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Date : 20221221


Dossier : T-1291-21

Référence : 2022 CF 1781

Ottawa (Ontario), le 21 décembre 2022

En présence de l’honorable juge Pamel

ENTRE :

LMAN KONLAMBIGUE

demanderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La demanderesse, Mme Lman Konlambigue, demande le contrôle judiciaire d’une décision rendue par un agent de validation des prestations [agent] de l’Agence de revenu du Canada [ARC], datée du 21 juillet 2021, suite au second examen du dossier de Mme Konlambigue. L’agent a conclu qu’elle n’était pas admissible à recevoir des versements de la Prestation canadienne de relance économique [PCRE], puisqu’elle n’avait pas gagné au moins 5 000 $ de revenu d’emploi ou de revenus nets de travail indépendant en 2019, en 2020, ou au cours des douze mois précédant la date de sa première demande.

[2] Le 17 août 2021, Mme Konlambigue a présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision de l’agent. Elle soutient que la décision est déraisonnable parce qu’elle n’indique pas sur la base de quel fondement elle a été prise. Plus précisément, Mme Konlambigue soutient qu’elle a fourni tous les éléments de preuve nécessaires pour démontrer qu’elle avait gagné plus de 5 000 $ à titre de travailleuse indépendante en 2020, et que la décision n’explique pas les raisons pour lesquelles cette preuve n’a pas été considérée comme suffisante par l’agent. Elle demande à la Cour d’annuler la décision de l’agent et de faire droit à sa demande visant à la déclarer admissible à la PCRE au regard des preuves fournies.

[3] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision de l’agent n’est pas déraisonnable, et que la demande de Mme Konlambigue doit être rejetée.

I. Cadre législatif et contexte

A. Prestation canadienne de la relance économique

[4] La PCRE a été introduite par la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique, LC 2020, c 12, art 2 [Loi], sanctionnée le 2 octobre 2020, afin de fournir une aide financière aux salariés et aux travailleurs indépendants qui ont été directement touchés par la pandémie de la COVID-19 et qui n’avaient pas droit aux prestations d’assurance-emploi. La PCRE a été offerte pour la période du 27 septembre 2020 au 23 octobre 2021. Le paragraphe 3(1) de la Loi prévoyait les critères d’admissibilité pour recevoir la PCRE, soit :

Admissibilité

Eligibility

3(1) Est admissible à la prestation canadienne de relance économique, à l’égard de toute période de deux semaines comprise dans la période commençant le 27 septembre 2020 et se terminant le 23 octobre 2021, la personne qui remplit les conditions suivantes :

3(1) A person is eligible for a Canada recovery benefit for any two-week period falling within the period beginning on September 27, 2020 and ending on October 23, 2021 if

a) elle détient un numéro d’assurance sociale valide;

(a) they have a valid social insurance number;

b) elle était âgée d’au moins quinze ans le premier jour de la période de deux semaines;

(b) they were at least 15 years of age on the first day of the two-week period;

c) elle résidait et était présente au Canada au cours de la période de deux semaines;

(c) they were resident and present in Canada during the two-week period;

d) dans le cas d’une demande présentée en vertu de l’article 4 à l’égard d’une période de deux semaines qui débute en 2020, ses revenus provenant des sources ci-après, pour l’année 2019 ou au cours des douze mois précédant la date à laquelle elle présente sa demande, s’élevaient à au moins cinq mille dollars :

(d) in the case of an application made under section 4 in respect of a two-week period beginning in 2020, they had, for 2019 or in the 12-month period preceding the day on which they make the application, a total income of at least $5,000 from the following sources:

(i) un emploi,

(i) employment

(ii) un travail qu’elle exécute pour son compte,

(ii) self-employment

(iii) des prestations qui lui sont payées au titre de l’un des paragraphes 22(1), 23(1), 152.04(1) et 152.05(1) de la Loi sur l’assurance-emploi,

(iii) benefits paid to the person under any of subsections 22(1), 23(1), 152.04(1) and 152.05(1) of the Employment Insurance Act,

(iv) des allocations, prestations ou autres sommes qui lui sont payées, en vertu d’un régime provincial, en cas de grossesse ou de soins à donner par elle à son ou ses nouveau-nés ou à un ou plusieurs enfants placés chez elle en vue de leur adoption,

(iv) allowances, money or other benefits paid to the person under a provincial plan because of pregnancy or in respect of the care by the person of one or more of their new-born children or one or more children placed with them for the purpose of adoption, and

(v) une autre source de revenu prévue par règlement;

(v) any other source of income that is prescribed by regulation;

e) dans le cas d’une demande présentée en vertu de l’article 4, par une personne qui n’est pas visée à l’alinéa e.1), à l’égard d’une période de deux semaines qui débute en 2021, ses revenus provenant des sources mentionnées aux sous-alinéas d)(i) à (v) pour l’année 2019 ou 2020 ou au cours des douze mois précédant la date à laquelle elle présente sa demande s’élevaient à au moins cinq mille dollars;

(e) in the case of an application made under section 4 by a person other than a person referred to in paragraph (e.1) in respect of a two-week period beginning in 2021, they had, for 2019 or for 2020 or in the 12-month period preceding the day on which they make the application, a total income of at least $5,000 from the sources referred to in subparagraphs (d)(i) to (v);

[…]

B. Contexte

[5] Mme Konlambigue a demandé des versements de la PCRE pour les périodes 1 à 12, allant du 27 septembre 2020 au 13 mars 2021; les prestations pour les périodes 1 à 7 lui ont été versées sur la foi de ses demandes. Les demandes de Mme Konlambigue pour les périodes 8 à 12 ont été suspendues en raison de la sélection de son dossier pour examen et ainsi, cette dernière n’a pas reçu la PCRE pour ces périodes.

[6] Le 28 janvier 2021, Mme Konlambigue a contacté l’ARC afin de comprendre la raison pour laquelle elle n’avait pas reçu les versements de la PCRE pour la période 8. Durant cette conversation téléphonique, Mme Konlambigue a mentionné qu’elle était à l’extérieur du Canada, plus précisément au Togo depuis plus de 18 mois, soit de février 2019 à septembre 2020, qu’elle avait reçu, du 25 janvier 2020 au 10 février 2020, un revenu canadien à l’étranger, et que ce revenu totalisait un peu moins de 5 000 $ pendant cette période, mais qu’en incluant quelques factures de septembre, elle atteignait les 5 000 $ de revenus nécessaires.

[7] Le même jour, Mme Konlambigue a transmis à l’ARC les documents suivants : ses relevés bancaires auprès de la Banque Royale du Canada, datés du 13 mars au 14 décembre 2020; un ordre de mission émis par La Maison de l’Entrepreneur, daté du 25 janvier 2020, et ayant pour objet la gestion de l’organisation d’une formation à caractère humanitaire pour le compte de Pro-CEMA du 25 janvier au 8 février 2020; une facture de 2 200 000 francs CFA, soit l’équivalent de 5 238 $ canadiens, pour des services rendus à La Maison de l’Entrepreneur, datée du 22 septembre 2020; et la liste des mesures sanitaires en vigueur au Togo le 20 mars 2020, extrait tiré du site d’information officiel du gouvernement.

[8] Le 7 avril 2021, l’agente de premier examen a eu une discussion au téléphone avec Mme Konlambigue. Cette dernière a indiqué qu’elle était de retour au Canada depuis le 27 septembre 2020 et qu’elle n’avait pas travaillé depuis, mais qu’elle était à la recherche d’un emploi. Le 13 avril 2021, sur la base des informations fournies par Mme Konlambigue, l’agente de premier examen a conclu que celle-ci n’était pas admissible à la PCRE parce qu’elle n’avait pas gagné au moins 5 000 $ de revenus en 2019, en 2020 ou au cours des douze mois précédant la date de sa première demande de la PCRE, et parce qu’elle ne travaillait pas pour des raisons autres que la COVID-19.

[9] Le 3 mai 2021, Mme Konlambigue a contesté la décision du 13 avril 2021. Dans le cadre d’une discussion téléphonique avec l’agent attitré au second examen de sa demande, Mme Konlambigue a expliqué que durant la période pertinente, elle travaillait pour la Commission européenne et effectuait une mission au Togo. L’agent a interrogé Mme Konlambigue pour connaître la date à laquelle elle avait été payée pour ce travail, qui s’était terminé en février 2020, considérant que la facture qu’elle avait envoyée était datée du 22 septembre 2020. Mme Konlambigue a alors mentionné qu’elle n’avait pas encore reçu de paiement, puisque les missions avaient été suspendues en raison de la COVID-19, et qu’elle serait payée uniquement lorsqu’elle aurait terminé le travail.

[10] Le 21 juillet 2021, l’agent a rendu une décision selon laquelle Mme Konlambigue n’était pas admissible aux versements de la PCRE, au motif qu’elle n’avait pas gagné au moins 5 000 $ de revenus d’emploi ou de revenus nets de travail indépendant en 2019, en 2020 ou au cours des douze mois précédant la date de sa première demande. L’agent a conclu que sa conversation avec Mme Konlambigue confirmait que le montant de 5 238 $ inscrit à titre de revenu de travailleur autonome dans sa déclaration pour l’année 2020 n’avait jamais été perçu. Cette conclusion était appuyée également par les relevés bancaires fournis par Mme Konlambigue, lesquels confirmaient qu’elle n’avait jamais encaissé ses honoraires.

[11] Le 17 août 2021, la demanderesse a introduit un recours en contrôle judiciaire de la décision de l’agent qui la déclare non admissible à la PCRE.

II. Question en litige et norme de contrôle

[12] La présente demande de contrôle judiciaire soulève une seule question : la décision de l’agent de l’ARC est-elle raisonnable? Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 16-17 [Vavilov], la Cour suprême du Canada a établi une présomption selon laquelle la norme de contrôle à appliquer lorsqu’une cour de justice se penche sur le fond d’une décision administrative est celle de la décision raisonnable. Le rôle de la Cour est donc d’examiner le raisonnement suivi par le décideur administratif et le résultat obtenu pour déterminer si la décision est « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles » (Vavilov au para 85).

III. Analyse

[13] Mme Konlambigue prétend que la décision contestée est déraisonnable parce qu’elle n’explique pas pourquoi l’agent a considéré qu’elle n’avait pas gagné 5 000 $ en 2020, et ce, en dépit du fait que le montant de 5 238 $ inscrit à titre d’autres revenus dans sa déclaration de revenus pour l’année 2020 était appuyé d’une facture qui prouvait qu’elle avait bel et bien exécuté un travail équivalent à ce montant. Mme Konlambigue soutient qu’il n’était pas impératif qu’elle ait obtenu paiement pour ses services, car, selon elle, « revenu gagné » ne veut pas dire « revenu payé ». Par ailleurs, elle soutient que ledit revenu a été gagné, puisque le travail a été effectué. Sans quoi, la Loi produirait une situation arbitraire où un contribuable ayant travaillé, mais n’ayant pas été payé, ne pourrait réclamer les prestations auxquelles il aurait par ailleurs droit.

[14] Je suis d’avis que la question déterminante dans le présent cas est de savoir s’il était raisonnable pour l’agent de ne pas avoir considéré le montant de 5 238 $ déclaré par Mme Konlambigue comme constituant un revenu au sens des alinéas 3(1)d) et e) de la Loi, sur la base des informations fournies par cette dernière au soutien de sa demande.

[15] Mme Konlambigue a confirmé devant moi qu’elle a quitté le Canada pour le Togo en février 2019 et qu’elle est revenue au Canada en septembre 2020. Alors qu’elle résidait au Togo, Mme Konlambigue admet que, bien qu’elle ait travaillé dans le cadre de différentes missions, elle n’a jamais émis de facture pour ses services, et n’a pas déclaré ces revenus aux fins d’impôt au Canada en 2019. En fait, sa déclaration pour l’année 2019 indique un revenu de 1 $. Elle a allégué devant moi qu’elle n’était pas dans l’obligation de déclarer ses revenus pour l’année 2019 à l’ARC puisqu’ils avaient été gagnés à l’extérieur du Canada, et qu’ainsi le choix lui appartenait de déclarer ces montants ou non. Ce faisant, Mme Konlambigue n’a identifié aucune disposition de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e supp) [LIR], qui vienne appuyer une telle prétention.

[16] À tout événement, Mme Konlambigue n’a jamais émis de facture pour son travail en 2019, et la question reste nébuleuse de savoir si celle-ci a même été payée, que ce soit au Canada ou au Togo, pour le travail qu’elle a effectué durant cette période.

[17] En janvier 2020, alors qu’elle résidait toujours au Togo, les services de Mme Konlambigue ont, semble-t-il, été retenus par une société du nom de La Maison de l’Entrepreneur afin d’assurer la gestion de la logistique pour l’organisation d’une formation pour le compte de Pro-CEMA, un programme issu de la coopération entre le Togo et l’Union européenne. Mme Konlambigue allègue qu’elle n’a pas signé de contrat pour ce travail, et à cet effet réfère la Cour à l’ordre de mission qui avait été soumis à l’ARC. Par contre, je note que cet ordre de mission ne contient aucune information quant au montant qui aurait été convenu à titre de paiement pour les services à rendre par Mme Konlambigue. Cela étant dit, je n’ai aucune raison de croire que lesdits services n’ont pas été rendus par Mme Konlambigue, qui devait d’ailleurs poursuivre son travail dans le cadre de missions subséquentes, avant que la pandémie ne frappe et n’en force la suspension.

[18] Ainsi donc, Mme Konlambigue a affirmé devant moi qu’en septembre 2020, les missions pour lesquelles on avait retenu ses services ont repris. Pourtant, cette dernière est revenue au Canada exactement à la même période et n’a donc pas participé à la poursuite des missions. Étant revenue au Canada, le 20 octobre 2020, Mme Konlambigue a fait une demande de PCRE. Je ne puis douter qu’elle était à même d’en comprendre les critères d’admissibilité puisque, comme elle l’a indiqué devant moi, elle a étudié la fiscalité et les finances. Parmi les documents justificatifs envoyés à l’ARC au soutien de cette demande se trouvait la facture au montant de 2 200 000 francs FCA. Or, comme je l’ai souligné précédemment, ce montant ne figure nulle part dans l’ordre de mission et, qui plus est, équivaut par coïncidence à un montant de 5 238 $ en dollars canadiens.

[19] Mme Konlambigue a confirmé à l’audience que cette facture n’a jamais été payée, et aucune preuve au dossier n’indique qu’elle a effectué des démarches concrètes, ni auprès de La Maison de l’Entrepreneur, ni auprès de quiconque, afin d’obtenir ce paiement. Les notes de l’agent, tout comme le témoignage de Mme Konlambigue à l’audience, semblent plutôt indiquer que celle-ci ne serait payée qu’une fois la série de missions terminée dans son entièreté. Néanmoins, Mme Konlambigue n’a pas été en mesure de confirmer devant moi si lesdites missions ont été terminées à ce jour, et à supposer que tel soit le cas, d’expliquer pourquoi cette dernière n’a pas encore été payée. Encore une fois, Mme Konlambigue n’a fourni aucune preuve permettant de croire qu’elle ait tenté de toucher le montant allégué, plus de deux ans après la fin de ses services et la date d’émission de la facture transmise à l’appui de sa demande.

[20] Pour l’année d’imposition 2020, Mme Konlambigue a déclaré un revenu total de 21 238 $, composé essentiellement du montant non payé de 5 238 $ et d’un montant de 16 000 $ constitué des versements de la Prestation canadienne d’urgence et de la PCRE qu’elle a reçus. J’ai demandé à Mme Konlambigue pourquoi elle avait déclaré le revenu gagné au Togo en 2020 dans sa déclaration de revenus au Canada, alors qu’elle avait décidé de ne pas déclarer les revenus qu’elle alléguait avoir gagnés au Togo en 2019. Cette dernière a admis avoir fait ce choix uniquement afin de répondre aux critères d’admissibilité prévus par la Loi.

[21] Par ailleurs, Mme Konlambigue allègue que la facture qu’elle a émise constitue une preuve de revenu, et que le revenu au sens des alinéas 3(1)d) et e) représente le revenu gagné, mais pas nécessairement le revenu reçu. Comme elle a gagné les revenus en 2020 en travaillant pour la mission, elle a satisfait aux exigences du revenu minimum exigé par la Loi pour être admissible aux versements de la PCRE. Elle souligne également le fait qu’elle a bel et bien inscrit le montant de 5 238 $ dans sa déclaration de revenus pour l’année 2020.

[22] Tout d’abord, le fait qu’une personne déclare un revenu imposable dans sa déclaration de revenus n’établit pas nécessairement le montant des revenus reçus aux fins de répondre aux exigences particulières des diverses lois qui concernent l’impôt des particuliers. Puisque la facture de Mme Konlambigue n’a jamais été payée, et qu’aucune probabilité de paiement n’a été établie par cette dernière, il ne fait aucun doute que le montant déclaré en 2020 devrait normalement faire l’objet d’un redressement afin de corriger l’inadéquation entre ses revenus déclarés et reçus pour cette année.

[23] Toutefois, ce qu’on entend par revenu aux fins de la LIR n’est pas nécessairement la même notion que celle envisagée par la Loi. La Loi ne prévoit pas de définition générale du terme revenu, mais dispose uniquement aux alinéas 3(1)d) et e) qu’elle exige des « revenus » d’au moins 5 000 $ pour les périodes concernées. Or, au paragraphe 8(3) de la Loi, aux fins de préciser le sens du mot revenu pour l’application du paragraphe 8(2), il est expressément spécifié que ce sens doit être celui qui est déterminé en application de la partie I de la LIR. Le défendeur en l’instance, le procureur général du Canada [PGC], soutient que, si le législateur a formulé une telle précision au paragraphe 8(3) de la Loi, il faut en déduire qu’il n’avait pas l’intention que la définition de revenu prévue par la LIR s’applique pour l’ensemble de la Loi. Il avance que ce choix du législateur, combiné à l’absence de précision quant au sens du mot « revenus » employé aux alinéas 3(1)d) et e), militent en faveur d’une interprétation de ce mot selon son sens courant et ordinaire, tel que répertorié dans les dictionnaires. À cet égard, la définition du dictionnaire Larousse prévoit que le montant d’un revenu doit réellement avoir été versé à la personne qui effectue le travail convenu, puisqu’il constitue : « [c]e qui est perçu, en nature ou en monnaie, par quelqu’un ou une collectivité comme fruit d’un capital placé (intérêt sur un capital prêté, dividende sur un capital engagé), ou comme la rémunération d’une activité (profit) ou d’un travail (salaire) » (Dictionnaire Larousse en ligne, [En ligne] https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/revenu/69091 (Page consultée le 6 août 2022)).

[24] Comme le rappelait le juge Stratas dans l’arrêt Alexander College Corp c Canada, 2016 CAF 269 au paragraphe 11, la méthode appropriée en matière d’interprétation législative est bien connue : les tribunaux doivent lire les termes d’une loi « dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » (Rizzo & Rizzo Shoes Ltd (Re), [1998] 1 RCS 27 au para 21; Bell ExpressVu Limited Partnership c Rex, 2002 CSC 42 au para 26).

[25] Il importe de souligner que le sens du mot revenu dans le contexte de la Loi défendu par Mme Konlambigue n’a été soutenu par aucune source d’autorité et, en fin de compte, n’est autre que le fruit de sa propre interprétation, laquelle n’a jamais été soumise à l’agent, et n’a été réellement articulée de façon explicite qu’au moment de l’audience. Pour cette raison, et tenant compte des enseignements de la Cour d’appel fédérale ainsi que des éléments d’interprétation soulevés par le PGC, je ne suis pas convaincu qu’il était déraisonnable pour l’agent de conclure que, puisque Mme Konlambigue n’avait jamais été payée pour ses services et que ce paiement n’était même pas dû avant la fin des missions, bien après son retour au Canada, elle n’avait pas gagné les revenus allégués. Ainsi, je conclus qu’il n’était pas déraisonnable pour l’agent, au vu des informations fournies par Mme Konlambigue au soutien de sa demande, de déterminer qu’elle n’était pas admissible aux versements de la PCRE puisqu’elle n’avait pas gagné au moins 5 000 $ en 2020. Conséquemment, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

IV. Conclusion

[26] La demande de contrôle est rejetée, avec dépens au montant de 500 $ payables au défendeur.


JUGEMENT au dossier T-1291-21

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Les dépens sont accordés en faveur du procureur général du Canada au montant de 500 $.

« Peter G. Pamel »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1291-21

 

INTITULÉ :

LMAN KONLAMBIGUE c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 DÉCEMBRE 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PAMEL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 21 décembre 2022

 

COMPARUTIONS :

Mme Lman Konlambigue

Pour la demanderesse

(Pour son propre compte)

Me Alice Zhao Jiang

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour le défendeur

 

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