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Date: 20221118


Dossier : IMM-5988-21

Référence : 2022 CF 1583

Ottawa (Ontario), le 18 novembre 2022

En présence de l’honorable monsieur le juge McHaffie

ENTRE :

SHERSAHIB SINGH

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Shersahib Singh sollicite le contrôle judiciaire d’une décision de la décision de la Section d’appel des réfugiés (SAR), qui a rejeté sa demande d’asile pour des motifs de crédibilité.

[2] Malgré la déférence qui doit être accordée aux appréciations en matière de crédibilité, je conclus que la SAR a commis des erreurs d’analyse matérielles dans le cadre de ses conclusions concernant la crédibilité qui requièrent l’annulation de sa décision. Plus précisément, la SAR a apprécié la crédibilité de M. Singh relativement à une question centrale, à savoir son allégation portant que son frère avait disparu après avoir été menacé par des groupes militant en faveur de l’indépendance du Punjab, sans prendre en compte les éléments de preuve corroborant ses dires sur la question, et a ensuite rejeté ces mêmes éléments au motif que la conclusion relative à la crédibilité de M. Singh avait déjà été tirée. La SAR a aussi erré en tirant des inférences défavorables au sujet de la crédibilité de M. Singh parce qu’il n’avait pas obtenu de preuves documentaires corroborantes de la police, sans expliquer adéquatement pourquoi elle jugeait raisonnable que M. Singh obtienne de tels éléments d’un des agents de persécution mêmes duquel il avait besoin d’être protégé selon lui.

[3] Je conclus aussi que, contrairement aux arguments du ministre, la SAR n’a pas prononcé une décision déterminante au sujet de l’existence d’une possibilité de refuge intérieure (PRI) en Inde. Par conséquent, les observations de la SAR au sujet d’une PRI ne rendent pas les erreurs d’analyse concernant la crédibilité de M. Singh non-déterminantes.

[4] Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie et l’affaire renvoyée à la SAR pour nouvelle décision.

II. Questions en litige

[5] La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

  1. La SAR a-t-elle tiré une conclusion déterminante au sujet de l’existence d’une PRI?

  2. La SAR a-t-elle erré dans ses conclusions au sujet de la crédibilité de M. Singh?

III. Analyse

A. La SAR n’a pas tiré une conclusion déterminante au sujet de l’existence d’une PRI

[6] Cette question découle non pas de la demande de M. Singh elle-même, mais de la réponse qu’y a faite le ministre. Il soutient que les observations de la SAR concernant l’existence d’une PRI sont déterminantes pour la demande, puisque l’existence d’une PRI est suffisante pour rejeter une demande d’asile: Sanabria Osuna c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 588, au para 15; Barragan Gonzalez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 502 aux paras 45–46.

[7] Je conviens avec le ministre que si la SAR avait bel et bien conclu que M. Singh dispose d’une PRI, cela serait suffisant pour disposer de la présente demande, puisque M. Singh n’a pas attaqué les motifs de SAR concernant la PRI. Cependant, pour les motifs exposés ci-dessous, je conclus que la SAR n’a pas tiré de conclusion déterminante en ce qui concerne la question de la PRI. Sur cette question, où il s’agit de savoir si la SAR a tiré une conclusion concernant la PRI et qui ne concerne pas la justification de cette conclusion, aucune norme de contrôle n’est applicable.

[8] La Section de la protection des réfugiés (SPR) a rejeté la demande d’asile de M. Singh, concluant que les principales questions en jeu étaient celles de sa crédibilité et de l’existence d’une PRI. En ce qui concerne la première question, la SPR a relevé un certain nombre de questions de crédibilité relatives à la demande de M. Singh et à son témoignage, et a conclu, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’avait pas été persécuté comme il l’avait allégué. Puis, la SPR a conclu, subsidiairement, que même si elle avait conclu que les allégations de M. Singh étaient crédibles, il disposait d’une PRI à Bangalore, Chandigarh, ou Delhi.

[9] Par son appel devant la SAR, M. Singh a attaqué tant les conclusions de la SPR concernant sa crédibilité que sa conclusion portant qu’il disposait d’une PRI. En ce qui concerne la PRI, M. Singh a présenté de longues observations écrites soulevant plusieurs arguments fondés sur des preuves concernant les conditions du pays et ses allégations de persécution.

[10] Au début de sa décision, la SAR a noté que la SPR avait fondé sa décision à la fois sur la crédibilité de M. Singh et, subsidiairement, sur l’existence d’une PRI. La SAR a alors observé que [traduction] « devant la [SAR], seule la question de la crédibilité de M. Singh sera discutée » [je souligne].

[11] Dans un seul paragraphe à la fin de sa décision, la SAR est brièvement revenue sur la question de la PRI, et fait les observations suivantes :

Je conclus qu’il n’est pas nécessaire d’examiner la portion de la décision de la SPR portant sur la question de la PRI. Il suffit de dire que, après avoir examiné l’analyse et les conclusions de la SPR à ce sujet ainsi que les observations du demandeur en appel, je crois que la SPR a correctement conclu que le demandeur disposerait d’une PRI dans les trois villes, vu qu’il n’a pas démontré que son profil inciterait les autorités policières de ces villes à informer les autorités policières du Punjab de sa présence. En ce qui concerne cette question, je voudrais ajouter que le demandeur n’a pas fait état de problèmes lors de son embarquement pour son vol international pour se rendre au Canada avec son propre passeport alors qu’il ressort des preuves objectives que, s’il avait figuré dans une banque de données de la police ou sur une liste de personnes recherchées, il aurait probablement été repéré par les autorités, surtout qu’il était censé avoir été qualifié de terroriste.

[Traduction; je souligne.]

[12] Le ministre soutient que, même si elle avait déclaré qu’elle ne discuterait pas la question et qu’il n’était pas nécessaire d’« examiner » la partie de la décision de la SPR portant sur la PRI, la SAR a néanmoins tiré une conclusion déterminante sur la question de la PRI.

[13] Je rejette cette thèse. Si l’on considère la décision de la SAR dans son ensemble, et si l’on tient pour acquis sa déclaration précise portant qu’elle ne discuterait pas la question de la question de la PRI et que cela n’était pas nécessaire, je ne puis interpréter les commentaires de la SAR suivant la formule « il suffit de dire » comme constituant une décision rejetant les diverses attaques de M. Singh dirigées contre la conclusion de la SPR concernant la question de la PRI. Il semble plutôt que l’intention de la SAR était simplement de faire état d’observations incidentes après avoir prononcé sa décision sur la seule question déterminante qu’elle allait trancher, comme elle l’avait annoncé.

[14] La SAR aurait compris que, afin de rendre une décision déterminante concernant la question de la PRI, elle aurait été tenue d’examiner raisonnablement et de discuter les arguments de M. Singh au sujet des éléments de preuve au dossier ainsi que les motifs de la SPR d’une manière montrant que sa décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 99, 125–128. Les brefs commentaires de la SAR annoncés par la formule « il suffit de dire », faits après avoir déclaré qu’elle ne discuterait pas la question, peuvent être contrastés avec l’approche de la SAR en ce qui concerne la question sur laquelle elle s’est bel et bien prononcée, à savoir celle de la crédibilité, où les arguments de M. Singh sur les preuves pertinentes et les conclusions de la SPR ont alors été examinés en détail.

[15] Il était loisible à la SAR de conclure que la crédibilité de M. Singh était la question déterminante et qu’elle ne se prononcerait que sur cette seule question. Il était aussi loisible à la SAR d’examiner tant la question de la crédibilité de M. Singh que celle de la PRI, et de rendre une décision sur ces deux questions, comme l’a fait la SPR. Je suis d’avis que les motifs de la SAR, lus dans leur ensemble, montrent qu’elle a retenu la première approche. Par contre, il n’aurait pas été raisonnablement loisible à la SAR de rendre une décision raisonnée sur la question de la crédibilité de M. Singh, puis de simplement rejeter ses arguments sur la question de la PRI avec une simple allusion portant qu’elle les avait examinés. Pourtant, telle est l’approche que le ministre attribue à la SAR. Je suis d’avis que le ministre ne peut se fier à ce genre d’observations non-analysées de la SAR et y voir une décision concernant la question de la PRI, notamment vu que la SAR a expressément dit qu’elle ne l’examinerait pas.

[16] Par conséquent, la décision de la SAR, et la présente demande de contrôle judiciaire, dépendent des conclusions de la SAR relatives à la crédibilité de M. Singh dans le cadre de sa demande d’asile.

B. La SAR a erré dans ses conclusions concernant la crédibilité de M. Singh

(1) Norme de contrôle

[17] La deuxième question va au fond de la décision de la SAR et elle est donc examinée selon la norme de la décision raisonnable: Vavilov aux para 16–17, 23–25. Lorsqu’il se livre à un examen selon cette norme, le juge ne remet pas en question des conclusions de fait, notamment en matière de crédibilité, sauf circonstances exceptionnelles: Vavilov au para 125. Néanmoins, les conclusions en matière de crédibilité, comme les autres conclusions de fait, sont susceptibles d’examen et sont annulées lorsqu’elles ne sont pas raisonnables : Kreishan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CAF 223 au para 46; N’kuly c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1121 aux para 21–24; Vavilov au para 126. Une conclusion en matière de crédibilité peut être déraisonnable lorsque, par exemple, elle est tirée sans explications, elle n’est pas justifiée par la preuve, elle repose sur des incohérences insignifiantes, elle minimise des explications de manière déraisonnable, ou elle ne tient pas compte de renseignements pertinents : Kreishan au para 46; N’kuly au para 24; Cooper c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 118 au para 4; Vavilov au para 126.

(2) Les conclusions de la SAR en matière de crédibilité

[18] La demande d’asile de M. Singh était fondée sur des menaces proférées par des militants Sikh, les mauvais traitements infligés par la police au Punjab, et sa crainte de persécution de la part de la police et des militants s’il rentrait en Inde. La trame de fond du récit de M. Singh était la disparition de son frère aîné en 2017. Ce dernier aurait été employé comme conducteur d’autobus et approché par des militants qui voulaient qu’il transporte des armes. Lorsqu’il a refusé, ces militants l’ont menacé puis enlevé en avril 2017. La police locale n’a pris aucune mesure à la suite des déclarations de la famille, ayant apparemment conclu que le frère avait rejoint les militants.

[19] À la suite de cet événement, M. Singh dit qu’il a reçu plusieurs appels lui demandant de rejoindre ces militants. M. Singh fut à une occasion menacé de subir le même sort que son frère. Lorsque M. Singh et son père ont déclaré ces menaces à la police en juillet 2017, elle a détenu et questionné M. Singh puisqu’elle voulait qu’il avoue que son frère coopérait avec les militants. M. Singh a continué de recevoir des appels de menaces. Il a déménagé à New Delhi, obtenu un visa d’étudiant pour le Canada avec l’aide d’un agent, et a quitté l’Inde le 29 janvier 2018. Il dit que ses parents ont régulièrement reçu des visites de la police et été harcelés par elle puisqu’elle accuse M. Singh et son frère d’avoir rejoint les militants.

[20] La SAR a soulevé plusieurs problèmes en ce qui concerne la crédibilité de M. Singh : son manque de connaissances détaillées au sujet des militants exacts qui auraient enlevé et menacé son frère; une contradiction entre sa demande de permis d’étudier et son récit puisque sa demande qualifiait le frère d’agriculteur tandis que selon lui, son frère était conducteur d’autobus; et il y avait l’absence de corroboration quant à la disparition de son frère.

[21] Pour les motifs exposés ci-dessous, je conclus que les conclusions de la SAR concernant la crédibilité de M. Singh sont entachées d’erreurs d’analyse matérielles qui rendent sa décision déraisonnable.

(3) La SAR n’a pas examiné les preuves corroborantes concernant la disparition du frère de M. Singh, ce qui était déraisonnable

[22] La SAR a d’abord erré en n’examinant pas les preuves qui ont été produites afin de corroborer la disparition du frère, puis en rejetant ces preuves en se fondant sur une inférence défavorable tirée de la prétendue absence de corroboration.

[23] M. Singh a rendu son propre témoignage au sujet de la disparition de son frère. Il a aussi produit des lettres notariées de son père et de sa soeur, ainsi qu’un affidavit du Sarpanch du village, un officiel local. La lettre de son père déclare que son fils aîné a disparu et que la police l’accusait d’avoir rejoint les militants. De même, la lettre de sa soeur indique aussi que son frère aîné avait disparu. Le Sarpanch affirme qu’il connaissait bien le père et qu’il savait que son fils aîné avait disparu en avril 2017.

[24] Cependant, la SAR n’a fait aucune référence à ces éléments de preuve lorsqu’elle a critiqué le manque de corroboration de M. Singh en ce qui concerne la disparition de son frère. Elle a plutôt retenu la conclusion de la SPR portant que M. Singh [traduction] « n’avait produit aucune preuve corroborant la disparition de son frère » et a conclu que la SPR avait correctement tiré une inférence défavorable au sujet de la crédibilité de M. Singh sur le fondement de [traduction] « l’absence de corroboration concernant la disparition ou la mort alléguées de son frère ». Une conclusion de fait, incluant en matière de crédibilité, qui fait abstraction de preuves pertinentes est déraisonnable : Vavilov au para 126; Kreishan au para 46. La conclusion de la SAR en ce qui concerne la crédibilité de M. Singh, et conséquemment la conclusion qu’il n’avait pas établi la disparition de son frère, a été tirée sans qu’il ait été fait référence aux preuves corroborantes pertinentes.

[25] Cette erreur s’est aggravée lorsque la SAR a ultérieurement fait référence aux trois déclarations dans son examen de la question de la crainte de M. Singh visant la police. En examinant cette question, la SAR a noté que [traduction] « les affidavits du Sarpanch du village, ainsi que ceux des membres de la famille, ne font que répéter ses allégations qui ont déjà été minées par des questions de crédibilité et l’on ne peut donc leur donner quelque poids que ce soit ». Ce raisonnement a fait en sorte que la SAR a tiré une conclusion défavorable sur le plan de la crédibilité de M. Singh au motif d’absence de preuve corroborante, et elle a ensuite rejeté les preuves corroborantes mêmes qui avaient été avancées au motif qu’il y avait eu une conclusion défavorable sur le plan de la crédibilité.

[26] Ce genre de raisonnement circulaire montre l’absence de « raisonnement intrinsèquement cohérent » qui entache le caractère raisonnable de la décision en cause : Vavilov aux para 102–104. Il est aussi contraire au concept fondamental de preuve corroborante, qui va dans le sens du témoignage du demandeur ou le confirme. Comme le juge Gascon l’a judicieusement observé à l’occasion de l’affaire Vall, « [l]e fait de tirer une conclusion quant à la crédibilité et d’examiner ensuite les éléments de preuve présentés pour corroborer le récit d’un demandeur d’asile aurait pour effet de contourner la raison d’être de la preuve corroborante, qui consiste précisément à appuyer le récit » : Vall c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1057 au para 31. Par conséquent, la SAR doit examiner la preuve documentaire appuyant le récit du demandeur avant de tirer une conclusion sur sa crédibilité, plutôt que de tirer une conclusion sur sa crédibilité sans examiner la preuve corroborante, et rejeter cette dernière en conséquence: Vall au para 31, citant Ren c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1402 au para 25 et Chen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 311 au para 20.

[27] Il est aussi difficile de comprendre le rejet par la SAR de la preuve corroborante qui ne [traduction] « ferait que répéter » les allégations de M. Singh. Il est vrai que les déclarations reprennent certaines informations qui ont dû émaner de M. Singh, mais elles comprennent aussi des témoignages directs de personnes ayant des connaissances personnelles. Cela inclut les déclarations du père et de la soeur au sujet de la disparition du frère, dont ils auraient une connaissance personnelle, ainsi que les déclarations du père concernant ses interactions au poste de police. Ces témoignages ne reprennent pas les déclarations de M. Singh, et le fait que ces preuves corroborantes sont cohérentes avec le témoignage de M. Singh ne peut constituer un motif de rejet.

[28] Il est possible, comme le soutient le ministre, que la remarque de la SAR concernant une « absence de corroboration » était censée viser l’absence de documentation officielle ou « indépendante » comme [traduction] « un rapport de police, un rapport concernant une personne disparue ou une déclaration faite dans le cadre de l’enquête. » Même si tel est le cas, la SAR ne pouvait simplement ignorer les autres preuves corroborantes avancées lorsqu’elle a apprécié le témoignage de M. Singh ou sa crédibilité. De toute manière, comme il est discuté dans la section suivante, la SAR n’a donné aucune raison convaincante pour sa conclusion portant que M. Singh aurait pu obtenir des rapports de la police même si elle était désignée comme l’un des agents de persécution, qui avait détenu M. Singh et l’avait accusé de collaborer avec des militants.

(4) La conclusion de la SAR portant que M. Singh n’avait pas expliqué pourquoi elle n’avait pas obtenu de preuves corroborantes de la police était déraisonnable

[29] La SPR a conclu que [traduction] « l’on se serait raisonnablement attendu à voir un rapport de police, un rapport concernant une personne disparue ou la déclaration du père faite dans le cadre de l’enquête » en ce qui concerne la disparition du frère. En appel, M. Singh a souligné la présence d’autres preuves corroborantes, soulevées plus haut, et noté qu’il lui aurait été difficile d’obtenir des documents de la police vu les problèmes qu’il avait eus avec elle.

[30] La SAR a reconnu qu’elle ne pouvait exiger des preuves corroborantes que si l’on pouvait raisonnablement penser qu’elles seraient disponibles, citant la décision du juge Grammond à l’occasion de l’affaire Senadheerage c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 968 au para 36. Néanmoins, la SAR a conclu que [traduction] « même si les rapports de la famille avec la police étaient tendus, la SPR a correctement conclu qu’il était raisonnable de la part de [M. Singh] de produire des preuves indépendantes à l’appui de la disparition alléguée de son frère ». Outre cette simple affirmation, la SAR n’a donné aucune raison à l’appui de sa conclusion portant qu’il était raisonnable de la part de M. Singh d’obtenir des documents de l’agent de persécution même si, selon ses dires, celui-ci l’a illégalement détenu, l’accuse d’être un terroriste, et continue à harceler ses parents. Cette seule phrase de la SAR n’est rien d’autre qu’une conclusion sans analyse. On n’y trouve pas les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité : Vavilov au para 99.

IV. Conclusion

[31] Les conclusions exposées plus haut n’étaient pas les seuls problèmes que la SAR a soulevés au sujet de la crédibilité de M. Singh. Cependant, je suis d’avis qu’elles étaient suffisamment au cœur de son appréciation de la crédibilité de M. Singh, et donc de sa conclusion portant qu’il n’avait pas établi les allégations fondamentales de sa demande d’asile; cela entache le caractère raisonnable de la décision dans son ensemble : Vavilov au para 100. Il n’est donc pas nécessaire d’examiner les autres arguments de M. Singh concernant les motifs de la SAR.

[32] La demande de contrôle judiciaire est donc accueillie et l’appel M. Singh est renvoyé à la SAR pour une nouvelle décision. Aucune partie ne propose de question à certifier, et à mon avis, l’affaire n’en soulève aucune.

[33] Une dernière chose, et du consentement des parties, l’intitulé de la présente affaire sera modifié afin d’identifier le demandeur sous le nom de Shersahib Singh.


JUGEMENT au dossier IMM-5988-21

LA COUR DÉCIDE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’appel de M. Singh est renvoyé à la Section d’appel des réfugiés pour une nouvelle décision par une formation différemment constituée.

  2. L’intitulé de la présente affaire est modifié afin d’identifier le demandeur sous le nom de Shersahib Singh.

« Nicholas McHaffie »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5988-21

 

INTITULÉ :

SHERSAHIB SINGH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AFFAIRE ENTENDUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 8 JuIN 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MCHAFFIE

 

DATE DES MOTIFS :

Le 18 novembre 2022

 

COMPARUTIONS :

Sohana Sara Siddiky

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Thi My Dung Tran

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Blain Avocats

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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