Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20221205


Dossier : T-308-22

Référence : 2022 CF 1676

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 5 décembre 2022

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

EBENEZER ASARE

demandeur

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le demandeur, Ebenezer Asare, demande le contrôle judiciaire de la décision par laquelle une agente des appels de l’Agence du revenu du Canada [l’ARC], en sa qualité de déléguée du ministre du Revenu national [le ministre], a refusé de renoncer aux pénalités pour faute lourde ou de les annuler, comme le paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5supp) [la LIR ou la Loi], lui permettait de le faire, dans le contexte du règlement de l’opposition du demandeur aux nouvelles cotisations établies en vertu de la LIR.

Le contexte

[2] L’ARC a établi de nouvelles cotisations se rapportant aux déclarations de revenus des particuliers et des sociétés du demandeur pour les années d’imposition 2014, 2015 et 2016. Le demandeur a déposé des avis d’opposition aux nouvelles cotisations, conformément au paragraphe 165(1) de la LIR.

[3] Dans une lettre du 6 octobre 2021, le demandeur a présenté une offre en vue de régler les oppositions. L’ARC a proposé une contre-offre au moyen de deux lettres signées par une agente des appels de la Division des appels de l’ARC [l’agente des appels], l’une adressée au demandeur et l’autre à sa société, Afro Capital Inc., toutes deux datées du 18 novembre 2021. Dans ces lettres, l’agente des appels a noté que le fondement de l’opposition du demandeur était que les avis de nouvelle cotisation datés du 16 janvier 2020 et délivrés à l’égard des années d’imposition 2014, 2015 et 2016 du demandeur étaient inexacts. Elle a ajouté que le demandeur contestait l’application de pénalités pour faute lourde suivant le paragraphe 163(2) de la LIR. En ce qui concerne les pénalités pour faute lourde infligées au demandeur personnellement, l’agente des appels a déclaré que la cotisation les concernant était justifiée et qu’elle ne serait pas annulée, mais que le montant des pénalités pour faute lourde serait réduit compte tenu des rajustements que l’ARC proposait d’apporter à son revenu net total, décrits dans la contre-offre. En ce qui concerne les pénalités pour faute lourde infligées à Afro Capitol Inc., l’ARC a proposé d’annuler la cotisation les concernant pour les années d’imposition en question.

[4] Le demandeur a répondu à la contre-offre au moyen d’une lettre datée du 1er décembre 2021. Il a déclaré qu’il accepterait la contre-offre de règlement de l’ARC si celle-ci renonçait aux pénalités pour faute lourde qui lui avait été infligées à titre personnel ou les annulait. Le demandeur a affirmé qu’il ne s’opposait pas à la conclusion selon laquelle il était passible d’une pénalité aux termes du paragraphe 163(2) de la LIR, mais que le montant des pénalités était prohibitif. Le demandeur a fait valoir que le paragraphe 220(3.1) de la LIR confère au ministre le pouvoir discrétionnaire d’annuler une pénalité infligée conformément au paragraphe 163(2) de la LIR, un pouvoir qui peut être délégué aux agents des appels. Dans une lettre du 13 décembre 2021, le demandeur a fourni à l’agente des appels des décisions et des documents de politique de l’ARC qui, à son avis, étayaient sa thèse.

[5] Le 20 janvier 2022, l’agente des appels a répondu à la lettre du demandeur. Elle l’a informé que les pénalités pour faute lourde ne seraient pas annulées et qu’aucune modification ne serait apportée à la contre-offre de règlement de l’ARC.

[6] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 20 janvier 2022 au motif que l’agent des appels a entravé l’exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 220(3.1) de la LIR.

Les dispositions législatives et les lignes directrices applicables

[7] Les dispositions applicables de la LIR et de la circulaire d’information en matière d’impôt sur le revenu no IC07-1R1 [la circulaire d’information] sont reproduites à l’annexe A des présents motifs.

La décision faisant l’objet du contrôle

[8] Dans sa lettre du 20 janvier 2022, l’agente des appels a reconnu que la seule question à régler relativement à l’opposition du demandeur aux nouvelles cotisations était la question de l’annulation des pénalités pour faute lourde. Elle a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Nous vous avons informé que nous ne pouvions pas renoncer aux pénalités pour faute lourde, ou les annuler, afin de régler l’opposition. Le rôle de l’agent des appels est de déterminer si le montant de la pénalité pour faute lourde a été correctement établi et, si c’est le cas, ce montant doit être confirmé. Si le contribuable remplit l’une des conditions du programme d’allègement pour les contribuables (PAC), il peut présenter une demande d’allègement relativement aux pénalités pour faute lourde. Une demande d’annulation d’une pénalité pour faute lourde peut être examinée au titre du paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la LIR). Le paragraphe 220(3.1) de la LIR est lié au programme d’allègement pour les contribuables et permet à l’ARC de renoncer aux intérêts ou aux pénalités, ou de les annuler, mais, même dans ce cas, la renonciation ou l’annulation est assujettie à des limites.

La délégation aux agents des appels du pouvoir conféré au ministre par le paragraphe 220(3.1) vise à permettre aux agents des appels d’accorder un allègement proactif aux contribuables lorsque les circonstances le justifient (par exemple, si l’ARC a tardé à examiner l’opposition). À l’heure actuelle, ce pouvoir peut aussi être délégué aux agents d’allègement des contribuables.

Il faut bien comprendre le mandat de l’agent des appels et celui de l’agent d’allègement pour les contribuables. Dans le cadre de l’examen d’une opposition, l’agent des appels a le mandat de vérifier si le montant de la cotisation est exact et de rendre une décision en ce qui concerne le différend. Le mandat de l’agent d’allègement pour les contribuables est de déterminer si certaines mesures pourraient être prises pour alléger les intérêts et les pénalités imposés au contribuable (par exemple, dans des circonstances exceptionnelles ou en cas de difficultés financières). Bien qu’un différend concernant les pénalités et les intérêts puisse être soumis à l’agent des appels dans le contexte d’une opposition et à l’agent d’allègement pour les contribuables, chacun traite un aspect distinct du différend.

Pour les motifs énoncés plus haut, aucune modification ne sera apportée à l’offre de règlement. Vous pouvez demander un allègement pour les contribuables relativement aux pénalités pour faute lourde dans le cadre du PAC si vous vous trouvez dans l’une ou l’autre des situations dans lesquelles les intérêts et les pénalités peuvent faire l’objet d’une renonciation ou d’une annulation.

Comme il est mentionné dans notre lettre du 18 novembre 2021, l’offre de règlement est fondée sur les circonstances particulières de l’affaire et ne s’applique pas aux affaires dont les faits sont différents. Veuillez nous informer si vous acceptez cette offre de règlement et de renonciation ou non. Si nous ne recevons pas de réponse dans les 15 jours de la date de la présente lettre, nous présumerons que vous avez décidé de ne pas accepter l’offre, et nous traiterons les dossiers d’opposition en fonction de notre lettre de proposition du 24 juin 2021.

Un allègement des intérêts sera accordé pour la période attribuable aux retards de l’ARC à l’égard de tout montant qui fera l’objet d’une cotisation à la suite de l’examen des appels. Tout allègement pour les contribuables relatif aux intérêts doit être traité lorsque la décision sur l’opposition est rendue.

Les questions en litige

[9] Le demandeur formule les questions en litige de la façon suivante :

  1. Le ministre a-t-il commis une erreur en entravant le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 220(3.1) de la LIR?

  2. Le ministre a-t-il commis une erreur en refusant d’exercer ce pouvoir discrétionnaire?

  3. Le ministre devrait-il être tenu d’exercer son pouvoir discrétionnaire et de prendre une décision conformément au paragraphe 220(3.1) de la LIR?

[10] Selon le défendeur, le demandeur sollicite une réparation de la nature d’un mandamus. Par conséquent, il affirme que la question en litige dans le cadre du contrôle judiciaire est de savoir si le demandeur a droit à une ordonnance de mandamus.

[11] Pour cerner correctement les questions en litige en l’espèce, il convient de souligner que le demandeur demande à la Cour de rendre une ordonnance enjoignant au ministre d’exercer son pouvoir discrétionnaire relativement à la demande d’annulation des pénalités infligées conformément au paragraphe 163(2) de la LIR, et de prendre une décision fondée sur le paragraphe 220(3.1).

[12] Après avoir examiné les observations des deux parties, je suis d’avis que les questions en litige peuvent être traitées de manière appropriée si elles sont formulées de la façon suivante :

  1. L’agente des appels, en tant que déléguée du ministre, était-elle tenue d’exercer son pouvoir discrétionnaire?

  2. L’agente des appels, en tant que déléguée du ministre, a-t-elle commis une erreur en entravant le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 220(3.1) de la LIR?

La norme de contrôle

[13] La norme présumée s’appliquer au contrôle du bien-fondé d’une décision rendue par un décideur administratif, comme l’agente des appels, est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 23, 25 [Vavilov]; voir aussi Cheeseman c Canada (Procureur général), 2021 CF 273 au para 12; Neyedly c Canada (Procureur général), 2020 CF 678 au para 22). Les parties n’ont pas fait valoir qu’une des situations justifiant de déroger à cette présomption s’applique en l’espèce, et je conclus qu’aucune ne s’applique.

[14] Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, la Cour « doit s’assurer de bien comprendre le raisonnement suivi par le décideur afin de déterminer si la décision dans son ensemble est raisonnable. Elle doit donc se demander si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‐ci » (Vavilov, au para 99).

Analyse

La position du demandeur

[15] Le demandeur fait valoir que le paragraphe 220(3.1) de la LIR confère au ministre le pouvoir d’annuler les pénalités infligées et que le paragraphe 220(2.01) permet au ministre de déléguer ce pouvoir. Il affirme que l’instrument de délégation des pouvoirs confère aux agents des appels le pouvoir de renoncer aux pénalités ou de les annuler en vertu du paragraphe 220(3.1) de la LIR (faisant référence au document de l’ARC intitulé Loi de l’impôt sur le revenu – Autorisation d’exercer les pouvoirs et les fonctions du ministre du Revenu national, codification administrative (24 novembre 2021) [l’instrument de délégation des pouvoirs]). Il affirme également que le pouvoir d’annuler les pénalités s’applique aux pénalités infligées au titre du paragraphe 163(2) (les pénalités pour faute lourde) dans le contexte du règlement d’une opposition, invoquant à cet égard les paragraphes 49 à 67 de la décision Cayer c Agence du revenu du Canada, 2009 CF 1195 [Cayer]. Le demandeur soutient que le paragraphe 37 de la circulaire d’information prévoit expressément que les pénalités pour faute lourde peuvent être annulées suivant le paragraphe 220(3.1) de la LIR.

[16] Selon le demandeur, la lettre du 20 janvier 2022 de l’agente des appels confirme l’avis du ministre selon laquelle une demande d’annulation de pénalités pour faute lourde peut être examinée au titre du paragraphe 220(3.1) et que le pouvoir d’annuler les pénalités peut être délégué aux agents des appels. Compte tenu des réponses données par l’agente des appels à une question écrite qui lui a été posée lorsqu’elle a été contre-interrogée au sujet de son affidavit déposé en réponse à la demande de contrôle judiciaire, le demandeur soutient que l’agente des appels a confirmé qu’elle avait le pouvoir d’annuler les pénalités et que la portée de ce pouvoir était circonscrite par la circulaire d’information. Le demandeur fait valoir que le fait que l’agente des appels s’est appuyée sur la circulaire d’information constituait une entrave inadmissible à l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre, un refus d’exercer sa compétence et un défaut de suivre une procédure prescrite par la loi. Ainsi, la décision du 20 janvier 2022 est selon lui déraisonnable. Il renvoie entre autres aux paragraphes 25 à 27 de l’arrêt Stemijon Investments Ltd c Canada (Procureur général), 2011 CAF 299, et aux paragraphes 39 à 41 de l’arrêt Belchetz c Canada, 2020 CAF 225.

La position du défendeur

[17] Le défendeur soutient que le demandeur sollicite une ordonnance de mandamus, mais ne répond pas au critère pour obtenir une telle ordonnance, énoncé dans l’arrêt Apotex Inc c Canada (Procureur général), 1993 CanLII 3004 (CAF), conf par 1994 CanLII 47 (CSC). Plus précisément, le défendeur fait valoir qu’il n’existe aucune obligation légale d’agir à caractère public. Le paragraphe 165(3) de la LIR exige que le ministre, sur réception d’un avis d’opposition signifié par un contribuable, examine de nouveau la cotisation et l’annule, la ratifie ou la modifie. Cette obligation légale d’agir à caractère public ne s’étend donc pas à la renonciation aux intérêts et aux pénalités conformément aux dispositions d’allègement pour les contribuables. Le paragraphe 220(3.1) confère au ministre un pouvoir discrétionnaire, qu’il peut exercer ou non. Le défendeur soutient que les tribunaux ne rendront pas une ordonnance de mandamus pour obliger un décideur à prendre une décision particulière lorsqu’aucune décision n’a été prise ou lorsque le pouvoir de prendre la décision est de nature discrétionnaire. Le défendeur soutient qu’il n’existe aucune obligation légale d’agir à caractère public en ce qui concerne l’examen d’une demande d’allègement des intérêts et des pénalités au titre du paragraphe 220(3.1) dans le cadre de l’examen d’un avis d’opposition conformément à l’article 165. En outre, le demandeur dispose d’un autre recours valable qu’il n’a pas exercé : il pourrait déposer un appel devant la Cour canadienne de l’impôt.

[18] Le défendeur soutient également que la demande présentée par le demandeur en vue d’obtenir une ordonnance de mandamus enjoignant à l’agente des appels d’envisager de renoncer aux pénalités conformément aux dispositions d’allègement pour les contribuables est prématurée à l’étape de l’opposition. L’allègement n’est généralement pas envisagé avant que le processus d’opposition ou d’appel ne soit terminé et que l’obligation fiscale d’un contribuable ne soit établie de façon définitive, ou encore avant l’expiration du délai imparti pour interjeter appel, comme l’énoncent les paragraphes 109 à 110.1 de la circulaire d’information. En outre, des considérations différentes s’appliquent dans le cadre d’un appel relatif aux pénalités pour faute lourde et dans le cadre d’une demande d’allègement pour les contribuables. La lettre que le demandeur a adressée à l’agente des appels n’établissait aucun fondement justifiant une demande d’allègement pour les contribuables que l’agente des appels aurait pu transmettre à la division des allègements pour les contribuables afin qu’elle soit mise en suspens. Par conséquent, le demandeur ne devrait pas obtenir une ordonnance de mandamus tant que son obligation fiscale n’aura pas été établie de façon définitive et qu’il n’aura pas présenté une demande complète.

[19] Le défendeur fait également valoir que l’agente des appels n’a pas entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en enjoignant au demandeur d’interjeter appel des pénalités pour faute lourde devant la Cour canadienne de l’impôt, puis, s’il est débouté de son appel, de présenter une demande distincte d’allègement pour les contribuables. Les contribuables s’attendent, de façon légitime, à ce que le processus énoncé dans la politique à la disposition du public soit suivi lorsqu’une décision relative à l’allègement pour les contribuables est rendue. En outre, les tribunaux administratifs sont maîtres de leur propre procédure pour autant qu’elle respecte l’équité procédurale. En contrôlant la procédure à suivre, l’agente des appels n’a pas entravé son pouvoir discrétionnaire. Elle a simplement exigé que le demandeur suive la procédure.

Analyse

i. La déléguée du ministre n’était pas tenue d’exercer son pouvoir discrétionnaire

[20] Dans la décision Cayer, la Cour fédérale a conclu que le paragraphe 220(3.1) de la LIR « prévoit clairement que l’allègement fondé sur l’équité envers les contribuables qui y est envisagé peut s’appliquer à tout montant de pénalité par ailleurs payable en vertu de la Loi. Clairement, cela comprend les pénalités imposées aux termes du paragraphe 163(2) de la Loi, soit les pénalités pour faute lourde » (Cayer, au para 51).

[21] Dans cette affaire, la décision faisant l’objet du contrôle portait rejet de la demande d’allègement présentée par la demanderesse en vertu des dispositions relatives à l’équité envers les contribuables de la LIR à deux égards, dont les pénalités pour faute lourde. Dans le contexte de son analyse d’un examen de l’assurance de la qualité effectué par l’ARC, la Cour a conclu que l’examen faisait correctement ressortir la portée du paragraphe 220(3.1) de la LIR, qui s’applique aux pénalités pour faute lourde. La Cour a également conclu que l’examen de l’assurance de la qualité faisait à juste titre également mention de la politique énoncée dans la circulaire d’information : en raison de la nature même des pénalités pour faute lourde, des « circonstances exceptionnelles » non définies sont requises pour que l’annulation de telles pénalités puisse être envisagée au titre des dispositions en matière d’équité envers les contribuables (Cayer, au para 53).

[22] La Cour a fait remarquer que la demanderesse dans l’affaire Cayer visait particulièrement les pénalités pour faute lourde et que les raisons invoquées par la demanderesse pour demander un allègement étaient les difficultés financières et la souffrance morale, comme elle l’avait clairement énoncé dans sa demande d’allègement fondée sur les dispositions en matière d’équité envers les contribuables et exposé en détail dans la documentation accompagnant la demande. Parmi d’autres arguments favorables à l’allègement, la demanderesse a noté qu’elle vivait grâce au programme ontarien de soutien aux personnes handicapées, qu’elle souffrait de polyarthrite rhumatoïde et de dépression sévère, qu’elle n’avait pas d’argent, qu’elle ne pouvait pas payer son hypothèque, qu’elle avait de la difficulté à nourrir et à habiller ses enfants et que sa vie était en fait ruinée.

[23] La Cour s’est exprimée ainsi :

[57] Par conséquent, quoiqu’il soit vrai que l’argument principal de la demanderesse contre l’application de la pénalité pour faute lourde ait d’abord concerné le caractère inapproprié de ces pénalités, ces arguments ont par la suite été examinés dans un appel à la Cour d’appel fédérale. Cependant, la demanderesse exerçait également un autre recours au titre des dispositions en matière d’équité envers les contribuables, qui se fondait sur des arguments qui ne concernaient pas la question de savoir si ces pénalités étaient appropriées, mais qui visait plutôt à obtenir leur annulation en raison de sa situation financière et de ses troubles émotifs. Il s’agit de deux moyens distincts fondés sur des éléments complètement différents et qui ont malheureusement été amalgamés dans l’« examen de l’assurance de la qualité » daté du 22 mai 2008.

[58] On peut comprendre que l’ARC ne désirait accorder à la demanderesse aucun allègement au titre des dispositions en matière d’équité avant que la contestation de l’imposition des pénalités pour faute lourde devant les tribunaux ne soit terminée. Dans de telles circonstances, la demande au titre des dispositions en matière d’équité envers les contribuables aurait pu être laissée en suspens jusqu’à l’issue du processus d’opposition ou d’appel ou jusqu’à l’extinction de tous les droits d’appel. Ce n’est pas ce que l’« examen de l’assurance de la qualité » daté du 22 mai 2008 recommandait. Au contraire, la recommandation concernant les pénalités pour faute lourde était plutôt la suivante (page 4 de l’examen) :

[TRADUCTION] Nous sommes d’accord qu’aucun allègement à l’égard des pénalités pour faute lourde ne devrait être accordé au titre des dispositions en matière d’équité envers les contribuables. Comme la contribuable a fait opposition à l’imposition de ces pénalités et les a contestées, la question devrait être tranchée par les tribunaux. (Nous vous recommandons d’en aviser la contribuable dans votre lettre faisant état de la décision.)

[Souligné dans l’original.]

[24] Même si la procédure d’appel où était contesté le caractère approprié des pénalités pour faute lourde était terminée lorsque la demande de contrôle judiciaire a été entendue, l’ARC insistait toujours pour que la demande d’allègement à l’égard des pénalités pour faute lourde au titre des dispositions en matière d’équité envers les contribuables soit tranchée par les tribunaux plutôt que par l’application du paragraphe 220(3.1) de la LIR.

[25] La Cour a conclu ce qui suit :

[62] La conclusion inéluctable en l’espèce est que l’ARC a amalgamé l’appel relatif à l’imposition des pénalités pour faute lourde et la demande d’allègement fondée sur l’équité envers les contribuables en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi. Ainsi, on a refusé à la demanderesse l’examen approprié de sa demande fondée sur le paragraphe 220(3.1) de la Loi en liant l’issue de cette demande à l’issue de son appel sur l’imposition de la pénalité. Or, comme je l’ai déjà dit, il s’agit de deux recours distincts qu’il faut examiner séparément.

[...]

[64] Les considérations qui s’appliquent dans un appel relatif à une cotisation dans lequel des pénalités pour faute lourde sont contestées ne sont pas les mêmes que celles qui s’appliquent à une demande d’allègement au titre des dispositions relatives à l’équité envers les contribuables. L’un de ces recours porte sur le bien-fondé des pénalités à la lumière de la conduite du contribuable en matière de déclarations de revenus, et l’autre, sur les circonstances exceptionnelles pouvant justifier l’annulation des pénalités au regard des dispositions en matière d’équité. Il s’agit de deux questions différentes qui sont traitées comme telles par la Loi. En fait, le paragraphe 220(3.1) de la Loi ne limite pas les pénalités pour faute lourde et ne les exclut pas de sa portée. Au contraire, le paragraphe énonce qu’il s’applique à : « tout ou partie d’un montant de pénalité [...] payable par ailleurs par le contribuable [...] en application de la présente loi » [non souligné dans l’original].

[65] Il se peut que les arguments ayant trait aux difficultés financières et aux troubles émotifs que la demanderesse a soulevés pour justifier sa demande d’annulation des pénalités pour faute lourde au titre des dispositions en matière d’équité ne suffisent pas à satisfaire à la norme élevée des « circonstances exceptionnelles » que le ministre a établie dans les lignes directrices pour accorder un tel allègement en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi. Cependant, il s’agit d’une question qu’il appartient au ministre, et non à la Cour, d’examiner de manière appropriée et ensuite de trancher.

[66] Dans la présente affaire, la demande d’allègement fondée sur les dispositions en matière d’équité de la demanderesse visant à obtenir l’annulation des pénalités pour faute lourde n’a pas été examinée en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi. Cela constitue un refus d’exercer une compétence, un défaut de suivre une procédure prescrite par la loi ou une erreur de droit au sens du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales.

[Caractères gras ajoutés.]

[26] Dans la mesure où le demandeur se fonde sur la décision Cayer pour montrer que le défaut de l’agente des appels d’envisager l’annulation des pénalités pour faute lourde constitue un refus d’exercer la compétence prescrite par la loi, les faits de cette affaire sont différents. Dans l’affaire Cayer, la demanderesse avait saisi la Cour canadienne de l’impôt de la question du caractère approprié des pénalités pour faute lourde et exerçait également un recours au titre des dispositions en matière d’équité envers les contribuables de la LIR, qui ne se fondait pas sur le caractère approprié de ces pénalités, mais qui visait plutôt à obtenir leur annulation en raison de sa situation financière et de ses troubles émotifs. Puisque l’ARC a amalgamé les deux recours, elle n’a pas examiné la demande d’allègement fondée sur la situation financière et les troubles émotifs de la demanderesse.

[27] En l’espèce, dans la lettre qu’elle a envoyée au demandeur le 20 janvier 2022, l’agente des appels a tenté d’expliquer, dans le contexte de l’opposition du demandeur aux avis de nouvelle cotisation et à l’application des pénalités pour faute lourde aux termes du paragraphe 163(2) de la LIR, la différence entre le rôle de l’agent des appels et celui de l’agent d’allègement pour les contribuables. Le rôle de l’agent des appels est de déterminer si la pénalité pour faute lourde a été correctement établie et, si c’est le cas, elle doit être confirmée. Dans le cadre de l’examen d’une opposition, l’agent des appels a le mandat de vérifier si le montant de la cotisation est exact et de rendre une décision en ce qui concerne le différend.

[28] L’agente des appels a fait remarquer que les contribuables peuvent également déposer une demande dans le cadre du programme d’allègement pour les contribuables relativement aux pénalités pour faute lourde. Le rôle de l’agent d’allègement pour les contribuables est de déterminer si certaines mesures peuvent être prises pour alléger les intérêts et les pénalités imposés au contribuable (par exemple, dans des circonstances exceptionnelles ou en cas de difficultés financières). L’agente des appels a informé le demandeur qu’il pouvait présenter une demande d’allègement pour les contribuables relativement aux pénalités pour faute lourde dans le cadre du programme d’allègement pour les contribuables s’il se trouvait dans l’une ou l’autre des situations dans lesquelles les intérêts et les pénalités peuvent faire l’objet d’une annulation ou d’une renonciation.

[29] En d’autres termes, l’agente des appels tentait de faire comprendre au demandeur qu’il existe deux processus distincts : un processus pour évaluer si les pénalités pour faute lourde ont été correctement établies (en réponse aux avis d’opposition visés au paragraphe 165(3) de la LIR) et un processus pour évaluer la possibilité de prendre des mesures d’allègement pour les contribuables (en vertu du paragraphe 220(3.1)). Son rôle se limitait au premier processus, mais il était loisible au demandeur de présenter une demande d’allègement en ayant recours au deuxième processus.

[30] La Cour a affirmé ce qui suit dans la décision Cayer :

[38] Lorsque, comme en l’espèce, une cotisation fait l’objet d’une opposition ou d’un appel, le paragraphe 109 des lignes directrices [la circulaire d’information] énonce qu’une demande d’annulation des pénalités et des intérêts fondée sur des circonstances exceptionnelles, telles qu’une maladie grave, un accident ou une souffrance mentale ou des troubles émotifs, peut être examinée et une décision informelle peut être communiquée au contribuable. Cependant, la décision finale concernant la demande d’allègement fondée sur de telles circonstances sera mise en suspens jusqu’au règlement de l’opposition ou de l’appel ou jusqu’à l’expiration de tous les droits d’appel d’interjeter appel [sic].

[39] Cependant, lorsque la demande d’allègement au titre des dispositions en matière d’équité concerne l’annulation de pénalités et d’intérêts sur le fondement de l’incapacité de payer ou de difficultés financières en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi et que la cotisation en cause fait l’objet d’une opposition ou d’un appel, le paragraphe 110 des lignes directrices prévoit que la demande « sera généralement mise en suspens en attendant le résultat de l’opposition ou de l’appel ou jusqu’à l’expiration de tous les droits d’interjeter appel ».

[31] Ainsi, si le demandeur avait présenté une demande d’allègement pour les contribuables visant l’annulation des pénalités pour faute lourde sur le fondement de l’incapacité de payer ou de difficultés financières, cette demande aurait pu être mise en suspens en attendant le résultat de l’opposition, auquel moment les renseignements présentés à l’appui d’une telle demande auraient pu être évalués en vue de déterminer si l’allègement pour les contribuables était justifié.

[32] Par conséquent, bien que le paragraphe 220(3.1) impose au ministre ou à son délégué l’obligation d’exercer son pouvoir discrétionnaire à l’égard des demandes d’allègement pour les contribuables relatives aux pénalités pour faute lourde qui ont été infligées, en l’espèce le demandeur n’a pas présenté de demande d’allègement pour les contribuables et, contrairement à la demanderesse dans l’affaire Cayer, n’a fourni aucun renseignement à l’appui de son allégation selon laquelle il était incapable de payer ou aux prises avec des difficultés financières, entre autres. Par conséquent, même si l’examen de ce type de demande fait partie du rôle de l’agente des appels, elle n’était pas obligée d’exercer son pouvoir discrétionnaire dans le cas présent.

[33] Si on examine l’affaire sous un autre angle, l’ARC, en tant que décideur administratif, est maître de sa propre procédure pour autant qu’elle respecte l’équité procédurale (voir Brown c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CAF 130 au para 138). Grâce à la circulaire d’information, l’ARC met à la disposition du public sa procédure relative aux dispositions d’allègement pour les contribuables. Selon le paragraphe 110 de la circulaire d’information, la demande d’annulation des pénalités et des intérêts fondée sur l’incapacité de payer ou les difficultés financières et présentée au titre du paragraphe 220(3.1) sera généralement mise en suspens en attendant le règlement de l’opposition ou de l’appel. Par conséquent, même si une demande d’allègement pour les contribuables avait été présentée – ce qui ne fut pas le cas – l’agente des appels n’était pas tenue d’exercer son pouvoir discrétionnaire et de prendre une décision sur les mesures d’allègement demandées avant qu’une décision définitive n’ait été rendue quant à l’application des pénalités pour faute lourde au titre du paragraphe 163(2) de la LIR.

[34] Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est prématurée, comme le soutient le défendeur.

ii. L’entrave au pouvoir discrétionnaire

[35] Compte tenu de ma conclusion qui précède, à mon avis, l’agente des appels n’a pas entravé son pouvoir discrétionnaire. Je traiterai toutefois brièvement des observations du demandeur à cet égard.

[36] Contrairement aux faits dans l’affaire Cayer, le demandeur n’a pas présenté de demande d’allègement pour les contribuables fondée sur les motifs mentionnés dans la circulaire d’information, que l’ARC aurait omis de prendre en compte. Il a plutôt demandé à l’ARC de renoncer aux pénalités pour faute lourde, ou de les annuler, afin de régler son opposition aux nouvelles cotisations. Les avis d’opposition en question ont été présentés conformément au paragraphe 165(1) de la LIR. Aux termes de la LIR, sur réception d’un avis de cotisation, le ministre, ou son délégué, examine de nouveau la cotisation et l’annule, la ratifie ou la modifie (art 165(3) de la LIR). L’agente des appels a déclaré qu’elle ne pouvait pas renoncer aux pénalités pour faute lourde ni les annuler dans le but de régler les oppositions.

[37] L’agente des appels a reconnu qu’une demande d’annulation des pénalités pour faute lourde peut être examinée au titre du paragraphe 220(3.1) de la LIR et a déclaré que cette disposition [TRADUCTION] « est lié[e] au programme d’allègement pour les contribuables et permet à l’ARC de renoncer aux intérêts et aux pénalités, ou de les annuler, mais, même dans ce cas, la renonciation ou l’annulation est assujettie à des limites ».

[38] C’est sur cette affirmation que le demandeur fonde son argument selon lequel l’agente des appels a entravé son pouvoir discrétionnaire. La demande de contrôle judiciaire du demandeur repose sur l’argument voulant que, par cette réponse, l’agente des appels a confirmé son pouvoir et que la portée de ce pouvoir est établie par la circulaire d’information.

[39] Je ne suis pas d’accord.

[40] Je constate que l’agente des appels ne fait aucunement référence à la circulaire d’information dans sa décision. L’entrave au pouvoir discrétionnaire de l’agente des appels découlerait plutôt, aux dires du demandeur, d’une question qui a été posée à l’agente des appels lorsqu’elle a été contre-interrogée par écrit sur son affidavit et de la réponse qu’elle a donnée :

[traduction]

Q3. Dans la lettre du 20 janvier 2022, vous avez écrit : Le paragraphe 220(3.1) de la LIR est lié au programme d’allègement pour les contribuables et permet à l’ARC de renoncer aux intérêts ou aux pénalités, ou de les annuler, mais, même dans ce cas, la renonciation ou l’annulation est assujettie à des limites.

a. Quelles sont les limites auxquelles vous faites référence?

b. Où ces limites sont-elles énoncées?

c. Si vous faites ou faisiez référence à un document que vous avez consulté dans le cadre de la rédaction de la lettre, veuillez le produire.

R3.

a. Il s’agit des conditions énoncées dans la circulaire d’information IC07-1R1.

b. Elles se trouvent dans la circulaire d’information IC07-1R1.

c. La circulaire d’information IC07-1R1 est jointe à mon affidavit, en tant que pièce C.

[41] Tout d’abord, il convient de mentionner que l’agente des appels avait raison lorsqu’elle a affirmé qu’une demande d’annulation des pénalités pour faute lourde peut être examinée en vertu du paragraphe 220(3.1). Autrement dit, le pouvoir d’examiner une telle demande provient de la loi. Il n’était pas non plus erroné d’affirmer que le paragraphe 220(3.1) [traduction] « est lié » au programme d’allègement pour les contribuables et permet à l’ARC de renoncer aux intérêts ou aux pénalités, ou de les annuler. Je ne suis pas non plus convaincue que l’agente a entravé son pouvoir discrétionnaire en ce qui a trait à l’examen des circonstances du demandeur lorsqu’elle a précisé que [traduction] « même dans ce cas » la renonciation aux intérêts ou aux pénalités ou leur annulation est assujettie à des limites.

[42] Toutefois, même si cette dernière affirmation était considérée comme une possible entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’agente des appels, je répète que le demandeur n’a pas fait valoir qu’il sollicitait des mesures d’allègement sur le fondement de circonstances extraordinaires qui font intervenir l’objectif d’équité qui sous-tend le paragraphe 220(3.1) de la LIR. Le demandeur s’opposait plutôt aux nouvelles cotisations et a demandé à l’ARC de renoncer aux pénalités pour faute lourde, ou de les annuler, à cette fin, et non pas à titre de mesure d’allègement en tant que telle.

[43] Ce point de vue est corroboré par d’autres parties de la réponse écrite fournie par l’agente des appels dans le cadre de son contre-interrogatoire sur son affidavit. Dans son affidavit, elle a affirmé qu’elle est agente des appels à l’ARC et que, à ce titre, elle a été chargée d’examiner les avis d’opposition présentés par le demandeur et Afro Capital Inc. à l’égard des années d’imposition 2014, 2015 et 2016. Son affidavit sert principalement à joindre la correspondance pertinente, décrite ci-dessus. Dans son affidavit, l’agente des appels a également mentionné que l’ARC publie une circulaire d’information concernant les dispositions d’allègement pour les contribuables de la LIR et de la Loi sur la taxe d’accise, qui est accessible au public sur son site Web. Une copie de la circulaire d’information est jointe comme pièce à l’affidavit.

[44] Lors du contre-interrogatoire concernant sa lettre du 20 janvier 2021, on a demandé à l’agente des appels si elle convenait que les pouvoirs ministériels prévus au paragraphe 220(3.1) de la LIR pouvaient être délégués aux agents des appels. Elle a convenu que c’était le cas. On lui a ensuite demandé si, à son avis, ce pouvoir était limité. Elle a répondu qu’il était limité dans le contexte d’une opposition parce que les montants de l’impôt, des intérêts et des pénalités ne sont pas établis de façon définitive avant qu’une décision soit prise en appel ou avant l’expiration des droits d’appel du contribuable. Lorsqu’on lui a demandé si, à son avis, le mandat de l’agent des appels comprend ou non l’exercice du pouvoir conféré par le paragraphe 220(3.1) de la LIR, elle a répondu que les agents des appels peuvent accorder un allègement proactif des intérêts lorsque l’ARC a tardé à examiner les avis d’opposition. Elle a jouté que les demandes présentées au titre du paragraphe 220(3.1) de la LIR sont adressées à l’un des centres d’allègement fiscal désignés, soit celui de Winnipeg ou celui de l’Île-du-Prince-Édouard, et que le public peut trouver ces renseignements sur le site Web de l’ARC.

[45] L’agente des appels a été invitée à dire pourquoi la circulaire d’information avait été jointe comme pièce à son affidavit et si elle limitait le pouvoir des agents des appels d’examiner les pénalités pour faute lourde. L’agente des appels a répondu que la circulaire d’information avait été jointe à son affidavit parce qu’il s’agit de la politique portant sur le paragraphe 220(3.1) de la LIR, et qu’elle assujettit à certaines limites les demandes liées à une cotisation faisant l’objet d’une opposition ou d’un appel, car une décision officielle écrite ne sera rendue qu’après le règlement de l’opposition ou de l’appel ou l’expiration de tous les droits d’appel, citant le paragraphe 109 de la circulaire d’information. En d’autres termes, la circulaire d’information énonce la procédure que suit l’ARC lorsqu’un contribuable demande un allègement fiscal relativement à une cotisation faisant l’objet d’une opposition ou d’un appel. On lui a demandé si la circulaire d’information confirme qu’une demande peut être présentée au moyen d’une lettre envoyée à l’ARC. Elle a convenu qu’une lettre pouvait être envoyée à l’un des centres d’allègement pour les contribuables désignés, soit à celui de Winnipeg ou à celui de l’Île-du-Prince-Édouard. Elle a ajouté que le paragraphe 32 de la circulaire d’information indique que les contribuables doivent indiquer toutes les circonstances qu’ils ont l’intention d’invoquer dans leur demande, ainsi que tous les renseignements, faits et raisons à l’appui de la demande. À la question de savoir si le demandeur avait envoyé une lettre à l’ARC, l’agente des appels a répondu que le demandeur avait envoyé plusieurs lettres relatives au règlement de son opposition.

[46] À mon avis, ces circonstances sont différentes de celles de l’affaire Stemijon, invoquée par le demandeur, puisque l’agente des appels n’a pas entravé son pouvoir discrétionnaire en ne tenant compte que des circonstances énoncées dans la circulaire d’information. L’agente des appels n’examinait pas une demande d’allègement pour les contribuables et n’a donc pas limité son examen aux circonstances énoncées dans la circulaire d’information. Elle a simplement fait remarquer que le paragraphe 220(3.1) est lié au programme d’allègement pour les contribuables et permet à l’ARC de renoncer aux intérêts ou aux pénalités, ou de les annuler, puis elle a précisé que, même dans ce cas – qui ne s’applique pas en l’espèce – la renonciation ou l’annulation est assujettie à des limites. Sa décision concernant les avis d’opposition du demandeur n’était pas limitée ou restreinte par les circonstances relatives à l’allègement pour les contribuables décrites dans la circulaire d’information.

[47] En répondant à l’offre formulée par le demandeur en vue de régler son opposition aux cotisations, l’agente des appels a plutôt conclu, à la lumière de son examen des renseignements au dossier, que les pénalités pour faute lourde étaient justifiées, et elle en a informé le demandeur. Bien qu’il ne lui était pas loisible de renoncer aux pénalités pour faute lourde, ou de les annuler, en vue de régler l’opposition, le demandeur pouvait à cette fin présenter une demande dans le cadre du programme d’allègement pour les contribuables.

Conclusion

[48] À mon avis, le simple fait que les agents des appels, ainsi que les agents d’allègement pour les contribuables, soient inscrits comme délégués du ministre dans l’instrument de délégation des pouvoirs ne signifie pas que les agents des appels doivent, dans tous les cas, décider à l’étape de l’opposition s’il est justifié d’accorder un allègement au contribuable. Lorsqu’elle a été contre-interrogée sur son affidavit, l’agente des appels a confirmé que les agents des appels peuvent accorder un allègement proactif au contribuable lorsque l’ARC est en faute, par exemple si l’ARC a tardé à répondre à une opposition à une cotisation. Autrement, comme il est décrit dans la circulaire d’information, une demande d’allègement des pénalités, y compris les pénalités pour faute lourde, peut être examinée au titre du paragraphe 220(3.1) – par un agent d’allègement pour les contribuables – si le contribuable a fourni des renseignements visant à établir qu’il satisfait aux exigences relatives à l’allègement pour les contribuables, c’est-à-dire qu’il existe des circonstances exceptionnelles. En l’espèce, le demandeur n’a présenté aucun argument à cet égard, sauf pour dire que le montant des pénalités pour faute lourde était [traduction] « prohibitif ».

[49] En bref, le paragraphe 220(3.1) porte sur l’allègement pour les contribuables. La décision de l’agente des appels concernait le réexamen des nouvelles cotisations en cause à la lumière des avis d’opposition du demandeur, conformément aux paragraphes 165(1) et (3) de la LIR. Dans ses avis d’opposition, le demandeur a affirmé que les avis de nouvelle cotisation étaient inexacts et il a contesté les pénalités pour faute lourde infligées au titre du paragraphe 163(2) de la LIR. En l’absence d’une demande d’allègement pour les contribuables, par opposition à une demande d’annulation des pénalités pour faute lourde en vue de régler l’opposition du demandeur, l’agente des appels n’était pas tenue d’exercer son pouvoir discrétionnaire et elle n’a pas entravé ce pouvoir. Par conséquent, sa décision n’était pas déraisonnable.

Les dépens

  • [50]Dans leurs observations écrites, les deux parties ont demandé les dépens, mais aucune d’entre elles n’a ajouté de détail. Elles n’ont pas non plus précisé leur demande lorsqu’elles ont comparu devant moi.

  • [51]Aux termes du paragraphe 400(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [les Règles], la Cour a le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens, de les répartir et de désigner les personnes qui doivent les payer. Dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire, la Cour peut tenir compte des facteurs énoncés au paragraphe 400(3) des Règles, qui comprennent le résultat de l’instance, l’importance et la complexité des questions en litige, le fait que l’intérêt public dans la résolution judiciaire de l’instance justifie une adjudication particulière des dépens et toute autre question que la Cour juge pertinente. La Cour peut fixer tout ou partie des dépens en se reportant au tarif B et adjuger une somme globale au lieu ou en sus des dépens taxés (art 400(4) des Règles).

  • [52]Dans ces circonstances, comme le défendeur a eu gain de cause, il a droit aux dépens, qui seront établis en fonction de la colonne III du tarif B.



JUGEMENT DANS LE DOSSIER T‐308‐22

LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit :

  1. L’appel est rejeté.

  2. Le défendeur a droit aux dépens qui seront établis en fonction de la colonne III du tarif B.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Blain McIntosh


ANNEXE A

Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e supp) [LIR]

Partie I – Impôt sur le revenu

Section I

Déclarations, cotisations, paiement et appels

Faux énoncés ou omissions

163(2) Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse (appelé « déclaration » au présent article) rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d’imposition pour l’application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d’une pénalité [...]

Opposition à la cotisation

165 (1) Le contribuable qui s’oppose à une cotisation prévue par la présente partie peut signifier au ministre, par écrit, un avis d’opposition exposant les motifs de son opposition et tous les faits pertinents, dans les délais suivants :

[...]

Obligations du ministre

(3) Sur réception de l’avis d’opposition, le ministre, avec diligence, examine de nouveau la cotisation et l’annule, la ratifie ou la modifie ou établit une nouvelle cotisation. Dès lors, il avise le contribuable de sa décision par écrit.

Partie XV – Application et exécution

Application

Fonctions du ministre

220 (1) Le ministre assure l’application et l’exécution de la présente loi. Le commissaire du revenu peut exercer les pouvoirs et fonctions conférés au ministre en vertu de la présente loi.

[...]

Délégation

(2.01) Le ministre peut autoriser un fonctionnaire ou une catégorie de fonctionnaires à exercer les pouvoirs et fonctions qui lui sont conférés en vertu de la présente loi.

[...]

Renonciation aux pénalités et aux intérêts

(3.1) Le ministre peut, au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de l’année d’imposition d’un contribuable ou de l’exercice d’une société de personnes ou sur demande du contribuable ou de la société de personnes faite au plus tard ce jour-là, renoncer à tout ou partie d’un montant de pénalité ou d’intérêts payable par ailleurs par le contribuable ou la société de personnes en application de la présente loi pour cette année d’imposition ou cet exercice, ou l’annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

Agence du revenu du Canada, circulaire d’information IC-07-1R1, « Dispositions d’allègement pour les contribuables » (18 août 2017) [la circulaire d’information]

Introduction

5. La présente circulaire d’information fournit des renseignements concernant le pouvoir donné par la Loi de l’impôt sur le revenu au ministre du Revenu national d’accorder un allègement aux contribuables conformément aux dispositions législatives décrites au paragraphe 9. Elle explique également la façon dont un contribuable peut présenter une demande d’allègement, y compris les renseignements et documents pertinents nécessaires pour appuyer une telle demande. Elle indique aussi les lignes directrices administratives que l’ARC suivra pour décider d’accorder ou de refuser une demande d’allègement en fonction de la situation du contribuable.

6. Il ne s’agit que de lignes directrices. Celles-ci n’ont pas pour objet d’être exhaustives ni de restreindre l’esprit ou l’intention de la législation.

[...]

Partie I

Législation

8. La législation donne à l’ARC la capacité d’administrer le régime fiscal de façon équitable et raisonnable en aidant les contribuables à régler des problèmes qui se présentent indépendamment de leur volonté et en permettant d’adopter une approche raisonnée dans le cas de contribuables qui, en raison de problèmes personnels ou de circonstances hors de leur contrôle, n’ont pas pu satisfaire à une exigence législative aux fins de l’impôt sur le revenu.

Dispositions d’allègement pour les contribuables

9. Un contribuable peut demander un allègement conformément aux dispositions de la Loi énumérées dans ce paragraphe. Après l’examen des faits et des circonstances pertinents propres à la situation du contribuable, un fonctionnaire délégué de l’ARC (voir le paragraphe 17) décidera s’il convient de faire ce qui suit :

a) Annuler les pénalités et les intérêts ou y renoncer selon le paragraphe 220(3.1).

[...]

11. Le ministre du Revenu national n’est pas tenu d’accorder un allègement selon les dispositions d’allègement pour les contribuables. Chaque demande fera l’objet d’un examen et d’une décision fondée sur ses propres mérites. Si un allègement est refusé ou accordé partiellement, l’ARC expliquera au contribuable les raisons de la décision.

[...]

Qui est autorisé à prendre la décision?

17. Le paragraphe 220(2.01) autorise le ministre du Revenu national à déléguer les pouvoirs et fonctions que lui confèrent diverses dispositions de la Loi à des fonctionnaires désignés de l’ARC. Les fonctionnaires délégués pour exercer le pouvoir discrétionnaire du ministre selon les dispositions d’allègement pour les contribuables décrites au paragraphe 9 y sont autorisés au moyen d’instruments administratifs. Les contribuables peuvent consulter ces instruments à canada.ca/fr/agence-revenu/services/impot/renseignements-techniques/delegation-pouvoirs-fonctions/delegation-pouvoirs-fonctions-ministre.

18. Les fonctionnaires délégués sont autorisés à examiner la demande d’allègement d’un contribuable et à prendre la décision de l’accorder, en tout ou en partie, ou de la refuser. Aux termes d’une pratique administrative générale de l’ARC, un autre fonctionnaire de l’ARC examinera la demande et rédigera un rapport de décision qui sera soumis à l’examen d’un fonctionnaire délégué. Ce rapport comporte une recommandation qui indique s’il est justifié d’accorder l’allègement. La décision finale et l’avis de décision écrit envoyé au contribuable font partie des responsabilités du fonctionnaire délégué.

[...]

Situations qui peuvent justifier un allègement des pénalités et des intérêts

23. Le ministre du Revenu national peut accorder un allègement des pénalités et des intérêts dans les situations suivantes si elles justifient l’incapacité du contribuable à respecter une obligation ou une exigence fiscale :

a) Circonstances exceptionnelles

b) Actions de l’ARC

c) Incapacité de payer ou difficultés financières

24. La législation ne précise pas les situations spécifiques où le ministre a le pouvoir d’annuler des pénalités et des intérêts ou d’y renoncer. Les présentes lignes directrices n’ont pas force exécutoire. Elles ne donnent pas à un fonctionnaire délégué du ministre le pouvoir de refuser une demande et de l’exclure d’une attention convenable simplement parce que la situation du contribuable ne correspond pas à l’une des lignes directrices décrites dans la Partie II de la circulaire. Un fonctionnaire délégué du ministre peut accorder un allègement même si la situation du contribuable ne correspond pas à celles mentionnées au paragraphe 23.

Circonstances exceptionnelles

25. Les pénalités et les intérêts peuvent faire l’objet d’une renonciation ou d’une annulation, en tout ou en partie, si elles découlent de circonstances indépendantes de la volonté du contribuable. Les circonstances exceptionnelles qui peuvent avoir empêché un contribuable d’effectuer un paiement lorsqu’il était dû, de produire une déclaration à temps ou de s’acquitter de toute autre obligation que lui impose la Loi comprennent, sans en exclure d’autres, les suivantes :

a) Catastrophes naturelles ou d’origine humaine, telles qu’une inondation ou un incendie.

b) Troubles publics ou interruptions de services, tels qu’une grève des postes.

c) Maladies ou accidents graves.

d) Troubles émotifs sévères ou souffrances morales graves, tels qu’un décès dans la famille immédiate.

Actions de l’ARC

[...]

Incapacité de payer ou difficultés financières

27. Il peut être indiqué, lorsqu’une incapacité de payer tous les montants dus est confirmée, d’envisager d’annuler les intérêts ou y renoncer, en tout ou en partie, pour permettre à un contribuable de payer sa dette. Par exemple, lorsque :

[...]

28. De façon générale, on n’envisagera pas l’annulation d’une pénalité en raison d’une incapacité de payer ou de difficultés financières à moins que des circonstances exceptionnelles, telles qu’elles sont décrites au paragraphe 25, aient empêché le respect des lois. Cependant, des situations exceptionnelles peuvent donner lieu à l’annulation totale ou partielle des pénalités. Par exemple, lorsqu’une entreprise éprouve des difficultés financières et que l’exécution des pénalités mettrait en danger la continuité de son exploitation, l’emploi de ses employés et le bien-être de la communauté dans son ensemble, l’allègement des pénalités peut être considéré.

28.1. L’ARC effectuera un examen détaillé de la situation financière d’un contribuable afin de déterminer sa capacité de payer le solde dû et les frais d’intérêts qui continueront de s’accumuler. Un examen financier tient compte de ce qui suit :

[...]

Présenter une demande

29. Les contribuables ou leurs représentants autorisés peuvent remplir et envoyer le formulaire RC4288, Demande d’allègement pour les contribuables - Annuler des pénalités ou des intérêts ou y renoncer, pour faire une demande. Ils peuvent obtenir ce formulaire à canada.ca/arc-formulaires ou en composant le 1‐800‐959‐7383. Ils peuvent également envoyer une lettre de demande à l’ARC.

30. Pour les demandes fondées sur l’incapacité de payer ou les difficultés financières, les particuliers doivent aussi remplir et envoyer le formulaire RC376, Demande d’allègement pour les contribuables - État des revenus et dépenses, actif et passif pour les particuliers, pour déclarer leur situation financière. Ils peuvent également fournir une déclaration écrite (qui fournit les renseignements demandés dans le formulaire RC376) au sujet de leur situation financière, y compris les documents à l’appui. [...]

Pénalité pour faux énoncés ou omissions et pénalités administratives imposées à des tiers

37. L’allègement d’une pénalité pour faux énoncés ou omissions établie selon la Loi peut être envisagé selon le paragraphe 220(3.1). Cependant, puisque l’imposition de ces pénalités indique une certaine négligence et un manque de soin et de diligence de la part du contribuable qui a volontairement fait de fausses déclarations ou des omissions dans ses affaires fiscales, l’annulation d’une pénalité pour faux énoncés ou omissions ne peut être appropriée que dans des circonstances exceptionnelles.

[...]

39. Étant donné la nature de la pénalité pour faux énoncés ou omissions et de la pénalité administrative imposée à un tiers, et le fait que l’ARC examine les faits d’un dossier avant d’imposer une pénalité, il peut être préférable qu’un contribuable s’oppose à l’imposition de la pénalité en présentant un avis d’opposition dans le délai prescrit. Pour en savoir plus sur les droits d’opposition et d’appel des contribuables, consultez la brochure P148, Régler votre différend : Vos droits d’opposition et d’appel selon la Loi de l’impôt sur le revenu ou allez à canada.ca/arc-plaintes-differends.

[...]

Demandes présentées en cours de processus d’opposition ou d’appel

109. Une demande d’annulation des pénalités et des intérêts fondée sur des circonstances exceptionnelles ou des actions de l’ARC liée à une cotisation qui fait l’objet d’une opposition ou d’un appel peut être examinée et une décision envisagée peut être communiquée de façon informelle au contribuable. Une décision officielle écrite ne sera rendue qu’après le règlement de l’opposition ou de l’appel ou l’expiration de tous les droits d’appel.

110. Les demandes suivantes liées à une cotisation faisant l’objet d’une opposition ou d’un appel seront généralement mises en suspens en attendant le règlement de l’opposition ou de l’appel ou l’expiration de tous les droits d’appel pour :

  • annuler des pénalités et des intérêts en raison d’une incapacité de payer ou de difficultés financières selon le paragraphe 220(3.1);

  • faire un redressement selon le paragraphe 152(4.2);

  • accepter un choix tardif, modifié ou annulé selon le paragraphe 220(3.2).

110.1. Une fois le processus d’opposition ou d’appel terminé, l’ARC enverra une décision officielle écrite au contribuable. L’ARC peut demander que le contribuable signe une renonciation à tout droit de demander un deuxième examen administratif ou un contrôle judiciaire de la décision du ministre d’accorder un allègement des pénalités et des intérêts.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-308-22

 

INTITULÉ :

EBENEZER ASARE c LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 22 novembre 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

Le 5 décembre 2022

 

COMPARUTIONS :

Leigh Somerville Taylor

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Andrea Jackett

 

POUR Le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Leigh Somerville Taylor Professional Corporation

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR Le défendeur

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.