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Date : 20221110


Dossier : IMM-8221-21

Référence : 2022 CF 1539

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 10 novembre 2022

En présence de madame la juge Pallotta

ENTRE :

KEIVAN ZEINALI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le demandeur, Keivan Zeinali, est un citoyen iranien de 32 ans. Il a été admis à un programme de maîtrise en administration des affaires (MBA) à la Trinity Western University (TWU), en Colombie-Britannique, mais un agent d’immigration (l’agent) a refusé sa demande de permis d’études pour entrer au Canada. L’agent n’était pas convaincu que M. Zeinali quitterait le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

[2] M. Zeinali soutient que la décision de l’agent est à la fois déraisonnable et inéquitable sur le plan procédural. Selon M. Zeinali, la décision contient de nombreux « traits distinctifs du caractère déraisonnable » qui démontrent qu’elle devrait être annulée : Delios c Canada (Procureur général), 2015 CAF 117 au para 27. Il affirme qu’il n’y a aucun lien entre sa demande de permis d’études et les motifs pour la rejeter, ce qui laisse croire que l’agent n’a pas examiné sa demande de manière appropriée. En outre, l’agent n’aurait pas évalué correctement le but de ses études au Canada et il n’aurait pas tenu compte de la preuve substantielle concernant sa situation financière, les liens étroits qui le rattachent à l’Iran et les solides perspectives d’emploi en Iran après l’obtention de son diplôme. M. Zeinali soutient que les réserves de l’agent n’étaient pas fondées sur des lacunes dans la preuve puisque sa demande était complète. L’agent a plutôt rejeté la demande en se fondant sur des conclusions voilées quant à la crédibilité (Al Aridi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2019 CF 381 au para 29 [Al Aridi]) et sur des sources d’information extrinsèques concernant la pertinence des programmes de MBA en Iran. M. Zeinali affirme que la décision était inéquitable sur le plan procédural parce qu’il ne s’est pas vu offrir la possibilité de répondre aux réserves en question.

[3] La question de savoir s’il a été déraisonnable de la part de l’agent de rejeter la demande de permis d’études de M. Zeinali se tranche conformément aux directives fournies par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]. La norme de la décision raisonnable est une norme de contrôle empreinte de déférence, mais rigoureuse : Vavilov aux para 12-13, 75 et 85. La cour de révision ne se demande pas quelle décision elle aurait rendue, ne tente pas de prendre en compte l’éventail des conclusions qu’aurait pu tirer le décideur, ne se livre pas à une analyse de novo, et ne cherche pas à déterminer la solution correcte au problème : Vavilov, au para 83. La cour de révision doit plutôt s’intéresser à la décision effectivement rendue par le décideur administratif, notamment au raisonnement suivi et au résultat de la décision, et se demander si la décision dans son ensemble est transparente, intelligible et justifiée : Vavilov, aux para 15 et 83.

[4] Les allégations de manquement à l’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable qui s’apparente à celle de la décision correcte : Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54 [Chemin de fer Canadien Pacifique]. L’obligation d’équité procédurale est « éminemment variable », intrinsèquement souple et tributaire du contexte : Vavilov, au para 77, citant Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, aux para 22-23 [Baker], entre autres. Le demandeur doit avoir une possibilité valable de présenter ses arguments et de les soumettre à un examen complet et équitable : Baker, au para 32. La question principale est celle de savoir si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances : Chemin de fer Canadien Pacifique, au para 54.

[5] Les motifs pour lesquels l’agent a rejeté la demande de permis d’études de M. Zeinali sont consignés sous forme de notes dans le Système mondial de gestion des cas (SMGC) :

[traduction]
J’ai examiné la demande. Le client cherche à entrer au Canada pour obtenir un diplôme de MBA en commerce international de l’Université Trinity Western. Il est actuellement titulaire d’un diplôme de premier cycle et d’une maîtrise en sciences comptables et il travaille comme comptable et gestionnaire des affaires financières depuis 2007. Le client a fourni une lettre d’engagement non financière qui indique que l’employeur approuverait une augmentation de salaire importante, sous réserve que le client réussisse un programme de gestion des affaires internationales dans un pays développé. Étant donné que le client prévoit être en congé sans solde pendant la durée de ses études au Canada, il est difficile de comprendre pourquoi l’employeur est prêt à laisser le poste vacant pendant au moins deux ans au lieu d’embaucher quelqu’un d’autre qui possède déjà les compétences requises. La lettre de motivation fournie est vague et indique qu’étudier au Canada donnerait plus de temps et d’occasions au client de poser des questions et de tisser des liens. Le client indique également, dans la lettre, qu’il préfère les écoles canadiennes aux écoles locales, car les liens entre les professeurs et les étudiants en Iran ne sont pas étroits. Les liquidités sont démontrées à l’aide de deux relevés bancaires : le relevé bancaire du client indique l’équivalent de 34 780 $ et celui de son père, l’équivalent de 18 594 $ (en utilisant le taux de conversion du marché libre en date d’aujourd’hui). L’historique des transactions est insuffisant en ce qui concerne l’origine de ces fonds, car je constate que la fiche de paie mensuelle du client indique un revenu équivalant à 370 $, tandis que celle du père indique un revenu équivalant à 401 $ (en utilisant le taux de conversion du marché libre en date d’aujourd’hui). Dans l’ensemble, [M. Zeinali] n’a pas réussi à me convaincre que le programme d’études est raisonnable étant donné le coût élevé des études internationales au Canada par rapport aux éventuels avantages en matière de carrière ou d’emploi, aux autres possibilités d’études similaires accessibles localement et à la situation personnelle de [M. Zeinali]. Le client est célibataire et il n’a aucune personne à charge. Compte tenu des liens familiaux du demandeur et des raisons économiques qui le pousseraient à rester au Canada, la motivation de ce dernier à rester au Canada pourrait l’emporter sur les liens qu’il a avec son pays d’origine. Après avoir soupesé les facteurs à prendre en compte dans le cadre de la présente demande, je ne suis pas convaincu que le demandeur respectera les conditions imposées aux résidents temporaires. Pour les motifs énoncés précédemment, je rejette la présente demande.

[6] M. Zeinali soutient que les motifs sont arbitraires et non étayés par la preuve, et que l’agent a commis un certain nombre d’erreurs susceptibles de contrôle. L’agent : i) a outrepassé son rôle en assumant celui d’un consultant en affaires en ce qui concerne les décisions de l’employeur en matière de recrutement (Adom c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2019 CF 26 aux para 16-17 [Adom]); ii) a qualifié à tort sa lettre de motivation de [traduction ] « vague », et n’a pas tenu compte des principales raisons qui l’incitent à étudier au Canada plutôt qu’en Iran pour y obtenir un MBA; iii) n’a pas justifié ses réserves quant au coût élevé des études internationales et à la source des fonds; la preuve permettait de conclure que les fonds étaient suffisants pour couvrir les frais liés au programme de deux ans et les frais de subsistance, et il ne revient pas à l’agent de déterminer la valeur d’une formation (Lingepo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 552 aux para 17 et 18); iv) a fondé ses réserves concernant les [traduction] « liens familiaux du demandeur et [l]es raisons économiques qui le pousseraient à rester au Canada » sur des généralisations non fondées concernant le fait d’être célibataire et sans personne à charge, au lieu de tenir compte de la preuve selon laquelle il n’a pas de famille au Canada, a de fortes attaches familiales en Iran, ainsi que des perspectives d’emploi et des biens en Iran (Rahmati c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 778 au para 18 [Rahmati]; Peiro c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1146 aux para 21-23 [Peiro]).

[7] Je ne suis pas convaincue que la décision de l’agent était déraisonnable ou inéquitable sur le plan procédural.

[8] Comme il a été mentionné précédemment, le contrôle en fonction de la norme du caractère raisonnable porte sur le raisonnement sous-jacent et le résultat de la décision rendue par le décideur : Vavilov, au para 83. La cour de révision doit d’abord examiner les motifs de la décision et chercher à comprendre le fil du raisonnement suivi par le décideur pour en arriver à sa conclusion : Vavilov, aux para 84-85. Ce faisant, les motifs de la décision doivent être interprétés de façon globale et contextuelle : Vavilov, au para 97. Le contexte comprend, par exemple, les éléments de preuve dont disposait le décideur, les observations présentées et le « cadre institutionnel », y compris les objectifs et les réalités pratiques du régime administratif : Vavilov, aux para 91-98.

[9] Il incombe au demandeur de permis d’études de convaincre l’agent des visas qu’il quittera le Canada à la fin de son séjour autorisé : Penez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1001 au para 10 [Penez]. Les agents des visas jouissent d’un vaste pouvoir discrétionnaire lorsqu’ils apprécient la preuve pour établir si cette condition est remplie, et il convient de faire preuve de retenue à l’égard de leurs décisions : Penez, au para 10; Nimely c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 282 au para 7 [Nimely]. Les agents des visas ne sont pas tenus de fournir des motifs exhaustifs lorsqu’ils rendent une décision, compte tenu du grand volume de décisions qu’ils doivent rendre : Nimely, au para 7.

[10] À mon avis, les motifs démontrent que l’agent a soupesé les éléments de preuve et qu’il a pris en compte de multiples facteurs pour conclure que M. Zeinali ne s’était pas acquitté du fardeau qui lui incombait. Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que l’agent a été attentif aux détails de la demande. M. Zeinali n’a pas relevé d’inexactitudes factuelles dans les notes du SMGC et, contrairement à ce qu’il affirme, les motifs ne sont pas arbitraires ni sans lien avec la demande de permis d’études au point où on pourrait soupçonner que l’agent ne l’a pas examinée. À mon avis, les notes démontrent que l’agent a lu et compris la demande de M. Zeinali.

[11] Je ne suis pas d’accord avec M. Zeinali pour dire que l’agent n’a pas évalué correctement la raison pour laquelle il a choisi d’étudier au Canada. À mon avis, l’objectif des études était au centre des réserves de l’agent.

[12] Dans sa demande de permis d’études, M. Zeinali expliquait que la raison pour laquelle il voulait obtenir un MBA au Canada était la progression de sa carrière en Iran. Il y précisait qu’un diplôme d’études supérieures obtenu dans un pays comme le Canada lui permettrait d’apprendre des techniques de négociation internationale et conférerait une perspective internationale à sa carrière. M. Zeinali affirmait que son employeur actuel essayait d’attirer des investissements et des clients étrangers, et qu’en ajoutant un MBA à ses diplômes en comptabilité, il serait promu à un poste de gestion des affaires internationales. À cet égard, M. Zeinali s’est appuyé sur une lettre d’engagement de l’employeur, dans laquelle ce dernier indiquait que lorsqu’il sera diplômé d’un programme de gestion des affaires internationales dans un pays développé [traduction] « avec mention d’excellence », il se verra offrir un poste de directeur de la planification et des affaires internationales avec une augmentation salariale de 70 % et, sous réserve de l’approbation du conseil d’administration, la possibilité d’acheter des actions de la société.

[13] L’agent a fait observer que l’employeur était disposé à offrir une rémunération plus élevée, mais qu’il n’était pas convaincu que le programme d’études proposé par M. Zeinali était raisonnable [traduction] « étant donné le coût élevé des études internationales au Canada par rapport aux éventuels avantages en matière de carrière ou d’emploi, aux autres possibilités d’études similaires accessibles localement et à la situation personnelle de M. Zeinali ». En lisant les notes du SMGC dans leur contexte, il est possible de comprendre les réserves de l’agent quant au caractère raisonnable du programme d’études proposé à la lumière des facteurs mentionnés.

[14] En ce qui concerne les avantages potentiels en matière de carrière ou d’emploi, l’agent a utilisé le taux de conversion du marché libre pour convertir la monnaie iranienne en monnaie canadienne et il a calculé que le salaire mensuel de M. Zeinali équivalait à 370 $. M. Zeinali n’a pas soulevé d’erreur dans le calcul effectué par l’agent. Une fois annualisée, une augmentation salariale de 70 % équivaudrait en dollars canadiens à environ 3 100 $. Le coût du programme d’études de deux ans au Canada, selon l’estimation de M. Zeinali, est d’environ 90 000 $.

[15] L’agent n’a pas joué le rôle d’un consultant en affaires ni remis en question l’engagement de l’employeur, et le principe énoncé dans la décision Adom ne s’applique pas. L’agent a soulevé un doute légitime en se fondant sur les affirmations de M. Zeinali selon lesquelles les principales raisons pour lesquelles il voulait entreprendre un MBA au Canada se rapportaient aux besoins de son employeur et à la perspective de répondre à ces besoins à son retour en Iran deux ans plus tard, fort d’une expérience universitaire internationale. Il n’était pas déraisonnable de la part de l’agent de se demander pourquoi les besoins de l’employeur ne pouvaient pas être satisfaits plus promptement.

[16] Bien que l’agent ait peut-être trop insisté sur le fait que la lettre de motivation était [traduction] « vague », à mon avis, cela n’équivaut pas à une erreur susceptible de contrôle. M. Zeinali a décrit de façon générale les raisons qui le motivaient à suivre un deuxième programme de maîtrise au Canada plutôt qu’en Iran, en faisant des affirmations générales sur les lacunes perçues du système d’éducation et sur les options de MBA en Iran. Par exemple, il a affirmé que l’Iran et les pays voisins n’offraient pas de cours de MBA pratiques et utiles, et qu’il s’attendait à ce que le programme canadien lui permette d’établir de meilleures relations avec les professeurs et les autres étudiants, d’acquérir de meilleures compétences en matière d’analyse de données, d’effectuer des stages dans de grandes entreprises et de suivre des cours qui ne sont pas offerts en Iran, mais qui sont [traduction] « très importants pour l’objectif [qu’il s’est] fixé ». La lettre n’indique pas les programmes locaux de MBA que M. Zeinali a comparés ni comment les lacunes de certains programmes justifient les dépenses engagées pour suivre un programme d’études international et prendre un congé de deux ans (M. Zeinali a travaillé pour son employeur pendant qu’il suivait des études postsecondaires à temps plein en Iran). Il est possible de comprendre pourquoi l’agent a perçu la lettre de motivation comme étant vague lorsque l’affirmation de ce dernier est examinée dans le contexte de l’ensemble des motifs et du dossier : Vavilov, au para 94.

[17] En ce qui concerne sa situation personnelle, M. Zeinali allègue que l’agent a commis une erreur dans l’évaluation de sa situation financière. M. Zeinali affirme que le site Web du gouvernement du Canada indique que les étudiants qui demandent un permis d’études ne sont tenus de démontrer leur capacité financière que pour la première année d’études. Il a payé des droits de scolarité totalisant près de 10 000 $ et a suffisamment d’argent pour s’acquitter du solde dû. De plus, M. Zeinali soutient que l’agent a commis une erreur en s’interrogeant sur la source des fonds en banque, car il avait indiqué dans sa demande qu’il recevait des revenus locatifs de trois propriétés et qu’une partie de son solde bancaire provenait de la liquidation de placements dans les secteurs de l’or et de l’automobile.

[18] Selon mon interprétation des notes de l’agent, ses réserves ne se rapportaient pas à l’insuffisance de fonds pour payer les droits de scolarité liés au programme d’études; elles se rapportaient plutôt au caractère raisonnable du programme d’études proposé compte tenu de divers facteurs, dont la situation financière de M. Zeinali. À cet égard, l’agent ne s’est pas prononcé sur la valeur des apprentissages visés. La raison pour laquelle M. Zeinali souhaite étudier au Canada est d’ordre économique; elle se traduit par l’avancement professionnel et une augmentation salariale. L’agent a calculé que M. Zeinali et son père disposent ensemble de l’équivalent d’environ 53 000 $ en banque. Même avec l’aide financière de son père, le total des frais estimés du programme d’études est supérieur au montant d’argent disponible en banque. M. Zeinali invoque les contrats de location comme preuve de revenus locatifs réguliers, mais ceux-ci ne permettent pas de démontrer qu’il reçoit effectivement de l’argent lié à la location ou quel est le montant net, déduction faite des dépenses. M. Zeinali n’a pas fourni un historique de transactions ou de dépôts bancaires ni d’autres éléments de preuve qui feraient état d’une source de revenus futurs régulière, telle que des revenus locatifs. Aucune preuve n’indique la part du solde bancaire provenant des placements liquidés ni la valeur des placements restants de M. Zeinali.

[19] M. Zeinali affirme qu’il est difficile de savoir comment l’agent a conclu qu’il avait des raisons économiques pour rester au Canada, compte tenu de la preuve démontrant qu’il s’était fait offrir une promotion assortie d’une rémunération beaucoup plus élevée et qu’il possède des propriétés en Iran. S’appuyant sur la décision Peiro (aux paragraphes 21-23), il affirme que l’agent a commis une erreur en ne justifiant pas le recours à des raisons économiques pour expliquer pourquoi il pourrait dépasser la durée permise de son séjour. Cependant, dans la décision Peiro, la Cour a conclu que le raisonnement de l’agent était fondé sur de simples suppositions sans véritable fondement factuel : Peiro, au para 22. On ne peut pas en dire autant du raisonnement de l’agent en l’espèce. Les éléments de preuve indiquent que les frais liés au programme d’études offert par la TWU pourraient épuiser les économies de M. Zeinali, et que la hausse salariale qu’il espère recevoir grâce à une promotion, qui est l’une des principales motivations pour suivre un programme d’études international, ne représente qu’une fraction de ces frais.

[20] M. Zeinali fait fausse route en invoquant la décision Rahmati, car, dans cette affaire, l’agent avait invoqué les liens familiaux au Canada et en Iran comme motif de refus du permis d’études, sans mentionner les liens familiaux dans les notes du SMGC et sans fournir de fondement probant. Dans l’affaire qui concerne M. Zeinali, l’agent a souligné à juste titre que sa situation familiale était celle d’un célibataire sans personne à charge, et il a considéré qu’il s’agissait d’un aspect à prendre en compte dans l’évaluation de son degré de motivation à retourner en Iran. Les agents des visas sont en droit d’évaluer la solidité des liens qui unissent le demandeur à son pays d’origine ou qui l’attirent vers ce dernier par rapport aux mesures incitatives qui pourraient inciter l’étranger à dépasser la durée permise de son séjour : Chhetri c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 872 au para 14. M. Zeinali n’a pas établi l’existence d’une erreur susceptible de contrôle dans l’appréciation des raisons économiques ou des liens familiaux effectuée par l’agent.

[21] M. Zeinali soutient qu’il s’est acquitté de son obligation de présenter une preuve suffisante à l’appui de sa demande, et l’agent n’a pas précisé la raison pour laquelle la preuve n’était pas suffisante ni ce qui aurait été considéré comme une preuve corroborante adéquate qui permettrait qu’une décision favorable soit rendue : Ayeni c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1202 au para 28. Toutefois, à part le fait de relever l’absence de preuve concernant les transactions bancaires, la décision de l’agent n’était pas fondée sur le défaut de fournir une preuve « suffisante ». M. Zeinali a expliqué les raisons pour lesquelles il serait motivé à retourner en Iran, et l’agent a apprécié ces raisons au vu de la preuve dont il disposait pour conclure qu’il ne s’était pas acquitté du fardeau qui lui incombait de le convaincre qu’il quitterait le Canada à la fin de la période de son séjour autorisée. L’agent a expliqué pourquoi il était parvenu à cette conclusion. Interprété de façon globale et contextuelle eu égard au dossier, le raisonnement de l’agent est transparent, intelligible et justifie la décision : Vavilov aux para 97 et 103.

[22] Comme il est indiqué précédemment, M. Zeinali soutient également que la décision était inéquitable sur le plan procédural.

[23] M. Zeinali s’appuie sur la décision Al Aridi pour faire valoir que les motifs véritables pour rejeter sa demande de permis d’études tenaient à des réserves quant à la crédibilité, soit celles relatives à sa motivation d’étudier au Canada, à son intention de retourner en Iran, à la source de ses fonds et à l’engagement de son employeur. En outre, M. Zeinali affirme que l’agent s’est appuyé sur une preuve extrinsèque concernant des options de programmes inconnues qui seraient accessibles localement en Iran : Afuah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 596 au para 15 [Afuah]; Yuzer c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 781 aux para 21-22 [Yuzer]. À ce titre, M. Zeinali soutient que l’agent avait l’obligation de lui offrir la possibilité de dissiper les réserves en question.

[24] Lorsque l’agent des visas soulève des doutes quant à la crédibilité, la véracité ou l’authenticité des renseignements présentés à l’appui d’une demande, il lui incombe de donner au demandeur l’occasion de dissiper ces doutes. Cela n’est toutefois pas le cas lorsque la décision de l’agent est fondée sur le caractère suffisant des éléments de preuve présentés par le demandeur ou sur le défaut de ce dernier de satisfaire aux exigences législatives : Noulengbe c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1116 au para 10; Perez Pena c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 491 au para 35. Le paragraphe 35 de la décision rendue par la Cour dans l’affaire Ibabu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1068 fournit une explication utile de la distinction à faire entre ces deux situations :

[35] Une conclusion défavorable sur la crédibilité est différente d’une conclusion quant à l’insuffisante de la preuve ou quant au défaut du demandeur de s’acquitter du fardeau de la preuve. Comme la Cour l’a déclaré dans Gao c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 59, au paragraphe 32, et l’a réaffirmé dans Herman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 629, au paragraphe 17, « [o]n ne peut toutefois pas présumer que, lorsque l’agente conclut que la preuve ne démontre pas le bien‑fondé de la demande du demandeur, l’agente n’a pas cru le demandeur ». Ce principe a été repris sous une forme différente dans Ferguson c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1067, au paragraphe 23, dans lequel le juge Zinn a déclaré que, même si un demandeur s’est acquitté de sa charge de présentation de la preuve parce qu’il a présenté des éléments de preuve pour chaque fait essentiel, il pourrait ne pas s’être acquitté de la charge de persuasion parce que la preuve présentée n’établit pas les faits requis, selon la prépondérance de la preuve.

[25] Je ne suis pas convaincue que l’agent a tiré des conclusions voilées quant à la crédibilité, la véracité ou l’authenticité des renseignements que M. Zeinali a présentés à l’appui de sa demande de permis d’études. L’agent était en droit d’évaluer le poids de la preuve, et celle-ci ne l’a pas convaincu que le but recherché des études au Canada, soit l’amélioration des perspectives d’emploi en Iran, et plus particulièrement des perspectives auprès de l’employeur actuel de M. Zeinali, était raisonnable compte tenu des frais liés au programme d’études de la TWU, des avantages professionnels escomptés, des lacunes des programmes d’études locaux et de la situation personnelle de M. Zeinali.

[26] Je ne suis pas d’accord avec le fait que l’agent se soit appuyé sur une preuve extrinsèque relativement aux programmes de MBA en Iran. Dans sa demande, M. Zeinali indiquait qu’il existait des options accessibles localement, mais que celles-ci ne s’avéraient pas optimales ou adéquates par rapport au programme d’études offert par la TWU. Selon mon interprétation des motifs, les lacunes des options accessibles localement évoquées par le demandeur n’étaient pas suffisamment convaincantes pour permettre à l’agent de conclure que le coût élevé des études internationales au Canada était raisonnable. Quoi qu’il en soit, les décisions Afuah et Yuzer n’appuient pas l’argument de M. Zeinali selon lequel, suivant le principe d’équité, l’agent qui se fonde sur sa connaissance des options accessibles localement est tenu d’offrir la possibilité de répondre aux réserves soulevées. Dans l’affaire Afuah, le demandeur n’avait pas établi l’existence d’un manquement à l’équité procédurale. Dans la décision Yuzer, la Cour a rejeté un argument similaire à celui de M. Zeinali, jugeant que l’agent n’avait pas manqué à l’obligation d’équité procédurale en s’appuyant sur son expertise particulière en matière de programmes d’études convenables offerts localement : Yuzer, au para 18.

[27] Pour les motifs exposés précédemment, je conclus que M. Zeinali n’a pas établi que la décision de l’agent était déraisonnable ou inéquitable sur le plan procédural. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Les parties n’ont proposé aucune question grave de portée générale à certifier, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-8221-21

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Christine M. Pallotta »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-8221-21

 

INTITULÉ :

KEIVAN ZEINALI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 4 JUILLET 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE PALLOTTA

 

DATE DES MOTIFS :

LE 10 novembre 2022

 

COMPARUTIONS :

Samin Mortazavi

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Jocelyne Mui

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pax Law Corporation

Avocat

North Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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