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Date : 20221216


Dossier : IMM-2305-22

Référence : 2022 CF 1745

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 16 décembre 2022

En présence de monsieur le juge Lafrenière

ENTRE :

GAGANDEEP SINGH

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 22 avril 2022 [la décision], par laquelle un agent des visas [l’agent] a rejeté la demande de permis d’études du demandeur en application du paragraphe 216(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le RIPR].

[2] Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

II. Contexte

[3] Le demandeur est un citoyen de l’Inde âgé de 26 ans. En 2017, il a obtenu un baccalauréat ès arts de l’Université pendjabie de Patiala. Depuis 2018, le demandeur travaille à titre de superviseur pour les industries United Chemicals à Panchkula, au Pendjab.

[4] En décembre 2021, le demandeur a présenté une demande de permis d’études par l’intermédiaire du Volet direct pour les études [VDE] afin d’étudier au Canada. Le VDE est un programme de traitement accéléré des demandes de permis d’études offert aux personnes qui ont présenté une demande d’études postsecondaires auprès d’un établissement d’enseignement désigné [EED] au Canada.

[5] La trousse de demande transmise par le demandeur comprend divers documents, notamment une lettre de motivation indiquant que le demandeur cherche à parfaire ses études au Canada en suivant le programme d’études supérieures en gestion des ressources humaines [le programme] du Collège Robertson, à Winnipeg, offert hors campus par le Collège communautaire Assiniboine situé à Brandon, au Manitoba. La trousse de demande contient également un formulaire intitulé « Informations sur la famille » dans lequel il est indiqué que le demandeur est célibataire et habite avec ses deux parents au Pendjab. Le demandeur a aussi fourni une preuve de ses moyens financiers, le rapport de ses résultats à l’examen de l’International English Language Testing System [IELTS], des documents scolaires ainsi qu’un certificat d’emploi.

[6] Le 1er mars 2021, l’agent a rejeté la demande présentée par le demandeur au motif qu’il n’était pas convaincu que ce dernier quitterait le Canada à la fin de la période de séjour compte tenu du but de sa visite.

[7] Le demandeur conteste la conclusion de l’agent, car il estime que ce dernier a fourni des motifs qui ne reposent pas sur une analyse logique et qu’il n’a pas établi de lien entre les pièces présentées par le demandeur et la décision rendue.

III. Questions en litige et norme de contrôle applicable

[8] Dans ses observations écrites, le demandeur a soutenu que l’agent avait manqué à l’équité procédurale; il n’a toutefois pas développé ni repris cet argument lors de l’audience. Ainsi, la question déterminante consiste à savoir si la décision est déraisonnable au vu de la preuve dont disposait l’agent.

[9] La norme applicable au contrôle d’une décision rendue par un agent des visas est celle de la décision raisonnable. Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et être justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 85). Il incombe au demandeur de convaincre la Cour « que la lacune ou la déficience [invoquée] [...] est suffisamment capitale ou importante pour rendre [la décision] déraisonnable » (Vavilov, au para 100). Une décision raisonnable se justifie au regard des faits et « [son] caractère raisonnable [...] peut être compromis si le décideur s’est fondamentalement mépris sur la preuve qui lui a été soumise ou n’en a pas tenu compte » (Vavilov, au para 126).

IV. Analyse

[10] Les motifs à l’appui de la décision de l’agent sont énoncés dans les notes du Système mondial de gestion des cas [le SMGC] :

[traduction]

Après examen de l’ensemble des renseignements, notamment les antécédents scolaires et professionnels du client, sa motivation à étudier au Canada ne semble pas raisonnable à ce stade-ci. Le client a présenté une demande de permis d’études afin de suivre un programme d’études supérieures au Collège communautaire Assiniboine. Il a fourni des relevés de notes à titre de preuve de son rendement scolaire. Les relevés de notes font état de notes médiocres ou généralement basses dans les matières clés. Je ne crois donc pas que le client a le niveau de rendement scolaire nécessaire pour terminer avec succès des études au Canada. Je ne crois pas que le programme d’études choisi est raisonnable compte tenu du coût élevé des études internationales au Canada par rapport aux avantages que ces études pourraient lui offrir en matière de carrière ou d’emploi. Selon la prépondérance des probabilités, je ne suis pas convaincu que le demandeur est un véritable étudiant qui quitterait le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. La demande est rejetée au titre de l’alinéa 216(1)b) du RIPR.

[11] Il ressort des notes ci-dessus que l’agent a rejeté la demande de permis d’études essentiellement pour deux motifs. Premièrement, les relevés de notes présentés par le demandeur ne démontraient pas qu’il avait le niveau de rendement scolaire nécessaire pour terminer les études visées au Canada. Deuxièmement, le programme d’études proposé ne semblait pas raisonnable compte tenu du coût élevé des études internationales au Canada par rapport au peu d’avantages que ces études pourraient lui offrir en matière de carrière ou d’emploi.

A. La capacité du demandeur à terminer les études visées

[12] Le demandeur prétend que, même avec une interprétation généreuse, la décision de l’agent n’est ni intelligible ni raisonnable eu égard à la preuve au dossier. Il souligne qu’il a présenté une demande auprès de l’EED et obtenu une lettre d’admission. Selon lui, son admission signifie que les notes qu’il a obtenues dans ses études antérieures ne sont pas [traduction] « médiocres ou généralement basses » puisqu’elles satisfont aux exigences scolaires de l’EED, autrement l’EED ne l’aurait pas accepté dans le programme.

[13] Le demandeur ajoute que les instructions d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada énoncées à la page « Permis d’études : Évaluation de la demande » ne confèrent pas à l’agent le pouvoir discrétionnaire d’évaluer ses résultats scolaires en lien avec son admission au programme proposé. Il affirme que le fait que l’agent se soit penché sur ses notes constitue une entrave à son pouvoir discrétionnaire. Pour les motifs qui suivent, j’estime que ces deux arguments ne sont pas convaincants.

[14] Il incombe au demandeur de permis d’études d’établir « [qu’]il quittera le Canada à la fin de la période de séjour qui lui est applicable » comme l’exige l’alinéa 216(1)b) du RIPR. Les agents des visas possèdent un vaste pouvoir discrétionnaire pour évaluer les demandes, et leurs décisions commandent une grande retenue compte tenu de l’expertise sur laquelle elles sont fondées : Penez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1001 au para 10; Nimely c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 282 au para 7.

[15] Contrairement à ce qu’affirme le demandeur, les compétences et les capacités des demandeurs peuvent être appréciées dans le but d’établir si la demande satisfait aux exigences énoncées à l’alinéa 216(1)b) du RIPR : Siddiqua c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1263 au para 24; Bougrine c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 528 au para 15. Comme l’a expliqué la Cour au paragraphe 24 de la décision Patel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 517, « [le] fait pour un demandeur de vouloir entreprendre des études qu’il est peu susceptible de réussir pourrait soulever des doutes quant à la question de savoir si le demandeur est un véritable étudiant qui quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée » [soulignément omis].

[16] Je suis conscient que les agents d’immigration devraient examiner les perspectives de réussite du demandeur avec circonspection. Cela étant dit, en l’espèce, je suis d’avis qu’il était raisonnable pour l’agent d’exprimer ses préoccupations quant à la capacité du demandeur à terminer le programme proposé compte tenu de la preuve.

[17] La preuve objective indique que le demandeur a obtenu son baccalauréat ès arts en 2017 et que ses notes ont été basses tout au long de ses études. Le relevé de notes de ses études secondaires de deuxième cycle (12e année) fait également état de notes similaires. La preuve justifiait les préoccupations de l’agent.

[18] Les arguments du demandeur ne tiennent pas compte de l’alinéa 216(1)b) du RIPR selon lequel l’agent des visas ne délivre un permis d’études que si l’étranger démontre qu’il quittera le Canada à la fin de la période de séjour prévue. Les préoccupations exprimées par l’agent au sujet des mauvaises notes du demandeur étaient liées à l’alinéa 216(1)b), et je suis d’avis qu’elles ont été examinées à raison.

B. Le plan d’études du demandeur

[19] Il importe de garder à l’esprit que le rendement scolaire du demandeur ne constituait que l’un des nombreux facteurs que l’agent devait analyser dans le cadre de son évaluation de la demande de permis d’études du demandeur. La principale préoccupation de l’agent était que le programme proposé semblait illogique tant d’un point de vue professionnel ou éducatif que financier. À mon avis, la preuve dont disposait l’agent, ou l’absence de preuve au dossier, justifie cette préoccupation.

[20] Tout d’abord, le demandeur n’a donné que de vagues raisons dans sa lettre de motivation pour expliquer pourquoi il souhaitait suivre un programme d’études supérieures en ressources humaines au Canada ou comment le programme proposé serait profitable pour sa carrière. Ensuite, dans ses déclarations, le demandeur n’a donné aucune raison concrète expliquant pourquoi il ne pourrait pas entreprendre des études similaires en Inde. Enfin, rien dans la preuve n’indique qu’une promotion ou autre offre d’emploi est subordonnée à la réussite du programme d’études proposé, et le demandeur n’a présenté aucun élément de preuve pour étayer sa prétention selon laquelle [traduction] « des emplois sont également offerts au sein d’organismes des secteurs industriel, commercial et gouvernemental ».

[21] Bien que la preuve au dossier montre que le demandeur a payé un acompte de 15 725 $ sur les droits de scolarité et que ses parents se sont engagés à payer ses frais de scolarité et de subsistance durant ses études et son séjour au Canada, je ne suis pas d’avis qu’il était déraisonnable pour l’agent de se demander pourquoi le demandeur engagerait des coûts élevés pour suivre des études internationales au Canada alors que la preuve ne permet pas savoir quels avantages ces études pourraient lui offrir en matière de carrière ou d’emploi.

[22] Le demandeur affirme que l’agent n’a pas tenu compte de divers éléments de preuve, notamment les liens familiaux du demandeur dans son pays d’origine, la lettre de son employeur, ses antécédents professionnels stables et sa lettre de motivation dans laquelle le demandeur expose en détail ses objectifs de carrière. Cependant, le décideur est présumé avoir apprécié et examiné tous les éléments de preuve qui lui ont été soumis, et le contraire n’a pas été démontré.

[23] Les motifs de l’agent, lus conjointement avec les éléments du dossier, permettent à la Cour de comprendre les facteurs qui ont été pris en considération et sur lesquels reposent le rejet de la demande de même que les préoccupations soulevées par l’agent. J’estime qu’il était loisible à l’agent de se montrer sceptique quant à la preuve présentée par le demandeur au sujet du but de sa visite, compte tenu des mauvaises notes de ce dernier et de son incapacité à fournir une raison impérative de vouloir étudier au Canada à grands frais. Je juge que tant les mots explicitement utilisés dans les motifs que les éléments qui ressortent implicitement du dossier démontrent que l’agent était conscient des questions déterminantes, notamment au regard des exigences législatives, et qu’il a fondé sa décision sur ces questions.

[24] La Cour a affirmé à maintes reprises que les décisions des agents des visas commandent une retenue, et compte tenu du nombre important de demandes de visa à traiter, il n’est pas nécessaire que les motifs des agents soient longs ou détaillés (Lingepo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 552 au para 13, citée avec approbation dans la décision Ocran c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 175 au para 15).

[25] Après avoir examiné les motifs ainsi que le dossier de façon globale, je ne suis pas convaincu que l’agent a agi de façon déraisonnable dans le contexte de son analyse. Il est évident que ce sont les facteurs mentionnés par l’agent qui l’ont mené à craindre que le demandeur veuille obtenir un permis d’études pour faciliter son entrée au Canada et non pour parfaire ses études, et qui ont justifié sa conclusion portant que le demandeur ne quitterait pas le Canada à la fin de la période de séjour.

[26] La décision est transparente, justifiable et intelligible et appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard de la preuve dont disposait l’agent.

V. Conclusion

[27] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[28] Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-2305-22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

Vide

« Roger R.Lafrenière »

Vide

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2305-22

 

INTITULÉ :

GAGANDEEP SINGH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 10 NOVEMBRE 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LAFRENIÈRE

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 16 DÉCEMBRE 2022

 

COMPARUTIONS :

Samin Mortazavi

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Daniel Nuñez

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pax Law Corporation

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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