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Date : 20230206


Dossier : IMM-905-21

Référence : 2023 CF 177

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 6 février 2023

En présence de monsieur le juge Favel

ENTRE:

LADAN ZARINEJAD

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. La nature du dossier

[1] Ladan Zarinejad [la demanderesse] sollicite le contrôle judiciaire de la décision d’un agent principal [l’agent], rendue le 3 décembre 2020 [la décision], dans laquelle a été rejetée sa demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, au titre du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27. Dans sa demande, la demanderesse invoquait des difficultés inhabituelles et injustifiées ou démesurées ainsi que son établissement au Canada.

[2] La demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

II. Le contexte

[3] Le 15 mai 2019, la demanderesse, une citoyenne iranienne, est venue au Canada en tant que visiteuse. Entre 2002 et 2012, soit avant son arrivée, la demanderesse travaillait comme technologue en densité osseuse à Téhéran. La demanderesse a quitté son emploi en 2012 et elle a déménagé avec sa mère dans la maison de sa tante maternelle, son seul autre parent en Iran. La demanderesse demeure aujourd’hui sans emploi.

[4] La mère de la demanderesse, aujourd’hui résidente permanente canadienne, est initialement venue au Canada pour aider aux soins de son fils Ali, frère de la demanderesse. Ali est un citoyen canadien qui souffre de sévères problèmes de santé physique et mentale. La demanderesse vit avec eux depuis son arrivée au Canada. Elle a un autre frère, également citoyen canadien, qui réside à Singapour.

[5] La demanderesse est venue au Canada parce qu’elle n’était pas heureuse en Iran et parce que la santé de sa mère était déclinante. Sa mère a reçu le diagnostic de diverses maladies graves, parmi lesquelles l’ostéoporose, la dépression et la démence, en plus de souffrir de problèmes de mobilité et d’audition.

[6] La demanderesse aide sa mère et Ali pour leurs soins quotidiens de base, notamment leur hygiène personnelle, leurs nombreux rendez-vous médicaux et les tâches ménagères.

III. La décision

[7] L’agent a rejeté la demande de la demanderesse fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, au motif qu’il n’y avait aucune raison de penser que la demanderesse ne pourrait pas se ré-établir à un niveau économique semblable à celui qui était le sien avant de quitter l’Iran et au motif que les éléments de preuve quant aux incidences négatives que subirait sa famille si elle devait quitter le Canada étaient insuffisants.

[8] Commençant par apprécier l’établissement de la demanderesse, l’agent a conclu que la durée de son séjour au Canada, soit un an et deux mois, était une durée bien courte pour constituer un établissement. L’agent a pris note du fait que la famille de la demanderesse bénéficiait de sa présence au Canada et que la demanderesse était motivée pour y trouver un emploi. L’agent a accordé un peu de poids favorable à ces facteurs, mais il a conclu que la demanderesse n’avait pas démontré sa capacité de subvenir à ses propres besoins financiers tout en aidant sa famille. Au final, l’agent a conclu que la demanderesse n’avait qu’un faible degré d’établissement.

[9] Quant à la question des difficultés, l’agent n’a accordé que peu de poids aux trois facteurs soulevés dans la demande de la demanderesse, soient : la présence de sa famille au Canada, son sexe et la situation économique. Premièrement, l’agent a souligné que la demanderesse avait produit plusieurs affidavits et documents médicaux qui étaient antérieurs à sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, puisqu’ils avaient été soumis en 2017, au soutien de la demande de sa mère, elle aussi fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. L’agent n’a accordé que peu de poids à ces documents, parce qu’ils n’étaient pas relatifs à la situation de la demanderesse et parce que les renseignements médicaux relatifs à Ali ne rendaient pas précisément compte de son état de santé actuel. L’agent a déclaré qu’il ne tiendrait compte que des documents récents.

[10] L’agent a pris note que la demanderesse avait fourni la documentation médicale remontant à 2019, relative à sa mère et à Ali, expliquant que l’aide quotidienne de la demanderesse était nécessaire à la sécurité et au soutien émotionnel de ces derniers. Toutefois, l’agent a conclu que les renseignements étaient insuffisants pour établir que la demanderesse serait la seule personne à pouvoir fournir ce soutien. Même si le retour de la demanderesse en Iran serait naturellement source d’un certain désarroi, il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir que le bien-être de sa mère et celui d’Ali en seraient significativement affectés. L’agent a souligné que la demanderesse pourrait atténuer les difficultés liées à la séparation en maintenant une communication en ligne et en continuant d’effectuer des visites occasionnelles.

[11] De plus, l’agent n’a accordé que peu de poids aux difficultés auxquelles la demanderesse serait exposée en Iran, en raison de son statut de femme célibataire n’ayant aucun parent de sexe masculin. Même si l’agent a pris acte du fait que la demanderesse subirait probablement des formes d’actes discriminatoires parmi les moins sévères et serait limitée dans ses activités communautaires, l’agent a aussi noté que la demanderesse avait terminé des études postsecondaires en Iran, y avait obtenu un emploi et y avait mené une vie sociale active. L’agent en a conclu qu’il était peu probable que la demanderesse ne retrouve pas de telles possibilités à son retour.

[12] Enfin, l’agent n’a accordé que peu de poids aux difficultés économiques de la demanderesse. Cette dernière avait quitté son emploi en 2012 pour diverses raisons, notamment ses conditions de travail et l’application d’un code vestimentaire strict, mais peu de renseignements ont été fournis concernant les difficultés qu’elle avait rencontrées pour trouver un emploi pendant ses huit années de chômage en Iran, avant de venir au Canada. De plus, il n’y avait que peu d’éléments de preuve quant aux finances personnelles de la demanderesse. En raison de ce manque de preuve, l’agent n’a pas été capable de déterminer si la demanderesse pourrait subvenir à ses besoins une fois de retour en Iran. En outre, l’agent n’a pas trouvé de renseignements suffisants pour établir que la tante de la demanderesse ne continuerait pas de lui offrir son soutien.

IV. Les questions en litige et la norme de contrôle

[13] À mon avis la seule question est de savoir si la décision est raisonnable. Les sous-questions sont les suivantes :

  1. L’agent a-t-il commis une erreur dans son analyse des difficultés en omettant de tenir compte d’éléments de preuve et en tirant des conclusions conjecturales?

  2. 2.Est-ce que l’analyse de l’agent dénote un manque de compassion?

  3. 3.Est-ce que l’agent a commis une erreur dans son analyse de l’établissement?

[14] Lorsqu’on se penche sur le fond d’une décision administrative, la norme de contrôle applicable est la décision raisonnable. La présente affaire ne soulève aucune des exceptions prévues dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]. Par conséquent, la présomption d’application de la norme de la décision raisonnable n’est pas réfutée (Vavilov, aux para 16, 17).

[15] Un contrôle selon la norme de la décision raisonnable suppose que la Cour tienne compte du résultat de la décision et de son raisonnement sous-jacent afin d’apprécier si la décision dans son ensemble possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci (Vavilov, aux para 87, 99). Cependant, la cour de révision doit s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur (Vavilov, au para 125). Si les motifs du décideur permettent à la cour de révision de comprendre pourquoi la décision a été rendue et de déterminer si elle fait partie des issues possibles acceptables, alors la décision est raisonnable (Vavilov, aux para 85, 86).

V. Analyse

A. L’agent a-t-il commis une erreur dans son analyse des difficultés en omettant de tenir compte d’éléments de preuve et en tirant des conclusions conjecturales?

(1) La position de la demanderesse

[16] L’agent a commis une erreur dans son analyse des difficultés en lien avec le sexe de la demanderesse et la situation économique. L’agent a omis de tenir compte des éléments de preuve de la demanderesse qui démontraient qu’elle avait été incapable de trouver un emploi depuis 2012, en dépit de tous ses efforts, et qu’il en résultait un état de dépendance à l’égard de sa tante, tant pour son logement que pour ses finances. La demanderesse a déclaré dans son témoignage que sa tante se montrait de moins en moins tolérante à son égard et qu’il était peu probable qu’elle continue de lui apporter son aide, à son retour en Iran. La demanderesse a également présenté des éléments de preuves sur les conditions dans le pays concernant la discrimination systémique envers les femmes en milieu de travail, l’agitation politique, les bouleversements économiques et l’inflation. L’agent n’a fait aucune référence à ces éléments de preuve, concluant plutôt que la demanderesse pourrait obtenir un emploi en Iran et compter sur le soutien continu de sa tante.

[17] De même, l’agent n’a tenu aucun compte des éléments de preuve de la demanderesse selon lesquels son statut de femme célibataire était, en Iran, source d’un grave opprobre social, de discrimination et de harcèlement.

2) La position du défendeur

[18] L’agent a clairement pris acte de la situation de chômage de la demanderesse depuis qu’elle avait quitté son emploi en 2012, du fait qu’elle avait peut‑être eu des raisons légitimes de ce faire, et de sa situation d’hébergement chez sa tante. Toutefois, l’agent a constaté l’insuffisance des renseignements relatifs aux recherches d’emploi de la demanderesse en Iran. Les éléments de preuve de la demanderesse se limitent à des affirmations d’ordre général dans le cadre de son témoignage relatif à ses difficultés pour trouver un emploi. De plus, même si l’agent n’a pas cité d’extrait précis de la preuve relative aux conditions dans le pays, les décideurs sont présumés avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve, et les extraits en question ne sont pas significatifs au point que la Cour puisse en déduire que l’agent a tiré ses conclusions sans en tenir compte. Quoi qu’il en soit, étant donné la conclusion de l’agent quant à l’insuffisance des éléments de preuve de la demanderesse relatifs à ses ressources financières, aucune erreur d’appréciation quant à la capacité de la demanderesse de trouver un emploi en Iran ne saurait être déterminante.

[19] Enfin, l’agent a considéré et admis l’affirmation de la demanderesse selon laquelle elle avait été victime de discrimination fondée sur le sexe, de même qu’il a tenu compte de la preuve relative aux conditions dans le pays concernant la discrimination et la violence. L’agent a conclu que tout cela serait source de difficultés et il a accordé à ce facteur un poids favorable.

3) Conclusion

[20] Selon une règle de droit bien connue, l’agent est présumé avoir apprécié toute la preuve dont il était saisi et n’est pas tenu de faire des observations sur chacun des éléments de preuve (Jama c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 1459 [Jama] au para 17). Toutefois, « l’obligation [de l’agent] de fournir une explication augmente en fonction de la pertinence de la preuve en question au regard des faits contestés » (Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 1 CF F-66; [1998] ACF no 1425 au para 17. Dit autrement, un agent est tenu d’examiner les éléments de preuve contradictoires importants (Jama, au para 17; Ocampo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1290 au para 5). Faisant application de ces principes en l’espèce, je conclus que l’agent s’est insuffisamment intéressé aux éléments de preuve de la demanderesse relatifs aux difficultés.

[21] L’agent a critiqué le fait que la demanderesse n’avait pas démontré pourquoi elle était incapable de trouver un emploi ou de conserver le soutien de sa tante. Indépendamment des raisons de cette situation, la preuve non contredite de la demanderesse démontrait que, depuis 2012, elle avait été incapable de trouver un emploi et avait éprouvé des difficultés financières, au point de dépendre de sa tante pour son hébergement et ses finances. La demanderesse a aussi fourni des éléments de preuve incontestés selon lesquels, avant son départ d’Iran, sa tante s’était montrée de moins en moins disposée à l’aider. Même si, en dehors de son témoignage, la demanderesse a fourni peu d’éléments de preuve relatifs à sa situation financière, l’agent se devait tout de même de tenir compte de ceux relatifs à ses difficultés financières passées et à l’absence de soutien de sa tante. À mon avis, l’appréciation de l’agent selon laquelle [traduction] « il n’y avait pas de raison de penser que la demanderesse ne pourrait pas se ré-établir à un niveau économique semblable à celui qui était le sien avant de quitter son pays de résidence permanente » n’est pas intelligible et n’est donc pas raisonnable.

[22] L’agent a également pris acte du fait qu’il existait en Iran une discrimination fondée sur le sexe et que la demanderesse y subirait vraisemblablement des formes d’actes discriminatoires parmi les moins sévères. Malgré cela, l’agent a accordé peu de poids à ce facteur, au motif que la demanderesse avait terminé des études postsecondaires, avait obtenu un emploi, et avait mené une [traduction] « vie sociale active ». L’agent a estimé qu’il était peu probable que la demanderesse ne retrouve pas de telles possibilités à son retour en Iran. La façon dont l’agent a traité ce facteur illustre une fois de plus son omission de tenir compte des éléments de preuve incontestés de la demanderesse. Plus précisément, il est incompréhensible que l’agent ait conclu que la demanderesse pourrait trouver un emploi, alors même qu’elle a été incapable d’en trouver un au cours des huit années qui ont précédé son arrivée au Canada. L’agent aurait plutôt dû s’interroger sur la question de savoir si la demanderesse avait démontré l’existence de difficultés inhabituelles, injustifiées ou démesurées en cas de retour en Iran (Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61 au para 26). En restreignant ainsi son appréciation de la preuve, l’agent a réduit le poids accordé aux difficultés de la demanderesse.

B. Est-ce que l’analyse de l’agent dénote un manque de compassion?

(1) La position de la demanderesse

[23] Les conclusions de l’agent démontrent un manque de compassion (Marshall c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 72 aux para 30-33). Plus précisément, l’agent a écarté de façon déraisonnable les éléments de preuve de la demanderesse selon lesquels sa mère et Ali dépendaient d’elle. L’agent a ainsi conclu que le renvoi de la demanderesse ne causerait qu’un [traduction] « certain désarroi » et qu’il y avait peu d’indices qu’elle soit la seule personne à pouvoir leur fournir le soutien nécessaire.

2) La position du défendeur

[24] Les arguments de la demanderesse reviennent à contester le poids qui a été accordé à ce facteur. L’agent a tenu compte de l’état de santé des membres de la famille de la demanderesse et du rôle de celle-ci dans les soins qui leur sont prodigués. L’agent a pris acte de l’effet positif de la présence de la demanderesse au Canada et du fait que son retour en Iran causerait un certain désarroi. Toutefois, l’agent a raisonnablement relevé que la demanderesse n’avait pas expliqué pourquoi elle devrait être leur principale dispensatrice de soins et pourquoi une autre personne ne pourrait pas combler leurs besoins pendant qu’elle attendrait, en Iran, jusqu’au traitement de sa demande de résidence permanente.

3) Conclusion

[25] Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que les observations de la demanderesse sur cette question équivalent à une contestation du poids qui a été accordé à ce facteur. L’agent a tenu compte de l’état de santé de la mère de la demanderesse et de celui d’Ali, ainsi que des soins afférents, donnés par la demanderesse. L’agent a pris acte du fait que le renvoi de la demanderesse du Canada serait source d’un certain désarroi pour sa famille et pour elle-même, mais, étant donné l’insuffisance de la preuve pour démontrer que la demanderesse serait la seule personne capable de fournir le soutien nécessaire, il a finalement conclu que leur bien-être n’en serait pas significativement affecté. Comme la Cour l’a relevé dans la décision Takhar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 678, il était loisible à l’agent de tenir compte de cette considération :

[[22] […] Il ne fait aucun doute que les difficultés auxquelles sont confrontés les membres de la famille peuvent, dans certaines circonstances, jouer un rôle dans l’évaluation des difficultés (Reducto c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 511; Hosrom c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 365 [Hosrom]). Cependant, comme l’a clairement déclaré le juge Little dans la décision Hosrom, ce sont les considérations d’ordre humanitaire qui touchent le demandeur qui sont au cœur de la demande; bien que les difficultés auxquelles un membre de la famille peut être confronté (soit le répondant dans cette affaire) puissent être pertinentes dans le cadre de l’évaluation des difficultés réalisée par le ministre dans le contexte d’une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, elles ne sont prises en compte que dans la mesure où elles peuvent avoir une incidence sur le demandeur (Hosrom, au para 63). En l’espèce, je ne suis pas convaincu que l’agent a fait abstraction des difficultés auxquelles les parents de M. Takhar pourraient être confrontés si celui-ci devait retourner en Inde; en fait, l’agent a expressément abordé la question. Ce que la preuve ne démontre pas c’est l’incidence qu’auraient ces difficultés sur M. Takhar, et en l’absence de preuve contraire, il n’était pas déraisonnable pour l’agent de souligner qu’étant donné la présence d’autres membres de la famille et d’amis au Canada pouvant contribuer à apporter un soutien émotionnel et physique aux parents de M. Takhar, les difficultés auxquelles celui-ci serait confronté s’il devait retourner en Inde ne seraient rien de plus que les conséquences normales de son renvoi (Zhou c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 163 au para 19).

[26] Si la demanderesse peut contester le poids que l’agent a accordé à ce facteur, il n’appartient pas à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve.

C. Est-ce que l’agent a commis une erreur dans son analyse de l’établissement?

(1) La position de la demanderesse

[27] L’appréciation de l’établissement de la demanderesse par l’agent est erronée. Plus précisément, l’agent s’est indûment concentré sur la courte durée du séjour de la demanderesse au Canada et il a omis de tenir compte des liens familiaux étroits de la demanderesse avec sa mère et avec Ali, lesquels auraient dû l’emporter sur la première considération.

2) La position du défendeur

[28] Contrairement à ce qu’affirme la demanderesse, l’agent a pris acte de l’effet positif du regroupement de la demanderesse et de sa famille au Canada et il y a accordé un peu de poids favorable. Si la demanderesse estime que ses liens familiaux au Canada aurait dû l’emporter sur la courte durée du séjour qu’elle y a effectué, il ne s’agit pas là d’une erreur susceptible de contrôle. Il s’agit plutôt, ici encore, d’une demande d’apprécier à nouveau la preuve.

3) Conclusion

[29] L’agent était fondé de tenir compte du manque d’établissement de la demanderesse au Canada en dehors de sa famille, et de la durée relativement courte du séjour qu’elle y a effectué. Contrairement aux prétentions de la demanderesse, l’agent a tenu compte de ses liens familiaux au Canada et du fait que sa famille dépendait d’elle, et il a accordé un peu de poids favorable à ce facteur. La question de savoir si les liens familiaux de la demanderesse devaient l’emporter sur la courte durée de son séjour au Canada relevait du pouvoir décisionnel de l’agent. Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que la prétention de la demanderesse sur cette question revient, encore une fois, à demander que la Cour apprécie à nouveau la preuve, ce qui n’est pas son rôle dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

VI. Conclusion

[30] La demande de contrôle judiciaire sera accueillie. L’appréciation, faite par l’agent, des difficultés de la demanderesse en cas de retour en Iran, est déraisonnable.

[31] Les parties ne proposent aucune question grave de portée générale à certifier, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-905-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision;
  2. Il n’y a aucune question d’importance générale à certifier.

« Paul Favel »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-905-21

INTITULÉ :

LADAN ZARINEJAD c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VISIO CONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 AOÛT 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FAVEL

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

 

LE 6 FÉVRIER 2023

COMPARUTIONS :

Marianne Lithwick

POUR LA DEMANDERESSE

 

Zofia Rogowska

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

LithwickLaw

Avocate

Toronto (Ontario)

pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

pour le défendeur

 

 

 

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