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Date : 20221121

Dossier : IMM-2733-20

Référence : 2022 CF 1590

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 21 novembre 2022

En présence de monsieur le juge Andrew D. Little

ENTRE :

BRANKA VUJICIC

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La demanderesse sollicite l’annulation de la décision rendue par un agent principal le 3 juin 2020 au titre du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). L’agent a rejeté la demande de résidence permanente au Canada assortie d’une dispense pour des considérations d’ordre humanitaire présentée par la demanderesse.

[2] La demanderesse soutient que la décision de l’agent était déraisonnable compte tenu des principes décrits dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 RCS 653.

[3] La demanderesse conteste expressément l’appréciation effectuée par l’agent de l’intérêt supérieur de son enfant.

[4] Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

I. Contexte factuel

[5] La demanderesse est née en Croatie de parents serbes. Elle est citoyenne de la Croatie et de la Serbie. Elle est arrivée au Canada à titre de visiteure en 2012.

[6] Elle réside en Alberta avec son fils, V. Ce dernier est né au Canada à la fin de 2013, Au moment où l’agent a rendu sa décision concernant les considérations d’ordre humanitaire, V était âgé de six ans.

[7] La demanderesse et V ne demeurent pas avec le père de V. La demanderesse et le père de V ne sont plus en couple. Le père de V réside à quelque cinq heures de route de son fils, dans le nord de l'Alberta.

[8] En septembre 2018, la demanderesse a présenté une demande de résidence permanente au Canada assortie d’une dispense pour des considérations d’ordre humanitaire. Elle a présenté essentiellement comme facteurs à prendre en compte son degré d’établissement au Canada, l’intérêt supérieur de l’enfant et les difficultés auxquelles elle serait exposée après avoir quitté le Canada en raison de la situation qui règne en Croatie et en Serbie.

II. Décision faisant l’objet du contrôle

[9] La décision de l’agent renfermait une section intitulée [traduction] « Facteurs à prendre en compte », qui énumérait une série d’arguments avancés dans la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire sous les rubriques [traduction] « Établissement au Canada », « Intérêt supérieur de l’enfant » et « Risque et conditions de vie défavorables dans le pays ». Suivait une section intitulée [traduction] « Motifs et décision », dans laquelle figurait une appréciation des facteurs d’ordre humanitaire reprenant les mêmes grandes rubriques.

[10] Étant donné l’objet principal des observations formulées par la demanderesse dans la présente demande, je me bornerai à résumer les motifs donnés par l’agent relativement à l’intérêt supérieur de l’enfant.

[11] L’agent a constaté que l’enfant, V, était âgé de six ans et qu’il était un citoyen canadien de naissance. La demanderesse et V ont quitté le Canada pour la Serbie en novembre 2016 et sont rentrés au Canada en janvier 2017.

[12] V a commencé très tôt sa scolarisation (maternelle). Au sujet des obstacles linguistiques et des difficultés que l’enfant rencontrerait s’il s’établissait en Serbie, l’agent n’était pas convaincu qu’un changement dans la langue et le lieu d’apprentissage serait difficile à surmonter au point de compromettre l’intérêt supérieur de l’enfant. L’agent a souligné que la langue maternelle de la demanderesse était le serbe, que celle-ci a passé la plus grande partie de sa vie en Serbie, et que ses parents vivent encore dans ce pays. Il n’était pas déraisonnable de croire que V ait été exposé à la langue et à la culture serbes ou qu’il les connaisse dans une certaine mesure. Le père de V est aussi né en Serbie, et il est originaire de la même ville que la demanderesse. L’agent n’était pas convaincu que V ne pourrait pas se familiariser avec la langue serbe, qu’il ne pourrait pas fréquenter l’école en Serbie ou apprendre la langue maternelle de sa mère.

[13] L’agent a pris en compte les attaches et les liens de V dans la société canadienne, y compris les activités auxquelles il participe, son intégration et les liens qu’il a noués avec d’autres personnes en dehors de sa famille.

[14] L’agent a pris en compte la relation de V avec son père, y compris les conséquences du renvoi en Serbie pour lui. Il a reconnu qu’il était généralement dans l’intérêt supérieur de l’enfant qu’il demeure sous les soins de son ou ses parents. Il a admis l’observation formulée par la demanderesse selon laquelle V est très attaché à son père et que la relocalisation en Serbie aurait des incidences psychologiques graves et profondes sur le développement de V. Il a pris note de l’affirmation de la demanderesse selon laquelle V [traduction] « demandait fréquemment à voir son père en pleurant » lorsque sa mère et lui ont quitté le Canada, de sorte qu’elle a décidé de s’établir définitivement au Canada et qu’elle est rentrée au pays en janvier 2017.

[15] L’agent a fait remarquer que la demanderesse avait été en couple avec le père de V, mais que celui-ci avait épousé une autre femme et s’était réinstallé à quelque cinq heures de route de la résidence de la demanderesse.

[16] L’agent a pris en compte le contenu d’une lettre écrite par son père, dont le vœu formulé par celui-ci que V réside près de ses deux parents. Il a admis que le père avait une relation avec V et [traduction] « jouait un rôle dans sa vie ». Toutefois, les observations formulées par le père étaient [traduction] « brèves et contenaient peu de détails quant à l’importance de sa relation et de sa participation à la vie de V au fil des ans ». Ces remarques ne [traduction] « montraient pas clairement la place que tenait le père dans la vie de l’enfant, la fréquence et la durée des visites ». De plus, l’agent a souligné l’absence de preuves concernant le statut du père au Canada et la question de savoir s’il était autorisé à demeurer au pays en permanence ou s’il avait la citoyenneté canadienne.

[17] L’agent a pris note que la demanderesse pourvoyait principalement aux besoins de V et que l’enfant vivait avec elle. Il a admis que V s’ennuierait de son père, tout en soulignant, toutefois, que [traduction] « les progrès de la technologie moderne peuvent faire en sorte que [le père] pourra continuer de voir son fils grandir et rester en contact avec lui et avec sa mère ». Bien que la technologie ne puisse se substituer à la présence physique d’une personne, l’agent ne disposait pas de suffisamment d’éléments de preuve selon lesquels le père ne pourrait pas conserver et entretenir dans une certaine mesure sa relation avec V, quoiqu’à distance, notamment en lui apportant un soutien à partir de l’étranger.

[18] L’agent a conclu que la demanderesse et le père de V apporteraient à V amour et soutien au meilleur de leurs capacités, quel que soit leur pays de résidence. Il a reconnu qu’il était dans l’intérêt supérieur de tous les enfants d’être scolarisés et de bénéficier de l’amour et du soutien continus de leurs parents.

[19] À la lumière de ce qui précède, l’agent a conclu qu’il était raisonnable de s’attendre à ce que V reste sous les soins de sa mère. Par conséquent, il a conclu que la demanderesse n’avait pas démontré que V dépendait de son père au point où son départ du Canada compromettrait son intérêt supérieur.

[20] L’agent a relevé peu de preuves que V ne conserverait pas sa citoyenneté canadienne, peu importe son pays de résidence, y compris son droit de revenir au Canada à tout moment de sa vie.

[21] L’agent a conclu que V était [traduction] « assez jeune pour que les répercussions d’une relocalisation soient minimes, particulièrement étant donné qu’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’il reste sous les soins de sa mère ». Il n’était pas convaincu que le fait de retourner en Serbie aurait une incidence défavorable sur l’intérêt supérieur de l’enfant.

[22] L’agent a conclu que la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire ne contenait pas assez d’éléments de preuve objectifs quant à la situation qui règne en Serbie en ce qui concerne l’avenir de V.

[23] L’agent a conclu qu’il n’y avait pas assez d’éléments de preuve objectifs selon lesquels V souffre de maladies ou problèmes de santé pour lesquels il n’aurait pas accès à des soins de santé suffisants en Serbie. Il n’y avait pas non plus assez d’éléments de preuve objectifs démontrant que V n’aurait pas accès, en Serbie, à des soins de santé, à une éducation ou à d’autres services adéquats, qu’il n’y serait pas protégé au point où son bien-être serait compromis.

[24] À la lumière de l’information figurant dans la demande ainsi que des répercussions possibles pour V en cas de rejet de la demande de dispense au titre de l’article 25 présentée par la demanderesse, l’agent a reconnu les circonstances malheureuses propres à la situation et que les changements pourraient s’avérer difficiles. Toutefois, il n’était pas convaincu que la preuve était suffisante pour démontrer que l’intérêt supérieur de V, y compris son bien-être émotionnel jusqu’à présent, était ou serait compromis s’il devait accompagner sa mère en Serbie et être séparé de son père.

[25] Bien que l’agent ait jugé que l’intérêt supérieur de l’enfant était un [traduction] « facteur favorable », il ne s’agissait pas d’un élément déterminant suffisant en soi pour accorder à la demanderesse la dispense fondée sur des considérations d'ordre humanitaire qu’elle a demandée.

[26] À la fin des motifs, l’agent a affirmé, au sujet de l’intérêt supérieur de l’enfant :

[traduction]

J’estime que les considérations relatives à l’intérêt supérieur de l’enfant militent en faveur de la demanderesse, mais les éléments de preuve dont je dispose sont insuffisants pour démontrer que l’intérêt supérieur de l’enfant serait affecté à un point qui justifie que la demanderesse bénéficie d’une dispense pour des considérations d’ordre humanitaire lorsque ce facteur est pondéré avec tous les autres dans une évaluation globale.

III. Principes de droit

[27] La norme de contrôle applicable à la décision de l’agent est celle de la décision raisonnable : Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, [2015] 3 RCS 909 au para 44.

[28] La Cour suprême a décrit la norme de la décision raisonnable dans l’arrêt Vavilov. Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable consiste en un examen empreint de déférence et rigoureux de la question de savoir si la décision administrative est transparente, intelligible et justifiée : Vavilov, aux para 12-13 et 15. La cour de révision se penche d’abord sur les motifs du décideur, qui doivent être interprétés de façon globale et contextuelle et lus en corrélation avec le dossier dont était saisi le décideur : Vavilov, aux para 84, 91-96, 97 et 103; Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et des travailleuses des postes, 2019 CSC 67, [2019] 4 RCF 900 aux para 28‐33.

[29] Le contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable s’intéresse au raisonnement suivi et au résultat : Vavilov, aux para 83 et 86. Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti : Vavilov, plus particulièrement aux para 85, 99, 101, 105‐106 et 194. Pour intervenir, la cour de révision doit être convaincue que la décision « souffre de lacunes graves » à un point tel qu’elle ne satisfait pas aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence. Les lacunes ou insuffisances reprochées ne doivent pas être simplement superficielles ni accessoires par rapport au fond de la décision, ni constituer une « erreur mineure ». La lacune ou l’insuffisance invoquée doit être suffisamment capitale ou importante pour rendre la décision déraisonnable : Vavilov, au para 100; Société canadienne des postes, au para 33.

[30] Le paragraphe 25(1) de la LIPR confère au ministre le pouvoir discrétionnaire d’exempter les étrangers des exigences habituelles de la loi et de leur accorder le statut de résident permanent au Canada s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire justifient une telle dispense. Le pouvoir discrétionnaire fondé sur les considérations d’ordre humanitaire que prévoit le paragraphe 25(1) se veut une exception souple et sensible à l’application habituelle de la LIPR, un pouvoir permettant de mitiger la sévérité de la loi selon le cas : Kanthasamy au para 19.

[31] Le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 25(1) doit s’exercer de manière raisonnable. Les agents appelés à se prononcer sur l’existence de considérations d’ordre humanitaire doivent véritablement examiner tous les faits et facteurs pertinents portés à leur connaissance et leur accorder du poids : Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 aux para 74-75; Kanthasamy, aux para 25 et 33.

[32] Il incombe au demandeur de démontrer qu’une dispense pour des considérations d’ordre humanitaire est justifiée : Kisana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 189, [2010] 1 RCF 360 aux para 35, 45 et 61.

[33] Quand il examine une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, l’agent doit être réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur des enfants. Il doit bien identifier et bien définir cet intérêt, puis l’examiner avec beaucoup d’attention eu égard à l’ensemble de la preuve : voir Kanthasamy, aux paras 35 et 38-40; Hawthorne c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 475, [2003] 2 CF 555 aux para 5 et 10; Legault c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, [2002] 4 CF 358 aux para 12-13 et 31; Baker, au para 75.

[34] Il convient d’attribuer à l’intérêt des enfants un poids considérable et de le considérer comme un facteur important dans l’analyse des considérations d’ordre humanitaire, bien qu’il ne détermine pas nécessairement l’issue d’une telle demande : Kanthasamy au para 41; Hawthorne, au para 2.

IV. Analyse

[35] La question en litige dans la présente demande est celle de savoir si la décision de l’agent était déraisonnable. La demanderesse a soutenu que l’examen effectué par l’agent de l’intérêt supérieur de l’enfant était trop superficiel pour être qualifié de réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur de V. À l’appui de cette affirmation, la demanderesse a formulé plusieurs observations :

  • a)L’agent a indûment écarté ou minimisé les difficultés découlant de la séparation de V d’avec son père (en citant la décision Garcia Balarezo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 841 au para 38).

  • b)L’agent a commis une erreur en misant sur la technologie moderne pour le maintien de la relation entre le père et le fils, et a minimisé l’intérêt du fils. La demanderesse a soutenu qu’une personne raisonnable ne peut certainement pas accepter que le fait de parler à son père au moyen des applications Skype et/ou Zoom ou d’un quelconque moyen électronique équivalait à bénéficier de la présence d’un père dans sa vie, en personne, régulièrement. Le lien qui existe entre V et son père, et son évolution, serait amoindri et réduit, de sorte que son père deviendrait une image sur un écran ou une simple voix, plutôt qu’un parent. La demanderesse a renvoyé à la décision A.B. c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1170 au paragraphe 29.

  • c)L’agent n’a pas pris en compte les circonstances particulières du dossier (en citant la décision Pryce c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 377 au para 54) et il n’a pas effectué d’analyse sérieuse, étant donné que V est un citoyen canadien, et que la demanderesse est une mère sans conjoint qui n’est pas en couple avec le père de V.

  • d)En renvoyant à plusieurs extraits de la décision Osun c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 295, aux paragraphes 18-27, la demanderesse a soutenu qu’une appréciation des difficultés ne saurait remplacer la compréhension de l’intérêt supérieur de l’enfant. L’absence de difficultés n’équivaut pas à l’intérêt supérieur d’un enfant. La demanderesse a affirmé que. du point de vue du droit, les enfants méritent rarement, sinon jamais, d'être exposés à des difficultés (en citant l’arrêt Hawthorne, au para 9; voir également l’arrêt Kanthasamy, au para 59).

  • e)La demanderesse a soutenu qu’en l’espèce, le choix est le suivant : que V reste au Canada et bénéficie de la présence de ses deux parents dans sa vie ou qu’il déménage en Serbie et grandisse avec sa mère pour seul parent. La décision de l’agent dans la présente affaire montre que ce dernier n’a pas saisi l’objet de la demande, soit que le renvoi de la demanderesse du Canada avec V mettrait fin au lien qui unit V à son père et empêcherait la création d’autres liens.

[36] Le défendeur a souligné que l’agent a produit une longue appréciation de l’intérêt supérieur de l’enfant, en prenant en compte l’ensemble des éléments de preuve, et qu’il a accordé un poids favorable à l’intérêt supérieur de l’enfant dans son appréciation de la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire dans son ensemble. Il a soutenu que les observations formulées par la demanderesse concernaient essentiellement le poids qu’il conviendrait d’accorder aux éléments de preuve – ce sur quoi la Cour ne peut pas se pencher en contrôle judiciaire.

[37] De plus, le défendeur a renvoyé à quelques affaires. Il a souligné que même s’il faut accorder à l’intérêt supérieur de l’enfant touché une « considération singulièrement importante » dans l’analyse relative aux considérations d’ordre humanitaire, il ne s’ensuit pas que l’intérêt supérieur des enfants touchés doit l’emporter sur les autres considérations de l’analyse (en citant l’arrêt Lewis c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CAF 130, [2018] 2 RCF 229 au para 73). Tous les facteurs d’ordre humanitaire doivent être pris en compte, et un demandeur ne peut s’attendre à une réponse favorable à sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire simplement parce que l’intérêt supérieur de l’enfant milite en faveur de ce résultat (en renvoyant à la décision Garraway c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 286 aux para 57-58). Bien que l’intérêt supérieur d’un enfant représente un facteur important, il n’est généralement pas déterminant en soi, car l’intérêt supérieur des enfants milite presque toujours en faveur de la présence continue des deux parents au Canada; par conséquent, ce facteur doit être soupesé avec les autres (d’après la décision Gill c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 772 au para 48).

[38] De plus, le défendeur a fait remarquer que rien n’empêche un agent d’examiner le facteur des difficultés, y compris la situation dans le pays où l’enfant pourrait résider après avoir quitté le Canada, relativement à l’intérêt supérieur de l’enfant (en citant l’arrêt Kanthasamy, au para 40; la décision Osun, au para 19).

[39] Après avoir examiné attentivement les arguments avancés par la demanderesse et les motifs de l’agent, ainsi que la jurisprudence, je conclus que la demanderesse n’a pas démontré que l’appréciation de l’intérêt supérieur de l’enfant dans la décision de l’agent renfermait une erreur susceptible de révision du genre que décrivent les arrêts Vavilov et Société canadienne des postes.

[40] Comme l’a fait remarquer à juste titre la demanderesse, l’agent doit être [traduction] « réceptif, attentif et sensible » à l’intérêt supérieur de l’enfant ou des enfants et ne doit pas minimiser ce facteur : Kanthasamy, au para 38, citant Baker, au para 75; Owusu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et Immigration), 2004 CAF 38, [2004] 2 RCF 635 au para 5. Comme c’est souvent le cas, y compris dans la présente affaire, l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant part du principe implicite qu’il est dans l’intérêt supérieur de l’enfant que le parent (le demandeur) ne quitte pas le Canada. L’appréciation de l’intérêt supérieur de l’enfant suppose nécessairement une analyse des éléments de preuve relatifs aux difficultés auxquelles l’enfant pourrait se heurter s’il devait quitter le Canada. Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale au paragraphe 4 de l’arrêt Hawthorne :

On détermine l’« intérêt supérieur de l'enfant » en considérant le bénéfice que retirerait l'enfant si son parent n'était pas renvoyé du Canada ainsi que les difficultés que vivrait l'enfant, soit advenant le renvoi de l'un de ses parents du Canada, soit advenant qu'elle quitte le Canada volontairement si elle souhaite accompagner son parent à l'étranger. Ces bénéfices et difficultés constituent les deux côtés d'une même médaille, celle-ci étant l'intérêt supérieur de l'enfant.

[41] Dans la décision Osun, la Cour a statué que l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant ne peut pas porter uniquement sur les difficultés qu’un enfant pourrait rencontrer. Bien que la présence (ou l’absence de difficultés) en cas de retour dans le pays d’origine puisse être prise en compte dans une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, la Cour a statué qu’une analyse des difficultés ne saurait supplanter ou remplacer une analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant en bonne et due forme, en raison des impératifs de transparence et de justification : Osun, aux para 19, 21, 23–24.

[42] En même temps, le fardeau qui incombe au demandeur de présenter des éléments de preuve en général quant aux motifs d’ordre humanitaire, et quant à l’intérêt supérieur de l’enfant en particulier, est bien établi : Owusu, aux para 5 et 8; Kisana, aux para 35, 45 et 61.

[43] La demanderesse a réuni ses observations dans la présente demande en soutenant que les motifs de l’agent étaient trop superficiels pour être qualifiés de réceptifs, attentifs et sensibles à l’intérêt supérieur de V. Cette position doit être analysée en fonction des motifs donnés par l’agent, mais aussi à la lumière du dossier de preuve contenu dans la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire elle-même. Dans certaines circonstances, un dossier peu étoffé sur les questions se rapportant à l’intérêt supérieur d’un enfant peut affecter l’appréciation de cet élément en raison du peu de détails. La Cour a formulé des observations sur l’absence d’éléments de preuve quant à l’intérêt supérieur de l’enfant dans les demandes de contrôle judiciaire : Rozo Basto c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1140 au para 27; Jones c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 655 aux para 15‐17, 40‐42); Rong c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 690 aux para 24‐30; Zlotosz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 724 au para 22); Lovera c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 786 au para 38; Celise c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 642, [2015] 4 RCF 728 aux para 35-36. Voir aussi Semana c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1082 aux para 37‐42.

[44] La présente affaire renferme des questions qui sont similaires à celles qui ont été abordées dans les décisions Celise et Lovera. Dans la décision Lovera, le juge Roy a affirmé ce qui suit au paragraphe 38 :

Ici, la preuve présentée au soutien des intérêts des enfants est elle-même très mince. L’agente principale d’immigration n’a pas que mentionné l’intérêt supérieur et elle ne pourrait faire mieux que d’examiner ce qui aura été identifié et défini par le demandeur. À cet effet, la partie demanderesse a un fardeau. En fonction de ce qui aura été porté à l’attention de l’agente principale d’immigration, le décideur a été réceptif, attentif et sensible à cet intérêt. Ce qui ne doit pas être fait est de minimiser cet intérêt supérieur; en l’espèce, la preuve était loin d’être dominante et l’attitude de l’agente principale d’immigration ne saurait être critiquée. La minimisation est toujours fonction de la preuve faite. Il n’y a pas eu de minimisation en l’espèce étant donné la minceur de la preuve.

[45] Cet extrait s’applique substantiellement à la présente affaire. Ainsi que l’a souligné l’agent, les éléments de preuve relatifs à l’intérêt supérieur de l’enfant figurant dans le dossier dont il disposait ne comportaient guère de précisions quant à la relation entre V et son père. L’agent a pris acte de l’affirmation formulée par la demanderesse selon laquelle le père et le fils avaient un lien étroit, mais il a conclu que cet élément n’était pas étayé par des précisions supplémentaires auxquelles on s’attendrait de façon raisonnable, étant donné que la mère et le père de V ne sont pas en couple et que le père réside à cinq heures de route du domicile de V, dans le nord de l'Alberta.

[46] Je ne souscris pas à l’affirmation de la demanderesse selon laquelle l’agent a minimisé ou écarté les difficultés découlant de la séparation possible de V d’avec son père. L’agent a pris en compte les éléments de preuve pertinents dans la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, particulièrement ceux présentés par la demanderesse et la lettre manuscrite du père de V. Après avoir examiné moi-même les éléments de preuve, je conclus que les motifs de l’agent tenaient suffisamment compte de ce qu’ils renfermaient. J’estime qu’il était loisible à l’agent de conclure que les affirmations formulées par le père étaient [traduction] « brèves et contenaient peu de détails quant à l’importance de sa relation et de sa participation à la vie de V au fil des ans » et qu’elles ne [traduction] « montraient pas clairement la place que tenait le père dans la vie de l’enfant, la fréquence et la durée des visites ».

[47] Manifestement, la demanderesse n’est pas d’accord avec la façon dont l’agent a pondéré les éléments de preuve, mais elle n’a pas relevé dans ses observations le moindre fait important dont l’agent n’aurait pas tenu compte, qui était incompatible avec les conclusions de l’agent au sujet de l’intérêt supérieur de l’enfant ou qui limitait par ailleurs l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant. La Cour, en contrôle judiciaire, ne peut pas soupeser ni apprécier à nouveau la preuve : Vavilov, au para 125; Société canadienne des postes, au para 61.

[48] L’agent n’a pas commis la même erreur que celle relevée dans la décision Garcia Balarezo, au paragraphe 38. Il n’a pas conclu que le déménagement de V en Serbie ou que la séparation d’avec son père serait bon pour lui ou favoriserait ses capacités d’adaptation.

[49] La demanderesse a invoqué un extrait de la décision Pryce, au paragraphe 54, qui requiert l’appréciation des « circonstances particulières » de l’espèce. Même si la Cour d’appel fédérale n’a pas approuvé le raisonnement de la Cour dans la décision Pryce (sub nom. Canada (Citoyenneté et Immigration) c Laing, 2021 CAF 194 au para 14), cette position était celle de l’opinion majoritaire dans l’arrêt Kanthasamy, au paragraphe 32. La demanderesse a aussi comparé cette affaire à la décision A.B., dans laquelle le juge Ahmed a jugé que le décideur avait « évalué sommairement les enfants ». Mon collègue a relevé plusieurs erreurs de raisonnement dans l’appréciation de la preuve effectuée par l’agent : le raisonnement dans la décision A.B était indûment restrictif et supposait que les liens entre les grands-parents et les jeunes enfants (qui ne résidaient pas ensemble) ne seraient pas plus forts à l’avenir. De plus, le décideur a invoqué l’absence de présence physique entre les petits-enfants et les grands-parents pour laisser entendre que les enfants ne se souviendraient pas de leurs grands-parents en raison de leur jeune âge, raisonnement qui, pour la Cour, posait problème : A.B., aux para 28-29.

[50] En l’espèce, après avoir examiné les motifs de l’agent et le contenu du dossier, je ne relève aucune erreur susceptible de contrôle. Les motifs de l’agent n’étaient pas sommaires et ils font état d’une compréhension satisfaisante des circonstances particulières se rapportant à l’intérêt supérieur de l’enfant dans la présente demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. L’agent a apprécié les circonstances particulières de V, y compris les éléments de preuve relatifs à la relation entre V et son père. Je ne suis pas convaincu que le raisonnement en l’espèce reflète la décision contestée dans l’affaire A.B.

[51] La demanderesse a soutenu que l’agent avait tiré une conclusion défavorable implicite quant à la crédibilité en mettant en doute le statut du père de V au Canada et en soulignant que celui-ci n’avait pas fourni de pièces d’identité personnelle avec la lettre, notamment des pièces se rapportant à son adresse résidentielle. Bien que les commentaires formulés par l’agent puissent sembler gratuits, la question fondamentale au sujet de la lettre du père était l’absence de détails quant à sa relation avec V. Comme il a été mentionné précédemment, l’agent n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle sur cette question.

[52] Lors de l’audition de la présente demande, la demanderesse a cherché à savoir pourquoi l’agent ne lui avait pas demandé de renseignements supplémentaires. La demanderesse, qui se représentait elle-même quand elle a présenté la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, s’est dite disposée à fournir des renseignements supplémentaires. J’estime que les principes qui ont été énoncés dans la jurisprudence quant au fardeau qui incombe au demandeur, comme les décisions Owusu et Kisana, répondent à cet argument.

[53] La demanderesse s’appuie sur la décision Osun pour soutenir que l’agent a apprécié les difficultés que pourrait rencontrer V, au lieu de son intérêt supérieur, comme l’exige une appréciation légitime de l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans la décision Osun, l’agent a constaté l’insuffisance d’éléments de preuve démontrant que « l[e] renvoi [des enfants] au Nigéria [TRADUCTION] “compromettrait leur bien-être” » et il a eu recours à un raisonnement erroné qui « ressembl[ait] fort à une analyse des difficultés » comme point de départ d’une analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant quant à la question de savoir s’il serait difficile ou non de quitter le Canada? : Osun, aux para 20-21. L’analyse de l’agent portait uniquement sur l’absence de difficultés en remplacement d’une appréciation de l’intérêt supérieur : Osun, au para 21. Le juge Diner a reconnu que la présence ou l’absence de difficultés en cas de départ du Canada et de retour au pays d’origine peut être l’un des principaux facteurs à prendre en considération dans l’analyse de la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, tant qu’on évite de le déguiser ou de le « confondre avec d’autres – en particulier lorsqu’il s’agit de » l’intérêt supérieur de l’enfant : Osun, aux para 23-24.

[54] En l’espèce, et selon le présent dossier, je ne relève aucune erreur de cette nature dans l’analyse des éléments de preuve effectuée par l’agent. L’agent a examiné les principaux facteurs se rapportant à l’intérêt supérieur de V s’il devait demeurer au Canada tels qu’ils ont été soulevés dans la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire de la demanderesse – y compris la relation de V avec son père, sa scolarisation et ses compétences linguistiques, l’accès aux soins de santé, et les amis qu’il s’est faits et les activités auxquelles il participe au Canada.

[55] Il est vrai que les motifs donnés par l’agent en l’espèce renfermaient des expressions semblables à celles contenues dans la décision contestée dans l’affaire Osun. Je conviens toutefois avec le défendeur que les phrases utilisées dans le raisonnement de l’agent sont pertinentes, mais pas nécessairement déterminantes quant au caractère raisonnable de l’appréciation de l’intérêt supérieur de l’enfant en contrôle judiciaire. La question qui se pose est celle de savoir si les motifs de l’agent respectaient les contraintes juridiques ou factuelles ayant une incidence sur la décision, en raison d’une erreur de droit substantielle, d’une méprise fondamentale quant aux éléments de preuve relatifs à l’intérêt supérieur de l’enfant ou d’une omission d’en tenir compte. Après avoir analysé la question, je conclus que le raisonnement de l’agent, essentiellement – lorsqu’on l’examine en fonction des preuves limitées quant à la nature de la relation entre V et son père et des commentaires formulés par la demanderesse au sujet des difficultés auxquelles V serait exposé s’il devait résider en Serbie – tenait compte des observations formulées par la demanderesse, de la lettre du père et des preuves limitées qui restaient au dossier. De plus, l’affaire ne soulève pas les préoccupations quant à la transparence et à la justification qui ont été relevées dans la décision Osun. Selon ce qui est statué dans la décision Osun, l’analyse des difficultés ne peut replacer une analyse légitime de l’intérêt supérieur de l’enfant. La demanderesse n’a pas démontré que l'agent avait commis une erreur de droit substantielle.

[56] De plus, la demanderesse a soutenu que l’agent avait commis une erreur en misant sur la technologie moderne pour le maintien de la relation entre le père et le fils. Elle a affirmé qu’une personne raisonnable ne pouvait certainement pas accepter que le fait de parler à son père au moyen des applications Skype et/ou Zoom ou d’un quelconque moyen électronique équivalait à bénéficier de la présence d’un père dans sa vie, en personne, régulièrement.

[57] L’observation formulée par la demanderesse doit être prise en considération en fonction des motifs donnés par l’agent. Après avoir souligné que la demanderesse pourvoyait principalement aux besoins de V et que celui-ci vivait avec elle. l’agent a admis que V s’ennuierait de son père, et que son père s’ennuierait de lui. Il a ensuite souligné ce qui suit :

[traduction]

« les progrès de la technologie moderne peuvent faire en sorte que [le père] pourra continuer de voir son fils grandir et rester en contact avec lui et avec sa mère ». Bien que la technologie ne puisse remplacer la présence physique d’une personne, je ne dispose pas suffisamment d’éléments de preuve selon lesquels [le père] ne pourra pas, dans une certaine mesure, conserver et entretenir sa relation avec V, à distance, en lui apportant un soutien à partir de l’étranger si la présente demande était rejetée.

[58] L’extrait se poursuit avec une analyse de la capacité des parents d’apporter à V un amour et un soutien constants.

[59] La demanderesse a raison quand elle affirme que, dans plusieurs décisions, la Cour a mis en garde contre l’usage de formulations de type « passe-partout » quant à l’utilisation de la technologie pour atténuer les difficultés découlant de la séparation. La Cour a souligné que le raisonnement au sujet du recours à la technologie doit tenir compte des faits précis de l’affaire relatés dans les éléments de preuve, y compris la relation entre les personnes en cause. Voir la décision Lopez Alvarez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 130, au paragraphe 38; Chamas c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1352, au paragraphe 43; Yu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1236, au paragraphe 30; et mes motifs dans la décision Martinez Mendez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 816, aux paragraphes 38-39 (qui ont été rendus après l’argumentation de la présente demande).

[60] En l’espèce, l’agent n’a pas conclu que le recours à la « technologie moderne » remplacerait la relation entre le père et le fils. Les motifs reconnaissaient expressément que la technologie moderne n’était pas un substitut à la présence physique et qu’elle aiderait le père à maintenir la relation avec V à distance. Dans le contexte du raisonnement de l’agent et du dossier, je ne relève aucune erreur susceptible de contrôle comme le prétend la demanderesse. Je n’ignore pas que l’agent n’a pas poursuivi son raisonnement pour analyser l’utilisation de la technologie du point de vue de V. Après avoir réfléchi et avoir examiné les motifs donnés dans la décision A.B., j’estime que cette omission, dans les circonstances de la présente affaire qui ont été abordées précédemment, ne constitue pas une erreur fondamentale quant au raisonnement de l’agent qui justifie l’annulation de la décision dans son ensemble : Vavilov, au para 100.

V. Conclusion

[61] Par conséquent, la demande est rejetée. Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question aux fins de la certification, et aucune ne sera énoncée.


JUGEMENT dans le dossier IMM-2733-20

LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit :

  1. La demande est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée aux fins d’un appel en vertu de l’alinéa 74d) de la LIPR.

« Andrew D. Little »

Juge

Traduction certifiée conforme

Line Niquet, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2733-20

 

INTITULÉ :

BRANKA VUJICIC c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 MARS 2022

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE A.D. LITTLE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 21 NOVEMBRE 2022

 

COMPARUTIONS :

Wennie Lee

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Brad Bechard

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Wennie Lee

Lee & Company

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

 

Brad Bechard

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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