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Date : 20230113

Dossier : T‑752‑21

Référence : 2023 CF 38

[TRADUCTION FRANÇAISE]

ENTRE :

MICHAEL CHRISTOFOROU

demandeur

et

JOHN GRANT HAULAGE LTD.

défenderesse

MOTIFS DE TAXATION

AUDREY BLANCHET, officière taxatrice

I. Le contexte

[1] Le demandeur, Michael Christoforou, a présenté une demande de contrôle judiciaire concernant la décision sur les mesures de réparation qu’a rendue le Tribunal canadien des droits de la personne. Le jugement et les motifs connexes de la Cour fédérale, datés du 9 février 2022, indiquent : « […] la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée avec dépens, lesquels seront taxés selon le barème habituel ».

[2] Le 10 mars 2022, la défenderesse a déposé un mémoire de dépens, ce qui a déclenché sa demande de taxation des dépens.

[3] Le 25 avril 2022, une directive a été donnée aux parties au sujet du processus à suivre et du dépôt de documents supplémentaires pour la taxation des dépens. Le 27 mai 2022, la défenderesse a déposé un mémoire de dépens révisé. Le 28 juin 2022, le demandeur a déposé des observations sur les dépens en réponse au mémoire de dépens révisé. Comme les deux parties ont déposé et signifié leurs propres documents relatifs aux dépens dans les délais prescrits, je vais maintenant procéder à la taxation des dépens.

II. Une question préliminaire

A. La défenderesse n’a pas fourni de preuve à l’appui de son mémoire de dépens

[4] Le demandeur a fait valoir que le mémoire de dépens révisé a été déposé sans affidavit justificatif pour corroborer les services et les débours réclamés (réponse du demandeur, au paragraphe 5).

[5] Aux termes du paragraphe 1(4) du tarif B des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles], les débours doivent être justifiés, et nécessaires à la conduite de la présente affaire :

Preuve

(4) À l’exception des droits payés au greffe, aucun débours n’est taxé ou accepté aux termes du présent tarif à moins qu’il ne soit raisonnable et que la preuve qu’il a été engagé par la partie ou est payable par elle n’est fournie par affidavit ou par l’avocat qui comparaît à la taxation.

Evidence of disbursements

(4) No disbursement, other than fees paid to the Registry, shall be assessed or allowed under this tariff unless it is reasonable and it is established by affidavit or by the solicitor appearing on the assessment that the disbursement was made or is payable by the party.

[6] Après avoir passé en revue le mémoire de dépens révisé de la défenderesse, il semble que seuls des montants pour des services à taxer ont été réclamés. Comme aucun débours n’a été réclamé, l’absence d’un affidavit n’est pas un obstacle à la conduite d’une taxation des dépens.

[7] Contrairement à la preuve du caractère raisonnable des débours, la norme de preuve qui s’applique aux services à taxer est déterminée en se reportant au tableau des services à taxer que comporte le tarif B. Pour ce qui est de la nécessité des services réclamés, les officiers taxateurs sont tenus de déterminer si ces services ont été bel et bien fournis dans une instance précise. Je vais donc procéder à la taxation des dépens en me conformant à ces principes.

B. Le mémoire de dépens de la défenderesse est fondé sur des heures plutôt que sur des unités

[8] Le demandeur a fait valoir que la défenderesse n’a réclamé qu’un certain nombre d’heures pour chaque service à taxer fourni par un avocat sans faire référence au nombre d’unités (réponse du demandeur, au paragraphe 5).

[9] Bien que les observations du demandeur soient exactes, cela n’empêche pas de procéder à une taxation des dépens. J’ai donc essayé, au meilleur de mes capacités, de convertir le nombre d’heures déclarées en valeurs unitaires pour refléter le tarif B et me conformer à l’article 407 du tarif B des Règles, dont le texte est le suivant :

Tarif B

407. Sauf ordonnance contraire de la Cour, les dépens partie-partie sont taxés en conformité avec la colonne III du tableau du tarif B

Assessment according to Tariff B

407. Unless the Court orders otherwise, party-and-party costs shall be assessed in accordance with column III to the table of Tariff B.

[10] Ce faisant, les officiers taxateurs attribuent à un service un certain nombre d’unités. Je vais donc évaluer séparément chaque article du mémoire de dépens révisé.

III. Les services à taxer

[11] La défenderesse a réclamé la somme de 4 520 $ au titre des services à taxer.

A. L’article 2 – Préparation et dépôt de toutes les défenses, réponses, demandes reconventionnelles ou dossiers et documents des intimés

[12] Le mémoire de dépens révisé de la défenderesse fait état de 9 heures pour le premier avocat et de 3 heures pour le second avocat, sous la rubrique [TRADUCTION] « Préparation et dépôt du dossier de réponse, y compris l’affidavit et le mémoire des faits et du droit ». Ces dépens particuliers tombent sous le coup de l’article 2 du tarif des Règles, dans une fourchette de 4 à 7 unités.

[13] Bien que la défenderesse ait réclamé un nombre total de 12 heures – pour les premier et second avocats – au titre de divers services susceptibles de tomber sous le coup de l’article 2, le tarif B, pour l’article en question, prévoit la préparation et le dépôt « de tou[s] les […] dossiers et documents des intimés ». Dans la décision Abbott Laboratories Ltd c Canada, 2009 CF 399, au paragraphe 6, l’officier taxateur a écrit ce qui suit au sujet de l’article 2 du tarif B :

En pratique, le barème de 4 à 7 unités de la colonne III est appliqué sous forme d’une indemnité globale unique pour les services correspondants. Ainsi, les défendeurs ne peuvent réclamer comme ils l’ont fait au titre de l’article 2, dans chaque mémoire de dépens, des montants individuels et divers établis à partir du barème applicable à l’égard de six services, à savoir l’avis de comparution, deux dossiers et trois affidavits. Il ne s’agissait pas des questions les plus complexes et il y avait probablement des éléments de travail communs, mais il est difficile de ne pas tenir compte du volume et de l’objet des dossiers correspondants. J’alloue un seul montant au titre de l’article 2 […].

[14] Malgré le travail évident qui a été accompli pour répondre à la demande, je conclus que les dépens d’une seule réclamation au titre de l’article 2 seront accordés, dans une fourchette de 4 à 7 unités. Vu que la présente affaire est de complexité habituelle et que le niveau de dépens au sein de la Cour fédérale est, par défaut, le point médian de la colonne III du tarif B (Allergan Inc. c Sandoz Canada Inc., 2021 CF 186 au para 25 [Allergan]), je conclus qu’il est raisonnable d’accorder 5 unités.

[15] Pour ce qui est de la demande relative au second avocat, vu qu’une seule réclamation au titre de l’article 2 peut être demandée en l’espèce, toute autre réclamation doit être rejetée. Quoi qu’il en soit, les honoraires relatifs à un second avocat selon le tarif B ne sont accordés que si la Cour le prescrit, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

B. Article 13 ‑ a) Préparation de l’instruction ou de l’audience, qu’elles aient lieu ou non, y compris la correspondance, la préparation des témoins, la délivrance de subpoena et autres services non spécifiés dans le présent tarif;

[16] La défenderesse a réclamé 9 heures pour la [TRADUCTION] « [p]réparation de l’audience, y compris la correspondance ».

[17] Après avoir examiné le sommaire d’audience de l’agent de greffe, je signale que l’audition de la demande a eu lieu en une journée, plus précisément sur une période de 3 heures et 2 minutes. Une seule réclamation sera donc autorisée au titre de l’alinéa 13a). En me fondant sur la décision Allergan et le fait que la présente affaire est de complexité habituelle, j’accorderai 4 unités, ce qui représente le point médian de la colonne III du tarif B.

C. L’article 14 – Honoraires d’avocat : a) pour le premier avocat, pour chaque heure de présence à la Cour;

[18] La défenderesse a réclamé 4 heures pour les [TRADUCTION] « [h]onoraires d’avocat pour l’audience ». Ces honoraires seront taxés selon l’alinéa 14a) du tarif B.

[19] En réponse à cette réclamation précise, le demandeur soutient que l’audience n’a pas duré 4 heures, comme déclaré, mais plutôt 3 heures 2 minutes (réponse du demandeur, au paragraphe 15).

[20] Dans la décision Nova‑Biorubber Green Technologies, Inc. c Technologies du développement durable Canada, 2021 CF 102 [Green Technologies] au paragraphe 21, l’officier taxateur a déclaré ce qui suit :

En me fondant sur l’arrêt Dewji, j’ai pris en considération le fait que la requête a été instruite par vidéoconférence, ce qui exige d’une partie qu’elle doive être prête à procéder bien avant le début de l’audience afin que le greffier du tribunal puisse s’assurer de la présence des parties et de l’absence de difficultés techniques. J’ai donc ajouté 30 minutes à la durée de l’audience pour tenir compte du fait que l’avocat devait être prêt avant l’heure du début de l’audience. Ce laps de temps tient également compte des quelques minutes que l’avocat doit consacrer à la conclusion de l’audience. Dans la décision Halford c Seed Hawk Inc., 2006 CF 422, l’officier taxateur fait les remarques suivantes au paragraphe 211, sur l’octroi d’un délai supplémentaire aux avocats pour les audiences :

J’ai toujours soutenu que l’avocat doit se trouver devant le tribunal un peu avant l’heure du début ou de la reprise de l’audience afin de permettre au greffier de constater que celle‑ci peut commencer. J’estime que cette présence fait partie intégrante de la comparution. J’ai comparé le résumé de l’audience dans le dossier de la Cour, les heures réclamées par les défendeurs Seed Hawk au titre de l’article 14, celles de la défenderesse Simplot, le témoignage de M. Halford et l’information contenue dans la transcription du procès.

[21] En me fondant sur les décisions Green Technologies, Halford et Dewji & Gheciu Consultants Inc. c A&A Consultants & Felicia Bilc, [1999] ACF no 1263, j’ai ajouté 30 minutes à la durée de l’audience.

[22] Après avoir examiné les documents des parties de pair avec le dossier de la Cour, je conclus qu’il est raisonnable d’accorder 2 unités par heure pour une durée de 3 heures et 30 minutes, relativement à la présence de la défenderesse à l’audience. Cela représente 7 unités au titre de l’alinéa 14a).

IV. La TVH

[23] La défenderesse a réclamé la somme de 520 $ en TVH pour les services à taxer susmentionnés, mais sans preuve à l’appui. Le demandeur a fait valoir qu’il se préoccupe du manque de preuve à cet égard et il se réfère à la décision MacDonald c Canada (Procureur général), [2006] ACF no 1353 [MacDonald] (réponse du demandeur, au paragraphe 18).

[24] Après avoir examiné cette décision, je partage les préoccupations du demandeur au sujet de cette réclamation de la défenderesse. Je signale que les principes énoncés au paragraphe 7 de la décision MacDonald s’appliquent à la présente taxation des dépens :

[traduction]
[…] En gardant cette disposition à l’esprit [alinéa 1(3)b) du tarif B des Règles], il m’apparaît évident que le défendeur est autorisé à se faire rembourser par la partie déboutée la TPS ou les « taxes à la consommation payées » qui sont associées à ces débours. Cependant, le défendeur a étendu sa réclamation de TPS aux services à taxer qu’il réclame dans son mémoire de dépens. Je signale qu’il n’a fourni aucune preuve qu’il a facturé la TPS à son client. […]

[25] Je me fonde également sur la décision Carlile c Canada (Ministre du Revenu national), [1997] ACF no 885, au paragraphe 26 :

[traduction]
[…]
Les officiers taxateurs sont souvent saisis d’une preuve qui est loin d’être complète et doivent, tout en évitant d’imposer aux parties perdantes des frais déraisonnables ou inutiles, s’abstenir de pénaliser les parties qui ont gain de cause en refusant de leur accorder une indemnité lorsqu’il est évident que des frais ont effectivement été engagés. [...]

[26] En l’absence de toute preuve justificative ou d’observations de la part de la défenderesse qui auraient pu m’aider à trancher la question des taxes, je n’ai inclus aucun montant de TVH dans le cas des services à taxer de la défenderesse.

V. Conclusion

[27] Pour les motifs qui précèdent, le mémoire de dépens de la défenderesse est taxé et accordé au montant de 2 560 $. Un certificat de taxation des dépens sera délivré.

« Audrey Blanchet »

Officière taxatrice

Ottawa (Ontario)

13 janvier 2023

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑752‑21

 

INTITULÉ :

Michael Christoforou c John Grant Haulage Ltd.

 

AFFAIRE EXAMINÉE À TORONTO (ONTARIO) SANS COMPARUTION PERSONNELLE DES PARTIES

 

MOTIFS DE TAXATION :

Audrey Blanchet, officière taxatrice

 

DATE DES MOTIFS :

LE 13 JANVIER 2023

OBSERVATIONS ÉCRITES PAR :

Nikolay Y. Chsherbinin

 

POUR Le demandeur

 

Aaron Crangle

 

POUR La défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Chsherbinin Litigation

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Crangle Law Firm

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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