Date : 20221115
Dossier : IMM-8023-21
Référence : 2022 CF 1556
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Toronto (Ontario), le 15 novembre 2022
ENTRE :
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PATRICK ESUNGE EKEMA
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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En présence de monsieur le juge Diner
JUGEMENT ET MOTIFS
[1] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], de la décision du 21 octobre 2021 par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a rejeté l’appel de la décision de la Section de la protection des réfugiés [la SPR]. Pour les motifs qui suivent, je rejetterai la demande de contrôle judiciaire.
I.
Contexte
[2] Le demandeur, âgé de sept ans au moment de la demande, est né aux États-Unis, pays dont il a la citoyenneté. Sa famille est originaire du Cameroun. Il prétend que sa famille et lui y ont été la cible de nombreuses attaques de la part de séparatistes en raison de leur identité anglophone et de leurs activités politiques. Selon lui, ces attaques ont mené au décès de son père.
[3] En septembre 2018, le demandeur et sa famille ont fui le Cameroun munis de visas américains valides. En février 2019, ils ont demandé l’asile aux États-Unis. Pendant leur séjour, la mère du demandeur soutient avoir reçu des menaces de la part de protestataires qui prétendaient être associés au mouvement séparatiste du Cameroun. Ne se sentant pas en sécurité aux États-Unis, le demandeur et sa famille se sont rendus au Canada en janvier 2020, où ils ont présenté des demandes d’asile. Celles-ci ont été jugées irrecevables selon l’alinéa 101(1)c.1) de la LIPR en raison des demandes d’asile en cours aux États-Unis.
[4] En ce qui concerne le demandeur, un enfant mineur, la SPR a conclu qu’il n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la LIPR.
II.
Décision faisant l’objet du contrôle
[5] Le demandeur a interjeté appel de la décision de la SPR devant la SAR au motif que la SPR a commis plusieurs erreurs déterminantes dans son analyse du risque de persécution, de la protection de l’État et de la crédibilité de la mère (qui a témoigné à l’audience de la SPR au nom du demandeur, puisque celui-ci n’avait alors que cinq ans).
[6] La SAR a rejeté l’appel et a confirmé la décision de la SPR. Elle a également rejeté le nouvel élément de preuve que le demandeur a tenté de présenter en appel, soit un rapport d’évaluation psychothérapeutique [le rapport] concernant sa mère.
III.
Questions en litige et norme de contrôle
[7] Les questions en litige sont celles de savoir si la SAR a commis une erreur lorsqu’elle i) a rejeté le rapport; ii) a conclu que l’unité familiale n’est pas un facteur à prendre en considération pour trancher une demande d’asile; et iii) a conclu qu’il n’existe aucun fondement objectif pour établir un préjudice advenant la prise en charge du demandeur par le système des familles d’accueil américain.
[8] Les parties conviennent que la décision est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable, c’est-à-dire qu’elle doit satisfaire aux exigences de transparence, d’intelligibilité et de justification (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 16-17, 23, 83, 85, 99-100 [Vavilov]).
IV.
Analyse
A.
La décision de la SAR de rejeter le rapport est raisonnable
[9] Le demandeur soutient que le rapport est pertinent quant à la conclusion de la SPR selon laquelle sa mère n’était pas crédible, puisqu’il indique qu’elle souffrait de problèmes de santé mentale avant l’audience devant la SPR, ce qui a nui à son témoignage.
[10] Je ne suis pas de cet avis. La SAR a raisonnablement souligné que le rapport « a peu de valeur probante, car la conclusion de la SPR en matière de crédibilité en ce qui concerne l’omission dans l’exposé circonstancié initial de la mère de l’appelant n’est pas déterminante »
. La SAR n’a donc pas commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu’elle a rejeté le rapport. Un rapport d’évaluation psychothérapeutique concernant la crédibilité de la mère du demandeur n’a aucune incidence sur les questions déterminantes relatives au fait que son fils ne réponde pas aux critères pour que sa demande d’asile fondée sur l’article 97 à l’égard des États-Unis soit accueillie.
B.
La SAR n’a pas commis d’erreur sur la question de l’unité familiale
[11] Le demandeur soutient plus précisément que la SAR n’a pas tenu compte de ses problèmes de santé mentale lors de l’évaluation du risque de préjudice. Selon lui, ses problèmes de santé mentale (troubles de la parole et du langage, anxiété et problèmes de comportement), que la SAR a reconnus dans sa décision, et le fait d’être un enfant augmentent son risque de préjudice s’il était i) séparé de sa famille et ii) pris en charge par le système des familles d’accueil américain.
[12] Le demandeur se fonde sur la conclusion du juge Shore concernant l’intérêt supérieur de l’enfant dans la décision Kim c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 149 [Kim], pour faire valoir que la SAR n’a pas bien évalué l’incidence de ses problèmes de santé mentale en tant qu’enfant sur son risque de préjudice. Toutefois, l’analyse dans la décision Kim portait sur une demande fondée sur l’article 96 de la LIPR, alors qu’en l’espèce, l’argument du demandeur repose sur la question du risque de préjudice au sens de l’article 97 de cette même loi. En outre, au paragraphe 6 de la décision Kim, le juge Shore précise « [qu’il] est indéniable que l’intérêt supérieur de l’enfant ne peut influer sur la réponse à la question de savoir si un enfant a qualité de réfugié; cependant, il joue un rôle prépondérant dans la procédure à suivre pour en arriver à une décision à ce sujet »
.
[13] Ce principe que l’intérêt supérieur de l’enfant est lié aux garanties procédurales plutôt qu’au bien-fondé de la demande d’asile se reflète aussi dans les Directives numéro 3 du président : Les enfants qui revendiquent le statut de réfugié, qui traitent des questions de procédure et de preuve et qui énoncent qu’« [e]n déterminant la procédure à suivre pour l’examen de la revendication du statut de réfugié d’un enfant, la SSR devrait d’abord tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant »
(en ligne : https://irb.gc.ca/fr/legales-politique/politiques/Pages/GuideDir03.aspx). Dans la récente décision Weche c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 649 [Weche], la Cour s’est penchée sur l’application de l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant dans le cadre d’une demande d’asile. Au paragraphe 45 de cette décision, le juge McHaffie a conclu que « la SAR n’a pas erré lorsqu’elle a déterminé qu’elle n’a pas la discrétion de considérer l’intérêt supérieur de l’enfant en traitant la demande d’asile en cause »
.
[14] Par conséquent, la SAR n’a pas commis d’erreur en ne tenant pas compte de l’intérêt supérieur du demandeur mineur dans son analyse de fond quant au risque de préjudice s’il était i) séparé de sa famille et ii) pris en charge par le système des familles d’accueil américain. Premièrement, la conclusion de la SAR selon laquelle l’unité familiale n’est pas un facteur à prendre en considération est raisonnable. Comme l’a observé la SAR dans ses motifs, la Cour a conclu à maintes reprises que l’unité familiale n’est pas un facteur à prendre en considération pour établir si une personne a qualité de réfugié au sens de la Convention au titre de l’article 96 de la LIPR ou qualité de personne à protéger au titre de l’article 97 de cette même loi (Soto c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 665 au para 23, citant Weche, aux para 42-44, et Ly c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 379 aux para 13-14).
C.
La SAR n’a pas commis d’erreur concernant les conditions aux États-Unis
[15] La conclusion de la SAR selon laquelle il n’existe aucun fondement objectif pour établir un préjudice advenant la prise en charge du demandeur par le système des familles d’accueil américain est également raisonnable. Même si le demandeur soutient que la SAR n’a pas tenu compte de sa situation particulière en tant qu’enfant ayant des problèmes de santé mentale, celle‑ci a conclu qu’il n’existait aucun élément de preuve qui démontrait que le demandeur, « en tant qu’enfant noir ayant des problèmes de santé mentale »
, serait exposé à un risque de préjudice donnant ouverture à l’application de l’article 97 de la LIPR advenant sa prise en charge par le système des familles d’accueil américain. Par conséquent, la SAR a bel et bien tenu compte des problèmes de santé mentale du demandeur et a fait remarquer que sa mère a reconnu qu’aux États-Unis, il pourra recevoir un traitement pour au moins un de ses problèmes, à savoir pour son trouble du langage. La SAR a tenu compte de l’ensemble de la preuve pour en arriver à sa conclusion.
V.
Conclusion
[16] La décision de la SAR est raisonnable. Je rejetterai la demande de contrôle judiciaire. Les parties n’ont proposé aucune question de portée générale à certifier, et je conviens que la présente affaire n’en soulève aucune.
JUDGMENT dans le dossier IMM-8023-21
LA COUR STATUE :
La demande est rejetée.
Aucune question à certifier n’a été proposée, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.
Aucuns dépens ne sont adjugés.
« Alan S. Diner »
Juge
Traduction certifiée conforme
Sophie Reid-Triantafyllos
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-8023-21
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INTITULÉ :
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PATRICK ESUNGE EKEMA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 26 OctobRE 2022
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JUDGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE DINER
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DATE DES MOTIFS :
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LE 15 novembRe 2022
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COMPARUTIONS :
Debie Eze
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POUR LE DEMANDEUR
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Stephen Jarvis
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Lewis & Associates
Avocat
Toronto (Ontario)
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POUR LE DEMANDEUR
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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