision défavorable de la Section d’appel des réfugiés vers le 8 février 2022. Un traducteur et conseiller parajuridique travaillant à Montréal lui avait affirmé qu’il pourrait retenir les services de Me Felipe Morales, un avocat qui exerce à Montréal. M. Virk a demandé au traducteur de retenir les services de Me Morales en son nom et celui de son épouse et de mettre la procédure juridique en branle. Les dates de ces communications ne figurent pas dans la preuve.

[8] M. Virk a rappelé le traducteur le 9 mars 2022 pour s’assurer que leur instance avait été introduite. Le traducteur lui a dit que Me Morales était à l’étranger, mais qu’il devait revenir à son cabinet le 14 mars 2022. M. Virk atteste qu’il a insisté auprès du traducteur pour que leur avis de demande soit préparé et déposé. Selon M. Virk, un certain M. David Barrios, dont les compétences ne sont pas attestées, a préparé et déposé l’avis de demande des demandeurs le 9 mars 2022. M. Virk atteste que M. Barrios lui a dit qu’il avait [traduction] « inscrit au calendrier que la date limite de dépôt serait le 9 avril 2022 ».

[9] Je remarque que le délai de 30 jours dans lequel les demandeurs devaient signifier et produire leur dossier de demande conformément à l’article 10 des RCFCIPR était le vendredi 8 avril 2022, et non le 9 avril 2022, un samedi. M. Barrios aurait mal calculé et consigné la date de production du dossier de demande.

[10] M. Virk a dit qu’il avait communiqué avec Me Morales vers le 15 mars 2022 et que celui-ci lui avait assuré que son dossier de demande serait produit au plus tard à la date limite de dépôt. M. Virk atteste plus précisément que [traduction] « Me Morales a expliqué que, puisque son conseiller parajuridique avait indiqué que la date limite de production était le 9 avril, le délai serait reporté au 11 avril 2022 ». Il affirme que Me Morales lui avait confirmé que leur dossier de demande avait été déposé le 11 avril 2022. En ce qui concerne les étapes suivantes, M. Virk atteste en outre que : [traduction] « Me Morales m’a dit que l’étape suivante consistait à recevoir le mémoire du défendeur, puis, au besoin, à déposer un mémoire en réplique, et qu’ensuite, un juge rendrait une décision quant à l’autorisation ».

[11] Selon le dossier de la Cour, Me Morales, ou quelqu’un de son bureau, a envoyé le dossier de demande par voie électronique le 11 avril 2022. Toujours selon le dossier, le 13 avril 2022, le greffe a vérifié le dossier de la Cour afin de déterminer si le dossier de demande avait été déposé à temps, a constaté qu’il avait été déposé un jour en retard, et qu’il était par ailleurs incomplet, car il n’incluait pas de signets. L’un des agents du greffe a appelé Me Morales le 13 avril 2022 pour l’informer que le dossier de demande avait été produit en retard et contenait des irrégularités. La note au dossier de la Cour de l’agent du greffe indique que Me Morales lui avait confirmé durant leur appel du 13 avril 2022 qu’il enverrait une demande informelle de prorogation du délai pour déposer le dossier de demande et qu’il corrigerait les irrégularités au dossier que lui ou un membre de son personnel avait tenté de déposer.

[12] Même s’ils ne figurent pas à l’affidavit de M. Virk, les faits concernant le greffe et les communications du 13 avril 2022 sont mentionnés dans son avis de requête, bien qu’avec une erreur typographique quant au mois où la discussion de Me Morales avec le greffe a eu lieu. Selon l’avis de requête, [traduction] « l’avocat des demandeurs a reçu des communications du greffe vers le 13 novembre 2022 : il y avait eu un retard, mais il pensait que le dossier serait accepté après sa discussion avec le greffe ». Le dossier de la Cour est muet sur les communications du 13 novembre 2022 entre le greffe et Me Morales. Cette « pensée » que le greffe accepterait le dossier de demande des demandeurs sans ordonnance de la Cour pousse la crédulité à sa limite et va à l’encontre des Règles et des pratiques de la Cour. Comme l’indique le dossier de la Cour relativement à l’appel téléphonique du 13 avril 2022 entre le greffe et Me Morales, ce dernier savait qu’une demande de prorogation était requise de toute façon. Puisqu’il n’y a pas d’élément de preuve par affidavit au sujet d’un appel le 13 novembre 2022 entre le greffe et Me Morales, j’accepte les faits figurant au dossier de la Cour relativement aux interactions du 13 avril 2022 comme étant exacts.

[13] M. Virk atteste que lui et son épouse ont reçu vers le 25 novembre 2022 un avis de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) les invitant à se présenter. Il atteste avoir avisé l’ASFC que leur cause avait été portée devant la Cour fédérale. Il affirme que l’ASFC lui a dit alors que ses propos concernant sa cause étaient erronés. M. Virk déclare qu’il a ensuite téléphoné à son traducteur et qu’on lui a dit que Me Morales était à l’étranger du 26 novembre au 4 décembre 2022. Il n’y a ni élément de preuve ni allégation sur ce qui s’est passé entre le 25 ou le 26 novembre 2022 et le 4 décembre 2022, à tout le moins.

[14] La pratique du désistement réputé a été publiée le 6 décembre 2022 et, conformément à celle-ci, les demandeurs ont été réputés s’être désistés de leur DACJ. Une copie de la pratique du désistement réputé a été versée au dossier de la Cour.

[15] M. Virk affirme que Me Morales, une fois de retour au Canada, l’a informé qu’il préparerait une requête en révocation du désistement réputé et qu’il ferait proroger la date de dépôt du dossier de demande en raison de la confusion quant à la bonne date de production. Aucun élément de preuve n’est donné quant à la date précise où cette discussion aurait eu lieu, mais la logique veut qu’elle ait dû avoir lieu après le 6 décembre, soit la date de publication de la pratique du désistement réputé et avant le dépôt de la présente requête, le 12 décembre 2022.

[16] Il n’y a aucun élément de preuve pour établir : le moment où la requête proposée a été préparée; les mesures, le cas échéant, qui ont été prises pour communiquer avec l’intimé afin d’obtenir son consentement à la prorogation avant le 6 décembre 2022; ou la raison pour laquelle aucune requête n’a été préparée ou envisagée immédiatement après l’appel de M. Virk à son traducteur intermédiaire, vers le 25 ou le 26 novembre 2022. On peut toutefois déduire que la requête dont je suis saisi a été préparée à un moment donné entre le 6 et 12 décembre 2022.

II. Le droit invoqué par les demandeurs

[17] Les demandeurs invoquent les articles 4, 6 et 8 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (Règles) à l’appui de leur requête.

[18] Aux termes de l’article 4 des Règles, en cas de silence des Règles ou des lois fédérales, la Cour peut, lors de la présentation de la requête, déterminer la procédure applicable par analogie avec les Règles ou par renvoi à la pratique de la cour supérieure de la province à laquelle l’objet de l’instance se rapproche le plus. Les demandeurs n’ont ni indiqué de procédure applicable sur laquelle les Règles sont muettes ni proposé de règle d’une cour supérieure provinciale qui devrait s’appliquer par analogie. Étant donné ces omissions, il ne semble y avoir aucun fondement dans le dossier de requête des demandeurs pour invoquer l’article 4 des Règles.

[19] L’article 6 prévoit que le calcul des délais prévus par les Règles ou fixés par une ordonnance de la Cour est régi par les articles 26 à 30 de la Loi d’interprétation. Les demandeurs affirment dans leurs observations écrites qu’une [traduction] « erreur de calcul des délais visés aux articles 26 à 30 de la Loi d’interprétation a mené les demandeurs à croire qu’ils pouvaient déposer le dossier le 11 avril 2022 plutôt que le 8 avril 2022 ». Je remarque ici que, par cet argument, les observations écrites indiquent qu’à un moment donné, les demandeurs se sont rendu compte que leur date limite de dépôt était le 8 avril 2022, et non le 9 avril 2022. Il n’y a aucun élément de preuve par affidavit sur la façon dont l’erreur dans le calcul des délais s’était produite, ou sur le moment où les demandeurs ont reconnu que le 8 avril 2022 était la date limite de mise en état.

[20] Aux termes de l’article 8 des Règles, la Cour peut, sur requête, proroger ou abréger une période prévue par les Règles ou fixée par une ordonnance de la Cour, y compris après l’expiration du délai. La Cour n’exerce habituellement le pouvoir discrétionnaire dont elle jouit relativement aux requêtes en prorogation des délais en vertu de l’article 8 des Règles qu’après avoir tenu compte du critère bien connu qui s’applique à de telles requêtes, qui a été établi dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Hennelly, 1999 CanLII 8190 (CAF), au para 3, et approfondi dans les arrêts Canada (Procureur général) c Larkman, 2012 CAF 204, au para 62, et Alberta c Canada, 2018 CAF 83, au para 45, entre autres.

[21] Conformément à l’arrêt Hennelly, le requérant qui cherche à obtenir la prorogation d’un délai doit démontrer que : 1) il a l’intention constante de poursuivre sa demande; 2) que la demande est bien fondée; 3) l’intimé ne subit pas de préjudice en raison du délai; et 4) il existe une explication raisonnable justifiant le délai. Comme l’a noté la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Alberta c Canada, précité, au para 45, les quatre facteurs énoncés dans l’arrêt Hennelly ne constituent pas une liste exhaustive des questions ou des facteurs pouvant être pertinents dans une affaire donnée, et l’impossibilité de donner une réponse positive à l’une des quatre questions n’est pas nécessairement déterminante. Quoi qu’il en soit, les questions sont utiles pour déterminer si l’octroi d’une prorogation est dans l’intérêt de la justice parce que la considération primordiale ou le véritable critère est, en fin de compte, que la justice soit rendue entre les parties.

[22] Le dossier de requête des demandeurs ne contient aucun argument se rapportant à l’article 8 des Règles. Il n’y a également aucun argument pour montrer que la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire ou de quelle façon elle devrait le faire pour proroger le délai en l’espèce, seule une humble demande que la Cour révoque le désistement réputé.

[23] Le dossier de requête des demandeurs ne contient aucun argument ou observation quelconque sur les facteurs dont la Cour devrait tenir compte pour déterminer si elle devrait révoquer le désistement réputé découlant de la pratique du désistement réputé de la Cour.

III. Révocation du désistement réputé

[24] La pratique du désistement réputé a été publiée le 6 décembre 2022, et était rédigée ainsi :

À compter de la date du présent avis, dans les demandes en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés qui demeurent non complétées après l’expiration des délais prévus à la règle 10, le demandeur sera réputé s’être désisté de la demande conformément à la règle 165 des Règles des Cours fédérales, sans qu’il [...] soit nécessaire que le demandeur donne un avis officiel ou que la Cour rende une ordonnance. Le greffe avisera les parties par le biais d’une inscription enregistrée dans le plumitif en ligne sur le site Web de la Cour (Dossiers de la Cour).

As of the date of this Notice, applications pursuant to the Immigration and Refugee Protection Act that remain unperfected following the expiry of the timelines in Rule 10 shall be deemed to have been discontinued by the Applicant, pursuant to Rule 165 of the Federal Courts Rules, without the need for formal notice by the Applicant or a Court Order. The Registry will provide notice to the parties by way of a recorded entry in the online docket on the Court website (Court Files).

Si, conformément à la nouvelle pratique administrative décrite ci-dessus, une instance est considérée avoir fait l’objet d’un désistement dans un dossier pour lequel le demandeur avait l’intention de déposer une requête en prolongation de délai pour mettre son dossier en état, une requête en révocation du désistement réputé, en réouverture de l’instance et en prolongation de délai peut être déposée pour examen par la Cour.

If, pursuant to the new administrative practice described above, a proceeding is deemed to be discontinued in a file for which the Applicant intended to file a motion for an extension of time to perfect their record, a motion to revoke the deemed discontinuance, reopen the proceeding, and obtain an extension of time may instead be filed for consideration by the Court.

[25] Une caractéristique déterminante de la pratique du désistement réputé est le fait qu’elle signale que les plaideurs qui ont omis de mettre en état leur DACJ dans les délais prévus par le RCFCIPR seront réputés s’être désistés de leur instance conformément à l’article 165 des Règles. Il s’agit d’un processus plus rapide que celui énoncé à l’article 14 du RCFCIPR, lequel prévoit que la Cour peut trancher la DACJ après l’expiration du délai de mise en état de la demande par le demandeur malgré le fait qu’aucun dossier de demande n’ait été produit et, comme nous le verrons, qui permet en théorie à un demandeur d’entreprendre son instance à nouveau malgré le désistement réputé. L’article 165 des Règles est libellé ainsi :

165 Une partie peut se désister, en tout ou en partie, de l’instance en signifiant et en déposant un avis de désistement.

165 A party may discontinue all or part of a proceeding by serving and filing a notice of discontinuance.

[26] Toute discussion concernant la révocation d’un désistement, réputé ou autre, doit tenir compte du sens et de l’effet du désistement d’une instance. L’affaire principale à ce sujet est Philipos c Canada (Procureur général), 2016 CAF 79 (CanLII), [2016] 4 RCF 268 [Philipos].

[27] Dans l’arrêt Philipos, la Cour d’appel fédérale était saisie d’une requête par laquelle M. Philipos souhaitait faire revivre et poursuivre l’appel dont il s’était désisté par l’intermédiaire de ses avocats. Les motifs du juge Stratas pour rejeter la requête sont instructifs quant au fondement conceptuel et aux effets d’un désistement et à leur incidence sur la façon dont les tribunaux devraient examiner les requêtes présentées par des parties qui se sont désistées pour échapper aux effets du désistement.

[28] Le désistement en vertu de l’article 165 des Règles est un acte unilatéral effectué sans consentement d’aucune autre partie ni autorisation de la Cour, et a pour effet de fermer le dossier de la Cour dans l’instance (Philipos, au para 8). La signification et la production d’un avis de désistement par un plaideur avisent l’autre partie à l’instance que le litige ne sera pas poursuivi; l’avis signale la fin officielle de l’instance. Comme l’affirme le juge Stratas, « […] un désistement n’est pas une suspension, mais plutôt une mesure mettant fin à une instance et portant à conséquence » (Philipos, au para 16). Puisque l’instance est terminée, la partie contre qui l’action, la demande ou l’appel est discontinué a droit à ses dépens payables immédiatement par la partie qui se désiste, à moins que la Cour n’ait ordonné autrement ou que les parties se soient entendues autrement (article 402 des Règles).

[29] Les Règles ne prévoient pas expressément la révocation des désistements et la réouverture des instances ainsi abandonnées. Comme le mentionne le juge Stratas, en prévoyant le désistement conformément à l’article 165 des Règles, celles-ci autorisent implicitement une partie à faire revivre l’instance dont elle s’était désistée. Puisque, en théorie, le désistement se distingue du rejet en ce sens qu’il n’y a pas de décision sur le fond du litige qui faisait l’objet de l’instance, il n’a pas pour effet de donner ouverture au principe de la chose jugée ou autre obstacle à la remise en cause (Philipos, au para 13). En théorie, et sous réserve de motifs tels que l’expiration des délais et autres obstacles au litige découlant du passage du temps et de la conduite, le plaideur qui s’est désisté peut entreprendre une instance de nouveau en s’appuyant sur les mêmes faits pertinents que ceux de l’instance dont il s’était désisté (Philipos, aux para 13, 15). Le juge Mosley dans la décision Naboulsi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 916, aux para 17-20, et le juge Zinn dans la décision Adegbite c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 145 (CanLII), résument les principes articulés dans l’arrêt Philipos en détail quant aux circonstances dans lesquelles la Cour pourrait rouvrir une instance après le dépôt d’un désistement :

Premièrement, « [s]eul un événement d’une importance fondamentale qui touche à l’essence de la décision de mettre fin à la procédure » peut justifier la réouverture d’un dossier. À titre d’exemple, le juge Stratas a mentionné « la répudiation d’un règlement amiable qui nécessitait qu’une procédure fasse l’objet d’un désistement » : Philipos, précité, au paragraphe 20.

Deuxièmement, « la procédure a des chances raisonnables d’avoir gain de cause » : Philipos, précité, au paragraphe 21.

Troisièmement, la Cour doit tenir compte du préjudice que pourrait causer la réouverture d’une affaire ayant fait l’objet d’un désistement. À titre d’exemple, le juge Stratas mentionne qu’une partie pourrait avoir pris d’importantes mesures par suite d’un désistement et subir un préjudice important en raison de la destruction de certains dossiers, du fait d’avoir cessé de recueillir des éléments de preuve ou de la disparition de certains témoins. « D’autres types de préjudice peuvent conduire la Cour à exercer son pouvoir discrétionnaire de refuser de faire renaître une procédure ayant fait l’objet d’un désistement » : Philipos, précité, au paragraphe 22.

Enfin, le juge Stratas a souligné que d’autres considérations pouvaient justifier le refus de rouvrir une affaire. Il s’agit notamment du fait que « [l]es cours fédérales ont plein pouvoir de gérer leurs pratiques et leurs procédures, de surveiller le déroulement des procédures et de prévenir les abus de procédure » Philipos, précité, au paragraphe 23.

[30] Dans l’arrêt Sherwood v Cinnabar Brown Holdings Ltd., 2021 BCCA 88, aux para 9-17 (CanLII), la juge Fenlon a tenu compte de l’arrêt Philipos dans le contexte d’une requête pour obtenir l’annulation de l’avis de désistement qui avait été déposé par l’avocat du demandeur après avoir conclu que la possibilité qu’il ait gain de cause en appel était faible. La requête a été présentée afin de faire annuler l’avis de désistement parce que les nouveaux avocats de l’appelante étaient plus convaincus que leur prédécesseur que l’appel puisse être accueilli. Dans ses motifs, la juge Fenlon déclare ce qui suit :

[traduction]

[11] Dans l’arrêt Philipos, le juge Stratas décrit pareilles circonstances en des termes généraux comme étant « […] un événement […] qui touche à l’essence de la décision de mettre fin à la procédure […] », notamment :

lorsque la partie se désiste de la mauvaise action ou du mauvais appel;

lorsque l’avocat a mal compris les instructions de son client;

lorsque le désistement a été déposé frauduleusement;

lorsque la partie qui se désiste n’avait pas la capacité mentale de prendre cette mesure;

lorsque le désistement a été déposé dans le cadre d’un règlement qui exigeait cette étape, mais que, par la suite, l’autre partie a répudié le règlement.

Philipos, aux para 20, 21; Neis v Yancey, 1999 ABCA 272, au para 27.

[12] Bref, la Cour n’exercera son pouvoir discrétionnaire d’annuler un avis de désistement que ce dernier a été déposé par inadvertance, par erreur ou en raison d’un malentendu. Les décisions stratégiques de se désister d’un appel pour échapper aux dépens ou pour tenir compte des chances d’avoir gain de cause ne constituent pas des circonstances exceptionnelles; au contraire, ce sont en fait des raisons courantes pour se désister d’un appel. Comme l’a conclu le juge Esson dans Adam et Adam c Insurance Corporation of British Columbia et al (1985), 1985 CanLII 584 (BCCA), 66 BCLR 164 à la p 171 (CA), à la lecture de la jurisprudence visant à déterminer le fondement sur lequel le pouvoir discrétionnaire d’annuler un avis de désistement d’une action devait s’exercer :

[…] je suis d’avis que si, comme en l’espèce, les motifs ne sont qu’un simple changement d’idée fondé sur une plus grande considération du droit ou des faits quant à la possibilité d’obtenir gain de cause, cela ne suffit pas.

[13] Le facteur suivant à examiner est le préjudice pour les parties si le désistement est annulé. Le préjudice peut inclure les mesures prises par les parties en s’appuyant sur le désistement, comme l’exécution d’obligations en vertu du jugement d’un procès après l’abandon de l’appel de ce jugement : Warford, au para 7. Il peut également découler de la destruction de preuves ou de la disparition d’un témoin : Williams c The Personal Insurance Company of Canada, 2004 NSSC 73, aux para 15-20.

[14] Le troisième facteur est le bien-fondé de l’appel que l’appelant tente de faire revivre, car si l’appel proposé n’est pas fondé, il n’y a pas de raison de le faire revivre.

[15] La question finale est de savoir s’il est dans l’intérêt de la justice d’annuler le désistement, une question qui englobe les autres considérations. [Non souligné et non gras dans l’original.]

[31] L’arrêt Philipos et les décisions et arrêts qui l’ont suivi portent sur le désistement volontaire déposé par la partie qui poursuit. Puisqu’un avis de désistement exige qu’une partie fasse un geste volontaire et positif pour le préparer, le signifier et le déposer, il faut présumer que cette partie a tenu compte de la façon et des raisons d’intenter l’instance et avant d’y mettre fin. Cet aspect volontaire du désistement et l’acte introductif d’instance corrélatif justifient que la Cour applique un critère rigoureux avant de conclure qu’il y a lieu de révoquer la conclusion et la finalité demandée par la partie dans son avis de désistement. Les motifs du juge Stratas soulignent les raisons pour lesquelles la révocation d’un désistement intentionnel ne devrait survenir que dans des circonstances exceptionnelles. Celles-ci doivent être, comme le reprend la juge Fenlon dans l’arrêt Sherwood, « un événement d’une importance fondamentale qui touche à l’essence de la décision de mettre fin à la procédure, […] notamment l’obtention d’un désistement par la fraude ou en raison de l’incapacité mentale de la partie concernée au moment du désistement, ou la répudiation d’un règlement amiable qui nécessitait qu’une procédure fasse l’objet d’un désistement » (Philipos, au para 20).

[32] Le seuil de la révocation d’un désistement volontaire est donc l’existence d’une circonstance exceptionnelle, l’existence d’un événement d’importance fondamentale qui suscite la volonté de revenir sur la décision de se désister.

[33] Un désistement réputé comme l’établit la pratique du désistement réputé entraîne le désistement et les mêmes effets qu’un désistement volontaire avant toute preuve que le plaideur a pris la décision réfléchie et volontaire de mettre fin à sa procédure en signifiant un avis de désistement. Le désistement réputé s’applique en raison du défaut du plaideur à mettre en état sa DACJ en temps opportun. Le défaut de mettre en état la DACJ en temps opportun peut être intentionnel dans certains cas ou non intentionnel dans d’autres. Pour savoir si le désistement réputé a eu lieu en raison d’une intention de se désister ou en raison d’un manque d’intention de se désister, il faut s’en remettre aux éléments de preuve présentés pour révoquer le désistement réputé.

[34] Il s’ensuit que les décisions de nos Cours portant sur le seuil à atteindre pour qu’une partie puisse échapper à son désistement volontaire et intentionnel visé à l’article 165 des Règles – l’existence de circonstances exceptionnelles ou d’un événement d’importance fondamentale touchant la décision de mettre fin aux procédures – doivent être prises en compte et reformulées de manière à tenir compte du fait que l’inaction d’une partie a supplanté la déclaration claire de son intention de se désister.

[35] À mon avis, et sous réserve de ce qui suit plus loin dans les présents motifs, une partie ne doit échapper aux effets d’un désistement réputé découlant de son inaction et de l’application de la pratique du désistement réputé que dans les circonstances où elle peut établir que son inaction et son défaut à mettre sa DACJ en état en temps opportun sont le résultat de circonstances exceptionnelles ou d’un événement d’importance fondamentale qui a nui à sa capacité à mettre sa DACJ en état au moment requis, peu importe si elle faisait par ailleurs preuve de diligence en prenant les mesures nécessaires pour mettre sa DACJ en état dans les délais. De telles circonstances exceptionnelles ou un tel événement d’importance fondamentale seraient, par exemple, l’existence d’une erreur commise de bonne foi ou un malentendu qui se distingue de l’ignorance du droit, de l’inadvertance ou de la négligence éventuelle d’un avocat. L’application de ce seuil de circonstances exceptionnelles touchant la capacité d’un demandeur à mettre en état sa DACJ tout en faisant par ailleurs preuve de diligence prend en compte et reformule le critère rigoureux à satisfaire pour accorder la réparation d’un désistement intentionnel, comme l’énonce le juge dans l’arrêt Philipos, au paragraphe 20, à un désistement non intentionnel sans toutefois limiter les types de circonstances qui pourraient justifier la révocation du désistement réputé, sous réserve des intérêts primordiaux de la justice.

IV. Application de la pratique du désistement réputé

[36] Le libellé de la pratique du désistement réputé explique les motifs de sa publication. La nouvelle pratique administrative de déclarer le désistement réputé d’une DACJ en raison du passage du délai de mise en état de la DACJ survient dans le contexte précis de la hausse importante du nombre de DACJ à traiter et de l’augmentation proportionnelle de DACJ non mises en état. La gestion des DACJ non mises en état et des DACJ où la prorogation des délais est demandée à répétition accapare les ressources administratives et judiciaires limitées et les empêche de traiter d’autres procédures où les plaideurs ont compris et pris à cœur le fait que les DACJ doivent préparées, mises en état et entendues rapidement. Les RCFCIPR partent du principe que, indépendamment des prorogations des délais, le délai du début jusqu’à la mise en état d’une DACJ est généralement de 30 jours à compter de la date de communication des motifs écrits du tribunal au demandeur. De nos jours, la réalité est que le délai de 30 jours est trop souvent ignoré. Une plus grande discipline s’impose dans tous les cas pour s’assurer que les ressources puissent se consacrer à statuer sur le fond le plus grand nombre possible de DACJ, le plus rapidement possible.

[37] La pratique du désistement réputé est l’un des nombreux outils dont dispose la Cour pour rajuster ses activités et ses efforts de gestion des instances aux délais et aux réalités avec lesquels elle doit composer conformément à son plein pouvoir d’adopter des règles visant à préserver l’intégrité de ses propres procédures, y compris la fermeture et l’ouverture de ses dossiers (Philipos, au para 10).

[38] En gardant à l’esprit ce qui précède, et plus précisément en tenant compte de l’analyse des désistements et de leurs effets dans l’arrêt Philipos, je conclus que la pratique du désistement réputé signale à la profession qu’une question primaire et une question de seuil devraient maintenant être envisagées dans le cadre conceptuel élargi qui s’applique aux demandes de prorogation des délais qui se rapportent aux procédures de DACJ qui ont dépassé les délais établis dans les RCFCIPR.

[39] Les arrêts Philipos et Sherwood indiquent que le critère pour révoquer un désistement inclut au moins quatre points à considérer. Seul le premier point, l’existence de circonstances exceptionnelles justifiant la révocation du désistement, s’applique précisément au désistement lui-même. Les autres facteurs, à savoir le préjudice que subiraient les parties si le désistement était révoqué; la possibilité que la demande sur le fond soit accueillie; et les intérêts de la justice sont des points à considérer qui constituent déjà la base des quatre questions avancées dans l’arrêt Hennelly. Dans l’arrêt Philipos, la Cour traite ces questions supplémentaires d’une seule traite, car elle n’a pas envisagé la révocation d’un désistement et la prorogation des délais comme deux étapes distinctes dont les considérations pourraient se recouper. La pratique du désistement réputé fait cette distinction. De plus, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’une révocation pouvait être justifiée lorsque la demande avait une possibilité raisonnable d’être accueillie, un seuil sans doute plus élevé que celui requis par les questions de l’arrêt Hennelly.

[40] À mon avis, il y a lieu de reconnaître qu’il devrait y avoir deux étapes pour l’application de la pratique du désistement réputé, même malgré les considérations qui se recoupent dans leur application. La première étape est celle de savoir si le désistement réputé devrait être révoqué. Cette analyse du seuil n’est non pas une analyse de la justification du retard ou de la possibilité que la demande au fond soit accueillie, mais bien un examen approprié de ce qui a nui à la capacité du demandeur à mettre sa DACJ en état à temps. La deuxième étape consiste à savoir s’il y a lieu d’accorder la prorogation du délai pour mettre la DACJ en état. Une telle analyse couvre de manière précise certains des facteurs exposés dans les arrêts Philipos et Sherwood tout en donnant effet à l’exigence de longue date de la Cour voulant qu’une partie justifie sa demande de prorogation. Le fait de séparer les deux étapes offre un cadre conceptuel qui reconnaît que chaque critère doit être pondéré individuellement.

[41] Il en résulte un cadre conceptuel à deux étapes propres aux DACJ qui impose une plus grande discipline et un plus grand respect des délais établis dans les RCFCIPR.

[42] Envisagées de cette manière, les étapes et les questions à examiner lors de la présentation d’une requête en révocation d’un désistement réputé, pour rouvrir l’instance et obtenir une prorogation du délai conformément à la pratique du désistement réputé sont les suivantes :

  1. Étape 1 : Le dossier de requête contient-il des éléments de preuve qui indiquent que des circonstances exceptionnelles ou un événement d’importance fondamentale ont empêché le demandeur de mettre sa DACJ en état en temps opportun conformément à l’article 10 des RCFCIPR ou à une ordonnance de la Cour, et dans les délais qui y sont prévus, et ce, bien qu’il ait fait preuve de diligence? Si l’étape 1 est franchie, on peut passer à l’étape 2. Par contre, si l’étape 1 n’est pas franchie, il n’est pas nécessaire de passer à l’étape 2.

  2. Étape 2 : Y a-t-il des éléments de preuve dans le dossier de requête pour satisfaire au critère de la prorogation des délais?

[43] Pour chacune de ces étapes, j’ajouterais l’observation suivante. De simples affirmations en preuve ne suffisent pas à répondre aux questions en litige dans les étapes et les critères pertinents. Le requérant ne peut se contenter de simplement raconter à la Cour ce qui s’est produit : il doit démontrer ce qui s’est produit.

V. Application du critère à la présente requête

[44] Il semble que les demandeurs se soient fiés à leur avocat inscrit au dossier sans donner suite auprès de ce dernier en avril 2022 pour déterminer si la prorogation du délai pour mettre leur DACJ en état avait été demandée, accordée ou refusée. Il ne s’agit pas d’une affaire où l’axiome selon lequel il ne faut pas punir une partie pour l’inadvertance ou la faute de son avocat s’applique (Barrette c La Reine, 1976 CanLII 180 (CSC), [1977] 2 RCS 121). L’inadvertance, la négligence, l’erreur ou la faute de l’avocat, malgré la diligence de son client et de l’effort de celui-ci à s’assurer que les délais sont respectés, est une situation qui diffère de celle dont la Cour est saisie en l’espèce. Il n’y a aucune preuve de diligence de la part des demandeurs après que leur avocat les a avisés qu’une prorogation du délai serait nécessaire pour mettre leur DACJ en état. D’ailleurs, il n’y a aucune preuve de quelque communication que ce soit entre les demandeurs et leur avocat inscrit au dossier au cours des sept mois et plus qui se sont écoulés après la date de mise en état de leur DACJ au sujet de l’état d’avancement de l’instance. Un client intéressé et diligent serait plus vigilant et chercherait à se renseigner sur le sort de son instance, même s’il doit faire face à des problèmes de communication avec son avocat.

[45] Compte tenu du manque de diligence des demandeurs avant la date de mise en état de leur DACJ, il n’est pas nécessaire de déterminer si l’effet combiné du mauvais calcul du délai de mise en état par le conseiller parajuridique, du fait que l’avocat s’y est fié et du défaut de l’avocat d’agir après avoir été informé par le greffe que des mesures devaient être prises pour corriger un dépôt non conforme et refusé constitue un cas exceptionnel ou un événement d’importance fondamentale qui a nui à la capacité des demandeurs à mettre leur DACJ en état en temps opportun. Si je ne m’abuse, le fait que notre Cour a mis en place un protocole depuis le 7 mars 2014 qui établit la procédure à suivre lorsqu’un demandeur allègue l’incompétence, la négligence ou autre inconduite de son ancien avocat ou autre représentant autorisé, dans le contexte d’une DACJ, montre à quel point l’incompétence et la négligence potentielles d’un avocat ne sont malheureusement plus des circonstances exceptionnelles. La première étape du critère n’est pas franchie en l’espèce. Il n’y a aucune raison de révoquer le désistement réputé.

[46] Enfin, et advenant même une erreur de ma part dans la façon d’appliquer le critère à la première étape de l’analyse, aucune preuve n’a été présentée pour traiter des facteurs de l’arrêt Hennelly de façon plus générale ou pour expliquer chaque période de longs retards entre la date de mise en état du 8 avril 2022 et la date de la requête dont je suis saisi. Il n’existe aucun fondement pour proroger le délai.

[47] Compte tenu de l’ensemble de la preuve qui m’a été présentée, je conclus que la présente requête doit être rejetée.

LA COUR REND L’ORDONNANCE qui suit :

1. La requête des demandeurs en révocation du désistement réputé de leur demande est rejetée.

En blanc

« Benoit M. Duchesne »

En blanc

Juge adjoint


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2241-22

 

INTITULÉ :

MALKEET SINGH VIRK et AMANDEEP KAUR VIRK c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO) CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

 

MOTIFS ET ORDONNANCE :

LE JUGE adjoint DUCHESNE

 

DATE :

LE 31 JANVIER 2023

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Felipe Morales

Avocat

Montréal (Québec)

 

Pour les demandeurs

 

Me Chantal Chatmajian

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour le défendeur

 

 

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