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Date : 20230124


Dossier : T-1862-21

Référence : 2023 CF 114

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 24 janvier 2023

En présence de madame la juge Sadrehashemi

ENTRE :

GIUSEPPE MONCADA

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, Giuseppe Moncada (M. Moncada), conteste une décision prise par un agent de validation des prestations (l’agent) de l’Agence du revenu du Canada (l’ARC). L’agent a rejeté la demande au titre de la prestation canadienne de relance économique (PCRE) présentée par M. Moncada, au motif que ce dernier n’avait pas démontré qu’il satisfaisait aux exigences prévues au sous-alinéa 3(1)d)(ii) de la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique, LC 2020, c 12, art 2 (la LPCRE), à savoir que son revenu s’élevait à au moins cinq mille dollars en 2019, en 2020 ou au cours des douze mois précédant la date à laquelle il avait présenté sa première demande de PCRE (le critère d’admissibilité relatif au revenu). M. Moncada fait valoir que l’agent a manqué à l’obligation d’équité procédurale en rejetant sa demande avant qu’il ait pu obtenir les autres documents demandés par l’agent, et que celui‑ci a conclu de manière déraisonnable qu’il n’avait pas satisfait au critère d’admissibilité relatif au revenu.

[2] Je conclus que l’agent n’a pas expliqué pourquoi la preuve fournie par M. Moncada n’était pas suffisante pour satisfaire aux critères d’admissibilité. La décision n’est ni transparente ni justifiée en ce qui a trait à cette question déterminante. Elle est déraisonnable, et il est nécessaire que l’affaire fasse l’objet d’une nouvelle décision. Il est inutile que je me penche sur la question de l’équité procédurale soulevée par M. Moncada.

II. Le contexte

[3] En 2020, M. Moncada a demandé et a reçu la PCRE pour les quatre périodes de deux semaines du 27 septembre au 21 novembre 2020. Lorsque M. Moncada a présenté une demande pour la période suivante de deux semaines au titre de la PCRE, soit du 22 novembre au 5 décembre 2020, l’ARC l’a informé que sa demande avait été choisie pour faire l’objet du processus de validation.

[4] M. Moncada a fourni trois séries d’observations à l’ARC en décembre 2020 et en février 2021, dont trois factures visant la réalisation de travaux de construction générale et de travaux de rénovation pour trois clients, dont le montant totalisait 5 380 $, soit le revenu déclaré dans sa déclaration de revenus de 2019. À la demande de l’agent qui a effectué le premier examen de la demande de M. Moncada, ce dernier a également fourni un reçu pour une somme totale de 1 150 $ ainsi qu’une confirmation par courriel des travaux qu’il avait réalisés pour l’un de ses clients.

[5] Dans une décision datée du 19 février 2021, l’agent qui a procédé au premier examen de la demande de M. Moncada a jugé que ce dernier n’était pas admissible à recevoir la PCRE, au motif qu’il ne résidait pas au Canada et ne satisfaisait pas au critère d’admissibilité relatif au revenu. L’agent du premier examen a fait remarquer que M. Moncada ne pouvait présenter de relevés bancaires pour prouver son revenu déclaré de 5 380 $ en 2019, parce qu’il n’avait pas de compte bancaire canadien et que l’adresse figurant dans son dossier était celle du domicile de ses parents en 1992.

[6] Le 12 mars 2021, M. Moncada a demandé un deuxième examen. Au cours du deuxième processus d’examen, l’agent lui a demandé d’obtenir une lettre d’un autre client (une lettre d’un client en particulier) afin de corroborer l’affirmation selon laquelle il avait effectué des travaux pour ce client. M. Moncada affirme que l’agent ne lui a pas donné de date limite pour soumettre la lettre. L’agent a pris une décision de rejet quelque cinq semaines après la demande de lettre de vérification du travail.

[7] L’agent a rejeté la demande au motif que M. Moncada n’avait pas satisfait au critère d’admissibilité relatif au revenu, et a déclaré qu’il n’y avait [traduction] « pas suffisamment de documents pour étayer le revenu, c.-à-d. un relevé bancaire, des lettres de vérification du travail ». L’obligation de résidence ne constituait plus un fondement pour le rejet.

III. La question en litige et la norme de contrôle

[8] La question déterminante est de savoir si la conclusion de l’agent, soit que M. Moncada ne satisfaisait pas au critère d’admissibilité relatif au revenu, était raisonnable. Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, la Cour suprême du Canada a confirmé que la norme de contrôle qui est présumée s’appliquer dans le cadre du contrôle judiciaire d’une décision administrative sur le fond est la décision raisonnable. La présente affaire ne soulève aucune question qui justifierait de s’écarter de cette présomption.

IV. Analyse

[9] La PCRE a fourni un soutien financier direct aux personnes admissibles résidant au Canada et touchées par la pandémie de COVID-19 pour toute période de deux semaines entre le 27 septembre 2020 et le 23 octobre 2021. Les résidents devaient satisfaire aux critères d’admissibilité pour chacune des périodes de deux semaines. Le critère d’admissibilité en cause dans le présent contrôle judiciaire est celui du revenu énoncé aux alinéas 3(1)d) à f) de la LPCRE, qui exige que le demandeur démontre que son revenu s’élevait à au moins cinq mille dollars en 2019, en 2020 ou au cours des douze mois précédant la date à laquelle la première demande a été présentée.

[10] L’agent a demandé à M. Moncada de fournir une autre lettre de vérification du travail de la part de l’un des deux autres clients pour lesquels il avait travaillé en 2019. L’article 6 de la LPCRE exige qu’un demandeur fournisse au ministre tous les renseignements nécessaires relativement à sa demande de PCRE.

[11] N’ayant pas reçu d’autre lettre de vérification du travail, l’agent a rejeté la demande de M. Moncada, au motif qu’il manquait des documents. Comme je l’ai mentionné ci-dessus, M. Moncada avance un argument concernant l’équité procédurale en ce qui a trait à l’obtention d’une autre lettre de vérification du travail. Il est inutile que j’examine cette question, parce que, d’après les renseignements qui étaient alors au dossier, je conclus que la décision de l’agent manquait de transparence et de justification quant à ce qui faisait que la preuve n’était pas suffisante pour satisfaire au critère d’admissibilité relatif au revenu.

[12] L’agent ne fait aucune mention des trois factures produites par M. Moncada. Les factures de M. Moncada indiquent la personne qui a reçu le service, le nom du demandeur, le type de service rendu et le montant facturé pour le service. Dans ses notes, qui font partie des motifs de sa décision, l’agent n’énumère pas ces factures parmi les documents examinés. L’une des façons dont les lignes directrices de l’ARC intitulées « Confirmation de l’admissibilité à la Prestation canadienne de la relance économique (PCRE), et à la Prestation canadienne de la relance économique pour proches aidants (PCREPA), et à la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique (PCMRE) » (les lignes directrices sur la PCRE) énoncent qu’un travailleur autonome peut présenter une preuve de revenu acceptable afin de satisfaire au critère d’admissibilité relatif au revenu est au moyen de factures pour des services rendus. L’agent omet d’expliquer toute préoccupation qu’il a concernant les factures fournies par M. Moncada, malgré le fait que les factures sont l’une des façons prévues dans les lignes directrices sur la PCRE permettant à un demandeur de démontrer qu’il satisfait au critère d’admissibilité relatif au revenu. Comme l’a conclu la Cour dans les décisions Crook c Canada (Procureur général), 2022 CF 1670 au para 17, et Sjogren c Canada (Procureur général), 2022 CF 951 au para 28, l’absence de justification du rejet d’un type d’éléments de preuve prévu dans les lignes directrices sur la PCRE peut rendre une décision déraisonnable.

[13] Dans le cadre du contrôle judiciaire, le défendeur a fait part de préoccupations quant à la nature des factures manuscrites, mais ce ne sont pas des préoccupations qu’a soulevées l’agent. Dans ces circonstances, lorsque l’agent ne mentionne pas les factures et ne fournit aucune explication quant à ce qui fait qu’elles sont insuffisantes pour satisfaire aux critères d’admissibilité, je conclus que la décision est déraisonnable.

[14] La demande de contrôle judiciaire sera accueillie, et l’affaire renvoyée pour nouvelle décision. Aucuns dépens ne seront adjugés.

[15] Enfin, à la demande du procureur général, et conformément à l’article 303 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, l’intitulé de la présente procédure sera modifié afin de désigner le procureur général du Canada à titre de défendeur dans le cadre de la présente demande.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T‑1862‑21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie;

  2. L’affaire est renvoyée à un autre décideur pour nouvelle décision;

  3. L’intitulé de la présente procédure est modifié pour désigner le procureur général du Canada à titre de défendeur.

« Lobat Sadrehashemi »

Juge

Traduction certifiée conforme

C. Laroche

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1862-21

 

INTITULÉ :

GIUSEPPE MONCADA c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 3 AOÛT 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE SADREHASHEMI

 

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

 

LE 24 JANVIER 2023

 

COMPARUTIONS :

Giuseppe Moncada

 

POUR LE DEMANDEUR,

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Gerard Westland

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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