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Date : 20230113


Dossier : T-1390-22

Référence : 2023 CF 54

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Calgary (Alberta), le 13 janvier 2023

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

TYRONE WEEKES

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] M. Tyrone Weekes a présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision d’un agent de l’Agence du revenu du Canada [ARC] de lui refuser la Prestation canadienne de la relance économique [PCRE]. Pour les motifs exposés ci-dessous, je rejetterai la demande.

I. Contexte

[2] La PCRE a fourni un soutien financier aux travailleurs canadiens directement touchés par la COVID-19 et privés du droit aux prestations d’assurance-emploi. Les Canadiens pouvaient présenter une demande de PCRE pour 28 périodes d’admissibilité distinctes de deux semaines à compter du 27 septembre 2020, jusqu’au 23 octobre 2021.

[3] M. Weekes est musicien à son compte. Il a fait une demande de PCRE pour onze périodes de deux semaines entre septembre 2020 et juillet 2021. Il a reçu des paiements pour les périodes entre le 27 septembre 2020 et le 2 janvier 2021.

[4] Le 22 janvier 2021, en réponse à un examen de validation de l’admissibilité à la PCRE, M. Weekes a présenté des documents pour démontrer qu’il a gagné au moins 5 000 $ en revenu d’emploi ou en revenu net de travailleur autonome en 2019, en 2020 ou dans les 12 mois précédant la date de sa première demande [exigence relative au revenu]. Ces documents comprenaient une lettre du Didsbury Saloon [lettre de Didsbury], qui avait retenu les services de M. Weekes. La lettre de Didsbury donnait une ventilation de la rémunération pour les services rendus par M. Weekes en octobre 2019.

[5] Le 5 mars 2021, un agent de l’ARC a informé M. Weekes par lettre qu’il n’était pas admissible à la PCRE parce qu’il ne satisfaisait pas à l’exigence relative au revenu [décision du premier examen].

[6] Le 18 mars 2021, M. Weekes a demandé l’examen de la décision du premier examen [deuxième examen]. Il a également soumis des documents additionnels à l’ARC, dont une lettre du gestionnaire du Didsbury Saloon [la lettre du gestionnaire] et une copie de son contrat de service de musique avec le Didsbury Saloon [le contrat avec Didsbury].

[7] Le 20 janvier 2022, un agent de l’ARC a informé M. Weekes par téléphone du nouveau refus de sa demande de PCRE parce qu’il ne satisfaisait pas à l’exigence relative au revenu [décision du deuxième examen]. M. Weekes a par la suite reçu une lettre datée du 24 janvier 2022 dans laquelle était exposée la décision du deuxième examen.

[8] Le 22 février 2022, M. Weekes a déposé une demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour, mais il a par la suite convenu avec l’ARC de se désister de sa demande pour qu’elle soit renvoyée à un troisième examen.

[9] L’ARC a affecté un nouvel agent [le troisième agent d’examen], qui a tenu compte de tous les documents soumis par M. Weekes, y compris la lettre de Didsbury, la lettre du gestionnaire et le contrat avec Didsbury; des renseignements internes de l’ARC au sujet du revenu et des déductions de M. Weekes pour les années d’imposition 2018 à 2020; des notes des agents précédents (premier et deuxième examens); et des conversations téléphoniques entre le troisième agent d’examen et M. Weekes. Le 24 juin 2022, l’agent a informé M. Weekes par lettre qu’il n’était pas admissible à la PCRE parce qu’il ne satisfaisait pas à l’exigence relative au revenu [décision].

II. Analyse

[10] La seule question en litige consiste à déterminer si la décision de l’agent de refuser la PCRE de M. Weekes parce qu’il ne satisfaisait pas à l’exigence relative au revenu est raisonnable. La norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Aryan c. Canada (Procureur général), 2022 CF 139, au para 16 [Aryan]), de sorte que la décision doit être rationnelle, logique et justifiée au regard du droit et des faits Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) Vavilov, 2019 CSC 65, aux para 102 et 105 [Vavilov].

[11] La question déterminante en l’espèce est celle de savoir si le revenu que M. Weekes a tiré de son travail au Didsbury Saloon était un revenu net de travailleur autonome, conformément à l’art 3(2) de la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique, LC 2020, c 12, art 2 [Loi], ou plutôt si ce revenu comprenait des dépenses qui auraient dû être déduites. Le paragraphe 3(2) de la Loi prévoit ce qui suit :

Revenu — travail à son compte

Income from self-employment

(2) Le revenu visé aux alinéas (1)d) à f) de la personne qui exécute un travail pour son compte est son revenu moins les dépenses engagées pour le gagner.

(2) For the purpose of paragraphs (1)(d) to (f), income from self-employment is revenue from the self-employment less expenses incurred to earn that revenue.

[12] M. Weekes soutient que son revenu du Didsbury Saloon (4 477,61 $) était un revenu net de travailleur autonome. Il est d’avis que ces revenus, en plus des autres gains qu’il a soumis à l’ARC au soutien de son admissibilité à la PCRE, totalisent 5 602,00 $, ce que confirme sa déclaration de revenus de 2019, selon lui. M. Weekes soutient qu’il a donc gagné plus de 5 000 $ en 2019, montant qui correspond à l’exigence relative au revenu, et que la décision de lui refuser la PCRE était déraisonnable.

[13] Le défendeur réplique que M. Weekes a négligé de déduire des dépenses de sa rémunération du Didsbury Saloon. Le défendeur soutient que la lettre de Didsbury indiquait que M. Weekes avait reçu un grand total de 4 477,61 $ pour ses prestations musicales au Saloon en octobre 2019. Cependant, le défendeur souligne que la ventilation de la rémunération des services indique qu’il a effectivement été payé 2 750,00 $ pour ses services. Le reste de la somme de 4 477,61 $ – soit 1 727,61 $ – était composé de trois remboursements de dépenses, soit pour (i) le loyer (550,00 $), (ii) la nourriture (493,25 $) et (iii) les vols (684,36 $).

[14] Le défendeur fait valoir que la lettre du gestionnaire confirme en outre que le revenu gagné par M. Weekes au Didsbury Saloon comprend le paiement des trois dépenses susmentionnées, dont aucune n’a été correctement déduite, puisque le gestionnaire mentionne dans cette lettre que M. Weekes [traduction] « a reçu une avance sur son salaire notamment pour payer les déplacements aériens puisqu’il manquait de fonds ».

[15] Le défendeur prétend que la déclaration de revenus de M. Weekes pour l’année 2019 démontre qu’il a négligé de déduire quelque dépense que ce soit du revenu de travailleur autonome qu’il a déclaré cette année-là, puisque la déclaration de revenus indique le même montant (5 602,00 $) tant à la ligne 13499 pour les revenus d’entreprise bruts qu’à la ligne 13500 pour le revenu net de travailleur autonome. Le défendeur soutient que, quoi qu’il en soit, M. Weekes ne peut se fier uniquement à sa déclaration de revenus comme preuve de revenus (Aryan, au para 41) et que les autres documents présentés ne suffisent tout simplement pas à établir qu’il satisfait à l’exigence relative au revenu.

[16] Je conviens avec le défendeur que M. Weekes ne peut pas se fier uniquement à sa déclaration de revenus de 2019 comme preuve de revenus et que l’agent lui a raisonnablement demandé d’autres documents pour confirmer son admissibilité, ce qu’aucun d’eux n’a fait (voir également Aryan, au para 35, et Walker c Canada (Procureur général), 2022 CF 381, aux para 33 à 35).

[17] Plus précisément, les documents supplémentaires que M. Weekes a présentés – la lettre de Didsbury, la lettre du gestionnaire et le contrat avec Didsbury– ne suffisent pas à établir qu’il satisfait à l’exigence relative au revenu. Bien que le contrat indique que [traduction] « [l]e paiement mensuel total s’élève à une somme de 4 470,00 $ à payer en quatre tranches hebdomadaires », la lettre de Didsbury indique clairement qu’une partie de cet argent visait le loyer, la nourriture et les vols, des dépenses engagées par M. Weekes pour gagner ce revenu.

[18] Les trois dépenses auraient dû être déduites du revenu net de travailleur autonome de M. Weekes conformément au paragraphe 3(2) de la Loi. Sans l’inclusion des dépenses dans sa rémunération, M. Weekes ne satisfait pas à l’exigence relative au revenu, et la décision de l’agent de lui refuser la PCRE était raisonnable.

[19] Les autres montants déclarés comme preuve de revenu de travailleur autonome étaient lacunaires tant dans la manière soumise que dans le montant qu’ils représentaient. Même si M. Weekes bénéficie du doute et s’il s’agissait des sommes reçues à titre de revenu, celles-ci représentent une somme totale de 1 675,00 $, soit en deçà des 2 250,00 $ dont il avait besoin en plus des 2 750,00 $ qu’il a reçus du Didsbury Saloon, pour être admissible aux paiements de la PCRE qu’il a reçus.

[20] Enfin, le défendeur soutient, et je suis d’accord, que l’intitulé devrait être modifié pour désigner le « Procureur général du Canada » comme défendeur à la place de « Donna Boivin, gestionnaire de la validation des prestations canadiennes de la relance économique » conformément au paragraphe 303(2) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106.

III. Conclusion

[21] Pour ces motifs, je rejetterai la demande de contrôle judiciaire. Compte tenu de l’ensemble des circonstances, je n’adjugerai aucuns dépens contre M. Weekes qui a plaidé cette affaire habilement, respectueusement et avec beaucoup d’intégrité, compte tenu notamment du fait qu’il se représentait seul. Je lui souhaite la meilleure des chances pour sa carrière musicale et son prochain album.

 


JUGEMENT dans le dossier T-1390-22

LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit :

  1. La demande est rejetée.

  2. L’intitulé est modifié afin de désigner le « Procureur général du Canada » comme défendeur en lieu et place de « Donna Boivin, gestionnaire de la validation des prestations canadiennes de la relance économique ».

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Alan S. Diner »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1390-22

 

INTITULÉ :

TYRONE WEEKES c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 janvier 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE DINER

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

LE 13 janvier 2023

 

COMPARUTION :

Tyrone Weekes

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Sarah Hong

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aucun

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

Pour le défendeur

 

 

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