Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20230109


Dossier : T‑834‑21

Référence : 2023 CF 37

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 9 janvier 2023

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE:

FAREEZ VELLANI

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, monsieur Fareez Vellani, est un ancien membre de la Gendarmerie royale du Canada (la GRC). Il demande le contrôle judiciaire d’une décision du délégué du commissaire de la GRC, Steven Dunn (le commissaire), datée du 20 avril 2021 (la décision rendue en appel), confirmant la décision du comité de déontologie de la GRC (la décision du comité de déontologie) de renvoyer le demandeur du poste qu’il occupait en tant que membre de la GRC.

[2] Le demandeur a été licencié de son poste de gendarme pour avoir fait de fausses déclarations à ses collègues de la GRC et à l’Insurance Corporation of British Columbia (l’ICBC) à propos de dommages subis à la suite d’un accident de la route survenu le 13 février 2015. En déclarant les dommages à l’ICBC et à l’enquêteur de la GRC chargé d’enquêter sur les vols et les actes de vandalisme (le gendarme Hawkins), le demandeur a affirmé que tous les dommages avaient été subis lors d’un incident de vol et de vandalisme ayant eu lieu la nuit du 12 février 2015. Le demandeur n’a signalé ni à la GRC ni à l’ICBC sa collision impliquant uniquement son véhicule. Les fausses déclarations du demandeur à propos des causes des dommages occasionnés au véhicule comprennent :

  1. une déclaration faite le 13 février 2015 à l’ICBC;

  2. une déclaration faite le 13 février 2015 au membre de la GRC chargé de l’enquête sur le vol, soit le gendarme Hawkins;

  3. une déclaration faite le 24 février 2015 à un expert de l’ICBC;

  4. une déclaration faite le 25 février 2015 dans un formulaire de « preuve de sinistre » automobile, authentifiée et déclarée solennellement devant un notaire;

  5. une déclaration faite le 20 mars 2015 à un enquêteur de l’ICBC.

[3] Le demandeur affirme que le commissaire a manqué à l’équité procédurale en omettant de reconnaître qu’il n’avait pas eu la possibilité de répondre à la proposition préjudiciable selon laquelle il cherchait à se soustraire à l’enquête de la police en commettant la faute. Le demandeur soutient aussi que la décision rendue en appel est déraisonnable parce que a) le commissaire a commis une erreur en perpétuant des préjugés concernant les antécédents de travail du demandeur et ses problèmes de santé mentale qui en découlent, et b) le commissaire a commis une erreur lors de son analyse de l’examen des éléments de preuve effectué par le comité de déontologie.

[4] Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que la décision rendue en appel est raisonnable. La demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

II. Les faits

A. Le demandeur et l’incident en cause

[5] Le demandeur a été diplômé de l’école de la GRC en 2007. Il a ensuite été affecté à l’unité de police générale de Coquitlam, en Colombie‑Britannique, où il affirme avoir été victime d’une discrimination raciale manifeste de la part de son sergent d’état‑major. Le sergent d’état‑major en question a par la suite été suspendu et est parti à la retraite. Avant sa démission, le sergent d’état‑major aurait conseillé au demandeur de se faire transférer à l’unité de sécurité routière parce que [traduction] « c’est là que les personnes inutiles – comme il les appelait – se retrouvaient ». Le demandeur a indiqué que le fait de travailler dans cet environnement avait eu un effet négatif sur sa santé mentale.

[6] En août 2013, le demandeur a commencé à consulter une psychologue, Dre Georgia Nemetz (Dre Nemetz). On lui a diagnostiqué une dépression et de l’anxiété, et il a été placé en congé pendant un mois pour invalidité. En octobre 2013, le demandeur a repris le travail. Le demandeur a cessé de voir Dre Nemetz en septembre 2014 et n’a eu aucun contact avec elle jusqu’à ce qu’il ait été suspendu de la GRC en mars 2015. Après sa suspension, ils ont recommencé à avoir des entretiens réguliers.

[7] Après son retour au travail en octobre 2013, le demandeur dit avoir quitté l’unité de sécurité routière et être retourné travailler dans la police générale afin d’acquérir une expérience professionnelle plus vaste. Le demandeur travaillait sous les ordres d’un sergent qui avait un lien de parenté étroit avec le sergent d’état‑major qui avait précédemment fait preuve de discrimination à son endroit. Le demandeur a demandé un transfert, mais l’incident du 13 février 2015 s’est produit avant que le transfert ait eu lieu.

[8] Le 12 février 2015, le demandeur a garé son véhicule chez un ami pour la nuit. Le matin du 13 février 2015, vers 9 h, le demandeur a quitté la résidence de son ami. En retournant à son véhicule, le demandeur s’est rendu compte que la vitre de la portière avant du côté passager avait été fracassée et qu’un certain nombre d’effets personnels avaient été volés.

[9] Le 13 février 2015, à 9 h 25, le demandeur a quitté la maison de son ami pour se rendre à son propre domicile. Le demandeur a dit avoir paniqué parce que les documents d’assurance qui se trouvaient dans sa voiture indiquaient son adresse et que le voleur aurait pu avoir accès à une pièce de rangement aménagée dans son garage, laquelle contenait des objets de valeur, notamment un coffre sécurisé pour les armes à feu et des munitions.

[10] Alors qu’il rentrait chez lui, le demandeur a composé la ligne téléphonique de la GRC réservée aux incidents non urgents pour signaler le vol et les dommages causés à son véhicule. À ce moment, le demandeur a uniquement déclaré le bris de la vitre avant du côté passager comme dommage. Le demandeur affirme avoir utilisé le dispositif mains libres Bluetooth de son véhicule pour passer cet appel.

[11] Alors qu’il parlait avec l’agent sur la ligne téléphonique de la GRC réservée aux incidents non urgents, le demandeur a subi une collision impliquant uniquement son véhicule, ce qui a provoqué des dommages au pare‑brise avant, au capot et au pare‑chocs avant de son véhicule. Le demandeur déclare qu’environ trois minutes et sept secondes après être entré en communication avec un agent de la ligne téléphonique de la GRC réservée aux incidents non urgents, la vitre fracassée qui était restée fixée dans le cadre de la fenêtre du côté passager s’est détachée et est tombée, ce qui l’a fait sursauter. Le demandeur soutient qu’il n’a pas vu la route devant lui et qu’il a partiellement franchi le terre‑plein central, heurtant un panneau et causant d’autres dommages à son véhicule. Le bruit d’une seule collision a été enregistré pendant l’appel du demandeur avec la ligne téléphonique de la GRC réservée aux incidents non urgents.

[12] Le 13 février 2015 à 9 h 57, une fois arrivé chez lui et après s’être assuré de la sécurité des lieux, le demandeur a appelé l’ICBC et a présenté une demande d’indemnisation pour vol et vandalisme. Le demandeur a signalé que son véhicule avait été vandalisé la nuit précédente et que la vitre de côté, le pare‑brise et le capot avaient été endommagés. Le demandeur n’a pas signalé la collision.

[13] Le 13 février 2015, vers midi, le demandeur s’est entretenu avec le gendarme Hawkins, le membre de la GRC qui était responsable de l’enquête sur le vol et les actes de vandalisme causés au véhicule. Le demandeur a dit au gendarme Hawkins que la vitre avant du côté passager, le capot et le pare‑brise de son véhicule avaient été endommagés au cours de la nuit. Il a également signalé des dommages à la carrosserie du véhicule du côté conducteur et a fourni une liste des objets volés. Le demandeur n’a pas mentionné de collision au gendarme Hawkins.

[14] Le demandeur a ensuite fait réparer son véhicule. Le demandeur a dit au propriétaire de l’atelier de réparation que tous les dommages subis par le véhicule étaient le résultat d’un acte de vandalisme. Le propriétaire de l’atelier de réparation ne jugeait pas que les dommages constatés sur le véhicule correspondaient à l’histoire du demandeur. L’ICBC a par la suite interrompu la réparation du véhicule, estimant que les dommages pouvaient être le résultat de deux sinistres distincts.

[15] Le 24 février 2015, le demandeur a fait une déclaration verbale à un expert de l’ICBC pour appuyer sa demande d’indemnisation. Dans cette déclaration, le demandeur a répété que les dommages causés au pare‑brise, à la vitre latérale et au capot de son véhicule étaient tous dus à un acte de vol et de vandalisme et n’a pas fait mention de la collision.

[16] Le 25 février 2015, le demandeur a rédigé un formulaire « preuve de sinistre » automobile, dans lequel il a déclaré solennellement devant un notaire que l’ensemble des pertes déclarées à l’ICBC étaient dues à un acte de vandalisme et de vol. Il n’a signalé aucune collision.

[17] Le 20 mars 2015, le demandeur a fourni à l’enquêteur de l’ICBC une déclaration à l’appui de sa demande d’indemnisation. Lors de sa déposition, le demandeur a déclaré que les dommages causés au pare‑brise, au pare‑chocs et au capot de son véhicule avaient été causés par un acte de vol ou de vandalisme, et non par une collision. En outre, le demandeur a réfuté la suggestion selon laquelle une partie des dommages aurait pu résulter d’une collision.

[18] Le 27 mars 2015, le demandeur s’est vu signifier une lettre de mandat d’enquête (la lettre de mandat). La lettre de mandat a donné lieu à une enquête visant à déterminer si le demandeur avait enfreint le code de déontologie de la GRC (le code de déontologie).

[19] Le 27 mars 2015, le demandeur s’est vu signifier un ordre de suspension. Le 14 avril 2015, le rapport d’enquête (le rapport d’enquête) a été finalisé.

[20] Le 28 mai 2015, l’officier responsable du détachement du demandeur a renvoyé l’affaire au défendeur car l’éventail des sanctions envisageables dépassait les pouvoirs que lui conférait la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC, 1985, c R‑10 (la Loi sur la GRC).

[21] Le 28 octobre 2015, le défendeur a signé un avis d’audience disciplinaire (l’avis) exposant les allégations formulées au titre du code de déontologie, qui a été signifié au demandeur le 6 novembre 2015. Selon l’avis, le comité de déontologie de la GRC (le comité de déontologie) était chargé de formuler des conclusions à propos de deux allégations formulées au titre du code de déontologie.

[22] Le 23 novembre 2015, le représentant des membres du demandeur (le RM) a indiqué qu’il représenterait le demandeur. Le 21 décembre 2015, le représentant de l’autorité disciplinaire (le RAD) a fourni sa liste de témoins au comité de déontologie et au RM.

[23] Le 29 avril 2016, le demandeur a plaidé coupable à une accusation de communication de renseignements faux ou trompeurs en contravention de l’alinéa 42.1(2)a) de la loi sur l’assurance automobile de la Colombie‑Britannique, l’Insurance (Vehicle) Act, RSBC 1996, chapitre 231. Le demandeur a été condamné à une amende de 3 000 $ et à une suramende compensatoire de 450 $ à titre de dédommagement. Dans les motifs de la détermination de la peine, feu le juge Gulbransen de la Cour provinciale de la Colombie‑Britannique convient que l’incident du 13 février 2015 était une panique passagère et un incident isolé dans la vie du demandeur, estimant que les problèmes psychologiques du demandeur jouaient un rôle important dans sa prise de décisions. Néanmoins, le juge Gulbransen a souligné le caractère malhonnête de l’acte du demandeur.

[24] Le 13 juin 2016, le RAD a présenté au comité de déontologie des observations sur les allégations selon lesquelles la faute du demandeur était grave parce qu’elle était délibérée et s’étendait sur une certaine période. Le même jour, le demandeur a signé un exposé conjoint des faits (l’ECF) dans lequel il a admis les allégations. Le RM a répondu aux observations du RAD en déclarant ce qui suit : [TRADUCTION] « Le membre croit que l’ECF suffit et il n’a aucune autre observation à faire en ce qui concerne les allégations. »

[25] Le 15 juin 2016, le comité de déontologie a envoyé un courriel au RM et au RAD en vue de rendre sa décision sur les allégations. Le comité de déontologie a conclu que les deux allégations avaient été établies.

[26] Le 20 septembre 2016, le comité de déontologie a tenu une audience en personne (l’audience relative aux sanctions). L’objectif de l’audience était de permettre au comité de déontologie de déterminer quelles sanctions étaient appropriées à la faute commise par le demandeur.

[27] Lors de l’audience relative aux sanctions, le RAD a convoqué l’inspectrice Julie Moss (l’inspectrice Moss) comme unique témoin. L’inspectrice Moss a été interrogée à propos des défis auxquels sont confrontés les membres de la GRC ayant un dossier d’inconduite, notamment en ce qui concerne l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c McNeil, 2009 CSC 3 (McNeil) et les « facteurs McNeil » qui en découlent. L’inspectrice Moss a témoigné de l’inquiétude que suscite le fait de confier des enquêtes portant sur certains incidents à des membres de la GRC qui ont eux‑mêmes des antécédents de mauvaise conduite, car ces derniers seraient tenus de divulguer leurs antécédents disciplinaires respectifs. Cela pourrait entraîner des problèmes touchant le personnel. Lors du contre‑interrogatoire par le RM, l’inspectrice Moss a admis qu’elle ne connaissait pas le nombre de membres de sa division susceptibles de faire l’objet de l’obligation de communication décrite dans McNeil, et qu’elle n’avait communiqué qu’avec un seul avocat régional de la Couronne au sujet des préoccupations de la Couronne soulevées par l’arrêt McNeil. Le RAD a soumis au comité de déontologie une liste de facteurs aggravants pour examen et a recommandé le licenciement du demandeur comme issue appropriée de l’instance.

[28] Le RM a appelé le demandeur à témoigner lors de l’audience relative aux sanctions. Le demandeur a décrit sa conduite liée aux incidents du 13 février 2015 comme étant [traduction] « impulsive » et a expliqué que ses états de dépression et d’anxiété ne [traduction] « sont pas périodiques ».

B. La décision du comité de déontologie

[29] Le comité de déontologie a rendu une décision orale le 21 septembre 2016. Dans une décision écrite datée du 4 avril 2017, le comité de déontologie estime que les actes perpétrés par le demandeur représentaient un défaut de caractère fondamental le rendant inapte à occuper un emploi au sein de la GRC. La décision écrite a été signifiée au demandeur le 23 avril 2017.

[30] Dans sa décision, le comité de déontologie indique qu’une faute impliquant des questions d’honnêteté et d’intégrité peut conduire à un licenciement, et confirme avoir pris en compte les facteurs aggravants et atténuants. Le comité de déontologie a considéré comme des facteurs atténuants les réalisations du demandeur au travail, les récompenses qui lui ont été décernées, les rapports de rendement attestant de son esprit d’innovation et de sa compassion, les lettres de soutien, les aveux du demandeur et les excuses « sincères » qu’il a faites à toutes les personnes impliquées. Le comité de déontologie a mentionné les facteurs aggravants suivants : les fausses déclarations répétées du demandeur, sa condamnation criminelle, le caractère préjudiciable des actes du demandeur pour la réputation de la GRC, les considérations de l’arrêt McNeil et, surtout, l’avantage personnel recherché par le demandeur. Par sa décision, le comité de déontologie ordonnait au demandeur de démissionner de la GRC dans les 14 jours, faute de quoi il serait congédié.

[31] Le demandeur a fait appel de la décision du comité de déontologie, estimant que les sanctions imposées étaient déraisonnables, ne respectaient pas l’équité procédurale et contenaient des erreurs de droit. La demande d’appel du demandeur a été renvoyée au Comité externe d’examen de la Gendarmerie royale du Canada (le CEE), conformément au paragraphe 45.15(1) de la Loi sur la GRC. Le 27 octobre 2020, le président du CEE a recommandé le rejet de la demande d’appel.

C. Décision faisant l’objet du contrôle : la décision rendue en appel

[32] Le 20 avril 2021, le commissaire a rejeté la demande d’appel du demandeur et confirmé la décision du comité de déontologie et les sanctions imposées par celui‑ci. En vertu du paragraphe 45.16(11) de la Loi sur la GRC, le commissaire a le pouvoir délégué de rendre des décisions définitives et exécutoires sur les appels interjetés à l’égard des décisions du comité de déontologie.

[33] Dans son examen de la décision du comité de déontologie, le commissaire a estimé que la norme de contrôle applicable dans le contexte d’un processus en déontologie de la GRC était la norme de la décision « manifestement déraisonnable ».

[34] En réponse à l’argument du demandeur selon lequel son droit à l’équité procédurale avait été bafoué parce qu’il n’a pas eu la possibilité d’expliquer qu’il n’était pas motivé par un avantage personnel, le commissaire a estimé que le demandeur n’avait pas répondu à la proposition selon laquelle sa mauvaise conduite avait été motivée par un avantage personnel. La question de la motivation du demandeur a été soulevée à plusieurs reprises au cours de l’instance. Le fait que le demandeur n’ait pas abordé cette question ne résulte donc pas d’une absence de connaissance.

[35] En ce qui concerne les questions relatives à l’état d’esprit du demandeur, notamment les observations du demandeur concernant sa santé mentale en tant que circonstance atténuante, le commissaire a reconnu que le comité de déontologie avait mal interprété les éléments de preuve du demandeur concernant son bien‑être au moment de la faute. Néanmoins, le commissaire a conclu que la méprise du comité de déontologie n’était pas manifeste et déterminante.

[36] En ce qui concerne l’évaluation par le comité de déontologie des dossiers de rendement du demandeur, le commissaire a conclu que le comité de déontologie avait pris en compte les facteurs atténuants et aggravants, qu’il avait estimé que les facteurs atténuants ne prévalaient pas sur les facteurs aggravants et qu’il avait raisonnablement conclu que le demandeur avait enfreint les conditions de son emploi au sein de la GRC. Le commissaire n’a pas analysé la corrélation potentielle entre l’état de santé mentale du demandeur et son environnement de travail toxique, ni l’effet que cela pourrait avoir eu sur les évaluations de rendement du demandeur.

[37] Quant à la confiance accordée par le comité de déontologie au témoignage de l’inspectrice Moss, le commissaire a estimé, bien que le comité de déontologie ne mentionne pas dans sa décision les divergences révélées lors du contre‑interrogatoire, qu’il n’y avait aucune erreur susceptible de justifier une révision, étant donné que le comité ne s’est pas appuyé sur le témoignage de l’inspectrice Moss pour déterminer comment les facteurs établis dans l’arrêt McNeil s’appliqueraient au cas du demandeur.

III. Cadre législatif

[38] Le paragraphe 36.2(e) de la Loi sur la GRC prévoit que les mesures disciplinaires doivent être adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions et aux dispositions du code de déontologie et doivent être éducatives et correctives plutôt que punitives :

36.2 La présente partie a pour objet:

[…]

e) de prévoir des mesures disciplinaires adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du code de déontologie et, s’il y a lieu, des mesures éducatives et correctives plutôt que punitives.

36.2 The purposes of this Part are

[…]

(e) to provide, in relation to the contravention of any provision of the Code of Conduct, for the imposition of conduct measures that are proportionate to the nature and circumstances of the contravention and, where appropriate, that are educative and remedial rather than punitive.

[39] L’alinéa 45.16(3)a) de la Loi sur la GRC prévoit que, lorsqu’il est saisi d’un appel concernant une mesure disciplinaire imposée par un comité de déontologie ou une autorité disciplinaire, le commissaire peut rejeter l’appel et confirmer la mesure disciplinaire :

45.16(3) 6.2 Décision concernant une mesure disciplinaire

(3) Le commissaire peut, lorsqu’il est saisi d’un appel interjeté contre une mesure disciplinaire imposée par le comité de déontologie ou l’autorité disciplinaire :

a) soit rejeter l’appel et confirmer la mesure disciplinaire;

b) soit accueillir l’appel et annuler la mesure disciplinaire imposée ou, sous réserve des paragraphes (4) ou (5), imposer toute autre mesure disciplinaire.

45.16(3) Disposal of appeal against conduct measure

(3) The Commissioner may dispose of an appeal in respect of a conduct measure imposed by a conduct board or a conduct authority by

(a) dismissing the appeal and confirming the conduct measure; or

(b) allowing the appeal and either rescinding the conduct measure or, subject to subsection (4) or (5), imposing another conduct measure.

[40] Les articles 45.16(9) et 45.16(11) de la Loi sur la GRC prévoient que la décision d’un commissaire en appel est définitive et exécutoire (article 45.16(9)), et que le commissaire peut déléguer à ses subordonnés ses pouvoirs ou fonctions (article 45.16(11)) :

Caractère définitif de la décision

45.16 (9) La décision du commissaire portant sur un appel est définitive et exécutoire.

[…]

Délégation

(11) Le commissaire peut déléguer à ses subordonnés tel de ses pouvoirs ou fonctions prévus au présent article.

Commissioner’s decision final

45.16(9) A Commissioner’s decision on an appeal is final and binding.

[…]

Delegation

45.16(11) The Commissioner may delegate any of the Commissioner’s powers, duties or functions under this section to any person under the Commissioner’s jurisdiction.

Caractère définitif de la décision

45.16 (9) La décision du commissaire portant sur un appel est définitive et exécutoire.

[…]

Délégation

(11) Le commissaire peut déléguer à ses subordonnés tel de ses pouvoirs ou fonctions prévus au présent article.

IV. Questions préliminaires

A. Intitulé de la cause

[41] Au cours de l’audience, la Cour a informé les parties qu’il était approprié que le Procureur général du Canada soit constitué défendeur en l’espèce. Les parties se sont dites d’accord. L’intitulé est donc modifié en conséquence, avec effet immédiat (Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, art 76 (les Règles).

B. Requête du demandeur

[42] Le demandeur a déposé une requête pour obtenir l’autorisation de produire de nouveaux éléments de preuve dans le cadre du contrôle judiciaire et pour modifier son avis de demande. La demande a été entendue en même temps que les observations déposées dans le cadre du contrôle judiciaire. Étant donné que la demande de modification de l’avis de demande est le corollaire de la demande d’autorisation de produire de nouveaux éléments de preuve, ma conclusion concernant les nouveaux éléments de preuve est déterminante pour la requête dans son intégralité.

[43] Le demandeur cherche à produire de nouveaux éléments de preuve concernant son rendement au travail, à savoir deux affidavits. Le premier est l’affidavit de Janaina Diniz, qui confirme l’omission de certains rapports de rendement mentionnés dans les motifs du comité de déontologie. Le second affidavit détaille les efforts du demandeur pour obtenir ses évaluations de rendement et apporter des précisions aux dossiers présentés lors de l’audience relative aux sanctions avec, en annexe, les rapports de rendement qui ont été présentés au comité de déontologie mais qui n’ont pas été retenus en appel, ainsi que trois évaluations de rendement qui n’ont jamais été présentées au comité de déontologie et que le demandeur prétend avoir eu du mal à obtenir.

[44] Le demandeur affirme que ces rapports et évaluations de rendement supplémentaires contiennent des commentaires positifs sur son rendement en tant que membre de la GRC. En corollaire, le demandeur cherche également à modifier l’avis de demande pour y inclure l’allégation selon laquelle le comité de déontologie a violé ses droits procéduraux en ne produisant pas ces documents et en le privant ainsi de la possibilité de contester les conclusions du comité de déontologie concernant son rendement.

[45] Dans l’affaire Forest Ethics Advocacy Association c Office national de l’énergie, 2014 CAF 88 (« Forest Ethics »), la Cour d’appel fédérale a défini le critère permettant de déterminer si de nouveaux éléments de preuve peuvent être produits dans le cadre d’un contrôle judiciaire. La partie demanderesse doit d’abord convaincre la Cour qu’elle satisfait à deux exigences préliminaires, soit : 1) que la preuve est admissible dans le cadre du contrôle judiciaire, et 2) que l’élément de preuve est pertinent à une question que la Cour est appelée à trancher (Forest Ethics, au para 4). Une fois ces exigences remplies, la partie demanderesse doit alors convaincre la Cour d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour admettre de nouveaux éléments de preuve, en se fondant sur les facteurs suivants (Forest Ethics , au para 6) :

1. Est‑ce que la partie avait accès aux éléments de preuve dont elle demande l’admission au moment où elle a déposé ses affidavits en application de l’article 306 ou 308 des Règles, selon le cas, ou aurait‑elle pu y avoir accès en faisant preuve de diligence raisonnable?

2. Est‑ce que la preuve sera utile à la Cour, en ce sens qu’elle est pertinente quant à la question à trancher et que sa valeur probante est suffisante pour influer sur l’issue de l’affaire?

3. Est‑ce que l’admission des éléments de preuve entraînera un préjudice important ou grave pour l’autre partie?

[46] Le demandeur soutient que les nouveaux éléments de preuve sont admissibles en vertu des exceptions reconnues dans les cas de contrôles de l’équité procédurale (Sharma c Canada (Procureur général), 2018 CAF 48 au para 8) et qu’ils sont très pertinents pour la question de l’équité procédurale soulevée dans l’avis de demande modifié, satisfaisant ainsi aux exigences préliminaires.

[47] Parmi les trois facteurs relatifs à l’exercice du pouvoir discrétionnaire établis dans l’arrêt Forest Ethics, les facteurs déterminants sont la diligence du demandeur et le degré de pertinence de la preuve. Le demandeur affirme s’être acquitté de son devoir de diligence raisonnable en obtenant et en produisant ces rapports de rendement à diverses occasions. Il dit ne pas avoir eu de réelle possibilité de corriger le dossier mais avoir, lorsqu’il s’est rendu compte que certains documents n’avaient pas été produits devant le comité ou déposés en appel, agi en conséquence dès que possible. Le demandeur fait valoir que les efforts qu’il a déployés pour obtenir ces documents montrent à quel point ils étaient inaccessibles, et que tout retard dans leur production est imputable à la GRC.

[48] Quant à la question de la pertinence, le demandeur fait valoir que les évaluations de rendement et les rapports sont pertinents parce qu’ils démontrent l’injustice procédurale résultant de leur exclusion. Le comité de déontologie a estimé, et il a été confirmé en appel que cette conclusion était raisonnable, que les éléments de preuve du rendement du demandeur révélaient qu’il était un employé [traduction] « sous‑performant » capable « d[e] moments d’éclat occasionnels au travail ». Le demandeur explique que ces nouveaux éléments de preuve, qui font état d’autres rapports et évaluations positives, démontrent que ses meilleurs rapports de rendement n’ont pas été examinés comme il convenait. Le demandeur ajoute que cela révèle que le comité de déontologie et l’arbitre d’appel disposaient de dossiers incomplets quant à son rendement, ce qui l’a privé de la possibilité d’être entendu en vertu de l’équité procédurale.

[49] Pour sa part, le défendeur soutient que la requête devrait être rejetée parce qu’il n’y a aucune preuve que le demandeur s’est vu refuser la possibilité de produire cette preuve devant le comité de déontologie ou qu’il a tenté de le faire en appel. Le défendeur soutient que le retard manifeste accusé par le demandeur dans sa tentative d’obtenir ces éléments de preuve, de même que la tardiveté de la requête visant à obtenir l’autorisation de produire de nouveaux éléments de preuve sont révélateurs de l’échec du demandeur et de son RM. Le fait qu’ils n’aient pas cherché à présenter le demandeur [traduction] « sous son meilleur jour » la première fois que l’occasion leur en a été donnée ne constitue pas à une violation du principe d’équité procédurale.

[50] Le défendeur décrit la chronologie des événements qui, selon lui, témoigne du manque de diligence du demandeur. Le 20 septembre 2016, une audience en personne s’est tenue devant le comité de déontologie, durant laquelle le RM a représenté le demandeur. Durant l’audience, le demandeur a présenté un certain nombre de rapports de rendement et s’est appuyé sur ces derniers pour faire valoir qu’il était un bon membre, avec des antécédents professionnels positifs. Aucune preuve n’a été présentée pour établir que le demandeur et son RM ont tenté de produire des documents supplémentaires concernant le rendement du demandeur, et qu’ils ont été confrontés à des obstacles pour accéder à ces documents ou pour les produire.

[51] Le comité de déontologie a rendu une décision orale le 21 septembre 2016, et le demandeur a déclaré avoir été surpris d’être qualifié de « sous‑performant » dans la décision. Le défendeur estime que cela indique que le demandeur savait déjà, en date du 21 septembre 2016, que son rendement ne constituait pas un facteur atténuant. Le demandeur dit avoir tenté d’obtenir des copies électroniques de ses évaluations de rendement le 13 octobre 2016, mais que le RM l’a alors avisé qu’il n’avait pas de copies électroniques. Le 5 mai 2017, le demandeur a fait appel de la décision du comité de déontologie.

[52] Le dossier de requête du demandeur comprend une correspondance entre l’avocat du demandeur et la direction du RAD, laquelle indique que le demandeur a été informé de la liste des documents produits devant le comité de déontologie le 18 octobre 2017, soit 14 jours avant la date à laquelle les observations du demandeur devaient être déposées dans le cadre de l’appel. Le défendeur fait valoir que cette date permet non seulement de faire tomber toute allégation de vice procédural concernant des dossiers prétendument lacunaires présentés au comité de déontologie, mais qu’elle indique aussi précisément le moment où le demandeur a été pleinement informé du contenu des dossiers présentés au comité de déontologie. Aucun élément de preuve n’indique que le demandeur a tenté d’obtenir les rapports de rendement supplémentaires après cette date, et ce, jusqu’en mai 2021, soit plus de trois ans plus tard.

[53] Le défendeur soutient en outre que, même si elle était admise, la preuve ne serait pas suffisamment probante pour aider la Cour à déterminer si la décision sous‑jacente était raisonnable. Il n’appartient pas à la Cour d’apprécier et d’évaluer à nouveau les effets atténuants des rapports de rendement.

[54] Je suis d’accord avec le défendeur. Le demandeur a introduit la requête en vue de produire de nouveaux éléments de preuve plus d’un an après avoir déposé ses affidavits au titre de l’article 306 des Règles. La chronologie des événements, depuis le prononcé de la décision du comité de déontologie et jusqu’à l’introduction de la présente instance, montre que le demandeur a eu plusieurs occasions d’obtenir et de produire ces éléments de preuve lorsqu’il a déposé ses affidavits en vertu de l’article 306 des Règles. Dès le 18 octobre 2017, le demandeur savait parfaitement quels rapports de rendement avaient été soumis au comité de déontologie, et les éléments de preuve montrent que la première tentative du demandeur pour obtenir ces rapports supplémentaires remonte au 13 mai 2021, lorsqu’il s’est adressé à un collègue à la retraite pour savoir comment les obtenir. Cette chronologie témoigne d’un manque évident de respect des délais et, par le fait même, d’un manque de diligence de la part du demandeur. Si le demandeur avait fait preuve de plus de diligence pour obtenir un dossier plus complet de ses rapports et évaluations de rendement pour ses neuf années en tant que membre de la GRC, il aurait été en mesure de présenter ces dossiers au moment où il a déposé ses affidavits en vertu de l’article 306 des Règles, au tout début de la présente instance.

[55] Pour ces motifs, la requête du demandeur en vue d’obtenir l’autorisation de déposer de nouveaux éléments de preuve et de modifier l’avis de demande est rejetée.

V. Questions en litige et norme de contrôle applicable

[56] La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

  1. Est‑ce que le demandeur a eu la possibilité de répondre aux observations du commissaire?

  2. Est‑ce que la décision du commissaire est raisonnable?

[57] Les parties conviennent que la première question concerne l’équité de la procédure. Je suis d’accord. La question fondamentale à trancher en matière d’équité procédurale est celle de savoir si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances, y compris les facteurs énoncés dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 (Baker) aux paragraphes 21 à 28 (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général) (Canadien Pacifique), 2018 CAF 69 au para 54). Lorsqu’elle se penche sur la question de l’équité procédurale, la Cour doit déterminer si le demandeur « connaissait la preuve à réfuter et s’il a eu la possibilité complète et équitable d’y répondre » (Firsov c Canada (Procureur général), 2021 CF 877 (Firsov), au para 33; Canadien Pacifique, au para 56).

[58] Les parties soutiennent en outre, et je suis d’accord, que la deuxième question doit être examinée selon la norme de la décision raisonnable. J’estime que cette conclusion est conforme à l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 (Vavilov) aux paragraphes 16‑17, 23‑25, puisqu’il n’y a pas d’exception à la présomption d’application de la norme de la décision raisonnable en l’espèce (Laporte c Canada (Procureur général), 2021 CF 118 (Laporte) au para 20).

[59] Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable est empreint de déférence, mais demeure rigoureux (Vavilov, aux para 12‑13, 75, 85). La cour de révision doit établir si la décision faisant l’objet du contrôle, y compris son raisonnement et son résultat, est transparente, intelligible et justifiée (Vavilov, au para 15). Une décision raisonnable dans son ensemble doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov, au para 85). La question de savoir si la décision est raisonnable dépend du contexte administratif en cause, du dossier dont disposait le décideur et de l’incidence de la décision sur les personnes qui en subissent les conséquences (Vavilov, aux para 88‑90, 94, 133‑135).

[60] Pour qu’une décision soit considérée comme déraisonnable, le demandeur doit démontrer qu’elle souffre de lacunes suffisamment capitales ou importantes (Vavilov, au para 100). Ce ne sont pas toutes les erreurs ou toutes les préoccupations à l’égard d’une décision qui justifient une intervention. La cour de révision doit s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve présentée au décideur et de modifier les conclusions de fait qu’il a tirées à moins de circonstances exceptionnelles (Vavilov, au para 125). Les lacunes ou insuffisances ne doivent pas être simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision ni être des « erreur[s] mineure[s] » (Vavilov, au para 100; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Mason, 2021 CAF 156 au para 36).

[61] En outre, notre Cour et la Cour d’appel fédérale ont confirmé que les décisions des arbitres de la GRC doivent faire l’objet d’une grande retenue. Au paragraphe 38 de l’arrêt Firsov, la juge de la Cour note :

[38] La jurisprudence de la Cour et de la Cour d’appel fédérale a reconnu que les arbitres de la GRC possèdent une expertise particulière au chapitre du maintien de l’intégrité et du professionnalisme de la GRC. Par conséquent, leurs décisions liées à de telles questions doivent être traitées avec une grande retenue : Calandrini c Canada (Procureur général), 2018 CF 52 au para 97 et les décisions qui y sont citées.

VI. Analyse

A. Est‑ce que le demandeur a eu la possibilité de répondre aux observations du commissaire?

[62] Le demandeur soutient qu’il y a eu atteinte à l’équité procédurale parce que le commissaire a refusé de reconnaître qu’il n’avait pas eu la possibilité de répondre à la proposition préjudiciable selon laquelle il cherchait à se soustraire à une enquête policière en commettant la faute.

[63] Tout d’abord, le demandeur soutient que le commissaire a commis une erreur en concluant qu’il avait eu une réelle occasion de répondre à la question de la distraction au volant, ce qu’il prétend ne pas avoir eu l’occasion de faire avant que la décision du comité de déontologie ne lui soit présentée par écrit. Dans son analyse, le commissaire ne tient pas compte du fait que le comité de déontologie était déjà parvenu à une conclusion sur cette question et il ne prend pas en considération les explications et éléments de preuve ultérieurs du demandeur. Le demandeur soutient en outre que la conclusion du comité de déontologie sur ce point était essentielle pour le règlement de l’affaire et constituait un aspect important de la conclusion du comité de déontologie selon laquelle le demandeur souffrait d’un [traduction] « défaut de caractère fondamental » qui le rendait inapte à occuper un autre emploi au sein de la GRC.

[64] Pour étayer sa position, le demandeur s’appuie sur la décision Huang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1998 CanLII 7256 (CF) (Huang). Dans l’affaire Huang, la Cour a estimé que l’agent des visas avait violé le droit du demandeur à l’équité procédurale en se fondant sur un document traduit sans donner au demandeur la possibilité de présenter des observations sur le document ou sur les allégations formulées à son encontre. Au paragraphe 5 de la décision Huang, le juge note :

En se fondant sur la traduction du document mis à sa disposition, l’agent des visas a conclu que le requérant avait obtenu son certificat de la deuxième catégorie d’une façon irrégulière. Il s’agissait d’une allégation sérieuse que l’agent des visas aurait dû porter à la connaissance du requérant. Toutefois, l’agent des visas n’a malheureusement eu ses renseignements en sa possession qu’après l’audience. mon avis, l’agent des visas a violé les principes d’équité procédurale : a) en se fondant sur ce document sans que le requérant ait eu la possibilité d’examiner la traduction et de présenter des observations à ce sujet; et b) en omettant de porter à la connaissance du requérant une allégation d’irrégularité aussi grave de façon à permettre à celui‑ci d’y répondre. Il existe des divergences importantes entre la traduction effectuée par le personnel de l’agent des visas et la traduction obtenue par l’avocat du requérant. Ces divergences auraient dû être examinées au moment où l’agent des visas a eu son entrevue avec le requérant.

[65] En l’espèce, le demandeur soutient qu’il n’aurait pas pu prévoir la conclusion du comité de déontologie selon laquelle il cherchait à se soustraire à ses responsabilités pour conduite illégale, puisqu’il ne croyait pas avoir conduit de manière imprudente et que les observations du RAD ne faisaient pas référence à une conduite inadéquate. En outre, seul le gain financier qui pouvait découler du fait d’éviter le paiement d’une seconde franchise était abordé dans l’ECF, où il n’était pas question de la régularité de la conduite du demandeur. Lors de la préparation de l’ECF, aucune des parties n’a allégué que le demandeur cherchait à se soustraire à ses responsabilités en matière d’infractions au code de la route. Le demandeur soutient en outre que le comité de déontologie savait qu’il formulait une conclusion supplémentaire, au‑delà de ce que le RAD avait proposé, puisqu’il a déclaré qu’il [traduction] « irait même plus loin en ajoutant que la principale motivation [du demandeur] était d’éviter d’être tenu responsable de l’accident survenu avec son seul véhicule ». Le demandeur cite la décision de la Cour d’appel de Terre‑Neuve dans l’affaire R v Woodward, 1993 CanLII 8183 (NL CA), où la Cour note, au paragraphe 41 :

[traduction]
Il m’apparaît que le juge de première instance a fait des déductions et tiré des conclusions qui n’étaient pas adéquatement fondées dans l’exposé conjoint des faits. Néanmoins, la réalité est que nous ignorons et que nous ne connaîtrons jamais pour l’essentiel ce à quoi l’appelant a été confronté lorsqu’il s’est approché de la zone, jusqu’au moment de l’impact. Bien entendu, il ne convient pas de faire des hypothèses et de réécrire les événements en remplissant les blancs de manière inappropriée, modifiant ainsi la teneur de la tragédie et proposant une interprétation qui n’est pas dictée par les faits acceptés. L’objection ne porte pas sur l’admissibilité des éléments de preuve, mais plutôt sur l’évaluation excessivement sévère qui en est faite. Le demandeur a plaidé coupable de conduite en état d’ébriété ayant entraîné la mort et sa peine doit être fondée sur cette seule condamnation.

[66] Le demandeur affirme que l’un des aspects les plus importants du principe d’équité procédurale est le droit d’une personne à être entendue (Woldemaryame c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1411 au para 20, citant Baker aux para 21‑28 et Congrégation des témoins de Jéhovah de St‑Jérôme‑Lafontaine c Lafontaine (Village), 2004 CSC 48 au para 5). Le demandeur soutient qu’il aurait dû bénéficier d’un degré plus élevé d’équité procédurale parce que son emploi était potentiellement en jeu (Kinsey c Canada (Procureur général), 2007 CF 543 au para 64), mais aussi parce que le paragraphe 45.16(9) de la Loi sur la GRC dispose que la décision d’un commissaire en appel est définitive et exécutoire. Pour étayer cette affirmation, le demandeur réfère à l’arrêt Firsov, au paragraphe 34 :

Il a été jugé que, dans le cas d’une instance disciplinaire de la GRC, le régime législatif entraîne un niveau très élevé d’équité procédurale en raison du paragraphe 45.16(9) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC 1985, c R‑10 (la Loi sur la GRC), qui énonce que « la décision du commissaire portant sur un appel est définitive et exécutoire » : Smith c Canada (Procureur général), 2019 CF 770 [Smith] au para 40.

[67] Le demandeur soutient que le comité de déontologie aurait dû demander ses observations sur cette question avant de rendre sa décision (Gill c Canada (Procureur général), 2006 CF 1106 au para 60, citant : Re Golomb and College of Physicians and Surgeons of Ontario, 1976 CanLII 752 (CS ON)). Dans l’ensemble, l’analyse du commissaire ne tient pas compte du fait que le demandeur avait le droit d’être expressément informé du fait que le comité de déontologie allait rendre une décision allant au‑delà des propositions du RAD, plutôt que de recevoir un simple avis général selon lequel le comité de déontologie concluait qu’il aurait pu être motivé par un certain avantage personnel en commettant la faute.

[68] À titre subsidiaire, le demandeur ajoute que le commissaire a commis une erreur en concluant qu’il avait fait le choix de ne pas saisir une occasion équitable de répondre à la proposition selon laquelle il cherchait à éviter une enquête policière. Le demandeur fait valoir que le comité de déontologie ne l’a pas invité à commenter ses motifs et n’a pas non plus suggéré que ceux‑ci étaient susceptibles d’être modifiés. Le demandeur maintient que la cause de l’accident est le bris soudain de la vitre et non une distraction au volant, car il conduisait en conformité avec la loi sur les véhicules motorisés de la Colombie‑Britannique, la Motor Vehicle Act, RSBC 1996, chapitre 318, en utilisant la technologie mains libres Bluetooth de son véhicule pendant son appel à la ligne téléphonique de la GRC réservée aux incidents non urgents.

[69] Le défendeur affirme que le commissaire n’a pas commis d’erreur en concluant que le demandeur n’avait pas démontré un manquement à l’équité procédurale. Le demandeur connaissait les éléments de preuve à réfuter et a eu la possibilité de répondre de manière complète et équitable au cours de la procédure pour inconduite. Le commissaire a estimé à juste titre que le demandeur avait reçu un préavis suffisant. Le défendeur soutient que la lettre de mandat, le rapport d’enquête et l’avis contiennent tous les allégations pertinentes. Après le dépôt de l’ECF, le demandeur et le RAD ont été invités à présenter des observations écrites. Le RM du demandeur n’a pas présenté d’observations. Dans ses observations écrites adressées au comité de déontologie, le RAD a abordé la question de la motivation et de l’avantage personnel du demandeur, qualifiant les actions de celle‑ci comme un [traduction] « acte de malhonnêteté commis à son propre avantage, dans l’intention d’appuyer une réclamation d’assurance frauduleuse ».

[70] En outre, le défendeur note que la décision du comité de déontologie a été envoyée au RM du demandeur le 16 août 2016, ce qui donnait au demandeur la possibilité de se prononcer sur la manière dont sa faute a été qualifiée lors de l’audience relative aux sanctions, tenue le 20 septembre 2016. Le comité de déontologie a explicitement conclu que le demandeur cherchait à se soustraire à ses responsabilités relativement à la collision. L’avocat du demandeur était au courant de cette conclusion. Le fait que le demandeur n’ait pas réussi à convaincre le comité de déontologie du contraire, ou qu’il n’y ait pas eu de contre‑interrogatoire sur cette question, ne permet pas de conclure que le principe d’équité procédurale a été violé. Bien que le demandeur puisse être mécontent de la décision du commissaire, l’équité procédurale ne comprend pas le droit à un résultat particulier.

[71] Je suis d’accord avec le demandeur pour dire que le régime législatif applicable en appel et prévu par la Loi sur la GRC requiert un degré très élevé d’équité procédurale (Smith c Canada (Procureur général), 2019 CF 770 au para 40). En l’espèce, je suis convaincu que le commissaire a satisfait à l’obligation d’appliquer un degré d’équité procédurale plus élevé. Le dossier indique que le demandeur savait ou aurait dû savoir que le comité de déontologie estimait que la motivation de sa faute était un avantage personnel, et qu’il n’a pas réussi à le convaincre du contraire.

[72] Les observations du RAD soumises au comité de déontologie indiquent que [traduction] « [...] les actes du gendarme Vellani ne devraient pas être considérés par la commission comme une simple erreur de jugement, mais comme acte de malhonnêteté commis à son propre avantage, dans l’intention d’appuyer une réclamation d’assurance frauduleuse ». Le RM du demandeur n’a pas répondu à ces allégations, expliquant plutôt que l’ECF suffisait. Estimant que les deux allégations contre le demandeur étaient prouvées, le comité de déontologie a écrit, le 15 juin 2016 :

[traduction]
[11] Le RAD a suggéré que la motivation [du demandeur] pour tromper le gendarme Hawkins était d’appuyer une réclamation d’assurance frauduleuse, et je suis d’accord. J’irai même plus loin en ajoutant que sa principale motivation était d’éviter d’être tenu responsable de l’accident survenu avec son seul véhicule. [...] Parler au téléphone portable en conduisant est une activité dangereuse en soi; le faire dans un tel état d’agitation l’est plus encore. Le gendarme Vellani a beaucoup de chance d’être entré en collision avec un poteau de signalisation ou un objet de ce type : il aurait tout aussi bien pu s’agir d’un piéton, d’un cycliste ou d’un autre automobiliste.

[73] Le comité de déontologie a en outre estimé que le demandeur avait délibérément évité de répondre de ses actes : [TRADUCTION] « Il n’a pas signalé cet accident; pourtant, personne n’est mieux placé qu’un membre régulier, employé des services de police contractuels, pour savoir qu’il est important de signaler tout accident de la route ».

[74] Même si l’on accepte la proposition du demandeur selon laquelle le comité de déontologie s’est appuyé sur les observations du RAD sans en informer le demandeur de manière adéquate, j’estime que le demandeur a eu l’occasion de répondre à ces conclusions lors de l’audience relative aux sanctions du 20 septembre 2016, au cours de laquelle il était représenté par un avocat. C’est lors de cette audience que, pour la première fois, le demandeur a évoqué le fait qu’il avait utilisé son dispositif mains libres Bluetooth pour appeler la ligne téléphonique de la GRC réservée aux incidents non urgents. Le demandeur a également déclaré, lors de l’audience relative aux sanctions :

[traduction]

[...] il restait une bonne quantité de vitre toujours intacte dans le cadre de fenêtre de la porte, du côté passager. Alors que je prenais un virage, j’ai heurté une bosse sur la route et le reste de la vitre qui était encore intacte s’est brisée et est tombée à l’intérieur du véhicule, ce qui m’a surpris [...].

[75] À partir de cette explication, le représentant du comité de déontologie a conclu que le demandeur [traduction] « a présenté une réclamation frauduleuse [...], peut‑être aussi pour se soustraire à ses responsabilités face à un accident impliquant son seul véhicule ». En d’autres termes, le témoignage du demandeur sur ce point n’a pas été accepté dans son intégralité. Rien n’indique que le RM du demandeur a ultérieurement abordé la question de l’évitement des responsabilités pour distraction au volant dans des observations orales. Je suis également d’accord avec le défendeur pour dire qu’un désaccord avec l’interprétation des événements par le comité de déontologie ne suffit pas pour conclure que les droits du demandeur en matière d’équité procédurale ont été violés. Comme l’a mentionné la Cour au paragraphe 75 de la décision Firsov :

On ne peut conclure qu’il y a partialité ou qu’une partie n’a pas été entendue quand un juge des faits privilégie une version des événements plutôt qu’une autre. Selon le gendarme Firsov, en somme, le droit d’être entendu comporterait le droit qu’une question soit tranchée en sa faveur. Cela reviendrait à demander à l’arbitre d’apprécier à nouveau la preuve présentée à l’autorité disciplinaire et de tirer une conclusion différente.

[76] L’analyse décrite dans l’arrêt Firsov est applicable à la présente affaire. Le fait que le RM n’ait pas présenté d’observations et que le demandeur lui‑même n’ait pas réussi à convaincre le comité de déontologie de ses motivations ne constitue pas une violation de l’équité procédurale en l’espèce.

[77] J’estime toutefois que l’argument du demandeur, selon lequel le comité de déontologie avait déjà pris sa décision lorsque le demandeur en a été avisé, et selon lequel il est peu probable que les observations du demandeur qui auraient été présentées durant l’audience relative aux sanctions amènent le comité de déontologie à changer d’avis, est quelque peu fondé. Il est évident qu’en date du 15 juin 2016, le comité de déontologie avait conclu que le demandeur se soustrayait à ses responsabilités en matière de distraction au volant : le comité de déontologie a par ailleurs explicitement indiqué qu’il irait au‑delà des propositions du RAD. Les conclusions du comité de déontologie sont restées inchangées après l’audience relative aux sanctions, comme le montre la décision du comité de déontologie du 4 avril 2017.

[78] Néanmoins, j’estime que, dans l’ensemble, le demandeur n’a pas réussi à prouver que ses droits en matière d’équité procédurale ont été violés. Le demandeur a été avisé adéquatement de l’allégation de distraction au volant entre le prononcé de la décision du comité de déontologie du 15 juin 2016 et l’audience relative aux sanctions du 20 septembre 2016. La décision du RM de ne pas répondre aux observations du RAD du 13 juin 2016, et de ne pas se pencher sur la question au cours de l’audience, ne constitue pas une violation des droits du demandeur en matière d’équité procédurale.

B. Est‑ce que la décision du commissaire est raisonnable?

[79] Le demandeur soutient que le commissaire a commis une erreur en perpétuant des préjugés concernant ses antécédents de travail et ses problèmes de santé mentale qui en découlent. Le demandeur ajoute que le commissaire a commis une erreur en concluant que le comité de déontologie ne s’était pas appuyé sur son appréciation problématique du témoignage de l’inspectrice Moss.

(1) Préjugés concernant les antécédents de travail et les problèmes de santé mentale du demandeur

[80] Le demandeur fait observer que le CEE et le commissaire ont tous deux reconnu que le comité de déontologie avait mal interprété son témoignage, selon lequel il se sentait mieux au moment où la faute a été commise, alors qu’il avait en fait déclaré qu’il était [traduction] « à bout de nerfs ». Le demandeur avance en outre que le comité de déontologie a commis une erreur lorsqu’il a catégorisé son rendement au travail et a omis de prendre en compte ses observations sur la teneur de ses évaluations de rendement.

(a) La santé mentale comme facteur atténuant

[81] Le demandeur soutient que le commissaire n’a pas rectifié l’erreur commise par le comité de déontologie en concluant que le stress lié au travail qu’il a subi n’était pas un facteur sous‑jacent ayant contribué à son inconduite. Le demandeur soutient que, bien que le comité de déontologie ait admis que la dépression et l’anxiété pouvaient altérer le jugement, celui‑ci a déclaré à tort que le demandeur se portait en réalité très bien. Contrairement à ces conclusions, le dossier indique que les facteurs de stress auxquels était soumis le demandeur étaient de plus en plus importants. En outre, le demandeur fait valoir que le commissaire a reconnu que le comité de déontologie aurait pu aborder l’affaire différemment s’il avait conclu que des facteurs psychologiques importants étaient en jeu. Le fait que le commissaire ne se soit pas préoccupé de l’erreur du comité de déontologie est un point important, car de ce fait la santé mentale du demandeur a été exclue de la liste des facteurs sous‑jacents. La présence de facteurs de stress aurait pu expliquer en partie son comportement et compromettre la conclusion du comité de déontologie selon laquelle il souffre d’un « défaut de caractère fondamental » le rendant inapte à occuper un emploi dans la GRC à l’avenir.

[82] Le défendeur soutient que le commissaire a raisonnablement conclu que le comité de déontologie avait justement relevé que, si la santé mentale du demandeur constituait un facteur atténuant, il n’y avait aucun lien manifeste entre ses problèmes de santé mentale et sa mauvaise conduite. Le défendeur soutient que le comité de déontologie a raisonnablement conclu que la santé mentale du demandeur ne l’empêchait pas de se conformer aux règles et politiques de son employeur, ainsi qu’aux lois du Canada. Dans l’affaire Stewart c Elk Valley Coal Corp., 2017 CSC 30 (Elk Valley), la Cour suprême a estimé que la question de savoir si une caractéristique protégée est un facteur de l’effet préjudiciable doit être évaluée au cas par cas. Au paragraphe 39 de l’arrêt Elk Valley, la Cour suprême fait le constat suivant :

[39] On ne saurait présumer que la dépendance de M. Stewart a réduit sa capacité de respecter la Politique. Dans certains cas, la personne souffrant d’une dépendance est tout à fait en mesure de respecter les règles en milieu de travail. Dans d’autres, la dépendance prive effectivement une personne de la capacité de les respecter, et la violation de la règle est alors inextricablement liée à la dépendance. Bien des cas peuvent se situer entre ces deux extrêmes. Le point de savoir si une caractéristique protégée est ou non un facteur de l’effet préjudiciable dépend des faits et doit être évalué au cas par cas. Le lien entre une dépendance et le traitement préjudiciable ne peut être tenu pour acquis; il doit reposer sur une preuve : Health Employers Assn. of British Columbia v B.C.N.U., 2006 BCCA 57, 54 B.C.L.R. (4th) 113, par. 41.

[83] Le défendeur s’appuie également sur deux décisions de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la CRTESPF). Dans l’affaire Aujla c Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2020 CRTESPF 38, au paragraphe 146, la CRTESPF note ce qui suit :

[146] Compte tenu de l’ensemble de la preuve, et selon la décision rendue dans Elk Valley, rien de ce qui m’a été soumis ne l’aurait empêché de se conformer aux règles et politiques de l’employeur et aux lois du Canada. Le fonctionnaire l’a exprimé à plusieurs reprises tout au long de ce processus lorsqu’il a dit au gendarme Spencer, M. Ard, à la Dre Jack et à moi‑même qu’il savait que ce qu’il faisait constituait une menace sérieuse pour son emploi.

[84] Dans l’affaire McNulty c Agence du revenu du Canada, 2016 CRTEFP 105, la CRTESPF a conclu qu’en l’absence de témoignage d’expert, aucun rapport causal n’a pu être établi entre l’invalidité de la fonctionnaire s’estimant lésée (alcoolisme) et son inconduite (aux para 188‑189). Le défendeur soutient qu’un trouble n’est pas toujours un facteur causal de l’inconduite d’un employé, et qu’il doit y avoir des éléments de preuve qui lient le trouble à l’incapacité de l’employé à se conformer aux règles. En l’espèce, le comité de déontologie a eu la possibilité de voir et d’entendre le témoignage du demandeur; il a par la suite recensé les normes juridiques et les faits pertinents. Le défendeur affirme que le commissaire a fait preuve de la retenue nécessaire à l’égard des conclusions du comité de déontologie.

[85] À mon avis, le commissaire et le comité de déontologie ont raisonnablement conclu que le demandeur n’avait pas réussi à démontrer l’existence d’un lien de causalité entre ses troubles de santé mentale et son inconduite. Comme l’a noté la Cour suprême dans l’affaire Elk Valley, un trouble n’est pas toujours un facteur causal de la mauvaise conduite d’un employé, et la question de savoir si une caractéristique protégée est ou non un facteur de l’effet préjudiciable dépend des faits (au para 39). La décision rendue en appel dispose :

[traduction]
[144] Au lieu de cela, le comité [de déontologie] a estimé que les problèmes antérieurs de l’appelant en matière de dépression, d’anxiété et de stress, qu’ils soient dus à sa rupture ou à son environnement de travail, n’ont pas atténué de façon significative ses actions, d’autant plus que le bref rapport de sa psychologue, que le RM n’avait pas désignée comme un expert (voir l’appel, p 543), n’avait pas révélé de lien de causalité entre l’état d’esprit de l’appelant et son inconduite.

[86] Je note que Dre Nemetz indique, dans sa lettre datée du 12 juillet 2016 :

Bien que je ne puisse pas établir cliniquement que son état psychologique est à l’origine de son manque de jugement, je puis avancer que sa dépression et son anxiété ont certainement pu obscurcir son jugement et réduire de manière significative sa capacité à faire face à des situations stressantes.

[87] La lettre de Dre Nemetz parle d’elle‑même. Bien qu’elle y confirme l’état du demandeur et les facteurs de stress auxquels il était alors soumis, Dre Nemetz n’a pas réussi à établir un lien de causalité entre l’état psychologique du demandeur et son inconduite. J’estime donc qu’il était raisonnable pour le commissaire de conclure que les problèmes antérieurs de dépression, d’anxiété et de stress du demandeur n’avaient pas permis d’atténuer de manière significative son inconduite ou d’expliquer le lien de cause à effet entre son état d’esprit et son inconduite. L’appréciation des éléments de preuve par le commissaire devait faire l’objet de retenue. Conformément à la norme établie dans l’arrêt Vavilov, la Cour ne peut intervenir que s’il y a des lacunes graves dans le processus de raisonnement du commissaire, ou si ses conclusions étaient indéfendables compte tenu des contraintes imposées par la preuve (Vavilov, aux para 99‑101, 105, et 125‑126). Je ne relève rien de déraisonnable dans l’analyse du commissaire sur ce point.

[88] Néanmoins, j’estime que le comité de déontologie et le commissaire n’ont pas apprécié pleinement les éléments de preuve présentés dans la lettre de Dre Nemetz. Le commissaire semble vouloir conclure à l’absence de lien de causalité entre la santé mentale du demandeur et son inconduite. La décision rendue en appel dispose :

[traduction ]
[153] De même, j’estime qu’il n’était pas manifestement déraisonnable pour le comité [de déontologie] de déterminer que le stress lié au travail auquel était soumis l’appelant n’était pas un facteur sous‑jacent de son inconduite, étant donné qu’aucun témoignage d’expert n’a été présenté pour étayer le témoignage de ce dernier (voir l’appel, p 458) selon lequel les facteurs de stress – y compris ceux qui pouvaient être liés à son environnement de travail – avaient un lien de causalité avec son inconduite. [Non souligné dans l’original.]

[89] Je ne pense pas que cette partie de l’analyse du commissaire montre une appréciation du contenu intégral de la lettre de Dre Nemetz. Dans sa lettre, Dre Nemetz dit qu’il était possible que l’état mental du demandeur ait obscurci son jugement et réduit sa capacité de résilience dans les situations stressantes. Elle a également dit être [traduction] « consciente que son état de dépression et les facteurs de stress professionnel l’affectant gagnaient en importance, et qu’il avait indiqué une récurrence de ses symptômes ». L’analyse du commissaire semble évoluer entre deux extrêmes : soit la santé mentale du demandeur avait un lien de causalité avec ses actes et pouvait expliquer son inconduite, soit elle n’y avait pas de lien de causalité et le demandeur s’est lancé dans une vaste campagne dont l’objectif était la fraude. Cela a son importance, étant donné que le commissaire a reconnu que la présence de troubles mentaux en tant que facteurs atténuants a pu amener le comité de déontologie à accorder moins d’importance à la motivation du demandeur à réaliser un avantage personnel.

[90] Cela dit, bien que je ne crois pas que le commissaire ait caractérisé la preuve relative à l’état mental du demandeur aussi bien qu’il aurait pu le faire, je ne considère pas que l’évaluation globale qu’a faite le commissaire de la santé mentale du demandeur et de son inconduite soit déraisonnable. Le commissaire a fourni des raisons intelligibles quant à sa conclusion voulant que l’état de santé mentale constitue un facteur atténuant, sans toutefois expliquer les actes du demandeur.

(b) Prise en compte des antécédents professionnels

[91] Le demandeur affirme que le commissaire, lors de l’analyse de son dossier d’emploi, n’a pas tenu compte de l’environnement de travail toxique du demandeur ayant contribué à ses antécédents de dépression et d’anxiété. Le commissaire a reconnu que le comité de déontologie avait commis une erreur en déterminant que l’évaluation de rendement du demandeur était [traduction] « acceptable » sans examiner les commentaires positifs formulés au sujet de son rendement. En confirmant que la conclusion du comité de déontologie n’était pas [traduction] « manifestement déraisonnable », le commissaire ne démontre pas que son raisonnement est fondé sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle. Pour étayer cette position, le demandeur s’appuie sur les paragraphes 33 et 34 de la décision Laporte, dans lequel la Cour explique :

[33] Selon le défendeur, la preuve sur laquelle se fonde l’autorité disciplinaire pour établir le lien nécessaire entre la conduite du demandeur et ses fonctions et attributions en tant que membre de la GRC émane du rapport d’enquête et des dépositions des témoins, dont il est question dans la décision initiale. Il fait valoir que la décision initiale reposait sur la preuve et qu’en conséquence, la décision rendue en appel sur ce point était raisonnable.

[34] Là encore, je dois me ranger à l’argument du demandeur. Indépendamment de la question de savoir si la preuve permet de conclure à l’existence du lien requis, ni l’autorité disciplinaire dans la décision initiale ni l’arbitre dans la décision rendue en appel n’ont expliqué en quoi la preuve leur a permis de tirer une telle conclusion.

[92] Le demandeur soutient que, comme dans l’affaire Laporte, l’analyse du commissaire n’explique pas en quoi ce qu’il a lu dans les évaluations du demandeur soutenait l’évaluation globale du comité de déontologie et comment il est parvenu à sa décision. Le demandeur avance que la caractérisation par le commissaire de son rendement au travail est absurde à la lumière de son évaluation de mi‑parcours de 2011. Le demandeur fait valoir qu’il existe une différence entre déférence et adhésion, et le fait que le commissaire n’ait pas justifié la manière dont l’analyse de cette question par le comité de déontologie a été expliquée démontre qu’il n’a pas procédé à un examen détaillé, approprié en appel (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Balogun, 2016 CF 375 au para 10).

[93] En outre, le demandeur souligne que le commissaire a examiné des évaluations de rendement produites à une époque où il se trouvait dans un environnement de travail toxique et souffrait d’anxiété et de dépression. Le fait que le commissaire n’ait pas reconnu l’interaction entre les facteurs de stress et les évaluations de rendement du demandeur justifie une intervention du tribunal. Le demandeur cite la décision de la Cour dans l’affaire Pizarro c Canada (Procureur général), 2010 CF 20 (Pizarro), au paragraphe 65 :

La Cour est préoccupée de ce que le commissaire et le comité se soient donné du mal pour contester le lien de cause à effet avec les conditions de travail et pour passer sous silence la responsabilité que la direction de la GRC pourrait avoir dans la conduite de M. Pizarro. Non seulement il y avait une preuve d’expert en ce sens, mais il n’y avait pas de preuve d’expert tendant à établir le contraire et, chose importante aussi, le juge de la Cour provinciale avait émis une opinion confirmatoire – laquelle figurait au dossier dont disposaient le comité aussi bien que le commissaire.

[94] Comme dans l’affaire Pizarro, le demandeur allègue que le commissaire n’a pas tenu compte de la preuve de discrimination et de harcèlement présentée par le demandeur, exonérant ainsi la GRC de toute responsabilité qu’elle pourrait avoir quant aux difficultés qu’il a rencontrées. Au contraire, les symptômes de son mauvais traitement par la GRC ont été utilisés pour minimiser ses contributions en tant que membre de la GRC.

[95] Enfin, le demandeur prétend que ses expériences avec la GRC étaient différentes de celles dont il est question dans la décision du comité d’arbitrage dans l’affaire The Appropriate Officer “E” Division v Corporal L.M.J. Fréchette, Reg. No. 46353 (2010), 4 AD 4th 264 (Fréchette), où un membre de la GRC a fait des déclarations fausses et trompeuses à l’ICBC. Dans cette affaire, la caporale Fréchette a été impliquée dans une collision avec un autre véhicule. La caporale Fréchette a fait marche arrière dans son véhicule et est entrée en collision avec l’autre véhicule, qui était à l’arrêt. L’autre véhicule a signalé la collision à l’ICBC. La caporale Fréchette a déclaré que son véhicule avait été percuté par l’arrière et qu’elle n’avait pas enclenché la marche arrière. Cependant, la vidéo de la collision montre le véhicule de la caporale Fréchette faisant marche arrière et entrant en collision avec le véhicule à l’arrêt. Dans l’affaire Fréchette, la caporale Fréchette a été réprimandée et s’est vue imposer une suspension de salaire de dix jours parce qu’elle avait un niveau de rendement supérieur et qu’elle avait l’appui de son commandant. Le demandeur soutient que les facteurs atténuants de l’affaire Fréchette ne lui seraient pas accessibles en raison du racisme et de la stigmatisation liés à la maladie mentale.

[96] Le défendeur affirme que le commissaire a reconnu que les lettres de recommandation, les certificats, les récompenses et les services bénévoles du demandeur constituaient des facteurs atténuants, mais qu’il n’a pas considéré ses évaluations de rendement comme telles parce qu’elles témoignaient d’un « rendement moyen ». Le défendeur rappelle que le commissaire a reconnu que l’évaluation de rendement du demandeur par le comité de déontologie n’était pas « manifestement déraisonnable » et qu’il fallait faire preuve de retenue à l’égard des conclusions du comité de déontologie.

[97] J’estime que l’argument du demandeur selon lequel le comité de déontologie et le commissaire n’ont pas pleinement pris en compte son témoignage, dans lequel le demandeur a expliqué que les évaluations de rendement présentant des critiques à l’égard de son travail ont été produites dans un environnement de travail toxique, est fondé. Je ne suis pas convaincu que la décision rendue en appel réponde aux arguments du demandeur selon lesquels le comité de déontologie n’a pas tenu compte du lien existant entre ses évaluations de rendement défavorables et son environnement de travail toxique. Le commissaire ne semble pas s’être prononcé sur ce point. Au contraire, le commissaire déclare simplement être convaincu que le comité de déontologie a pris en compte tous les éléments de preuve du demandeur. De plus, il répète la conclusion du comité de déontologie selon laquelle les évaluations de rendement ne seraient pas acceptées comme facteurs atténuants, étant donné qu’un rendement moyen (par opposition à un rendement supérieur à la moyenne) ne constitue pas un facteur atténuant.

[98] Dans la décision rendue en appel, le commissaire conclut que [traduction] « l’évaluation globale du rendement de l’appelant par le comité [de déontologie] n’est pas manifestement déraisonnable, d’après ma lecture des quelques évaluations présentées par le RM ». Le commissaire poursuit en déclarant que le comité de déontologie a évalué les facteurs atténuants et aggravants, car « [...] a estimé que les facteurs atténuants ne l’emportaient pas sur les facteurs aggravants et a conclu que l’appelant avait enfreint les conditions de son emploi au sein de la GRC ». À mon avis, ces conclusions ne sont pas justifiées. Le demandeur se demande pourquoi le commissaire est d’accord avec le comité de déontologie, ou comment les décideurs ont abordé le lien entre les évaluations de rendement et l’environnement de travail toxique. Je note également que le licenciement du demandeur est un résultat manifestement différent de celui de l’affaire Fréchette, même si les circonstances étaient assez similaires.

[99] Néanmoins, même si les motifs du commissaire sur ce point auraient pu être plus élaborés, je ne peux conclure que l’analyse de la décision rendue en appel par le commissaire était déraisonnable dans l’ensemble. Comme l’a noté la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Mason, « [...] le fait que le décideur administratif ne mentionne pas explicitement certains éléments dans ses motifs ne constitue pas nécessairement un manque “de justification, d’intelligibilité ou de transparence” » (au para 32, citant Vavilov, aux para 94, 122). En outre, le commissaire a reconnu qu’après avoir examiné les évaluations de rendement du demandeur, le comité de déontologie [traduction] « [...] a expressément conclu qu’il n’accepterait pas les évaluations de rendement comme facteurs atténuants parce qu’un rendement moyen (par opposition à un rendement supérieur à la moyenne) ne constitue pas un facteur atténuant ».

(2) Examen du témoignage de l’inspectrice Moss

[100] Le demandeur affirme que le commissaire a commis une erreur dans son examen des multiples erreurs commises par le comité de déontologie en ce qui concerne le témoignage de l’inspectrice Moss. Plus précisément, le comité de déontologie aurait mal interprété le témoignage de l’inspectrice Moss, estimant qu’elle avait simplement omis de concéder des points soulevés lors du contre‑interrogatoire, plutôt que de constater que son témoignage était limité par certaines admissions qu’elle a faites lors du contre‑interrogatoire. En outre, le demandeur prétend que le commissaire a traité de manière déraisonnable les préoccupations liées au témoignage de l’inspectrice Moss, en concluant que le comité de déontologie n’avait pas, de toute façon, fondé son analyse sur ce témoignage. Le demandeur soutient qu’il s’agit d’une erreur car, bien que l’inspectrice Moss ne soit pas nommée dans la décision du comité de déontologie, ce dernier a fait référence à son témoignage lors de l’audience relative aux sanctions. La référence du comité de déontologie à [traduction] l’« aversion pour le risque » de la Colombie‑Britannique dans sa décision renvoie au témoignage de l’inspectrice Moss, selon lequel les divulgations dont il est question dans l’arrêt McNeil doivent être faites avant l’approbation de l’accusation. Le comité de déontologie s’est donc appuyé sur le témoignage de l’inspectrice Moss sans tenir compte des limites de son témoignage. Le demandeur soutient en outre que les erreurs faites par le comité de déontologie dans son appréciation du témoignage de l’inspectrice Moss ne peuvent être qualifiées d’insignifiantes simplement en raison du fait qu’on ne peut savoir quel poids le comité a accordé à l’existence d’antécédents, comme décrits dans l’arrêt McNeil, en tant que facteur aggravant.

[101] Le défendeur plaide que le commissaire a conclu à juste titre que le comité de déontologie n’avait pas fait mention du témoignage de l’inspectrice Moss lors de son évaluation des implications décrites dans l’arrêt McNeil comme facteur aggravant. Le commissaire a noté que, bien que le comité de déontologie ne reconnaisse pas dans sa décision les divergences soulevées lors du contre‑interrogatoire de l’inspectrice Moss, il ne s’est finalement pas appuyé sur son témoignage pour commenter la manière dont les facteurs McNeil étaient applicables au cas demandeur. Le défendeur fait remarquer que la décision du comité de déontologie ne porte pas sur la gravité des considérations dont il est question dans l’affaire McNeil en tant que facteur aggravant dans le cas du demandeur. Même s’il n’a pas reconnu les limites du témoignage de l’inspectrice Moss, le comité de déontologie ne s’est pas appuyé sur ce témoignage pour tirer sa conclusion générale selon laquelle l’obligation de divulgation des antécédents prescrite par l’arrêt McNeil constitue par nature un facteur aggravant, étant donné qu’elle crée un fardeau qui n’existerait pas sans antécédents. Le défendeur souligne que le fait que le comité de déontologie ait omis de mentionner les divergences du témoignage de l’inspectrice Moss, ou sa conclusion selon laquelle les considérations dont il est question dans l’arrêt McNeil constituent un facteur aggravant, ne sont pas des erreurs qui méritent d’être contrôlées.

[102] Je suis d’accord avec le défendeur. Le commissaire a raisonnablement confirmé l’analyse faite par le comité de déontologie des considérations dont il est question dans l’arrêt McNeil en tant que facteur aggravant. Le comité de déontologie n’a pas mentionné le témoignage de l’inspectrice Moss, mais a plutôt formulé une conclusion générale fondée sur les facteurs établis dans l’arrêt McNeil. Dans sa décision, le comité de déontologie indique :

[traduction]
[123] Le cinquième facteur aggravant réside dans les considérations dites de McNeil. Formulé plus clairement, l’obligation de divulguer proactivement les antécédents disciplinaires pertinents crée un fardeau qui n’existerait tout simplement pas en l’absence de tels antécédents disciplinaires. Par définition, il s’agit d’un facteur aggravant.

[Non souligné dans l’original.]

[103] Il est aussi indiqué, dans la décision du comité de déontologie, que [traduction] « la gravité de ce facteur aggravant reste toutefois quelque peu imprécise, en raison de l’application incohérente des principes découlant de l’arrêt McNeil ».

[104] Dans la décision rendue en appel, le commissaire souligne des divergences et des limites observées dans le témoignage de l’inspectrice Moss qui n’avaient pas été prises en compte par le comité de déontologie. Par exemple, le comité de déontologie a déclaré, relativement au témoignage de l’inspectrice Moss, que [traduction] « [elle] témoigne de cas dont elle a eu connaissance et où la Couronne a, après avoir pris connaissance des antécédents disciplinaires d’un potentiel témoin de la police, soit retiré des accusations existantes, soit simplement refusé d’en porter ». Cependant, l’inspectrice Moss a précisé plus tard qu’elle n’avait eu connaissance que d’un seul cas où cela s’était produit. Malgré ces divergences, le commissaire a maintenu qu’il n’y avait pas d’erreur susceptible de justifier une révision dans l’analyse du comité de déontologie, étant donné que celui‑ci ne s’est pas appuyé sur le témoignage de l’inspectrice Moss pour se prononcer sur la gravité des facteurs de l’arrêt McNeil dans le cas du demandeur. J’estime que la décision rendue par le commissaire est raisonnable.

[105] Dans l’ensemble, j’estime que la décision rendue en appel est raisonnable, étant donné qu’elle révèle une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et qu’elle est justifiée à la lumière des contraintes juridiques et factuelles pertinentes (Vavilov, au para 126).

VII. Dépens

[106] Bien que le défendeur soutienne que la demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée avec dépens, aucune des parties n’a présenté d’observations relatives aux frais dans ses observations écrites ou orales. L’adjudication de dépens relève du pouvoir discrétionnaire de la Cour et, dans les circonstances particulières de l’espèce, je choisis de ne pas adjuger de dépens à l’encontre du demandeur.

VIII. Conclusion

[107] La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Comme l’a déclaré le sergent Bruce Pitt‑Payne de la GRC dans sa lettre de recommandation pour le demandeur, [traduction] « les bonnes personnes font aussi des erreurs ». Je peux comprendre que le demandeur a souffert et a été confronté à des difficultés, et qu’il a pu manquer de jugement en raison d’un probable état de panique. Je ne souhaite pas minimiser les difficultés qu’il a pu rencontrer dans sa vie personnelle et professionnelle et qui ont pu le mener à commettre cette erreur.

[108] Malheureusement, en l’espèce, le demandeur a commis plus qu’une erreur initiale. Il a fait preuve de malhonnêteté à répétition pendant une période de cinq semaines et a induit en erreur ses collègues de la GRC et le personnel de l’ICBC. C’est cette inconduite qui a mené à la sanction stricte de son renvoi de la GRC; cette sanction aurait pu être moins sévère si le demandeur avait agi avec franchise et sincérité à la suite de son erreur. Pour les motifs exposés ci‑dessus, je ne pense pas qu’il y ait eu violation de l’équité procédurale et, bien que la décision rendue en appel ne soit pas exempte de faiblesses, elle est raisonnable dans l’ensemble.


JUGEMENT dans le dossier T‑834‑21

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Shirzad A. »

Juge

Traduction certifiée conforme

C. Tardif


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AUX DOSSIERS :


DOSSIER :

T‑834‑21

 

INTITULÉ :

FAREEZ VELLANI c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 septembre 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE AHMED

 

DATE DES MOTIFS :

Le 9 janvier 2023

 

COMPARUTIONS :

Jessica Lithwick

 

Pour le demandeur

 

Chris Hutchison

Marylise Soporan

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sugden, McFee & Roos LLP

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

Pour le demandeur

 

Le Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.