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Date : 20230127


Dossier : T-582-21

Référence : 2023 CF 134

[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 27 janvier 2023

En présence de monsieur le juge Fothergill

ENTRE :

TANZIRUL ALAM

demandeur

et

ÉTABLISSEMENT DE MATSQUI

(SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA) [NO 3]

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Tanzirul Alam interjette appel d’une ordonnance de la protonotaire (aujourd’hui juge adjointe) Kathleen Ring, rendue en sa qualité de juge responsable de la gestion de l’instance [la JRGI]. La JRGI a accueilli une requête du Service correctionnel du Canada [le SCC], défendeur, visant à radier l’avis de demande de M. Alam sans autorisation de le modifier.

[2] La JRGI a estimé que la procédure interne de règlement des griefs prévue par la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, LC 1992, c 20, [la LSCMLC] offrait à M. Alam une autre voie de recours appropriée qu’il n’avait pas encore épuisée. Elle a donc conclu que sa demande de contrôle judiciaire n’avait aucune chance d’être accueillie.

[3] En juin 2017, M. Alam a été reconnu coupable de nombreuses infractions et condamné à une peine d’emprisonnement de 12 ans, réduite à huit ans et huit mois en raison de la détention préventive (R v Alam, 2020 ABCA 10 aux para 2-3). Il est actuellement détenu à l’Établissement de Matsqui, un pénitencier fédéral à sécurité moyenne situé à Abbotsford, en Colombie‑Britannique. Il a présenté son appel sans l’aide d’un avocat.

[4] Pour les motifs qui suivent, la décision de la JRGI de radier l’avis de demande de M. Alam sans autorisation de le modifier était équitable sur le plan de la procédure, appuyée par les faits et fondée en droit. L’appel sera donc rejeté.

II. Contexte

[5] Selon l’avis de demande, M. Alam est citoyen du Bangladesh et sa langue maternelle est le bengali. Il est détenu à l’Établissement de Matsqui depuis décembre 2017.

[6] Le 25 octobre 2020, M. Alam a déposé une plainte officielle selon laquelle la bibliothèque de l’Établissement de Matsqui ne disposait d’aucun livre en bengali. Il a affirmé que la collection de livres de la bibliothèque, qui était principalement en anglais et en français, ne tenait pas compte de la diversité linguistique des détenus à l’Établissement de Matsqui. Il a fait valoir que le SCC était légalement tenu de fournir aux détenus des livres dans leur langue maternelle en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11 [la Charte].

[7] Le 3 novembre 2020, une fonctionnaire du SCC, Shawna White, a rejeté la plainte de M. Alam en déclarant ce qui suit :

[traduction]

Le SCC n’est pas tenu de fournir des ressources bibliothécaires dans toutes les langues, à l’exception de l’anglais et du français, les deux langues officielles du Canada. Cependant, le SCC fait un effort raisonnable pour fournir des documents dans la langue de la majorité de la population. Comme il est mentionné, la bibliothèque de l’Établissement de Matsqui dispose d’un certain nombre de livres dans différentes langues, y compris le bengali, ainsi que d’un accès à une collection régionale.

 

Un examen de la base de données de la bibliothèque régionale de Fraser (communauté) indique qu’il n’y a pas de livres en bengali, mais seulement en pendjabi et en hindi. Le SCC a donc respecté les normes communautaires.

Cela dit, le SCC s’efforce de répondre aux besoins d’une population culturellement diversifiée. Pour ce faire, il suffit de soumettre un formulaire de demande au bibliothécaire, qui peut vérifier la disponibilité des livres dans la collection régionale et rechercher des livres en bengali sur d’autres sites. Il n’existe aucune trace d’une telle demande de votre part. Enfin, en fonction de la demande, le SCC ou l’Établissement de Matsqui peut envisager d’acheter quelques livres pour la bibliothèque dans une langue donnée.

La Charte canadienne des droits et libertés n’exige pas que le SCC ou l’Établissement de Matsqui fournisse à tous les détenus l’accès à des livres ou à de la littérature dans leur langue maternelle.

[8] Le 12 décembre 2020, M. Alam a déposé un document intitulé « Présentation d’un grief initial par un délinquant » concernant la réponse à sa plainte. Il a demandé l’annulation de la décision de Mme White et un délai précis pour que des livres en bengali soient mis à sa disposition.

[9] Le directeur de l’Établissement de Matsqui a répondu au grief de M. Alam le 25 janvier 2021. Il a estimé que le manque de livres en bengali n’était pas discriminatoire et qu’il n’était pas possible de fournir aux détenus des livres dans toutes les langues en raison de contraintes financières. Il a néanmoins informé M. Alam que les services ethnoculturels du SCC avaient acheté 10 livres en bengali pour des prêts entre bibliothèques, et a conclu qu’aucune autre mesure n’était nécessaire :

[traduction]

Bien que l’Établissement de Matsqui ne dispose pas de livres en bengali, les services ethnoculturels ont acheté, s’appuyant sur vos demandes, dix (10) livres en bengali à l’intention des délinquants dans la région du Pacifique. [...] Si vous souhaitez emprunter l’un ou l’autre de ces ouvrages, veuillez soumettre une requête du détenu et nous pourrons demander un prêt interbibliothèques.

 

Je conclus, en me fondant sur l’information que j’ai examinée, que les critères pour en arriver à une conclusion de discrimination n’ont pas été respectés. Bien que le SCC ait l’obligation de traiter tous les délinquants de la même façon, l’incapacité de fournir des livres dans de nombreuses langues n’est pas attribuable à de la discrimination, mais seulement à un financement limité. [...] Comme il est indiqué dans la présente réponse, des livres ont été achetés pour la région dans la langue demandée, le bengali. J’estime qu’aucune autre mesure n’est nécessaire en ce qui concerne l’achat de livres en bengali ou vos allégations de discrimination.

[10] Le 4 février 2021, M. Alam a présenté une requête du détenu pour trois livres en bengali conservés à l’Établissement du Pacifique. Le 9 février 2021, il a emprunté un livre en bengali en échange d’un livre de droit intitulé Federal Courts Practice 2019.

[11] Le 6 avril 2021, M. Alam a déposé un avis de demande de contrôle judiciaire des [traduction] « mesures du SCC contestées et de la réponse au grief qui s’y rapporte » :

[traduction]

En conséquence, par voie du présent contrôle judiciaire, le demandeur conteste les mesures du SCC en cause et la réponse au grief qui s’y rapporte pour trois (3) motifs distincts :

a) en raison des principes du droit administratif;

b) en raison de la violation de diverses dispositions de la LSCMLC et du RSCMLC;

c) en raison de la violation des droits du demandeur que lui confère la Charte aux termes des alinéas 2a) et 2b) et des articles 7 et 15.

[12] Le 20 octobre 2021, le SCC a présenté une requête écrite en vue d’obtenir une ordonnance visant le rejet ou la radiation de l’avis de demande de M. Alam pour les motifs suivants : (i) l’avis a été déposé hors délai, (ii) la procédure de règlement des griefs n’a pas été épuisée et (iii) la principale question soulevée était théorique.

[13] Le 4 janvier 2022, la JRGI a accueilli la requête du SCC et a radié l’avis de demande de M. Alam sans autorisation de le modifier au seul motif qu’il n’avait pas encore épuisé la procédure interne de règlement des griefs du SCC [l’ordonnance de la JRGI].

III. Ordonnance et motifs de la JRGI

[14] La JRGI a autorisé les deux parties à présenter une preuve sous forme d’affidavits parce que cela était [traduction] « pertinent pour déterminer s’il existe une autre voie de recours appropriée ou si la demande est théorique » (ordonnance de la JRGI, au para 26). Bien que les affidavits ne soient généralement pas admissibles dans le cadre d’une requête en radiation d’une demande, la JRGI a souligné qu’ils pouvaient être permis lorsqu’« [ils] ne vont pas à l’encontre des justifications à la règle générale de l’irrecevabilité, et [que] l’exception sert l’intérêt de la justice » (renvoyant à l’arrêt Canada (Revenu national) c JP Morgan Asset Management (Canada) Inc., 2013 CAF 250 au para 53).

[15] La JRGI a conclu qu’une demande de contrôle judiciaire peut être annulée lorsqu’une partie saisit un tribunal sans avoir épuisé toutes les voies de recours utiles qui lui sont ouvertes en vertu du processus administratif (renvoyant à l’arrêt Canada (Agence des services frontaliers) c C.B. Powell Limited, 2010 CAF 61 [B.P. Powell] aux para 30-31). Il n’a pas été sérieusement contesté que M. Alam disposait d’autres voies de recours dans le cadre de la procédure de règlement des griefs du SCC. Il n’avait pas encore soumis la réponse au deuxième palier de la procédure de grief aux fins d’examen par le commissaire au troisième palier, comme le prévoit l’article 80 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92-620 [le RSCMLC].

[16] La JRGI a conclu que le mécanisme de troisième palier de grief que prévoit le RSCMLC constituait une voie de recours appropriée et efficace. Elle a rejeté l’argument de M. Alam selon lequel la voie de recours était [traduction] « excessivement lente », parce qu’il n’y avait aucune « preuve directe » du retard que M. Alam pourrait subir dans le règlement de son grief actuel (renvoyant aux décisions Fortin c Canada (Procureur général), 2021 CF 1061 [Fortin] aux para 43, 45 et Xanthopoulos c Canada (Procureur général), 2020 CF 401 [Xanthopoulos] au para 21).

[17] La JRGI a également rejeté l’argument de M. Alam selon lequel le grief au troisième palier était une voie de recours inefficace parce que le commissaire du SCC n’avait pas compétence pour accorder les mesures de réparation demandées en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte. Elle a soutenu qu’il était néanmoins tenu d’épuiser la procédure de règlement des griefs avant de demander un contrôle judiciaire (renvoyant aux décisions MacInnes c Établissement Mountain, 2014 CF 212 [MacInnes] au para 32 et Veley c Directeur de Fenbrook, 2004 CF 1571 [Veley] au para 24).

[18] Enfin, la JRGI a conclu qu’aucune circonstance exceptionnelle ne justifiait le fait que M. Alam n’ait pas épuisé les voies de recours dont il disposait dans le cadre de la procédure interne de règlement des griefs du SCC avant de s’adresser à la Cour (renvoyant à l’arrêt C.B. Powell, au para 33). Elle a donc conclu que l’avis de demande n’avait aucune chance d’être accueilli et qu’il devait être radié sans autorisation de le modifier.

IV. Questions en litige

[19] Le présent appel soulève les questions suivantes :

  1. Les éléments de preuve « nouveaux » ou « inédits » sont-ils admissibles en appel?

  2. La décision de la JRGI était-elle équitable sur le plan procédural?

  3. La décision de la JRGI était-elle étayée par des faits et fondée en droit?

V. Analyse

A. Les éléments de preuve « nouveaux » ou « inédits » sont-ils admissibles en appel?

[20] M. Alam cherche à présenter ce qu’il décrit comme un élément de preuve « nouveau » ou « inédit » en appel. Les éléments de preuve « nouveaux » consistent en des affidavits souscrits par M. Alam et un autre détenu au sujet des retards continus qu’ils ont subis au troisième palier de la procédure de règlement des griefs du SCC. M. Alam affirme que ces éléments n’auraient pas pu être présentés devant la JRGI, car ils n’existaient pas à l’époque.

[21] Parmi les éléments de preuve « inédits », on trouve un rapport publié le 16 juin 2021 par le Comité sénatorial permanent des droits de la personne concernant les droits de la personne des détenus dans les établissements correctionnels [le rapport du Sénat]. M. Alam reconnaît que le rapport du Sénat existait à l’époque de la décision de la JRGI, mais il affirme que les détenus ne pouvaient pas l’obtenir facilement.

[22] Les nouveaux éléments de preuve ne sont généralement pas admissibles dans le cadre d’une requête présentée en vertu de l’article 51 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (Charles Augustus Steen III c Dr Seuss Enterprises, LP, 2017 CF 172 au para 16). M. Alam est probablement au courant de ce principe, car le juge Shirzad Ahmed a récemment rejeté sa demande en vue de produire de nouveaux éléments de preuve dans le cadre d’un appel interjeté à l’encontre d’une autre ordonnance rendue par la même JRGI dans l’affaire Alam c Canada (Procureur général), 2022 CF 833 (aux para 25-27).

[23] De nouveaux éléments de preuve peuvent exceptionnellement être admis en appel dans les cas suivants : (i) ils n’auraient pas pu être communiqués à une date antérieure; (ii) ils serviront l’intérêt de la justice; (iii) ils aideront la Cour; et (iv) ils ne causeront pas de préjudice grave à la partie adverse (Graham c Canada, 2007 CF 210 au para 12). Dans l’affaire Fondation David Suzuki c Canada (Santé), 2018 CF 379, la juge Catherine Kane a refusé d’admettre de nouveaux éléments de preuve en appel parce qu’ils ne modifiaient pas suffisamment le fondement factuel de la décision de la protonotaire et n’étaient pas « "pour ainsi dire déterminants" à l’égard d’une question en appel » (au para 56) :

En résumé, en appliquant la jurisprudence régissant la question de savoir s’il y a lieu d’admettre de nouveaux éléments de preuve en appel, je conclus, d’une part, que les nouveaux éléments de preuve n’auraient pas pu être communiqués à la protonotaire, que les éléments de preuve sont crédibles et pertinents et que la réception des éléments de preuve n’aurait pas été contraire à l’intérêt de la justice. D’autre part, les nouveaux éléments de preuve ne seraient pas « pour ainsi dire déterminants » à l’égard d’une question en appel, pas plus qu’ils n’aideront la Cour, en ce sens qu’ils auront une incidence sur le règlement de l’appel, parce qu’ils ne changent pas suffisamment le fondement factuel qui a permis à la protonotaire de conclure, au moment de déterminer s’il y avait lieu de radier la demande de contrôle judiciaire et d’appliquer la jurisprudence pertinente, que les deux questions étaient discutables. L’admission de nouveaux éléments de preuve en appel étant une mesure exceptionnelle, l’application de tous les facteurs mène à la conclusion qu’il n’y a pas lieu d’admettre les nouveaux éléments de preuve.

[24] M. Alam admet que les éléments de preuve supplémentaires concernant son expérience et celle d’un autre détenu quant à la procédure de règlement des griefs du SCC sont qualitativement similaires à ceux qu’il a présentés devant la JRGI et ne modifient pas de façon importante la base factuelle sur laquelle sa décision a été rendue. À mon avis, on peut dire la même chose du rapport du Sénat. Ni les éléments de preuve « nouveaux » ni les éléments de preuve « inédits » ne constituent une preuve directe du [traduction] « traitement du grief [de M. Alam] en cause et de la question de savoir si ce traitement était indûment retardé » (ordonnance de la JRGI, au para 43).

[25] Je conclus donc qu’il n’y a pas de circonstances exceptionnelles suffisantes pour justifier l’acceptation des éléments de preuve « nouveaux » ou « inédits » que M. Alam cherche à produire à l’appui de son appel.

B. La décision de la JRGI était-elle équitable sur le plan procédural?

[26] Les questions d’équité procédurale font l’objet d’un exercice de contrôle qui est particulièrement bien reflété dans la norme de la décision correcte, même si, à proprement parler, aucune norme de contrôle n’est appliquée (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54). La question fondamentale demeure celle de savoir si le demandeur connaissait la preuve à réfuter et s’il a eu la possibilité complète et équitable d’y répondre (Siffort c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 351 au para 18).

[27] M. Alam affirme que la JRGI a violé son droit à l’équité procédurale en statuant par écrit sur la requête du SCC conformément à l’article 369 des Règles. Il soutient que la requête était trop complexe pour être traitée équitablement sans audience. Plus précisément, il soutient qu’il n’a pas eu la possibilité de répondre à une partie de la jurisprudence sur laquelle la JRGI s’est appuyée dans sa décision. Il s’insurge en particulier contre le fait que la JRGI se soit appuyée sur les décisions MacInnes et Veley, qui n’ont pas été invoquées par les parties dans leurs observations écrites.

[28] La JRGI a correctement indiqué le critère juridique comme étant celui de savoir « si, dans toutes les circonstances d’une affaire donnée, [la Cour] peut disposer de la requête de manière équitable sans le coût additionnel d’une audience et le retard qu’elle entraîne » (ordonnance de la JRGI, au para 17, renvoyant à l’arrêt Jones c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CAF 279 au para 12). Je suis d’accord avec les observations du SCC au paragraphe 45 de son mémoire des faits et du droit :

[traduction]

Le demandeur s’est opposé à la présente procédure de requête écrite, mais il n’a pas fourni de raisons justifiant son objection, si ce n’est de la complexité de la chose. Les arguments du demandeur n’étaient tout simplement pas complexes et, par conséquent, se prêtaient bien à un traitement par voie d’observations écrites. Le demandeur n’a pas justifié le temps et les frais additionnels d’une audience.

[29] Un officier de justice n’est pas obligé de donner aux parties un avis de droit. Les parties sont présumées connaître le droit et se conduire en conséquence (Paszkowski c Canada (Procureur général), 2006 CF 198 au para 67). La Cour d’appel fédérale a confirmé que le simple fait pour un juge de s’être référé à des décisions que n’avaient pas citées les parties n’est en soi ni une erreur de droit ni un manquement à l’équité procédurale (Heron Bay Investments Ltd c Canada, 2010 CAF 203 [Heron Bay] au para 22).

[30] On aurait pu conclure au manquement à l’équité procédurale si la JRGI, en se référant à des décisions non citées par les parties, avait introduit un principe de droit qu’aucune des parties n’aurait invoqué explicitement ou susceptible de se déduire logiquement, ou si elle avait ainsi engagé l’affaire sur une voie d’analyse substantiellement nouvelle et différente (Heron Bay, au para 24). Cependant, aucune des décisions invoquées par la JRGI n’a été utilisée à cette fin.

[31] Par conséquent, je conclus que la décision de la JRGI était équitable sur le plan procédural.

C. La décision de la JRGI était-elle étayée par des faits et fondée en droit?

[32] Une ordonnance discrétionnaire d’un juge adjoint est soumise à un contrôle conformément aux normes qu’a énoncées la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Housen c Nikolaisen, 2002 CSC 33 (Corporation de soins de la santé Hospira c Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215 [Hospira] au para 2). Les questions de droit font l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision correcte, et les conclusions de fait ou les conclusions mixtes de fait et de droit ne peuvent être réexaminées que s’il y a une erreur manifeste et dominante (Hospira, aux para 66, 79).

[33] La norme de l’erreur manifeste et dominante commande une grande déférence. De plus, par erreur « manifeste », on entend une erreur évidente, alors que par erreur « dominante », on entend une erreur qui a une incidence déterminante sur la conclusion du décideur (Mahjoub c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157 aux para 61-64).

[34] Dans le contexte d’un appel fondé sur l’article 51 des Règles, « le juge responsable de la gestion de l’instance connaît très bien les questions et les faits particuliers de l’instance », et ses « décisions [...] doivent être traitées avec déférence, surtout en ce qui concerne les questions où les faits dominent » (Hughes c Canada (Commission des droits de la personne), 2020 CF 986 au para 67).

[35] La JRGI a décrit le critère juridique pour radier un avis de demande dans le cadre d’une requête préliminaire en ces termes (ordonnance de la JRGI, au para 31) :

[traduction]

Il est bien établi que la Cour a compétence pour radier un avis de demande du fait de sa compétence absolue de restreindre le mauvais usage ou l’abus des procédures judiciaires. Toutefois, le seuil applicable à la radiation d’une demande de contrôle judiciaire est élevé. La Cour n’accepte de radier un avis de demande que s’il est manifestement irrégulier au point de n’avoir aucune chance d’être accueilli. En d’autres termes, « [e]lle doit être en présence d’une demande d’une efficacité assez radicale, un vice fondamental et manifeste qui se classe parmi les moyens exceptionnels qui infirmeraient à la base sa capacité à instruire la demande » : David Bull Laboratories (Canada) Inc. c Pharmacia Inc, [1995] 1 CF 588 à la p 600 (CA) [David Bull]; JP Morgan aux para 47 et 48.

[36] En ce qui concerne l’existence d’une autre voie de recours appropriée, la JRGI a déclaré ce qui suit (ordonnance de la JRGI, au para 37) :

[traduction]

Pour faire droit à une requête préliminaire en radiation d’une demande de contrôle judiciaire en raison de l’existence d’une autre voie de recours appropriée, la Cour doit être certaine de ce qui suit : i) si un recours est possible ailleurs, maintenant ou plus tard; (ii) si le recours est approprié et efficace; (iii) si les circonstances invoquées sont d’une nature inhabituelle ou exceptionnelle reconnue par la jurisprudence ou présentent des caractéristiques analogues : JP Morgan, au para 91.

[37] Je ne suis pas d’accord avec l’affirmation de M. Alam selon laquelle il lui suffisait de démontrer que le caractère inapproprié de la procédure de règlement des griefs du SCC était à tout le moins « discutable ». Au contraire, il devait démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la procédure de règlement des griefs était incapable de lui offrir une autre voie de recours appropriée. Il n’a pas réussi à le faire.

[38] Comme je l’ai déclaré dans l’affaire Hudson c Canada, 2022 CF 694 [Hudson], avant de décider d’exercer ou non son pouvoir discrétionnaire d’instruire l’affaire, la Cour doit d’abord être convaincue que la procédure de règlement des griefs n’est pas disponible et qu’elle n’offrirait aucune réparation (au para 90). Même à ce stade préliminaire, il incombe au demandeur d’établir la compétence de la Cour quant au litige.

[39] Comme l’a expliqué la protonotaire (maintenant juge adjointe) Mireille Tabib dans l’affaire Murphy c Canada (Procureur général), 2022 CF 146 [Murphy] au para 33 :

Ainsi, et comme le suggère aussi l’arrêt Lebrasseur c Canada 2007 FCA 330, au para 19, lorsqu’il est établi qu’une personne est éligible à se prévaloir d’un régime de présentation de griefs établi par une loi, il appartient au demandeur, et non au défendeur qui cherche à faire rejeter la demande pour prématurité, d’établir que le recours n’est clairement pas disponible. Cette conclusion s’impose, puisque de conclure autrement et d’ouvrir le recours aux tribunaux dès lors qu’une question se pose quant à la recevabilité d’un grief aurait pour effet de passer outre au régime exhaustif voulu par le législateur. Ce serait de demander à la Cour de préjuger de la recevabilité du grief et d’usurper le rôle du décideur de grief quant à l’interprétation et à l’application des dispositions régissant les mécanismes de grief.

[40] La décision de la juge adjointe Tabib dans l’affaire Murphy a été très récemment confirmée par la juge Vanessa Rochester dans l’affaire Murphy c Canada (Procureur général), 2023 CF 57.

[41] M. Alam soutient que la JRGI n’a pas accordé suffisamment d’importance aux éléments de preuve selon lesquels la procédure interne de règlement des griefs du SCC est excessivement lente, en particulier au troisième palier. Il soutient que la preuve sous forme d’affidavits qu’il a présentée a clairement établi qu’il était peu probable que son grief se règle rapidement.

[42] La JRGI a examiné les éléments de preuve présentés par M. Alam et d’autres détenus concernant les retards qu’ils ont subis dans le règlement définitif de griefs non liés. Elle a renvoyé aux décisions Fortin et Xanthopoulos à l’appui de sa conclusion selon laquelle [traduction] « [l]a Cour a rejeté les arguments fondés sur le retard en l’absence d’éléments de preuve directs quant à la rapidité de la procédure possible dans les circonstances particulières d’un demandeur » (ordonnance de la JRGI, aux para 41-42).

[43] La JRGI a indiqué que M. Alam avait reçu en temps opportun des décisions aux premier et deuxième paliers de la procédure interne de règlement des griefs du SCC (ordonnance de la JRGI, au para 43) :

[traduction]

Bien que d’autres personnes aient pu subir des retards dans le traitement de leurs griefs, l’enquête de la Cour sur la présente requête porte essentiellement sur le traitement du grief particulier du demandeur et sur la question de savoir s’il a été indûment retardé. La preuve présentée à la Cour est que, malgré la pandémie de COVID-19, le demandeur a reçu des décisions sur son grief concernant le manque de livres en bengali en moins de deux mois au premier palier et de nouveau au deuxième palier de la procédure interne de règlement des griefs du SCC. Par conséquent, je ne peux tout simplement pas conclure qu’il a été démontré que le recours offert au demandeur par la procédure interne de règlement des griefs du SCC a été ou sera indûment retardé et rendu ainsi inefficace.

[44] Comme il l’a fait devant la JRGI, M. Alam s’appuie sur la décision du juge Frederick Gibson dans l’affaire Caruana c Canada (Procureur général), 2006 CF 1355 [Caruana]. La JRGI a distingué la présente affaire en ces termes (ordonnance de la JRGI, au para 44) :

[traduction]

Dans l’affaire Caruana, le demandeur, un détenu de l’Établissement de Bath, a déposé un grief à l’encontre d’une décision relative à son classement de sécurité au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs du SCC. Il a fallu plus de huit mois après le dépôt du grief pour que le demandeur reçoive une décision. Plutôt que de passer au troisième palier de la procédure de règlement des griefs, le demandeur a présenté une demande de contrôle judiciaire. Compte tenu de la preuve directe du retard, la Cour a jugé « qu’il [n’était] pas du tout surprenant que le demandeur ait décidé de s’adresser à elle au lieu de poursuivre son grief au troisième palier […] » (au para 42). En revanche, selon le témoignage du demandeur dans le cadre de la présente requête, le deuxième palier de la procédure de règlement des griefs dans la présente affaire a pris 44 jours (et non huit mois).

[45] Selon M. Alam, il lui a fallu environ trois mois pour recevoir les réponses à sa plainte aux premier et deuxième paliers, mais il admet que cela ne constitue pas un retard déraisonnable. Au contraire, il dit avoir déposé l’avis de demande en prévision du retard beaucoup plus long auquel il s’attendait au troisième palier du grief, qui devait être tranché par le commissaire du SCC.

[46] La juge Ann Marie McDonald a rejeté un argument similaire dans la décision Fortin (au para 43) :

Bien que la célérité de l’autre recours soit un facteur que la Cour doit soupeser, les arguments selon lesquels le processus de règlement des griefs est chronophage ne sont pas, à eux seuls, suffisants. Dans un certain nombre de décisions, la Cour a rejeté les arguments fondés sur les retards dans les cas où aucune preuve directe ne démontrait que le processus de règlement des griefs était excessivement lent (Rose c Canada (Procureur général), 2011 CF 1495 aux para 28-30; Picard, aux para 41-45; Xanthopoulos c Canada (Procureur général), 2020 CF 401 aux para 21, 24). Dans la décision Picard, par exemple, le demandeur s’est appuyé sur des données statistiques pour faire valoir que le processus d’appel interne de la GRC serait excessivement lent. Toutefois, la Cour a fait remarquer qu’aucun élément de preuve ne démontrait que le demandeur s’était renseigné sur le délai estimé de son appel (au para 41). Par conséquent, la Cour a jugé que la preuve était insuffisante pour établir que la procédure d’appel de la GRC était inappropriée (au para 44).

[47] Les mêmes considérations se posent en l’espèce. M. Alam a introduit sa demande devant la Cour sans avoir amorcé le troisième palier de la procédure de règlement des griefs. Contrairement au demandeur dans l’affaire Caruana, il n’avait pas subi de retards excessifs dans le règlement de son grief au premier ou au deuxième palier.

[48] Si M. Alam avait engagé le troisième palier de la procédure de règlement des griefs du SCC et qu’il s’était heurté à un retard déraisonnable, il aurait pu tôt ou tard introduire une demande de contrôle judiciaire, peut-être en demandant une ordonnance de la nature d’un mandamus. Toutefois, au moment où il a déposé l’avis de demande, ses plaintes au sujet de la procédure étaient purement spéculatives (Fortin, au para 45). Comme l’a déclaré le juge Richard Mosley dans la décision Moodie c Canada (Défense nationale), 2008 CF 1233, « [i]l est tout simplement prématuré de présumer qu’une réparation ne pourrait pas être accordée à la faveur des procédures administratives alors que le demandeur a omis de s’en prévaloir » (au para 38, cité avec approbation dans l’affaire Fortin, au para 45).

[49] L’avis de demande de M. Alam contenait l’allégation suivante :

[traduction]

33. Dans les établissements du SCC, les livres de droit, la documentation juridique et la jurisprudence sont considérés comme des « prêts particuliers ». Les détenus ne peuvent faire qu’un seul « prêt particulier » à la fois. Après avoir acheté dix (10) livres en bengali, le SCC a qualifié ces livres en bengali de « prêts particuliers » comme s’il s’agissait de « livres de droit ». Ensuite, le SCC a soumis les livres en bengali à la même règle d’« un prêt particulier à la fois » [...]

[50] Le SCC décrit cette situation comme la [traduction] « décision relative à l’échange de livres ». En ce qui concerne la « décision relative à l’échange de livres », la JRGI a estimé qu’il n’y avait [traduction] « aucune preuve que [M. Alam] ait entamé la procédure de règlement des griefs » (ordonnance de la JRGI, au para 39).

[51] M. Alam affirme qu’il n’a inclus la [traduction] « décision relative à l’échange de livres » dans son avis de demande qu’à des fins contextuelles, et qu’il ne s’agissait pas d’une mesure ou d’une réponse à un grief qu’il cherchait à contester par voie de contrôle judiciaire. Il maintient que la conclusion de la JRGI selon laquelle il n’a jamais déposé de grief concernant la « décision relative à l’échange de livres » était injustifiée et préjudiciable.

[52] La JRGI a décrit l’avis de demande de 26 pages comme [traduction] « n’étant pas un modèle de clarté » (ordonnance de la JRGI, au para 10). Étant donné que M. Alam avait l’intention de demander un contrôle judiciaire « des mesures du SCC contestées et de la réponse au grief qui s’y rapporte », la JRGI pouvait conclure que la « décision relative à l’échange de livres » entrait dans le champ des questions examinées, et conclure que cette décision n’avait jamais fait l’objet d’un grief. Je ne suis pas persuadé que cela ait causé un préjudice quelconque à M. Alam. Maintenant qu’il a précisé qu’il n’avait jamais eu l’intention de demander un contrôle judiciaire de la question de la « décision relative à l’échange de livres », il n’est pas nécessaire de l’examiner davantage.

[53] Enfin, M. Alam soutient que la procédure interne de règlement des griefs du SCC est inadéquate parce que le commissaire du SCC n’est pas un tribunal compétent pour ce qui est d’accorder réparation en vertu de la Charte ou du droit international.

[54] La JRGI a rejeté à juste titre cet argument en appliquant les décisions faisant autorité de la Cour dans les affaires MacInnes et Veley. Dans l’affaire Veley, la juge Carolyn Layden-Stevenson a fait l’observation suivante (au para 24) :

Le transfèrement non sollicité d’un détenu a toujours été considéré par la jurisprudence de la Cour comme une décision administrative : Acorn c. Canada (Procureur général) 2004 CF 1438, au paragraphe 7. Par ailleurs, un transfèrement non sollicité est également considéré comme une décision qui ne peut être contestée qu’au moyen d’un grief. Cette procédure doit être épuisée avant que le détenu concerné ne puisse solliciter un contrôle judiciaire. M. Veley a peut-être raison – et je ne prétends pas disposer ici de la question – de dire que le commissaire n’est pas un tribunal compétent pour ce qui est d’accorder réparation selon le paragraphe 24(1) de la Charte, mais cela, à mon avis, ne dispense pas M. Veley de son obligation d’épuiser la procédure de règlement des griefs.

[55] La décision du juge Michel Shore dans l’affaire MacInnes va dans le même sens (au para 32).

[56] Je suis d’accord avec la JRGI pour dire qu’une décision concernant l’accès d’un détenu à des documents de lecture dans une langue donnée est une décision administrative qui doit d’abord être contestée par voie de grief. Cette procédure doit normalement être épuisée avant qu’un détenu ne demande un contrôle judiciaire.

[57] M. Alam cherche à distinguer l’affaire MacInnes de l’affaire Veley au motif discutable qu’il ne conteste pas en fait le résultat de l’examen de son grief au deuxième palier, mais seulement le fondement juridique de la décision. M. Alam a obtenu les livres en bengali qu’il cherchait. Le reste de sa plainte se limite au refus du SCC de reconnaître que les détenus ont le droit, en vertu de la Charte, de lire des documents dans des langues autres que l’anglais et le français. Il demande également des déclarations concernant les droits dont il dispose en vertu du droit international.

[58] Il est peu probable que M. Alam puisse contester les motifs d’un décideur alors qu’il ne conteste pas le résultat de la décision. Devant la Cour, il est bien établi que l’on ne peut interjeter appel que d’un jugement, et non des motifs de ce jugement (Fournier c Canada (Procureur général), 2019 CAF 265 au para 28). Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une question que le commissaire du SCC devra examiner si M. Alam soumet son grief au troisième et dernier palier.

[59] La conclusion de la JRGI concernant l’absence de circonstances exceptionnelles est irréprochable (ordonnance de la JRGI, aux para 47-48) :

[traduction]

En ce qui concerne la troisième exigence, la Cour d’appel fédérale a conclu dans l’arrêt B.P. Powell, précité au para 33, que très peu de circonstances peuvent être qualifiées d’« exceptionnelles » et que le critère minimal permettant de qualifier des circonstances d’exceptionnelles est élevé. [...]

Après avoir examiné la jurisprudence applicable et les documents présentés à la Cour, je ne peux trouver aucune circonstance exceptionnelle de la nature de celles indiquées par la Cour d’appel fédérale qui justifierait que le demandeur n’ait pas d’abord épuisé les recours dont il dispose dans le cadre de la procédure interne de règlement des griefs du SCC avant de s’adresser à la Cour.

[60] M. Alam n’a pas démontré d’erreurs dans l’application par la JRGI de la jurisprudence applicable aux faits de sa cause, ni d’erreur manifeste et dominante dans l’interprétation des faits pertinents par la JRGI.

VI. Conclusion

[61] La décision de la JRGI de radier l’avis de demande de M. Alam sans autorisation de le modifier était équitable sur le plan de la procédure, appuyée par les faits et fondée en droit. L’appel est donc rejeté.

[62] Les deux parties ont demandé que leur soient adjugés les dépens. M. Alam a indiqué que s’il était la partie qui a gain de cause, il conviendrait de lui accorder la somme globale de 1 500 $, représentant les dépens de la présente instance et de la procédure devant la JRGI. Le SCC n’a pas précisé le montant des dépens.

[63] Compte tenu de la position de M. Alam sur les dépens et de la somme de 750 $ accordé par la JRGI, j’exerce mon pouvoir discrétionnaire pour accorder au SCC la somme globale de 750 $ au titre des dépens.


JUGEMENT

LA COUR STATUE :

  1. L’appel est rejeté.

  2. Les dépens sont adjugés en faveur du défendeur, le Service correctionnel du Canada, pour la somme globale de 750 $.

« Simon Fothergill »

Juge

Traduction certifiée conforme

C. Tardif


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-582-21

 

INTITULÉ :

TANZIRUL ALAM c ÉTABLISSEMENT DE MATSQUI (SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA) [NO 3]

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE ENTRE VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE) ET OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 11 janvier 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FOTHERGILL

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

Le 27 janvier 2023

 

COMPARUTIONS :

Tanzirul Alam

(pour son propre compte)

 

Pour le demandeur

 

Elly-Anna Hidalgo-Simpson

Anamaria Baboi

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

Pour le défendeur

 

 

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