Date : 20221116
Dossier : IMM-5786-21
Référence : 2022 CF 1561
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 16 novembre 2022
En présence de monsieur le juge Zinn
ENTRE : |
LUZ ARIANA RAMIREZ NOLASCO ET SALVADOR MOJICA CRUZ |
demandeurs |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
[1] La Section d’appel des réfugiés [la SAR] a rejeté l’appel des demandeurs et a conclu qu’ils disposaient d’une possibilité de refuge intérieur [PRI] à Cabo San Lucas, à Mérida et à Campeche, au Mexique.
[2] À mon avis, la seule question en litige dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire est de savoir si la décision de la SAR quant à l’existence d’une PRI viable était raisonnable.
[3] Les demandeurs, qui sont mari et femme, affirment craindre de subir un préjudice de la part de personnes associées au cartel Los Zetas depuis que Mme Ramirez Nolasco a refusé un pot-de-vin pour aider le cartel dans le cadre de ses fonctions d’avocate dans un pénitencier. Elle a par la suite démissionné de ce poste.
[4] Les demandeurs soutiennent que la SAR a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que les agents de persécution n’avaient pas la motivation de les retrouver. Ils soutiennent également que la SAR n’a pas tenu compte du fait que Mme Ramirez Nolasco est demeurée cachée pendant qu’elle se trouvait au Mexique ni du fait que sa profession d’avocate permet aux agents de persécution de savoir où elle se trouve.
[5] Le défendeur affirme que tous ces arguments ont été présentés devant la SAR et ont été pris en considération, et que les demandeurs demandent essentiellement à la Cour de réévaluer la preuve. Je suis d’accord.
[6] Je n’accorde aucun poids aux observations subsidiaires selon lesquelles la SAR aurait omis de prendre en considération le fait que Mme Ramirez Nolasco est demeurée cachée et que sa profession d’avocate fait en sorte qu’il serait possible de la retrouver aux endroits désignés comme PRI.
[7] Je partage l’opinion du défendeur selon laquelle le fait qu’elle a dû demeurer « cachée » est une exagération de la preuve. Dans son formulaire Fondement de la demande d’asile, Mme Ramirez Nolasco a indiqué que, pendant le temps où elle est restée chez ses parents, elle s’est montrée discrète, n’a pas affiché ses services et a travaillé à son compte, offrant des services juridiques à des amis. La seule autre mention de ses efforts pour demeurer cachée était qu’elle portait un chapeau et des verres fumés lorsqu’elle sortait. Ces gestes ne peuvent pas être qualifiés de moyens de se cacher.
[8] D’après le dossier, un numéro lui a été attribué à titre d’avocate dans un pénitencier, mais rien n’indique s’il s’agit d’un numéro personnel qu’elle conservera tout au long de sa vie professionnelle ou pas. Rien ne laisse croire que ce numéro pourrait être utilisé pour la retrouver aux endroits désignés comme PRI si elle y exerçait sa profession. La preuve selon laquelle le cartel pourrait être en mesure de la retrouver à l’aide de logiciels espions est peu convaincante.
[9] La seule raison invoquée pour justifier que la PRI n’est pas viable repose sur deux incidents distincts au cours desquels Mme Ramirez Nolasco a été reconnue par d’anciens détenus du pénitencier où elle avait travaillé.
[10] Dans le cas du premier incident, elle a écrit :
[traduction] J’ai tenté de me montrer discrète, mais vers la fin de 2017, lorsque j’étais à Puebla avec Salvador pour voir à l’organisation de notre mariage, j’ai été reconnue par un ancien détenu. Il m’a crié « Licenciada » (ce qui signifie avocate, en espagnol), malgré le fait que je portais un chapeau et des verres fumés. J’ai pris place dans un taxi avec Salvador et nous avons quitté les lieux aussi rapidement que possible.
[11] L’incident en question lui a fait vivre un grand stress. Elle est partie pour les États-Unis, mais est par la suite retournée au Mexique. En lien avec l’autre incident, qui a eu lieu en décembre 2018, elle a écrit : [traduction] « J’ai vu un autre ancien détenu (pas le même que la première fois) qui m’a interpellé en utilisant le mot “Licenciada” ».
[12] Les demandeurs sont arrivés au Canada en septembre 2019. Lorsque la Section de la protection des réfugiés lui a demandé si elle avait reçu des menaces entre le moment où elle a quitté son poste au pénitencier, en 2017, et son départ vers le Canada, en 2019, elle a répondu : [traduction] « Non, je n’en ai pas reçu. »
[13] À plusieurs reprises, l’avocate des demandeurs a qualifié les deux incidents de preuve que le cartel l’avait « retrouvée »
. Cependant, elle a tout simplement été vue par des personnes qui l’ont connue au pénitencier. Aucune preuve n’indique que les rencontres en question ont eu lieu parce que le cartel cherchait à la retrouver. La SAR a fait remarquer de manière tout à fait raisonnable :
Il est probable que l’appelante principale a été reconnue par d’anciens détenus étant donné son rôle en tant qu’avocate pénitentiaire, mais le fait qu’elle ait été reconnue n’est pas une indication de poursuite ou de motivation, selon la prépondérance des probabilités. J’estime que le cartel n’a pas la motivation de trouver les appelants aux endroits proposés comme PRI, selon la prépondérance des probabilités.
[14] Compte tenu de son témoignage voulant qu’elle n’ait fait l’objet d’aucune menace après avoir quitté le pénitencier et des éléments de preuve limités concernant les deux incidents distincts au cours desquels elle a été reconnue par d’anciens détenus, la décision de la SAR selon laquelle elle disposait d’une PRI viable était raisonnable et justifiée.
[15] À mon avis, il aurait été abusif pour la SAR de rendre une décision différente.
[16] Aucune question à certifier n’a été proposée.
JUGEMENT dans le dossier IMM-5786-21
LA COUR STATUE que la présente demande est rejetée. Aucune question n’est certifiée.
« Russel W. Zinn »
Juge
Traduction certifiée conforme
Julie Blain McIntosh
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
IMM-5786-21 |
INTITULÉ :
|
LUZ ARIANA RAMIREZ NOLASCO ET SALVADOR MOJICA CRUZ c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
LE 7 NOVEMBRE 2022
|
JUGEMENT ET MOTIFS : |
LE JUGE ZINN
|
DATE DES MOTIFS :
|
LE 16 NOVEMBRE 2022
|
COMPARUTIONS :
Ameena Sultan
|
POUR LES DEMANDEURS |
Brendan Stock
|
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Sultan Law Avocats Toronto (Ontario) |
POUR LES DEMANDEURS |
Procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR |