Date : 20221110
Dossier : IMM-1834-22
Référence : 2022 CF 1541
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Toronto (Ontario), le 10 novembre 2022
En présence de madame la juge Go
ENTRE :
|
ABDUL SALAM ABDUL HAMID
|
demandeur
|
et
|
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
|
défendeur
|
JUGEMENT ET MOTIFS
I. Aperçu
[1] M. Abdul Salam Abdul Hamid [le demandeur], un citoyen afghan, sollicite le contrôle judiciaire de la décision datée du 2 février 2022 par laquelle la Section de la protection des réfugiés [la SPR] a conclu à un constat de perte de l’asile [la décision contestée].
[2] En 2001, le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés a conclu que le demandeur était un réfugié au sens de la Convention. Le 7 août 2006, le demandeur s’est vu accorder le statut de réfugié par la mission canadienne à l’étranger de Moscou. Il est devenu résident permanent au Canada en novembre 2006 et a déménagé au Canada avec Fahima Aziz, son épouse, et leurs trois enfants.
[3] En 2007, un médecin en Colombie-Britannique a diagnostiqué chez Mme Aziz une maladie en phase terminale et ne lui donnait que deux mois à vivre. Accompagnée par le demandeur, Mme Aziz est allée en Ouzbékistan en 2008, en passant par l’Afghanistan, pour chercher à obtenir un traitement. Le couple est demeuré en Ouzbékistan pendant trois mois. Mme Aziz est décédée le 24 novembre 2012 à Burnaby (Colombie-Britannique).
[4] Entre 2008 et 2016, le demandeur a effectué six voyages en Afghanistan en utilisant son passeport de la République d’Afghanistan [le passeport afghan], qu’il a renouvelé afin d’en assurer la validité pour ces voyages. Il a également obtenu un permis de conduire afghan à Mazar-e-Charif lors de l’un de ces voyages. Pendant qu’il était en Afghanistan, il logeait dans des hôtels situés à différents lieux, qui étaient gardés par les forces de l’Allemagne ou de l’OTAN pour des raisons de sécurité.
[5] Le 29 janvier 2018, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration [le ministre] a présenté une demande fondée sur l’alinéa 108(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR] en vue de mettre fin à l’asile accordé au demandeur [la demande de constat de perte de l’asile]. La SPR a conclu que le demandeur s’était réclamé de nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité, l’Afghanistan, et a accueilli la demande de constat de perte de l’asile présentée par le ministre.
[6] La décision contestée a été rendue avant que la Cour d’appel fédérale [la CAF] ne rende l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Galindo Camayo, 2022 CAF 50 [Camayo].
[7] La SPR n’a pas adéquatement examiné tous les facteurs nécessaires énumérés par la CAF dans l’arrêt Camayo avant de conclure que le demandeur n’avait pas réfuté la présomption selon laquelle il s’était réclamé de nouveau et volontairement de la protection de l’Afghanistan aux termes de l’alinéa 108(1)a) de la LIPR. Par conséquent, je conclus que la décision contestée était déraisonnable.
II. Question en litige et norme de contrôle
[8] La seule question en litige est celle de savoir si la décision contestée était déraisonnable compte tenu du critère juridique applicable relatif au fait de se réclamer de nouveau de la protection du pays de nationalité dans le contexte d’un constat de perte de l’asile.
[9] Les parties conviennent que la décision contestée est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.
[10] La norme de la décision raisonnable est une norme de contrôle fondée sur la déférence, mais elle est rigoureuse : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] aux para 12-13. La cour de révision doit déterminer si la décision contestée est transparente, intelligible et justifiée, et ce, tant du point de vue du raisonnement sous-jacent que du résultat : Vavilov, au para 15). Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti : Vavilov, au para 85. La question de savoir si une décision est raisonnable dépend du contexte administratif qui lui est propre, du dossier dont le décideur est saisi et de l’incidence de la décision sur les personnes qui en subissent les conséquences : Vavilov, aux para 88-90, 94 et 133-135.
III. Analyse
[11] Les dispositions pertinentes sont les paragraphes 108(1) et (3), l’alinéa 46(1)c.1) et le paragraphe 40.1(1) de la LIPR, qui figurent à l’annexe A.
[12] Comme il a été mentionné précédemment, la décision contestée a été rendue avant que la CAF ne rende l’arrêt Camayo. Bien malgré elle, la SPR ne bénéficiait d’aucune directive de la CAF. Le défendeur convient que Camayo est l’arrêt de principe en ce qui concerne les décisions emportant perte de l’asile. Cependant, selon le défendeur, l’arrêt Camayo n’appelle pas à la refonte totale de la manière dont sont examinées les affaires ayant trait à un constat de perte de l’asile. En effet, le critère à trois volets relatif aux constats de perte de l’asile – la volonté, l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays dont le réfugié a la nationalité et l’obtention effective de cette protection réclamée de nouveau – demeure intact. En l’espèce, le défendeur soutient que la SPR a entrepris l’analyse nécessaire et a évalué la preuve de façon raisonnable.
[13] Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que l’arrêt Camayo n’invalide pas le critère que les tribunaux doivent employer pour évaluer les affaires ayant trait à un constat de perte de l’asile, mais je ne suis pas d’accord pour dire que l’arrêt Camayo ne fait qu’appeler à l’utilisation d’une approche plus « nuancée »
lors de l’examen de la preuve.
[14] Selon moi, l’arrêt Camayo représente un développement considérable du droit relatif aux constats de perte de l’asile, car il établit un ensemble de facteurs clairement énoncés, quoique non exhaustifs, que les décideurs doivent évaluer pour déterminer si une personne s’est réclamée de nouveau de la protection du pays dont elle a la nationalité et si cette présomption peut être réfutée.
[15] La jurisprudence confirme que, lorsqu’un réfugié a obtenu ou renouvelé un passeport du pays qu’il a fui, il y a présomption que le réfugié avait l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays en question. Il y a par ailleurs présomption que le réfugié a obtenu la protection effective de ce pays s’il a utilisé ce passeport pour voyager. On qualifie cette présomption de « particulièrement forte »
lorsque le réfugié se sert de ce passeport pour se rendre dans son pays d’origine : Seid c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1167 [Seid] au para 14.
[16] La présomption selon laquelle la personne se réclame de nouveau de la protection du pays dont elle a la nationalité peut être réfutée. La question que la SPR est souvent appelée à trancher dans les demandes de constat de perte de l’asile est celle de savoir si cette présomption a été réfutée. Avant l’arrêt Camayo, la jurisprudence semblait supposer qu’il existe des circonstances limitées dans lesquelles un réfugié peut réfuter cette présomption. Dans la décision Seid, sur laquelle s’est fondée la SPR dans la décision contestée, la Cour avait conclu que, pour réfuter cette présomption, le réfugié devait prouver que le voyage avait été rendu nécessaire en raison de circonstances exceptionnelles : Seid, au para 15, renvoyant à la décision Abadi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 29 au para 18.
[17] Selon moi, l’arrêt Camayo a pour effet d’élargir l’ensemble des circonstances que doivent examiner les décideurs pour évaluer si la présomption selon laquelle une personne se réclame de nouveau de la protection de son pays de nationalité a été réfutée. Plutôt que de se limiter à la question de savoir si des circonstances exceptionnelles ont amené le réfugié à faire le ou les voyages en question, la CAF a dressé une liste de facteurs dont les décideurs doivent tenir compte, au minimum, pour déterminer s’il y a réfutation de cette présomption : Camayo, au para 84. Comme l’a expliqué la CAF,
[a]ucun facteur individuel ne sera nécessairement déterminant, et tous les éléments de preuve relatifs à ces facteurs doivent être examinés et équilibrés afin de déterminer si les actions de la personne sont telles qu’elles ont permis de réfuter la présomption selon laquelle elle s’est réclamée de nouveau de la protection de son pays de nationalité.
[18] Contrairement à la prétention du défendeur selon laquelle la SPR n’a pas à examiner tous les facteurs énoncés dans l’arrêt Camayo puisqu’« aucun facteur individuel n’est déterminant »
, la CAF a clairement précisé que la SPR doit tenir compte de tous les éléments de preuve liés aux facteurs énumérés au paragraphe 84.
[19] En l’espèce, la SPR a tout simplement omis de le faire.
[20] Après application du critère à trois volets pour les constats de perte de l’asile, la SPR a conclu que les actions du demandeur relativement à ses six voyages en Afghanistan étaient volontaires, même si elle a reconnu que le premier voyage, et possiblement le deuxième, était lié à la recherche de traitements médicaux pour son épouse en Ouzbékistan.
[21] En ce qui concerne l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays dont le demandeur a la nationalité, la SPR a conclu qu’il y avait renversement du fardeau de la preuve, car le demandeur a obtenu le renouvellement de son passeport afghan. En l’absence d’une preuve contraire, la SPR a conclu qu’il y avait présomption que le demandeur avait eu l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité : Seid, au para 14.
[22] Enfin, en ce qui concerne le fait de se réclamer de nouveau de la protection du pays de nationalité, la SPR a souligné que le réfugié est présumé avoir effectivement obtenu la protection de son pays de nationalité dès lors que le ministre établit qu’il a utilisé son passeport pour voyager : Seid, au para 14. La SPR a conclu que cette présomption n’était pas réfutée, car le demandeur a voyagé vers l’Afghanistan muni de son passeport afghan.
[23] La SPR a rendu la conclusion suivante et a accueilli la demande de constat de perte de l’asile présentée par le ministre :
À la lumière de tous les éléments de preuve à ma disposition, dont une copie du passeport et la preuve des six voyages en Afghanistan, je conclus que le bien-fondé de la demande que le ministre a présentée au titre de l’alinéa 108(1)a) a été entièrement établi. Je conclus que l’intimé ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de montrer qu’il n’avait pas l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de l’Afghanistan. Je conclus donc qu’il s’est réclamé de nouveau et volontairement de la protection du pays dont il a la nationalité. La demande présentée par le ministre au titre de l’alinéa 108(1)a) de la LIPR est donc accueillie, et la perte de l’asile de l’intimé est constatée.
[24] Le demandeur souligne certains facteurs mentionnés dans l’arrêt Camayo dont la SPR n’a pas tenu compte dans la décision contestée. Il n’est pas nécessaire que j’examine toutes ces erreurs invoquées. Je me concentrerai plutôt sur les trois erreurs suivantes :
La SPR n’a pas évalué l’état des connaissances du demandeur en ce qui concerne les dispositions relatives aux constats de perte de l’asile
[25] Nulle part dans la décision contestée la SPR n’a évalué les connaissances du demandeur en ce qui concerne les dispositions relatives aux constats de perte de l’asile ou sa compréhension des conséquences qu’entraînerait le renouvellement du passeport afghan. Le plus près que la SPR est venue d’examiner ce facteur est énoncé aux paragraphes 29 et 30 de cette décision, où la SPR a déclaré :
[29] Il faut évaluer l’intention ou la motivation pour établir si le passeport a été obtenu dans le but de bénéficier de la protection des autorités. L[e] [demandeur] soutient avoir choisi de renouveler le passeport afghan et de retourner dans le pays dont il a la nationalité parce que le titre de voyage canadien qui lui a été délivré l’empêchait d’aller en Afghanistan. Il a déclaré que son intention n’avait jamais été de s’établir de façon permanente en Afghanistan après avoir obtenu la résidence permanente au Canada.
[30] J’accepte le fait que l[e] [demandeur] n’a jamais eu l’intention de retourner vivre en Afghanistan pour de bon, mais ce n’est pas le critère en cause. Les demandes de délivrance ou de prorogation de passeports nationaux supposent normalement l’intention d’une personne de confier la protection de ses intérêts au pays dont elle a la nationalité, ou de rétablir des relations normales avec celui-ci. Il est mentionné au paragraphe 35 de la décision Maqbool c. Canada (2016 CF 1146) que ce genre d’actions indique qu’une personne « avait forcément l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de son pays en sollicitant un passeport auprès des autorités […], car un titre de voyage canadien ne lui aurait pas permis de retourner dans son pays d’origine ». J’estime que le raisonnement dans l’affaire Maqbool est directement applicable à la présente affaire, où l[e] [demandeur] a non seulement renouvelé le passeport afghan en question, comme dans l’affaire Maqbool, mais il est ensuite allé à six reprises dans le pays dont il a la nationalité au moyen de ce passeport.
[26] Selon le demandeur, la question de savoir s’il comprenait que ses voyages en Afghanistan pouvaient entraîner la perte de la protection que lui offrait son statut de résident permanent au Canada n’a été soulevée nulle part. Après examen du dossier, y compris de la transcription de l’audience de la SPR, je suis d’accord.
[27] Il semble que la SPR ait concentré son analyse sur l’acte de renouvellement du passeport afghan par le demandeur, sans jamais chercher à savoir si ce dernier connaissait les conséquences de son acte. La SPR ne disposait d’aucune preuve que le demandeur avait été avisé, encore moins qu’il comprenait, que la présentation d’une demande de renouvellement de son passeport afghan lui faisait courir le risque de perdre la protection que lui confère son statut de résident permanent au Canada. Mon examen de la transcription confirme que cette question n’a jamais été soulevée à l’audience devant la SPR.
[28] Le défaut de la SPR de procéder à l’analyse de la connaissance du demandeur des dispositions relatives aux constats de perte de l’asile a donné lieu à une erreur, laquelle a été aggravée par l’erreur qu’elle a commise en examinant le témoignage du demandeur au sujet de sa crainte en Afghanistan. La SPR a conclu, au paragraphe 31, que :
[31] L[e] [demandeur] a déclaré ne pas être retourné à Herat, où vivait son père et où il a connu des circonstances de persécution impérieuses qui l’ont forcé à fuir l’Afghanistan. Il a affirmé qu’il demeurait à Mazar-e-Charif et qu’il logeait à des hôtels où patrouillaient des forces de l’OTAN ou de l’Allemagne et gardés par celles-ci. J’estime cependant que ce genre de comportement ne cadre pas avec une crainte subjective de persécution. J’accepte l’observation du conseil du ministre selon laquelle une personne qui aurait une crainte subjective de persécution ne retournerait pas en Afghanistan, son pays d’origine, à six reprises pour de longues périodes.
[29] Je ne comprends pas bien en quoi le fait de loger dans des hôtels gardés par les forces de l’OTAN « ne cadre pas avec une crainte subjective de persécution ».
[30] Plus important encore, je suis d’accord avec le demandeur pour dire que, vu l’absence toute de conclusion quant à la crédibilité de son témoignage sur sa crainte en Afghanistan, la SPR a conclu de manière déraisonnable que le comportement du demandeur était incompatible avec une crainte subjective de persécution.
[31] En tirant cette conclusion déraisonnable sans aucune analyse de la compréhension qu’avait le demandeur des conséquences du renouvellement et de l’utilisation du passeport afghan, la SPR a omis d’examiner l’état des connaissances du demandeur en ce qui concerne les dispositions relatives aux constats de perte de l’asile, tel que l’exige l’arrêt Camayo.
La SPR n’a pas tenu compte des attributs du demandeur, comme son âge, son niveau de scolarité et son degré de discernement
[32] La SPR disposait d’éléments de preuve qui indiquaient que le demandeur avait un niveau de scolarité très faible, souffrait de dépression et d’anxiété depuis le décès de son épouse, et recevait des traitements pour ces problèmes de santé. En fait, en raison de ses multiples problèmes de santé, le demandeur a été considéré comme une personne handicapée en 2018 par la province de la Colombie-Britannique afin qu’il puisse recevoir une aide financière et médicale.
[33] À l’audience devant la SPR, le demandeur a également déclaré que, après le décès de son épouse et le meurtre de son père, la pression qu’il ressentait était telle que sa mémoire a été affectée.
[34] Dans la décision contestée, aucune mention n’est faite des problèmes de santé du demandeur. Ce dernier soutient, et je suis d’accord, que ses attributs personnels sont pertinents pour l’évaluation de son intention de se réclamer de nouveau de la protection de son pays de nationalité. En particulier, ses problèmes de santé et sa faible scolarité pourraient avoir eu une incidence sur sa compréhension des conséquences des actions qui ont mené à la perte de sa protection au Canada. Le défaut de la SPR d’évaluer ces attributs et leurs conséquences sur l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays de nationalité constitue une autre erreur susceptible de révision.
La SPR n’a pas tenu compte de la gravité des conséquences pour le demandeur
[35] Tant le paragraphe 84 de l’arrêt Camayo que les paragraphes 133 à 135 de l’arrêt Vavilov obligent les décideurs à tenir compte de la gravité des conséquences de leurs décisions. Dans le contexte d’une demande de constat de perte de l’asile, les conséquences sont graves. Comme je l’ai mentionné au paragraphe 39 de la décision Omer c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2022 CF 1295, une conclusion selon laquelle le demandeur s’est réclamé de nouveau et volontairement de la protection de son pays de nationalité n’entraînera pas seulement la perte de son statut de réfugié au sens de la Convention, mais aussi la perte de son statut de résident permanent au Canada.
[36] Comme l’a expliqué la CAF dans l’arrêt Camayo :
[51] En l’espèce, la gravité de l’impact de la décision de la SPR sur Mme Galindo Camayo accroît le devoir de la SPR d’expliquer sa décision. Plus précisément :
a) La perte du statut de réfugié ou de personne protégée a incontestablement de graves conséquences pour la personne concernée et les personnes comme elle, et les changements législatifs ont rendu ces conséquences plus sévères au cours de la dernière décennie. Par le passé, les personnes protégées qui sont devenues des résidents permanents et qui ont ensuite fait l’objet de constat de la perte de l’asile ont pu conserver leur statut de résident permanent au Canada. Cependant, avec les changements apportés par la Loi visant à protéger le système d’immigration du Canada, L.C. 2012, ch. 17, art. 18 et 19, ce n’est plus le cas.
b) De plus, un constat de la perte de l’asile ne peut pas faire l’objet d’un appel devant la Section d’appel de l’immigration ou la Section d’appel des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (para. 63(3) et 110(2) de la LIPR). Les personnes dont l’asile a pris fin ne peuvent pas non plus demander un examen des risques avant renvoi ou faire une demande de résidence permanente pour des motifs d’ordre humanitaire pendant au moins un an (sous-al. 25(1.2)c)(i), art. 40.1, al. 46(1)c.1), para. 63(3), al. 101(1)b), para. 108(3), para. 110(2), et al. 112(2)b.1 de la LIPR). Elles sont également interdites de territoire au Canada pour une période indéterminée (para. 40.1(2) et al. 46(1)c.1) de la LIPR), et font l’objet d’un renvoi du Canada « dès que possible » (para. 48(2) de la LIPR).
[37] L’accueil de la demande de constat de perte de l’asile pourrait entraîner, outre les conséquences juridiques, des conséquences sur l’état de santé du demandeur compte tenu de ses problèmes de santé préexistants.
[38] La décision contestée est totalement muette sur l’ensemble de ces conséquences graves, ce qui constitue une autre erreur de la part de la SPR, et qui justifie l’intervention de la Cour.
L’affaire doit être renvoyée pour nouvelle décision en raison de l’analyse inadéquate effectuée par la SPR
[39] Le défendeur ne conteste pas que la SPR a omis d’évaluer les attributs personnels du demandeur ainsi que l’état de ses connaissances en ce qui concerne les dispositions relatives aux les constats de perte de l’asile, ou qu’elle a omis de tenir compte de la gravité des conséquences pour le demandeur. Il soutient plutôt que la SPR a compris la jurisprudence et le concept du constat de perte de l’asile, qu’elle a appliqués adéquatement. En outre, le défendeur soutient que la SPR a examiné la preuve dont elle disposait et a effectué un exercice de pondération adéquat. Il affirme que, même si la décision contestée ne correspond pas à celle que la Cour aurait rendue, elle était fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle, et était, par conséquent, raisonnable.
[40] En toute déférence, je ne peux pas accepter les arguments du défendeur. Compte tenu des facteurs énoncés par la CAF dans l’arrêt Camayo, l’absence d’analyse, de la part de la SPR, de plusieurs facteurs clés rend la décision contestée déraisonnable. Je reconnais que la SPR aurait pu tirer la même conclusion si elle avait bénéficié de l’arrêt Camayo et avait adéquatement procédé à l’analyse préconisée dans cette affaire. Cependant, comme l’analyse requise n’a, de toute façon, pas été effectuée, la décision contestée ne peut être confirmée.
IV. Conclusion
[41] La demande de contrôle judiciaire est accueillie.
[42] Il n’y a aucune question à certifier.
JUGEMENT dans le dossier IMM-1834-22
LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :
La demande de contrôle judiciaire est accueillie.
L’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SPR pour nouvelle décision.
Il n’y a aucune question à certifier.
« Avvy Yao-Yao Go »
Juge
Traduction certifiée conforme
Sandra de Azevedo, LL.B.
ANNEXE A
Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LC 2001, c 27)
Immigration and Refugee Protection Act (SC 2001, c 27)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
IMM-1834-22
|
INTITULÉ :
|
ABDUL SALAM ABDUL HAMID c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
LE 20 OctobRE 2022
|
JUGEMENT ET MOTIFS :
|
LA JUGE GO
|
DATE DES MOTIFS :
|
LE 10 NovembRE 2022
|
COMPARUTIONS :
Douglas Cannon
|
POUR LE DEMANDEUR
|
Brett Nash
|
POUR LE DÉFENDEUR
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Douglas Cannon
Elgin Cannon & Associates
Vancouver (Colombie-Britannique)
|
POUR LE DEMANDEUR
|
Procureur général du Canada
Vancouver (Colombie-Britannique)
|
POUR LE DÉFENDEUR
|