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Date : 20230119


Dossier : IMM-9240-21

Référence : 2023 CF 77

[TRADUCTION FRANÇAISE]

St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador), le 19 janvier 2023

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

Seyed Reza VASLI

Seyed Mohammadjavad VASLI

(alias Seyed Mohammadjavad VASLI)

Fatemeh MAHDAVI et Seyedeh Maryam VASLI

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS ET JUGEMENT

[1] M. Seyed Reza Vasli (le demandeur principal), son épouse, Mme Fatemeh Mahdavi, et leurs enfants Seyed Mohammadjavad Vasli et Seyedeh Maryam Vasli (collectivement, les demandeurs) sollicitent le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section d’appel des réfugiés (la SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté leur appel de la décision rendue par la Section de la protection des réfugiés (la SPR). La SPR a conclu que les demandeurs n’avaient pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger au titre de l’article 96 et du paragraphe 97(1), respectivement, de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi).

[2] Les demandeurs sont citoyens de l’Iran. Ils ont demandé l’asile parce qu’ils craignaient d’être persécutés par le ministère du Renseignement de sécurité de l’Iran en raison de problèmes survenus au lieu de travail du demandeur principal, soit une usine de produits pharmaceutiques qu’il croit appartenir au Guide suprême de l’Iran.

[3] Le demandeur principal était mécanicien et était chargé de l’entretien de l’équipement servant à la fabrication de comprimés. Il a prétendu que des changements avaient été apportés à la formule d’un médicament produit à l’usine et que la teneur en médicament de chaque comprimé avait été réduite pour épargner de l’argent. Il a affirmé qu’à la suite des objections qu’il avait formulées à l’égard de ces changements, en septembre 2018, on lui a bandé les yeux, l’a conduit dans un endroit inconnu et l’a forcé à signer des documents sans les lire. Puis, on l’a relâché.

[4] Le demandeur principal a soutenu qu’après cet incident, il était surveillé au travail et qu’on lui avait dit qu’une personne avait été embauchée pour le remplacer.

[5] Lors de l’audience tenue devant la SPR, les demandeurs se sont fondés sur l’exposé circonstancié présenté par le demandeur principal. La SPR a rejeté leur demande d’asile en raison de conclusions en matière de crédibilité.

[6] Devant la SAR, les demandeurs ont invoqué un nouveau motif de persécution, au nom de l’épouse et de la fille du demandeur principal. Ce nouveau motif était une crainte d’être persécutées en raison de leur opposition au port du hijab en Iran.

[7] Les demandeurs ont cherché à présenter de nouveaux éléments de preuve à l’appui de ce motif, c’est-à-dire un nouvel exposé circonstancié de l’épouse et des photos, de même qu’un affidavit de l’épouse exposant les raisons pour lesquelles elle n’avait pas soulevé ce motif devant la SPR. L’épouse du demandeur principal a notamment formulé des objections quant à l’équité de l’audience qui s’est tenue devant la SPR, y compris des allégations au sujet de la compétence du conseil qui a représenté les demandeurs.

[8] La SAR a rejeté les nouveaux éléments de preuve proposés au motif qu’ils ne respectaient pas le paragraphe 110(4) de la Loi, lequel prévoit ce qui suit :

Éléments de preuve admissibles

110 (4) Dans le cadre de l’appel, la personne en cause ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet de sa demande ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’elle n’aurait pas normalement présentés, dans les circonstances, au moment du rejet.

Evidence that may be presented

110 (4) On appeal, the person who is the subject of the appeal may present only evidence that arose after the rejection of their claim or that was not reasonably available, or that the person could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection.

[9] En dépit du fait que la SAR a reconnu que l’exposé circonstancié de l’épouse avait été rédigé après l’audience devant la SPR, elle a concentré son attention sur le moment où étaient survenus les événements décrits dans l’exposé et a conclu que la crainte d’être persécutée en raison de l’opposition au port du hijab existait avant l’audience devant la SPR et aurait pu être soulevée devant ce tribunal.

[10] La SAR a conclu que l’épouse n’avait pas expliqué de façon raisonnable pourquoi elle n’avait pas soulevé ce motif devant la SPR.

[11] La SAR a pris en compte l’affidavit de l’épouse lorsqu’elle a apprécié la question de savoir si son exposé circonstancié et les photos qu’elle a présentées devaient être admis en tant que « nouveaux éléments de preuve » au sens du paragraphe 110(6) de la Loi. Elle a conclu que ces éléments ne répondaient pas aux dispositions législatives et a refusé de les admettre en tant qu’éléments de preuve.

[12] La SAR a abordé la question de l’incompétence du conseil lorsqu’elle a examiné les explications des demandeurs pour avoir omis de faire valoir les affirmations des demanderesses devant la SPR.

[13] La SAR a admis, en tant que nouvel élément de preuve, l’affidavit de la personne qui a fourni l’interprétation lors de l’audience devant la SPR. Elle a ensuite pris en compte la demande d’audience des demandeurs, comme l’y obligeait le paragraphe 110(6) de la Loi, lequel prévoit :

Audience

110 (6) La section peut tenir une audience si elle estime qu’il existe des éléments de preuve documentaire visés au paragraphe (3) qui, à la fois :

a) soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité de la personne en cause;

b) sont essentiels pour la prise de la décision relative à la demande d’asile;

c) à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que la demande d’asile soit accordée ou refusée, selon le cas.

Hearing

110 (6) The Refugee Appeal Division may hold a hearing if, in its opinion, there is documentary evidence referred to in subsection (3)

(a) that raises a serious issue with respect to the credibility of the person who is the subject of the appeal;

(b) that is central to the decision with respect to the refugee protection claim; and

(c) that, if accepted, would justify allowing or rejecting the refugee protection claim.

[14] La SAR a conclu que, puisque le contenu de l’affidavit de l’interprète n’était pas déterminant eu égard à l’appel, il n’était pas nécessaire de tenir une audience.

[15] La SAR a confirmé les conclusions tirées par la SPR au sujet des incohérences dans les éléments de preuve du demandeur principal relatifs aux problèmes survenus à son lieu de travail, à l’enlèvement et au bandeau sur les yeux, ainsi qu’à la durée de sa détention. Elle a estimé que la présomption de véracité des témoignages faits sous serment avait été réfutée et que les demandeurs n’avaient pas droit au « bénéfice du doute ». Elle a conclu que les demandeurs n’avaient pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger.

[16] Dans leur demande de contrôle judiciaire, les demandeurs soutiennent que la SAR a manqué à leur droit à l’équité procédurale en refusant d’admettre leurs nouveaux éléments de preuve proposés sans tenir d’audience. Ils affirment que, en ne tenant pas d’audience, la SAR a refusé à l’épouse la possibilité de répondre à ses préoccupations et que ce refus correspondait à un manquement à l’équité procédurale.

[17] De plus, les demandeurs prétendent qu’ils n’ont pas eu la possibilité de faire valoir des arguments au nom des demanderesses devant la SPR et que c’était injuste. Ils attribuent cette possibilité manquée au comportement de leur conseil, qui n’a adressé de questions qu’au demandeur principal.

[18] En outre, les demandeurs soutiennent que la SAR a scruté à la loupe les éléments de preuve qu’ils ont présentés et qu’elle a indûment tiré des inférences défavorables, rendant ainsi une décision déraisonnable.

[19] Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur) fait valoir que la SAR a traité les nouveaux éléments de preuve proposés comme il se devait. De plus, il soutient que les allégations de représentation inadéquate qui ont été formulées devant la SAR [traduction] « ne sont pas fondées ».

[20] Par ailleurs, le défendeur affirme que la SAR a dûment apprécié la crédibilité des demandeurs et a eu raison de rejeter leur appel.

[21] La première question à trancher concerne la norme de contrôle qui s’applique. Les questions d’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte : voir l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, [2009] 1 RCS 339.

[22] Les conclusions quant à la crédibilité et les conclusions de fait sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable, conformément à l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, [2019] 4 RCS 653.

[23] Lorsqu’elle procède au contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la Cour doit se demander si la décision « possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci »; voir l’arrêt Vavilov, précité, au paragraphe 99.

[24] La SAR a invoqué la bonne disposition de la Loi, portant sur les « nouveaux éléments de preuve », soit le paragraphe 110(4).

[25] Les photos produites n’ajoutent pas grand-chose à la demande d’asile des demandeurs. La SAR a eu raison de conclure que l’affirmation reposant sur le port du hijab aurait pu être soulevée devant la SPR.

[26] De plus, la SAR a de façon raisonnable conclu qu’il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale en raison de l’incompétence du conseil. Même si la SAR n’a pas tiré de conclusion expresse quant à la compétence du conseil et à l’équité procédurale, elle n’en a pas moins rejeté clairement les arguments selon lesquels les demandeurs n’avaient pas soulevé les craintes des demanderesses en raison de la façon dont leur conseil avait interrogé le demandeur principal.

[27] En somme, je ne suis pas convaincue que la SAR a manqué à son obligation d’équité procédurale envers les demandeurs. Je ne crois pas non plus que la décision ne satisfait pas à la norme de contrôle de la décision raisonnable qui s’applique.

[28] La SAR a examiné les éléments de preuve présentés et a tiré des conclusions claires.

[29] Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a pas de question à certifier.


JUGEMENT dans le dossier IMM-9240-21

LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit : la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a pas de question à certifier.

« E. Heneghan »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-9240-21

 

INTITULÉ :

SEYED REZA VASLI, FATEMEH MAHDAVI, SEYED MOHAMMADJAVAD VASLI ET SEYEDEH MARYAM VASLI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE ENTRE TORONTO (ONTARIO) ET ST. JOHN’S (TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 3 NOVEMBRE 2022

MOTIFS ET JUGEMENT :

LA JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :

LE 19 JANVIER 2023

COMPARUTIONS :

Mehran Youssefi

POUR LES DEMANDEURS

Nicholas Dodokin

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Youssefi Law Professional Corporation

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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